II. Ressenti des patients
2. Économies
a. Économies pour le système de soins
Parmi les 20 personnes interrogées, 2 ont évoqué spontanément la question de la
consommation médicale et du rôle que pourrait jouer ce type de prescription concernant le
coût de la santé. La plupart du temps, ce thème n’a donc été abordé que lorsqu’il était abordé
par l’investigateur, comme prévu dans le guide d'entretien. Au total, 17 personnes sur 20 ont
estimé que ces prescriptions différées pouvaient favoriser la diminution de la consommation
médicale. La plupart soulignaient le fait que ce type de prescription permet d’éviter une
nouvelle consultation pour le même problème de santé, et donc d’éviter à la Sécurité Sociale
un nouveau remboursement.
E6 : « Je n’y ai pas vraiment pensé je vous avoue, je voyais plus le côté pratique pour moi, mais oui c’est vrai, au lieu de nous rembourser 2 ou 3 consultations on ne nous en rembourse qu’une. A mon échelle ce n’est pas beaucoup, mais multiplié par le nombre de patients en France, oui ça doit faire des économies je suppose. Je vous avoue qu’on n'y pense jamais vraiment à ça quand on va chez le docteur. »
Ces prescriptions permettent également, si le problème de santé se règle
spontanément avec le premier traitement ou avec le temps, de limiter les examens
complémentaires inutiles, et de limiter la consommation et donc la délivrance de
médicaments inutiles.
E5 : « j’espère qu’au moins 50% des gens qui vont agir comme moi, qui vont attendre, ne vont pas reconsulter, et qui par exemple n’utiliseraient pas ces séances de kiné non nécessaires qui sont entre guillemet gratuites mais en fait c’est la Sécu qui paye »
E7 : « C’est bien en fait. Et puis ça marche même dans le sens où ce bilan sanguin n’était pas indispensable, si on l’avait fait tout de suite ça aurait coûté de l’argent pour rien. »
Un patient a évoqué le fait que ce type de prescription peut éviter des passages
inappropriés aux urgences, dont le coût est bien plus élevé qu’une consultation chez un
médecin généraliste, si les patients ne peuvent reconsulter leur médecin après un traitement
de première intention inefficace.
E12 : « Et puis ça coûte beaucoup plus cher je pense un passage aux urgences qu’une consultation chez son médecin. »
Concernant les prescriptions différées d’antibiotiques, des patients soulignent le fait
que ces médicaments sont délivrés par la pharmacie avant la date de besoin réel du
médicament. Dans un grand nombre de cas, ce médicament n’est pas utilisé et donc stocké
chez les patients, ce qui aboutit soit à du gaspillage, soit à un risque d'automédication
ultérieure. Une des personnes interrogées a mentionné le rôle important du pharmacien pour
éviter ces délivrances trop précoces, et donc le gaspillage de médicaments.
E17 : « Après ce qui est dommage c’est que j’ai une boîte de ZITHROMAX® dans mon tiroir, donc ça c’est un peu du gaspillage, et la Sécu l’a remboursé. »
E16 : « si les pharmaciens ne délivrent pas les médicaments oui, ça évite que la Sécu rembourse des boîtes de médicaments qui ne servent à rien »
A contrario, certains patients se sont montrés plus réservés sur l’impact possible de la
prescription différée sur les économies de santé, voire carrément pessimistes.
E10 : « Peut-être avec le fait que l’on ne retourne pas une 2ème fois chez le médecin. Mais bon
je ne suis pas sûr que ce sont ces prescriptions qui vont améliorer les choses. »
E11 : « Ça fait 20 ans qu’on entend ça, ''le trou de la Sécu'', ''la santé ça coûte cher'', je ne pense pas que c’est avec ça qu’on va arranger le trou de la Sécu »
E18 : « Je pense que ça serait plutôt le contraire, par rapport aux gens qui abuseraient de ces prescriptions et qui feraient les examens d’office ou qui n’attendraient pas pour prendre le 2ème
médicament. Et du coup c’est la Sécu qui rembourse ces examens inutiles. »
b. “Les autres abusent”
Le principal frein évoqué quant aux économies de santé possiblement engendrées par
les prescriptions différées était le risque que certains patients ne respectent pas les consignes
données par le médecin, utilisant la prescription avant le délai imparti. Cela conduisait même
à évoquer d’autres dépenses de santé, avec l’idée largement répandue (11 personnes sur 20)
que les difficultés du système de soins viendraient des comportements déviants des “autres”,
qui abuseraient de ce système.
E2 : « peut-être que d’autres types de patients ne suivraient pas le traitement original et prendraient directement l’antibiotique pour être guéris plus rapidement […] je pense malheureusement que la mentalité française c’est plus de prendre directement le traitement antibiotique que d’attendre »
E11 : « […] il faudrait surtout que les gens arrêtent de se mettre en arrêt maladie, et puis il y a tous ces patients qui ont la CMU et qui croient que tout est gratuit […] je pense qu’il faut tout changer »
E19 : « je pense surtout qu’il y a d’autres dépenses qu’il faudrait améliorer, moi je suis surtout interloqué par le nombre de personnes, et même dans mon entourage, qui demandent des bons de transport, et ça ça coûte tellement cher »
Certains patients ont également souligné le fait que ces prescriptions différées
n’étaient pas adaptées à tous les patients, pour différentes raisons :
le médecin peut mal expliquer les consignes au patient,
les consignes données par le médecin peuvent être mal comprises par le patient,
c’est au médecin de savoir à qui il délivre ces ordonnances, en fonction de la confiance
qu’il accorde à son patient.
E10 : « je pense qu’il ne faut pas que les médecins donnent ce type de prescription à tout le monde, […] peut-être que certains patients pourraient ne pas comprendre les consignes, ou que le médecin leur a mal expliqué. »
c. Le corps épargné
Un avantage des prescriptions différées évoqué par les patients lors des entretiens est
le fait qu'elles permettent au patient de préserver son corps, en évitant d’ingérer des
traitements antibiotiques, ou de subir des examens complémentaires non indispensables.
E4 : « comme je n’aime pas donner des médicaments à mes enfants je suis plutôt pour » E12 : « ce n’est pas plus mal de voir si ça passe juste avec quelques anti-douleurs »
E14 : « ça évite aussi de faire des analyses d’emblée alors qu’elles ne sont pas forcément indispensables »