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Économie et Statistique n° 419-420, 2008

Résumés

La présente étude s’inscrit dans la littérature récente sur les déterminants de la croissance selon la position technologique des pays. Outre les effets respectifs de l’éducation et des régulations sur les marchés des biens et du travail, elle explore aussi une possible interaction entre ces régulations.

Des données portant sur 17 pays de l’OCDE sont mobi-lisées sur la période 1985-2003. Les principaux résul-tats originaux obtenus sont la caractérisation des effets du niveau de formation de la population en âge de tra-vailler et des rigidités sur les marchés des biens et du travail sur la croissance de la productivité globale des facteurs (PGF). Pour les pays proches de la frontière technologique, ces effets seraient très significatifs. Une interaction entre les rigidités s’exerçant sur les deux marchés ressort nettement. Le fort impact du niveau d’éducation supérieure et des rigidités sur la croissance de la PGF semble traduire à la fois une influence directe

et un effet transitant indirectement par la diffusion des TIC. Enfin, concernant le marché des biens, les compo-santes « barrières à l’entrée », « structure du marché » et « degré d’intégration verticale » paraissent avoir une influence importante. Pour les pays éloignés de la fron-tière technologique, les résultats des estimations indi-quent que le niveau de formation supérieure de la popu-lation en âge de travailler et les rigidités sur les marchés des biens et du travail n’ont pas nécessairement une influence significative sur la croissance de la PGF.

Ces résultats soulignent l’importance des gains de croissance de la productivité, et donc de croissance potentielle, que certains pays industrialisés, principale-ment européens dont la France, pourraient attendre de la mise en œuvre de politiques visant à élever le niveau de formation de la main-d’œuvre en âge de travailler et à réduire simultanément les rigidités sur les marchés des biens et du travail.

Distance à la frontière technologique, rigidités de marché, éducation et croissance

Philippe Aghion, Philippe Askenazy, Renaud Bourlès, Gilbert Cette et Nicolas Dromel

La concentration spatiale persistante de certains sec-teurs d’activité s’explique difficilement sans admettre l’existence d’économies d’agglomération. L’estimation quantitative de l’ampleur de ces économies d’agglomé-ration a récemment connu un regain d’intérêt du fait de la disponibilité croissante de données fines au niveau des entreprises. En utilisant trois fichiers administratifs concernant la comptabilité et l’emploi des entreprises françaises, nous mesurons dans cet article l’impact sur la productivité globale des facteurs de ces entreprises des externalités d’urbanisation, à savoir celles liées à la taille globale, à l’accessibilité et à la diversité industrielle de la zone d’implantation, et des externalités de loca-lisation, qui se rapportent au niveau de spécialisation d’une zone d’activité.

Notre étude souligne tout d’abord la prégnance des pre-mières : nous concluons à l’existence d’un impact posi-tif et significaposi-tif de l’accessibilité d’une zone au reste du marché national ainsi que de la densité de son tissu économique sur la productivité moyenne des entrepri-ses. À ces externalités d’urbanisation, s’ajoutent des effets locaux très significatifs de la spécialisation, sug-gérant l’existence d’externalités de localisation. Ainsi

les entreprises sont, en moyenne, plus productives dans les zones où leur industrie est relativement plus concentrée.

En revanche, la diversité des activités économiques locales n’influerait que très peu sur la productivité.

De même, le degré de concurrence locale n’aurait, en moyenne, pas d’effets sur la productivité des entrepri-ses d’un cluster.

L’étude fine des voies de production, de diffusion et de captation de ces externalités constituerait certainement une extension utile à la nôtre ; nous suggérons un pre-mier élément de réponse sans toutefois pouvoir conclu-re. Nous trouvons en effet que les agents qualifiés sem-blent jouer un rôle essentiel dans ces trois processus : une fois que l’on a tenu compte de la qualité de leur main-d’œuvre, les firmes les plus productives demeu-rent bien celles qui évoluent dans un environnement où la main-d’œuvre locale est la plus qualifiée, suggé-rant que les employés qualifiés sont les plus à même de capter et de diffuser des externalités de production.

Toutefois la causalité de cette relation reste difficile à certifier.

Économies d’agglomération et productivité des entreprises : estimation sur données individuelles françaises

Yoann Barbesol et Anthony Briant

Dans le cadre de la comptabilité de la croissance, un paramètre essentiel, l’élasticité de la production au capital informatique, est calibré en utilisant la part de la rémunération du capital informatique dans la valeur ajoutée (Mairesse, Cette et Kocoglu, 2000). L’objectif du papier est d’estimer économétriquement ce paramètre clé.

Nous utilisons ici des données d’entreprises très riches, issues des déclarations fiscales des Bénéfices Réels Normaux et des Déclarations Annuelles de Données Sociales, pour estimer ce paramètre économétrique-ment. Ces données fournissent, entre autres, des infor-mations sur le stock d’immobilisations corporelles en matériel de bureau, mobilier et informatique. C’est à

Élasticité de la production au capital informatique : estimations à l’aide de données d’entreprises

Yoann Barbesol, Thomas Heckel et Simon Quantin

partir des données sur ce poste des immobilisations qu’est construite notre mesure du capital informatique.

Nos résultats suggèrent une élasticité de la production de 0,9 % au capital informatique, soit significativement supérieure à la part de la rémunération du capital infor-matique dans la production qui est de 0,5 %. Différents tests de robustesse corroborent ce résultat, dont l’ori-gine semble liée à l’existence probable de rendements

excédentaires (« excess return ») du capital informati-que, que ne permet pas de mesurer la méthode tradi-tionnelle de la comptabilité de la croissance.

Enfin, utilisant cette mesure de l’élasticité, nous déga-geons une estimation de la contribution agrégée du capital informatique à la croissance de la valeur ajoutée de l’ordre de 0,7 %.

Dans quelle mesure les différences internationales de gains de productivité horaire du travail au niveau sec-toriel peuvent-elles s’expliquer par des différences d’intensité concurrentielle au sein des secteurs ? Les résultats d’une étude menée au niveau sectoriel au sein d’un ensemble de pays de l’OCDE et évaluant le degré de concurrence à partir de markups estimés éco-nométriquement, indiquent la présence d’une relation non linéaire entre concurrence et gains de productivité du travail. Une augmentation de la concurrence serait bénéfique à la croissance de la productivité dans les secteurs où la concurrence est faible, mais néfaste au-delà d’un certain seuil. Ce dernier effet négatif paraît cependant fragile : le degré de concurrence n’a aucun effet significatif sur les gains de productivité lorsque l’échantillon d’analyse comprend uniquement les sec-teurs les plus concurrentiels. Ainsi un accroissement de la concurrence augmenterait la productivité dans les secteurs peu concurrentiels mais serait sans effet sur les secteurs les plus concurrentiels.

Par ailleurs, l’effet de la concurrence sur les gains de productivité diffère selon le type de secteur. Dans les secteurs manufacturiers, caractérisés en moyenne par une concurrence et des coûts irrécouvrables rela-tivement élevés, une intensification de la concurrence conduirait à un ralentissement des gains de productivité.

Comme le suggère la Commission européenne (Roeger et al., 2008), des marges suffisamment élevées seraient nécessaires pour stimuler l’innovation dans ces secteurs.

En revanche, dans les services, où les coûts irrécouvra-bles sont moins présents et la concurrence relativement faible en moyenne, un accroissement de la concurrence favoriserait toujours les gains de productivité.

Une étude approfondie du rôle de la recherche-déve-loppement et plus généralement des coûts irrécou-vrables, devrait compléter cette analyse afin de mieux comprendre les raisons de l’opposition entre services et secteurs manufacturiers dans la relation entre concur-rence et gains de productivité.

La concurrence favorise-t-elle les gains de productivité ? Analyse sectorielle dans les pays de l’OCDE

Romain Bouis et Caroline Klein

Le développement des études sur données d’entrepri-ses a mis en évidence la forte dispersion de la produc-tivité entre les entreprises, même dans des secteurs d’activité définis de façon étroite. Il existe donc des marges importantes de rattrapage pour les entreprises les moins productives. Leur convergence vers le niveau des firmes les plus productives peut constituer un élé-ment important de la dynamique de la productivité au niveau macroéconomique.

Cet article apporte un éclairage sur cette convergence, dans les années 1990 et 2000, en France et sur quel-ques-uns des facteurs qui pourraient l’expliquer. Ainsi, la convergence a été plus forte pour la productivité du

travail que pour la productivité globale des facteurs.

Mais surtout, la vitesse de convergence a diminué au cours des années 1990, ce qui s’explique principale-ment par une accélération de la productivité des firmes à la frontière technologique, c’est-à-dire de celles qui étaient déjà les plus productives.

Trois facteurs d’explication sont avancés à ces faits stylisés : la mondialisation et les technologies de l’infor-mation auraient bénéficié davantage aux firmes les plus productives, tandis que l’accroissement de la concur-rence aurait à la fois stimulé la productivité des firmes à la frontière et découragé la convergence des firmes les moins productives.

Convergence de la productivité des entreprises, mondialisation, technologies de l’information et concurrence

Paul-Antoine Chevalier, Rémy Lecat et Nicholas Oulton

Entre 1950 et 1973, un processus de convergence des niveaux de productivité du travail était observable entre les États-Unis, considérés comme le leader technolo-gique du monde, et les pays d’Europe de l’Ouest et le Japon. Mais ce processus s’est progressivement atté-nué pour disparaître complètement depuis 1995. Cette étude vise à expliquer les raisons de l’interruption de ce processus de convergence. À cette fin, elle utilise les tests économétriques développés par Bai et Perron pour déterminer les dates de rupture des tendances.

Aux États-Unis, la croissance de la productivité du travail accélère à partir de 1992, tandis qu’elle ralentit dans la plupart des pays européens. Le progrès technologique, lié au développement des technologies de l’information

et de la communication (TIC), explique une partie du regain de la productivité du travail aux États-Unis, mais en revanche, il ne cadre pas avec le ralentissement de la croissance de la productivité du travail en Europe. En effet, même si son taux d’investissement en TIC est en retrait par rapport à celui des États-Unis, il s’est accru considérablement. Une explication essentielle tient à l’intensité du contenu en emplois de la croissance.

Alors qu’il diminue nettement aux États-Unis, il s’accroît sensiblement en Europe où il permet de réduire le chô-mage de masse. Les données les plus récentes, pour l’année 2008, confirment le diagnostic de non-conver-gence des tendances de productivité du travail.

Productivité du travail : la fin du processus de convergence ?

Clément Bosquet et Michel Fouquin

Économie et Statistique n° 419-420, 2008

Summaries

This study ties in with recent literature on how a coun-try’s growth determinants are shaped by its technologi-cal position. In addition to the effects of education and regulations on the goods market and labour market, we also explore potential interaction between these regulations.

We use data on 17 OECD countries for the period 1985-2003. Our main novel findings are the character-ization of the effects of (1) the education level of the working-age population and (2) rigidities in the goods market and labour market on total factor productivity (TFP) growth. For countries close to the technological frontier, the effects seem very significant. An interaction between the rigidities in the two markets is clearly vis-ible. The strong impact of higher-education level and rigidities on TFP growth appears to reflect a direct

influ-ence and an indirect effect via the diffusion of ICTs. In the goods market, the “entry barriers”, “market struc-ture”, and “degree of vertical integration” seem to have a major influence. For countries far from the technologi-cal frontier, our estimates show that the higher-educa-tion level of the working-age populahigher-educa-tion and rigidities in the goods market and labour market do not necessarily have a significant impact on TFP growth.

These results underscore the importance of gains in productivity growth, and therefore in potential GDP growth, that some industrialized countries—mainly in Europe, including France—could expect from policies aimed at raising the education level of the working-age population and at reducing rigidities in the goods mar-ket and labour marmar-ket.

Distance from the Technological Frontier, Market Rigidities, Education, and Growth

Philippe Aghion, Philippe Askenazy, Renaud Bourlès, Gilbert Cette, and Nicolas Dromel

The persistent spatial concentration of certain activ-ity sectors is hard to explain without admitting the existence of agglomeration economies. Interest in the quantitative estimation of these gains has recently revived thanks to the increasing availability of detailed data at enterprise level. Using three administrative databases on French corporate accounts and employ-ment, we assess the impact on these enterprises’

total factor productivity of urbanization externalities, i.e., those created from total size, accessibility, and industrial diversity of the location area, and localization externalities, which relate to the level of specialization of an activity area.

Our study begins by emphasizing the importance of the former: we find a positive, significant impact of an area’s accessibility to the rest of the national market as well of the density of its economic fabric on average business productivity. In addition to these urbanization externalities, specialization has powerful local effects, suggesting the existence of localization externalities. In

sum, firms are more productive, on average, in areas where their industry is relatively more concentrated.

By contrast, we find that the diversity of local economic activities appears to have little influence on productivity.

Similarly, the degree of local competition does not, on average, affect the productivity of firms in a cluster.

A detailed study of the channels through which these externalities are produced, disseminated, and cap-tured would certainly provide a useful extension to our research. We suggest an initial answer, but without being able to draw firm conclusions. We find that skilled agents appear to play a crucial role in the three processes (pro-duction, dissemination, and capture): when the quality of the workforce is taken into account, the most productive firms are indeed those that operate in an environment offering the highest-skilled local labour. This suggests that skilled employees are the most likely to capture and disseminate production externalities. However, the cau-sality of this relationship remains hard to establish.

Agglomeration Economies and Business Productivity: an Estimate on French Individual Data

Yoann Barbesol and Anthony Briant

We calibrate a key parameter of growth accounting—

the IT capital elasticity of production—by using the share of returns to IT capital in value added (Mairesse, Cette, and Kocoglu, 2000). The goal of our paper is to estimate this vital parameter econometrically.

For our purpose, we use a very rich set of French busi-ness data compiled from standard corporate income tax returns (Bénéfices Réels Normaux) and employ-ers’ annual declarations of payroll data (Déclarations Annuelles de Données Sociales). Among other things, these data provide information on the stock of tangible fixed assets in the office equipment, furniture, and IT categories. We developed our measure of IT capital from this fixed-asset item.

Our results suggest an IT capital elasticity of production of 0.9%, substantially above the 0.5% share of return on IT capital in production. Various robustness tests aggre-gate contribution of IT capital to value-added growth at about 0.7 percentage points.

IT Capital Elasticity of Production: Estimates using Corporate Data

Yoann Barbesol, Thomas Heckel, and Simon Quantin

To what extent do differences in competition intensity between economic sectors explain international differ-ences in hourly labour productivity gains at sector level?

We conducted a study of sectors in a set of OECD countries and assessed the degree of competition using econometrically estimated markups. Our results indicate a non-linear relationship between competition and labour productivity gains. Increased competition would benefit productivity growth in low-competition sectors, but would be detrimental above a certain level.

This negative effect, however, seems fragile: when we restrict the analysis sample to the most competitive sectors, we find no significant effect of the degree of competition on productivity. In sum, greater competition appears to raise productivity in low-competition sectors but to have no impact on the most competitive ones.

The effect of competition on productivity gains differs from one sector to another. In the manufacturing

sec-tors—typically characterized by relatively high competi-tion and sunk costs—more intense competicompeti-tion would slow productivity gains. As the European Commission suggests (Roeger et al., 2008), margins need to reach a certain level in order to stimulate innovation in these sectors. By contrast, in services, where sunk costs are lower and competition relatively weak on average, greater competition would seem to consistently pro-mote productivity gains.

This analysis should be supplemented by an in-depth study of the role of research and development and, more generally, of sunk costs. This would provide a better understanding of the reasons for the contrast between services and manufacturing sectors in regard to the relationship between competition and productiv-ity gains.

Does Competition Promote Productivity Gains? An Analysis by Sector in OECD Countries

Romain Bouis and Caroline Klein

The growth in studies on business data has revealed the wide differences in productivity between firms, some-times even within narrowly defined activity sectors. The least productive firms therefore have ample margin for catching up. Their convergence towards the level of the most productive firms can be an important factor in pro-ductivity dynamics at macroeconomic level.

Our article sheds light on this convergence in France in the 1990s and 2000s, and on some of its possible determinants. Convergence was greater for labour pro-ductivity than for total factor propro-ductivity. But, most

importantly, the speed of convergence slowed in the 1990s, mainly because of an acceleration in the pro-ductivity of firms on the technological frontier, i.e., the firms that were already the most productive.

We suggest three explanations for these stylized facts: (1) globalization and (2) information technolo-gies, which seemingly benefited the most productive firms, and (3) increased competition, which stimulated the productivity of firms on the technological frontier while inhibiting convergence for the least productive firms.

Convergence of Corporate Productivity, Globalization, Information Technologies, and Competition

Paul-Antoine Chevalier, Rémy Lecat, and Nicholas Oulton

Between 1950 and 1973, labour productivity was vis-ibly converging between the United States, seen as the world technological leader, and western Europe and Japan. But the convergence gradually lost momen-tum and has ceased altogether since 1995. Our study seeks to explain the reasons for the interruption. We use the econometric tests developed by Bai and Perron to determine the trend-break dates. Labour productivity growth quickened in the U.S. from 1992, but slowed in most European countries. Technological progress driven by the expansion of information and

communi-cation technologies (ICTs) partly explains the revival of labour productivity in the U.S., but is inconsistent with the slowdown in labour productivity growth in Europe.

While Europe’s ICT investment rate was lower than that of the U.S., it did rise significantly. A key explanation lies

While Europe’s ICT investment rate was lower than that of the U.S., it did rise significantly. A key explanation lies