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CHAPITRE 1 ÉTAT DES CONNAISSANCES

1.3 Principe d’organisation de la colonie de fourmis

1.3.1 Écologie et organisation sociale des fourmis

Tout d’abord, la similitude de la fourmi et de l’Homme repose sur l’eusocialité (Holldobler et Wilson, 1990; Passera et Aron, 2005; Lach et al., 2010). La définition d’eusocialité est l’apparition d’une division des tâches dans un groupe, la cohabitation des différentes générations, la forte présence d’échanges d’informations entre les individus ainsi que la réception des soins nécessaires pour le bon développement des jeunes (Passera et Aron, 2005; Wilson et Holldobler, 2005). Apparemment, les fourmis ont développé une forme de socialité avancée au cours du temps. Néanmoins, il est essentiel de considérer que la conception du monde par les fourmis est totalement différente de celle d’un Homme.

Descriptions générales des fourmis

Les besoins des fourmis sont plus fondamentaux que ceux de l’Homme. Elles nécessitent un taux d’humidité précis, une température optimale, un substrat particulier, un nettoyage constant et une alimentation composée de sucre et de protéines (Holldobler et Wilson, 1990; Lach et

al., 2010). Aussi, les fourmis n’ont pas à proprement parler une volonté. D’une perspective

élémentaire, elles répondent simplement à leur besoin pour la survie de la colonie.

En termes de nombres, elles vivent sur terre depuis plus de 100 millions d’années (Hölldobler et Wilson, 1990). En classification, les fourmis sont une famille (Formicidae). Il existe environ 12 000 espèces répertoriées dans le monde. Au Québec, il y a près de 100 espèces de fourmis présentes (Francoeur, 2008). Pour imager un ordre de grandeur, la biomasse totale sur terre des fourmis est plus importante que celui de l’Homme. Elle représente de 15 à 20 % de la biomasse totale de toutes les espèces animales terrestres (Schultz, 2000). Bref, c’est une espèce qui a fait ces preuves sur terre. Ce succès écologique peut s’expliquer par le développement de la

socialité, la formation d’un super-organisme, de l’intelligence collective et du processus d’auto-organisation (Hölldobler et Wilson, 1990).

Un organe particulier est leur jabot social, c’est-à-dire un deuxième estomac. C’est grâce à cet organe qu’elles peuvent stocker de la nourriture et la partager avec ces congénères. Généralement, elles conservent cette nourriture pour le déplacement d’un point à un autre, et elles la conservent aussi jusqu’à ce qu’une autre fourmi envoie un signal de nécessité à l’aide d’un contact d’antenne. L’échange se fait par régurgitation par la bouche de la nourriture en partie digérée du jabot social, la trophallaxie (Hölldobler et Wilson, 1990; Passera et Aron, 2005).

Comportement et adaptation des fourmis

Pour chacune des espèces, des adaptations disparates ont été développées et sélectionnées par les conditions abiotiques et biotiques environnantes. Les conditions abiotiques sont les variations cycliques et ponctuelles du climat. Pour les conditions biotiques, ce sont les interactions avec d’autres espèces animales, végétales et de champignons qui ont façonné l’évolution des fourmis. Ces interactions directes ou indirectes peuvent soit être de type mutualisme, compétitif ou de prédation (Hölldobler et Wilson, 1990; Passera et Aron, 2005). Ces insectes présentent des comportements diversifiés qui ont permis la survie de leurs espèces. Par ailleurs, au moyen de règles simples remplies par des entités plutôt simples, il résulte d’une intelligence collective pouvant résoudre des problèmes complexes (Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001). Bien qu’une seule fourmi soit considérée comme simple, la colonie présente, quant à elle, de fortes interactions entre les individus qui la composent. Leur méthode de défense, leur mode de communication via les phéromones, leur allocation pour diverses tâches, leur pratique d’élevage sont tous des comportements qui sont encore sujets à des recherches scientifiques.

Notamment, chaque espèce de fourmis forme une division de travail au sein de la colonie (Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001; Passera et Aron, 2005). Concernant la caste royale et la caste ouvrière, le rôle de la reine n’est pas de diriger l’action de ses filles, mais simplement de pondre pour agrandir la colonie. Chez les ouvrières, il y a une spécialisation selon la forme ou l’âge. Comme rôle, il y a celles qui s’occupent des larves, celles qui vont à la recherche de la nourriture et celles qui protègent le nid (Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001). Or, il y a une division du travail bien établie et qui peut être modulée selon les besoins immédiats. Cette caractéristique fonctionnelle est primordiale pour le bon fonctionnement de l’entièreté de la colonie.

Concernant la quête de la nourriture, pour se rendre à une source profitable, les fourmis communiquent entre elles via des phéromones. Elles répondent aux concentrations locales des phéromones (Perna et al., 2012). Celles-ci peuvent être de différentes formes, envoyant un message de forte ou de faible attractivité (Czaczkes et al., 2015). En effet, selon les espèces, elles modulent l’approvisionnement conformément aux phéromones « pas d’entrée », de courte et longue durée et/ou des zones de marquage (Devigne et Detrain, 2002; Robinson et

al., 2005; Dussutour et al., 2009b). C’est alors par rétroaction négative et positive qu’elles

réussissent à choisir la meilleure source. Une meilleure source se traduit par celle qui répond le mieux aux besoins de la colonie (type et/ou qualité) et demandant le moins d’énergie (distance). Elle savent balancer leur niveau d’exploration et d’exploitation (Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001; Czaczkes et al., 2015).

Ce sont les processus d’auto-organisation qui sont à l’origine de l’intelligence collective. Étant un mécanisme d’amplification, il y a formation de structure à partir d’un état homogène (Deneubourg et al., 1990; Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001). Au lieu d’être dirigé par un contrôle central ou externe, ces individus répondent aux informations locales de l’environnement et entre elles. C’est alors un système distribué et non centralisé (Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001).

En termes d’approvisionnement, les fourmis font généralement un choix collectif plus marquant vers les sources de sucres versus les protéines. En revanche, lorsqu’elles sont soumises à deux sources identiques en sucres, elles ont tendance à sélectionner qu’une seule source (Beckers et al., 1992; Portha et al., 2002; Czaczkes et al., 2015). Le recrutement engendre une petite différence entre la quantité de phéromones d’une source à l’autre. Par conséquent, cette différence de concentration de phéromones amplifie le recrutement vers la source ayant davantage de phéromones et ainsi de suite (Deneubourg et Goss, 1989; Beckers

et al., 1990; Perna et al., 2012; Czaczkes et al., 2015). Par contre, lorsqu’il est question de

deux sources identiques de protéines, le choix est plutôt homogène (Portha et al., 2002). Toutefois, il faut considérer la surestimation des capacités individuelles. Par le procédé d’amplification, certains choix individuels peuvent affecter le choix collectif (Dussutour et al., 2005). Ainsi, leur prise de décision est influencée par des éléments internes, individuelle, collective et externe (Hölldobler et Wilson, 1990; Camazine et al., 2001).

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