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2.3) Le modèle du Self-Shielding ou auto-écrantage

III. Conséquences de l’altération aqueuse

2) Les échelles d’altération aqueuse

Bienque leur composition chimique soit similaire à celle de la photosphère solaire, les chondrites CI sont le groupe de météorites montrant les plus importants degrés d’altération, pouvant contenir jusqu’à 15 wt% d’H2O (e.g., Orgeuil, Jarosewich, 1990). Les CM (et des CR) affichent une grande gamme de degrés d’altération différents, allant des chondrites les moins altérées (proches du type 3) aux plus altérées (proches du type 1, Van Schmus and Wood, 1967). Au cours des dernières décennies, de nombreux auteurs ont proposé de classer les chondrites CM selon leurs niveaux d’altération (McSween, 1979; Browning et al., 1996; Rubin et al., 2007; Howard et al., 2009; 2011; Kimura et al., 2011; Alexander et al., 2013). McSween (1979) est le premier à suggérer que les composants de la matrice peuvent être utilisés pour mesurer de façon qualitative le degré d’altération aqueuse de chaque météorite. Il propose une échelle d’altération pour les chondrites CM basée sur le rapport chimique Fe/Si de leur matrice, diminuant avec l’augmentation du degré d’altération, et traduisant la formation de phyllosilicates à fort rapport Mg/Fe (Fig. 1-14). Il décide donc de séparer les CM en 3 familles : les faiblement altérées (rapport Fe/Si élevé), les altérées et les fortement altérées (rapport Fe/Si faible, Fig. 1-14).

Presque 20 ans plus tard, Browning et al. (1996) proposent un nouvel outil pour quantifier la progression du degré d’altération dans les chondrites CM. A partir de différents paramètres, comme par exemple : (i) la substitution progressive du Si et du Fe3+ dans les phyllosilicates au cours de l’altération (estimée à partir de la composition chimique des phyllosilicates dans la matrice), (ii) le volume de minéraux silicatés et (iii) le pourcentage d’altération des chondres, ces auteurs proposent d’attribuer à chacune des CM un indice d’altération minéralogique (MAI), allant de 1.6 pour les moins altérées à 0.9 pour les plus altérées (Fig. 1-14).

Cependant, un des inconvénients de cette dernière classification réside dans le fait que, pour l’utiliser, il est nécessaire d’employer un algorithme de correction compliqué et hasardeux utilisant les données mesurées par sonde électronique. C’est pourquoi, Rubin

Fig. 1-14 Résumé de l’ensemble des échelles d’altérations des chondrites CM proposées au cours des dernières décennies (données d’après McSween, 1979; Browning et al., 1996; Rubin et al., 2007; Howard et al., 2009; 2011; Kimura et al., 2011; Alexander et al., 2013).

des mesures de compositions chimiques dans les phyllosilicates (i.e., rapport FeO/SiO2

dans les TCI). Avec cette nouvelle hiérarchisation, ces auteurs attribuent aux CM un sous-type pétrographique, allant de CM 2.7 (pour les moins altérées, Rubin 2015) à CM 2.0 (pour les plus altérées) (Fig. 1-14).

Par la suite, d’autres études plus récentes ont encore proposé différentes échelles d’altération pour les CM, selon différents paramètres : (i) la proportion de phyllosilicates par rapport aux silicates anhydres (Howard et al., 2009; 2011), (ii) la quantité d’hydrogène contenue dans les phyllosilicates (Alexander et al., 2013) ou (iii) l’abondance du fer métal (Kimura et al., 2011) (Fig. 1-14). Toutefois, seule la séquence d’altération de Rubin et al. (2007) sera prise en compte pour la suite du manuscrit, car cette dernière est la plus pratique à utiliser et la plus adaptée aux méthodes analytiques qui vont être employées dans les chapitres suivants (e.g., le MEB ou la sonde électronique). C’est également la méthode la plus utilisée dans la littérature.

3) Les effets de l’altération sur les isotopes de l’oxygène

Comme pour la diversité des phases d’altération secondaires, les effets de l’altération aqueuse sur les chondrites carbonées peuvent également s’observer via les isotopes de l’oxygène. Dans un diagramme d18O vs d17O, les chondrites les plus altérées sont les météorites plus enrichies en 17,18O (Fig. 1-15 ). Ces variations isotopiques traduisent en réalité différentes proportions de glace accrétées dans la matrice de ces chondrites (Clayton and Mayeda, 1999). Ainsi, les chondrites carbonées contenant le volume de matrice le plus important (i.e., les CI-CM) sont celles qui contiennent la plus grande concentration en eau (Alexander et al., 2013) et affichent

Fig. 1-15 Diagramme d18O vs d17O des chondrites carbonées en roche totale (ronds pleins) et de la matrice (ronds vides). Les CI sont exclusivement composées de matrice (figure modifiée d’après Piani, 2012). Données d’après Clayton & Mayeda, 1999.

les plus hautes valeurs en d17,18O (Fig. 1-15 , Tableau 1-1). Cet enrichissement en isotopes lourds révèle également que les fluides d’altération étaient plus enrichis en 17,18O contrairement aux minéraux anhydres, riches en 16O, avec lesquels ils ont interagi (e.g., la matrice ou les chondres) (Clayton and Mayeda, 1984; Choi et al., 1998; Lyons and Young, 2005; Sakamoto et al., 2007). Cette hypothèse est également renforcée par l’enrichissement en 17,18O généralement mesuré dans les phases d’altération secondaires (e.g., dans les carbonates, les phyllosilicates ou les magnétites, Fig. 1-16).

L’enrichissement en isotopes lourds observé dans la plupart des phases d’altération n’est pas uniquement contrôlé par la composition du fluide initial, mais est également influencé par le facteur de fractionnement isotopique (1000 ln α) existant entre le minéral et le fluide, proportionnel à la température de formation (α 1/T). Cependant, analyser la composition isotopique des minéraux secondaires permet d’obtenir, de manière indirecte, la composition isotopique du réservoir d’eau initial, n’ayant pas encore été équilibré avec les silicates anhydres (en émettant quelques hypothèses de départ). Ainsi,

Clayton and Mayeda (1999) ont déterminé que l’eau primordiale des CM (HW) a une composition isotopique initiale très enrichie en 17,18O (i.e., d18O = 28.1‰ et d17O = 17.7‰) et que les processus d’altération aqueuse se produisent essentiellement en système fermé, par l’interaction d’un fluide statique avec les silicates anhydres (DuFresne and Anders, 1962; Clayton and Mayeda, 1999; Benedix et al., 2003).

Certaines phases d’altération (i.e., les Cosmic Symplectite ou COS, voir Chapitre 3 §II.1) ont également permis de mettre en évidence que les compositions isotopiques des fluides pouvaient atteindre des valeurs en d17,18O très élevées, jusqu’à 180‰ dans la chondrite primitive Acfer 094 (Sakamoto et al., 2007). Ces phases anormalement enrichies en isotopes lourds confortent le scénario du Self-Shielding et pourraient provenir de la zone externe du disque, impliquant des flux de glace vers l’intérieur du Système Solaire (Sakamoto et al., 2007; Piani et al., 2018). Toutefois, cette hypothèse s’oppose aux valeurs en D/H de l’eau des chondrites carbonées affichant des valeurs différentes de celles des comètes et donc, allant à l’encontre d’un transport de glace en provenance de l’extérieur du Système Solaire (Alexander et al., 2012).

Ainsi, est-il tout de même possible qu’une partie de la glace d’eau accrétée par les chondrites soit originaire de la zone externe du disque protoplanétaire ? L’analyse isotopique des phases d’altération des chondrites CM les moins altérées (ayant peut-être préservées la signature primitive du fluide d’altération) semble donc être un outil essentiel pour retracer l’origine de l’eau accrétée dans les chondrites. Cette problématique sera abordée dans le CHAPITRE 3 : Origine de l’eau dans le Système Solaire interne.

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