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Échelle nationale : le gouvernement provincial

7. RECOMMANDATIONS À L’ATTENTION DES DÉCIDEURS

7.1 Échelle nationale : le gouvernement provincial

Le gouvernement québécois a compétence dans nombreux domaines d’activité, dont tout ce qui recoupe les institutions municipales. Il est apte à prendre des décisions par rapport aux différents enjeux qui se trouvent sur le territoire, dont le volet environnemental. Ces dernières peuvent être soutenues par des règlements, des politiques, des programmes et des plans d’action. Cette sous-section comprend six recommandations qui peuvent faciliter l’implantation de la collecte des matières organiques putrescibles sur le territoire québécois.

7.1.1 Annoncer immédiatement la date du bannissement des matières organiques de l’élimination

Le gouvernement du Québec, par le biais de son ministre de l’Environnement, serait gagnant de faire une sortie publique afin d’annoncer la date butoir qui interdit l’élimination des résidus organiques putrescibles. Non seulement cette annonce démontrerait l’urgence d’agir, mais elle permettrait aussi de mettre en évidence l’importance d’une GMR adéquate. Ainsi, cette date butoir forcerait les municipalités et les ICI à accroître leurs programmes de recyclage et de valorisation de leurs matières organiques putrescibles. De plus, la couverture médiatique qui découlerait d’une telle annonce permettrait de rejoindre l’ensemble des Québécois, autant ceux qui participent déjà à la collecte à trois voies que les non-participants.

7.1.2 Établir des pénalités en cas de non-respect de la règlementation

Le cabinet du ministre de l’Environnement peut travailler à l’élaboration de sanctions qui s’appliquent lorsque les règlements en matière de gestion des matières organiques ne sont pas respectés. Ces sanctions peuvent être administratives, pécuniaires, c’est-à-dire qui réfère à une pénalité monétaire, ou

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encore pénales. En établissant officiellement des pénalités, le gouvernement peut exercer de façon plus efficace son devoir de surveillant, de vérificateur et de contrôleur du respect des lois et des règlements. De plus, il s’assure que les responsables de l’implantation de la collecte des matières organiques soient conscients des conséquences auxquelles ils peuvent faire face s’ils ne respectent pas les règles.

Comme les sanctions sont déjà énoncées dans les textes de loi et dans les règlements et qu’elles sont fréquemment appliquées en matière d’environnement, le gouvernement provincial peut baser ses pénalités de non-respect de la réglementation sur ces documents. Par contre, les pénalités doivent être directement reliées à la gestion des matières organiques.

7.1.3 Mettre en place un programme national d’ISÉ axé sur les matières organiques

À travers le monde, plusieurs programmes nationaux d’ISÉ existent. Ces derniers concernent plusieurs sujets, dont l’environnement, le développement durable et la protection des zones humides. Au Canada, les campagnes d’ISÉ en matière d’environnement sont locales plutôt que nationales. On en retrouve dans les municipalités et dans les organismes à but non lucratif à vocation environnementale. Comme le bannissement des matières organiques de l’élimination est un beau défi et qu’il s’étend à l’échelle provinciale, il est essentiel que le gouvernement mette en place un programme national d’ISÉ axé uniquement sur les matières organiques.

Un programme d’une telle envergure permet de rejoindre l’ensemble des citoyens, de les informer, de les sensibiliser et de les éduquer au bon respect de l’environnement. Le résultat d’un tel programme réside en un changement de mentalité, de comportement et de pratique de tous les Québécois. Par contre, pour atteindre ces résultats, un travail conjoint des diverses sphères sociétales, c’est-à-dire les ministères, les propriétaires d’ICI, la société civile et les médias, doit être réalisé.

Le programme national d’ISÉ doit proposer une démarche stratégique qui se traduit par les connaissances actuelles du gouvernement, par ce qu’il veut accomplir et comment il veut le mettre en application. Il doit aussi comprendre un échéancier qui fait état de l’étendue du programme ainsi qu’une série d’objectifs qui doivent être atteints selon leur ordre d’importance (court terme – moyen terme – long terme). Enfin, le programme doit faire état des méthodes qui doivent être prises par les municipalités afin qu’elles puissent obtenir du financement.

7.1.4 Augmenter les redevances à l’élimination

Tel que mentionné à la section 5.2.3, des redevances à l’élimination des matières résiduelles sont établies depuis 2006. Ces dernières, équivalente en 2018 à 22,57 $ la tonne métrique (tableau 5.5), ne sont pas suffisamment élevées pour favoriser un bannissement complet des résidus organiques dans les sites d’enfouissement au détriment de la valorisation (Guimont, 2010). Le quotidien Le Devoir présente d’ailleurs un article qui traite de cette problématique. Il y est mentionné que les coûts liés à

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l’enfouissement ne sont pas suffisamment élevés et que les citoyens optent pour l’élimination plutôt que pour le tri des matières (Saint-Pierre, 2008, 4 octobre). Si cette réalité était applicable en 2008, où la redevance à l’enfouissement était alors équivalente à 10,41 $ la tonne métrique, elle est toujours d’actualité aujourd’hui (Règlement sur les redevances exigibles pour l’élimination de matières résiduelles). Afin de limiter l’enfouissement des matières organiques, le gouvernement doit augmenter drastiquement les redevances exigées à l’élimination des matières. De cette façon, les municipalités sont forcées de déployer la collecte des matières organiques sur leur territoire et, par le fait même, de diminuer l’offre de service pour les déchets. Par contre, est-ce une formule gagnante de hausser les redevances exigées à l’élimination? Il semble que oui. Plusieurs pays possèdent des redevances élevées à l’élimination des matières résiduelles. Parmi ces derniers, on retrouve les deux pays présentés au chapitre 6. Tout d’abord, la redevance à l’enfouissement des matières résiduelles, en Suisse, varie entre 14,96 $ et 49,97 $ canadien par tonne métrique (Houngué, 2004). Pour sa part, l’Allemagne possède un coût à l’enfouissement très élevé comparativement aux redevances québécoises. En effet, en 2017, lorsque converti en dollar canadien, le taux d’enfouissement est équivalent à 211,93 $ (de Lorgeril, Portenart et Robert-Baby, 2017, 3 juillet). Ces deux pays européens ont réussi haut la main à valoriser les résidus organiques putrescibles et ainsi à les soustraire de l’élimination. Pourquoi le Québec ne peut-il pas baser sa valorisation des matières organiques sur les réalités européennes? Bonne question. Une hausse de redevances associées à l’élimination permet, d’une part, d’enrayer plus rapidement les matières organiques des sites d’enfouissement québécois. D’autre part, l’augmentation des redevances se traduit par une augmentation des sommes distribuées aux municipalités participantes, notamment pour les études locales et pour l’ISÉ.

7.1.5 Réaliser des études techniques

Le MDDELCC émet des directives qui visent à éliminer l’enfouissement des matières organiques. Ces dernières, bien que supportées par des lois et des règlements, doivent être fortement encadrées. Pour ce faire, le gouvernement publie des études qui concernent les diverses technologies de compostage ainsi que les différents types de collecte existants. Ce faisant, les instances municipales ne sont pas laissées à elles-mêmes.

Tout d’abord, le gouvernement québécois doit produire et rendre disponible des études de faisabilité environnementales liées aux aspects techniques du bannissement des matières organiques. Essentielles pour les instances municipales, les études de faisabilité permettent de déterminer si un projet peut voir le jour et survivre au fil des ans. Obligatoires lors de l’adoption d’un nouveau règlement, ces dernières sont utiles pour la priorisation des méthodes de cueillette existantes. Elles permettent d’analyser et d’étudier chaque technologie de compostage et chaque type de collecte en fonction de leur faisabilité technique, environnementale, économique, sociale, juridique et organisationnelle. Ce faisant, les études de faisabilité environnementales doivent être publiées le plus rapidement possible afin que les instances municipales

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puissent s’en inspirer. À titre d’exemple, la firme SOLINOV (2006b) a réalisé une étude de faisabilité sur les équipements de traitement des matières compostables pour le compte de la CMQ. Cette dernière a permis au responsable de l’environnement de la communauté métropolitaine d’établir une méthode de collecte favorable et pertinente en fonction de la réalité territoriale.

D’autre part, le MDDELCC doit créer des études d’impacts propres à chaque technologie de compostage offerte sur le territoire québécois. Ces études doivent énoncer les pires scénarios qui peuvent se produire, par exemple une fissure dans un bâtiment de biométhanisation, et les conséquences qui pourraient en découler. En plus de mettre en évidence les aspects environnementaux et économiques, les études d’impacts permettent de planifier des mesures à prendre advenant le cas d’un impact négatif.

7.1.6 Revoir l’ordre de priorité en matière de GMR

Le gouvernement du Québec doit confier la responsabilité de la gestion des matières résiduelles aux MRC. De cette façon, il s'avère plus facile de coordonner adéquatement les actions du PGMR, de gérer les coûts liés aux mesures à mettre en place, d’organiser une gestion régionale de certains équipements, tels que les écocentres, et d’offrir des services uniformes à l’ensemble du territoire québécois.