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Commentdanslecontextedesystèmessocio-écologiquesglobauxou imbriqués,pouvons-nousutiliser,lesleçonsextrêmementimportantesqui ont été tirées à l’échelle locale des régimes de ressources en communs dans les pêches artisanales, les forêts et les systèmes d’irrigation ?

Est-ce que les design principles que vous avez établis pourraient être adaptésàdessystèmessocio-écologiquesmoinslocauxetplusemboîtés, imbriqués dans des systèmes plus larges ?

Surcethème,ElinorOstromaréponduendeuxtemps,toutd’abord en revenant sur les principes directeurs, puis sur la question des systèmes imbriqués.

Elinor ostrom

Transférer les design principles à d’autres échelles ? Oui ou non… Cela dépend. Si c’est pour aller depuis le niveau local jusqu’au niveau national ou international, il faut être prudent et ne pas les utiliser. En fait, mon souhait serait maintenant de n’avoir jamais utilisé le terme design, au sens de conception. J’étais en congé sabbatique au ZIF (Zentrum für interdiszi-plinäre Forschung, Centre pour la recherche interdisciplinaire) à Bielefeld en Allemagne. Avec une grande équipe, nous avions lu et fait le codage de 200 cas d’étude, dans des langues différentes. Pour 50 cas de systèmes d’irrigation et environ 40 cas de pêcheries, le codage obtenu était presque commun. Je pensais alors qu’avec l’année sabbatique et tout le travail déjà réalisé, nous devrions être en mesure de montrer que certaines règles spé-cifiquesétaientvraimenttrèsimportantes.Maisaufonddemoi,jecroyais en un échec. Heureusement, derrière le ZIF, il y avait un grand bois, le Teutoburger Wald, où j’avais l’habitude de me promener, ce qui m’aidait et me rassurait : « ne soit pas contrariée, tu vas y arriver… » Et alors que jepensaisquejen’arriveraipasàtrouveruneseulerèglespécifique…uni-quement sur les règles de délimitation (boundary rules), nous en avons trouvé 128 ! Je n’aurais même pas imaginé que nous en trouvions 128 jusqu’à ce que nous les ayons mis ensemble de façon analytique – ce qui était déjà une synthèse importante.

Car,au-delàd’identifierunerèglespécifique,cequiétaitaucœurdeces recherches était bien, pour plus de généralité, d’interpréter les différences entrerèglesdedélimitation.Ils’agissaitd’identifierunespacedevalidité, c’est-à-dire des limites entre lesquelles des « règles de délimitation » fonc-tionnenttoujoursetluidonnerunesignification.Cequifutmalaisé.Alors qu’ilestplusévidentdedonnerunsensquandonsedemande:existe-t-il une règle de délimitation ou non ?

L’idée que ces règles soient des règles de conception de l’action collec-tive ne se serait pas diffusée si j’avais utilisé le terme de « meilleures pratiques » ou quelque chose comme cela. Mon intérêt était d’identifier les régularités, les cohérences que je trouvais. Ainsi, les systèmes qui ont survécusurdelonguespériodesontdesrèglesspécifiantleurdélimitation etbeaucoupdeceuxquisesonteffondrésn’enavaientpas.Ceuxquisur-vivent ont développé des modes de communication entre personnes, et des moyensdefairefaceauxconflitsetd’œuvreràleurrésolution.Ilsdisposent aussi de moyens pour le suivi et l’application de sanctions. Or maintenant, nous sommes en quelque sorte coincés avec cette idée de « principes de conception » à long terme, idée qui a donné lieu à beaucoup de discussions. J’y suis sensible maintenant car, alors que notre travail porte sur « ce qui aide en premier lieu les gens à s’organiser », la réponse ne peut être, comme certains le disent, « bien appliquer les principes de conception ». Le niveau d’analyse n’est pas celui-ci. Là où des acteurs se sont organisés

avec succès, il faut prendre en compte les systèmes qui ont survécu sur de longues périodes. Or le succès de ces systèmes prouve la robustesse des règles, pas l’auto-organisation.

Car les facteurs qui peuvent aider les gens à s’auto-organiser sont différents des design principles. Dans un article de la revue Science (Ostrom, 2009a), j’ai mis en évidence un jeu de dix variables facilitant l’auto- organisation, qui sont non pas les seules, mais les variables les plus fréquemment identifiées. Ces variables ne sont pas isomorphes avec les principesdeconception,vouspouvezlevérifierparvous-mêmes…

Ilnousfautdoncbienréfléchirdequoinousvoulonsparler:del’auto-organisation ou de la robustesse ? Nous sommes maintenant en train de traiterdeuxensemblesquisonttrèslarges.Onpeutdifficilementtransférer à d’autres échelles certains des critères relatifs à l’auto-organisation, par exemple«quandest-ilprobablequedesacteurss’auto-organisent?».Car noussavonsmaintenantqu’ilestdifficiledes’auto-organisersivousne pouvez pas communiquer avec les autres ou si vous ne partagez pas une base commune.Ces facteursont étéidentifiéscommepouvantfavoriser l’auto-organisation. Mais, si nous visons à renforcer la robustesse, nous avonsbesoindemodifierunpeucescritères.

Maintenant, si nous raisonnons à une échelle plus large, d’une grande unité, d’un grand système socio-écologique, peut-on parler de « limites » ? Peut-on considérer les limites du globe comme des « règles de délimita-tion » (boundaries rules) ? On peut se dire que ces limites ne sont pas signi-ficativespourtoutlemonde,detoutefaçon.Donccesprincipessontparfois pertinentsetd’autresfois,non.Nousdevonsdoncidentifierlesprincipes qui sont les plus pertinents parmi eux et non les considérer comme des tablesdelaloi!

Comment aller au-delà de l’échelle de la communauté ? Nous pouvons certeslefairemaisenéquipe.Ilestdifficilepourunseulchercheurtravail-lantsurunethèsed’étudierplusd’une,deuxoutroiscommunautésdetaille petite à moyenne, à moins de faire partie d’une équipe et de s’appuyer sur des recherches effectuées par d’autres chercheurs. Il ne peut pas aller au-delà par lui-même, car, au début d’une carrière de chercheur, il est égale-mentdifficiled’obtenirlesfinancementsnécessairespourmultiplierlescas étudiés. Il s’agit de comprendre les études individuelles faites à l’échelle communautaire et de les relier ensuite avec les unités, les systèmes plus grandsdontilsfontpartie.AuNépalparexemple,certainsdessystèmes d’irrigation que nous avons étudiés sont des systèmes agricoles de taille réduite, mais sur l’une des rivières impliquées on dénombre cinq systèmes de gouvernance, dont l’un est à l’échelle de la rivière tout entière. Ensuite, lesprincipauxcanauxquirelientlessystèmesd’irrigationàlarivièreont troisniveauxdegouvernancejusqu’àleuraffluent.

Cesdifférentsniveauxexistentaussiphysiquementdanscertainssys-tèmes d’irrigation américains, mais le système de gouvernance n’est pas

organisé aussi efficacement qu’il ne l’est au Népal. Cela ne signifie pas quetoutfonctionnebienauNépalouquetoutestmauvaisauxÉtats-Unis; maisquenousdevonsmodifierenpartieladoxadesmanuelsstandards desquarantedernièresannées–voire,nousendébarrasser!–,manuels pourlesquelsplusieursunitésdegestion,etdeplusdifférentes,signifientle chaos. Cela a été le combat de Vincent Ostrom, de moi-même et de nos étu-diants depuis longtemps. Vincent a travaillé avec Tieboud dans les années 1960 pour mener ce combat, car la littérature regorgeait de discussions sur les régions métropolitaines urbaines, jugées chaotiques. Quelles données étaient utilisées pour prouver le chaos ? Qu’il y avait 100 systèmes diffé-rents… Quand j’ai étudié les organisations de marché en tant qu’étudiante, j’aitoujourstrouvéfascinantquel’onconsidèrequ’ilétaitdangereuxque des marchés réduisent le nombre d’organisations qui opèrent pour aller vers des structures de monopsones ou de monopoles. Ainsi, passer à un système de marché doté d’un nombre réduit d’unités serait un problème, alorsqu’ensciencespolitiquescelaseraitunatout!

Nous devons commencer par comprendre ce qui se passe dans les inter-relations entre des unités, et comment elles sont imbriquées. Des unités imbriquées,celanesignifiepasquelesunitésd’unniveausupérieurdoivent demanderquedesniveauxinférieurssuiventdesrègleshiérarchiques.Le polycentrisme lié à des unités enchâssées n’a de sens que lorsque les unités relèventdedifférentsniveaux,chaqueunitédifférenteayantunecompré-hension profonde de ce qu’elle fait et de comment elle est liée à d’autres unités du même niveau, tout en faisant partie d’un groupe plus large. Ceci a pu être observé dans certains cas anciens, mais c’est un phénomène moderne parce que la communication entre les groupes et la reconnais-sance des liens liés à cette communication n’étaient pas vraiment déve-loppées jusqu’à ce que nous ayons le téléphone, la radio, la presse écrite et tout le reste. Désormais, avec les connaissances que nous avons de ces possibilités, nos enseignements doivent changer de façon à ce que nous ne disions pas, quand nous voyons un grand nombre d’unités, débarrassons-nousd’elles,simplifions.Jenesaispasexactementcommentfairemaisje continue à essayer d’amener les gens à penser différemment et je pense que nous pouvons aller au-delà.

RECONNAISSANCE DES COMMUNS