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Échantillons sélectionnés

CHAPITRE 4 : Analyse des résultats

4.1 Résultats : analyse par période de fécondité

4.1.1.2 Échantillons sélectionnés

Nous l’avons vu, l’âge de l’épouse est un facteur prépondérant dans la détermination du niveau de fécondité d’un couple. Si nous voulons maintenant mesurer l’évolution de la fertilité selon l’âge de l’homme, indépendamment de celui de la femme, nous n’aurons d’autre choix que de sélectionner les couples avec des femmes au sommet de leur fécondabilité. Nous avons pu déterminer précédemment (figure 4.3) que les femmes de 30 à 34 ans gardaient une fécondité supérieure à deux enfants par période, avec environ 0,5 enfant de différence par rapport aux plus fécondes, celles de 20 à 24 ans. La figure 4.6 nous dessine maintenant les courbes de fécondité de ces deux groupes de femmes, en fonction de l’âge de leur mari et en distinguant également la durée de l’union par périodes de 5 ans.

Figure 4.6 : Fécondité masculine par âge, selon l’âge de l’épouse et la période

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 Âge N om b re d' enf a nt s en 5 ans

Femmes 20 à 25 ans, Période 1 Femmes 20 à 25 ans, Période > 1 Femmes 30 à 35 ans, Période 1 Femmes 30 à 35 ans, Période > 1

D’entrée de jeu, nous sommes surpris par la relative stabilité des valeurs observées à tous les âges. Bien qu’affichant toutes (sauf une) une légère tendance à la baisse, aucune des catégories ne descend bien en dessous de deux enfants par période. Seuls les hommes de 65 à 69 ans, lorsqu’en compagnie de femmes de 30 à 34 ans dans des périodes de rang supérieur, atteignent un minimum de 1,72 enfant (N = 160 couples-années). Il est intéressant de constater que la durée d’union influence plus que l’âge de la femme (du moins entre les deux groupes d’âge présents) : les premières périodes de mariage n’ont produit que 0,22 enfant de moins quand les femmes étaient plus âgées (une différence qui diminue à 0,10 dans les périodes subséquentes), tandis que la différence entre les deux durées atteint presque 0,5 enfant dans chacun des deux groupes d’âge. Notons que la présence de certaines durées élevées fait baisser la moyenne du groupe « Femmes 30-34 ans, Période > 1 », mais aucune n’est jamais bien supérieure au rang 4 (15 à 19 ans de mariage), car bien peu de ces femmes se sont mariées avant 15 ans.

La hausse observée chez les hommes de 55 à 59 ans avec des femmes de 20 à 24 ans de période supérieure s’explique très probablement par la variation aléatoire : le nombre d’observations n’y est que de onze périodes, soit 55 couples-années. Globalement, ces résultats sont néanmoins conséquents et semblent indiquer que la fécondité (≈ fertilité) des hommes de 60 ans est au moins à 80 % de celle des hommes de 25 ans.

Parmi les facteurs autres que l’âge maternel et la durée d’union que nous pourrions analyser en mode bivarié, il y a certes toutes les variables explicatives que nous avons énumérées au chapitre précédent. Nous nous limiterons cependant au survol de deux autres variables dans le cadre de cette analyse préliminaire, nommément le rang du mariage et le statut d’immigrant. La première de ces deux variables est analysée dans le graphique 4.7 en séparant les premiers et seconds mariages, eux-mêmes observés séparément selon leur durée. On aurait pu s’attendre à ce que le rang de mariage ait une influence seulement sur la première période d’union, les nouveaux conjoints devenant plus expérimentés après cinq ans « d’adaptation » à la vie conjugale. Nous voyons cependant que les remariages sont toujours plus féconds que les premiers mariages, jusqu’à 55 ans du moins, même dans les périodes 2 à 5 (entre 5 à 24 ans révolus).

Figure 4.7 : Fécondité masculine par âge, selon le rang de mariage et la période 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 Â ge N o m b re d 'en fa n ts en 5 an s Période 1 - Remariage Période 1 - 1er mariage Périodes 2 à 5 - Remariage Périodes 2 à 5 - 1er mariage

Note : Échantillon restreint aux hommes avec femme de 20 à 35 ans en milieu de période. Tableau de données avec les effectifs de chaque groupe d’âge disponible dans le tableau A.5 de l’annexe.

Comme nous l’avions remarqué au chapitre précédent, le remariage est quasi systématique chez les jeunes veufs; ainsi, un effet de sélection au remariage peut difficilement être la cause de cette disparité. Il y a cependant une sélection du fait qu’à un âge donné, un homme remarié s’est forcément marié une première fois à un âge plus jeune que celui qui n’en est qu’à son premier mariage. Outre l’expérience acquise avec un autre conjoint, il y a donc la sélectivité issue du premier mariage qui pourrait également influencer la fécondité des remariages. La littérature sur le sujet est pratiquement inexistante, mais le peu qui est disponible (Bideau & Perrenoud 1981) concorde avec nos résultats. On y évoque d’ailleurs la possibilité d’une plus grande « vitalité sexuelle » des hommes remariés pour expliquer leur plus forte fécondité. Il est clair en tout cas que les hommes remariés, même après une union stérile, ont plus de chances d’avoir des enfants que les femmes issues de mêmes unions, ce qui soulève la question tout aussi stérile de la « responsabilité » du problème de fertilité dans le couple. Nous n’avons pas jugé bon d’approfondir cet aspect, mais la curiosité nous a incités à calculer la fécondité ultérieure de veufs (avant 40 ans) et veuves (avant 30 ans) issus d’unions stériles, dont les résultats sont disponibles dans le tableau A.6 en annexe.

Les soupçons que nous avons évoqués précédemment sur l’influence possible du statut d’immigrant sont maintenant mis à l’épreuve dans la figure 4.8 qui présente la

fécondité masculine en fonction d’un tel statut. Ici, ce sont les natifs qui affichent une fécondité légèrement supérieure aux immigrants, dans toutes les classes d’âge (significativité du test T < 0,01 pour chacune des classes), avec un déclin en fonction de l’âge semblable à la figure précédente.

Figure 4.8 : Fécondité masculine par âge, selon le statut d’immigrant

1 1,5 2 2,5 3 20 30 40 50 60 70 Âge N o m b re d 'e n fa n ts su r 5 a n s Natifs Immigrants

Note : Échantillon restreint aux hommes avec femme de 20 à 35 ans en milieu de période. Tableau de données avec les effectifs de chaque groupe d’âge disponible dans le tableau A.8 de l’annexe.

En plus des facteurs biologiques liés aux conditions de vie sur le continent, il y a peut-être une dimension culturelle qui ferait se distinguer l’immigrant en matière de fécondité. N’ayant pas été sensibilisé dès le plus jeune âge à l’importance d’un peuplement rapide de cette colonie catholique, l’immigrant n’aurait possiblement pas eu la même foi procréatrice que les natifs. Nous avons cependant de bonnes raisons de croire que tous les habitants sans exception ne pratiquaient quelque forme de contraception que ce soit, ou sinon rien de significatif au niveau statistique. Serait-ce alors l’influence de l’épouse, qui a plus de chance d’être elle aussi immigrante si l’époux n’est pas un natif? Ou ne serait-ce pas plutôt un effet de période, quand on sait qu’un grand nombre d’immigrants se marient à une époque où les registres peuvent avoir été moins bien tenus? Seule une analyse multivariée pourra véritablement nous renseigner sur la contribution relative de chaque variable à la fécondité de l’homme. Lorsque le strict effet de l’âge sera enfin isolé, seulement alors pourrons nous parler de fertilité.