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2. Cadre théorique et méthodologique

2.2. Échantillonnage des sujets

Contrairement à d’autres méthodes de recherche, la théorie ancrée demande un échantillonnage tout particulier. Comme nous l’avons souligné, ce sont les analyses continues des premiers entretiens qui vont guider les suivants. Strauss et Corbin (1998) appellent cela l’ « échantillonnage théorique » (theoretical sampling). Ils le définissent comme :

« Data gathering driven by concepts derived from the evolving theory and based on the concept of ‘making comparisons’, whose purpose is to go to places, people, or events that will maximize opportunities to discover variations among concepts and to densify categories in terms of their properties and dimensions » (idem, p. 201).

Pour les auteurs, ce type d’échantillonnage prend son importance dans l’exploration de nouveaux domaines, car il permet de choisir des voies d’échantillonnage qui peuvent lui donner un retour théorique plus riche. Ainsi, le processus de collecte de données est contrôlé par la théorie émergente (Strauss, 1987). Par conséquent, le choix des participants doit être guidé par la richesse des données. Celles-ci permettent de mieux comprendre le phénomène et contribuent au développement d’une théorie. Guillemette (2006) indique qu’il faut choisir l’échantillon, non pas avec un critère de représentativité, mais en prenant compte « des échantillons de situations dans lesquelles le chercheur pourra cueillir des données « théorisables », c’est-à-dire des données qui permettent de toujours mieux comprendre le phénomène plutôt que de simplement le documenter » (idem, p. 40-41). LeCompte et Preissle (1993, cités par Savoie-Zacj, 2007, p. 102) parlent de la construction de l’échantillon en tant que processus évolutif. Ils décrivent deux types d’échantillonnage

pouvant être utilisés au début d’une recherche. Le premier a pour particularité la représentativité des points de vue ; le second, la volonté d’effectuer des comparaisons. Nonobstant, Bryant et Charmaz (2007) recommandent au début de la recherche de commencer avec un groupe homogène et, après avoir compris le phénomène étudié, de chercher des contextes et groupes différents.

J’ai commencé l’analyse avec des Brésiliens qui ont été responsables par la plupart des conversations sur Facebook pendant les élections. Celles-ci ont été menées par des hommes et des femmes de 18 à 34 ans, habitant l’État de São Paulo, et ayant participé à des discussions politiques pendant les élections présidentielles 2014. Ces personnes ont cessé de suivre, supprimé, ou bloqué, au moins un « ami » sur Facebook pendant la période électorale en raison des dissensions concernant leurs points de vue politiques.

Dans la première étape de recherche des participants, je ne me suis pas affairée à les équilibrer selon leurs points de vue politiques. Mais je me suis aperçue, au début de l’analyse des premières entrevues, de l’importance de comparer et mettre en relief trois groupes : l’un plus enclins à la candidate à réélection, Dilma Rousseff, un autre plus favorable au candidat de l’opposition, Aécio Neves18, et un troisième resté neutre durant le

deuxième tour de l’élection, ou qui a critiqué les deux candidats et leurs programmes de gouvernement comme nous le verrons plus tard.

Pour commencer, j’ai utilisé la technique de snowball sampling (Biernacki et Waldorf, 1981). Cette technique consiste à recruter des personnes de départ (dans notre cas, via les réseaux sociaux numériques) et de les inciter à nous indiquer des personnes de leur entourage ayant le profil recherché, lesquelles pourront, pour leur part, nous indiquer une troisième branche de réseau, comme en un effet « boule de neige ». Le chercheur peut accéder de cette manière à un univers composé d’une plus large palette d’individus qui serait difficilement atteignable par la seule entremise du chercheur. J’avais pour idée de réaliser un nombre d’échelles conséquent qui serait nécessaire à l’obtention de l’échantillon envisagé. Quatre groupes distincts ont été utilisés afin d’atteindre la composante que je souhaitais explorer. Ces quatre groupes responsables de la majorité des interactions sur

Facebook pendant les élections brésiliennes se composent, selon les données de Facebook (2014) : 1) de femmes de 25 à 34 ans; 2) de femmes de 18 à 24 ans; 3) d’hommes de 18 à 24 ans; et 4) d’hommes de 25 à 34 ans. Bien que le sondage Facebook n’ait aucune valeur académique, il s’agit de la seule source disponible, et j’ai considéré comme valable son utilisation afin de restreindre notre échantillon.

Le premier effet « boule de neige » ne m’a donné aucun retour valable. J’ai donc lancé une deuxième « boule de neige » par l’intermédiaire de plusieurs personnes ayant participé aux discussions sur Facebook, mais qui n’avaient pas nécessairement le profil recherché. Le message envoyé a été le même que pour la première fois. Je cherchais par celui-ci des hommes et des femmes de 18 à 34 ans, habitant l’État de São Paulo, ayant participé aux discussions politiques pendant les élections présidentielles 2014, et qui avaient cessé de suivre, bloqué, ou supprimé au moins un « ami » sur Facebook pendant la période électorale, en raison des dissensions concernant leurs points de vue politiques. Cette deuxième « boule de neige » a bien fonctionné et c’est par une liste d’une dizaine de personnes que j’ai commencé à faire des contacts par message privé Facebook et fixer les dates d’entretiens.

Dans la prochaine section, je parlerai de l’instrument de collecte de données choisi – les entretiens semi-dirigés approfondis – et de l’utilisation des logiciels de vidéoconférence pour la réalisation d’entretiens, faits au Canada avec les Brésiliens.