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Utilisation de la thromboélastométrie (ROTEM®) en chirurgie cardiaque pédiatrique

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Academic year: 2021

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4. Développement d’un algorithme pour guider la prise en charge du saignement au cours de la chirurgie cardiaque pédiatrique.

4.1. Utilisation de la thromboélastométrie (ROTEM®) en chirurgie cardiaque pédiatrique.

Comme nous l’avons déjà discuté dans la première partie de ce travail, la coagulopathie induite par la CEC est complexe et nécessite une prise en charge spécifique et multimodale. Si la prévention du saignement consiste en un premier pas de grande importance, elle ne suffira pas à empêcher systématiquement la survenue d’une coagulopathie et les pertes sanguines, plus ou moins abondantes, qui y seront associées. Ceci explique le second axe de recherche poursuivi par ce travail, visant à développer un algorithme spécifique de prise en charge du saignement au cours de la chirurgie cardiaque pédiatrique.

La thromboélastométrie (ROTEM®, TEM® International GmbH, Munich, Germany) est un outil de plus en plus utilisé pour l’évaluation de la coagulation « au lit du patient » dans différents domaines cliniques. (84-86) Son utilisation fait partie intégrante des recommandations européennes publiées récemment pour la prise en charge de l’hémorragie dans le contexte chirurgical (87) et traumatologique. (88) Il faut cependant noter que cet outil ne s’avère d’aucune utilité pour prédire, que ce soit en pré- ou en peropératoire, les patients à risque de pertes sanguines importantes. (89) Son utilisation doit donc être réservée dans le cadre du développement d’un algorithme apte à guider l’administration de produits hémostatiques chez des patients présentant un saignement anormal. (90) L’intérêt de ce type d’algorithme a été évalué en chirurgie cardiaque adulte dans une étude rétrospective « avant/après » publiée par Klaus Gorlinger et collaborateurs en 2011. (91) Dans cette étude, incluant 3865

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patients, les auteurs rapportent que l’implémentation d’un algorithme de prise en charge du saignement postopératoire avait permis une diminution significative de la transfusion de produits sanguins labiles, ainsi qu’une réduction des complications thromboemboliques. Les mêmes auteurs confirment leurs résultats en terme d’épargne de produits sanguins dans une étude prospective, randomisée, monocentrique, l’algorithme utilisé se basant sur le ROTEM® et un outil d’évaluation de la fonction plaquettaire (MULTIPLATE®, Roche, Basel, Switzerland). (92) Les auteurs observent également une réduction de la morbi-mortalité postopératoire et une réduction significative des coûts.

Il existe peu de données concernant l’utilisation de la thromboélastométrie dans la chirurgie à haut risque hémorragique chez l’enfant. Si l’on sait que la médiane des valeurs de chaque paramètre du ROTEM® varie peu en fonction de l’âge de l’enfant, une très grande variabilité interindividuelle a cependant été observée. (93)

La présence d’une cardiopathie congénitale augmente le pourcentage de valeurs considérées comme « anormales », d’autant plus que celle-ci est cyanogène. (94) Cette dernière observation ne permet toutefois pas de justifier l’utilisation systématique du ROTEM® chez tous les enfants bénéficiant d’une chirurgie cardiaque sous CEC.

4.2. Corrélation entre le taux de fibrinogène et le saignement post-opératoire.

Faraoni D et al. Eur J Anaesthesiol 2014. (95)

4.2.1. Méthode.

Cette étude rétrospective, réalisée à partir de données collectées prospectivement dans la base de données de notre département, a repris tous les

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enfants ayant bénéficié d’une chirurgie cardiaque élective sous CEC entre Septembre 2010 et Janvier 2012 après accord du comité d’éthique de l’hôpital.

Nous avons exclu de nos analyses les chirurgies urgentes, les enfants moribonds (score American Society of Anesthesiolgists (ASA) ≥ 5) et les témoins de Jéhovah.

La prise en charge de l’anesthésie a été standardisée pendant toute la durée de l’étude et correspond à la technique décrite au point 2.4.2. L’algorithme transfusionnel utilisé a été standardisé, ayant bénéficié d’une approche multidisciplinaire impliquant le chirurgien et les équipes d’anesthésistes et de pédiatres. En cas de saignement anormal, une dose de 15 ml/kg de PFC pouvait être administrée et répétée si nécessaire. Les concentrés plaquettaires étaient transfusés en cas de saignement anormal en présence d’un taux de plaquettes < 100.000 par mm3.

Cet algorithme transfusionnel n’était pas basé sur les résultats obtenus lors de l’analyse de l’hémostase effectuée par thromboélastométrie (ROTEM®) et réalisée systématiquement chez chaque enfant, 10 minutes après l’administration de la protamine et contrôle de l’antagonisation adéquate de l’héparine circulante. Les tests étaient réalisés au quartier opératoire par un seul et même operateur. Pour cette analyse, un échantillon sanguin a été prélevé sur la ligne artérielle, après avoir éliminé un volume correspondant à trois fois l’espace mort. Une partie du sang prélevé a été envoyée au laboratoire pour détermination du taux de fibrinogène (par la méthode de Clauss) (44), ainsi que du taux d’hémoglobine, des plaquettes, de l’aPTT et du PTT.

Le volume restant du prélèvement a été collecté dans un tube citraté et analysé extemporanément sur le thromboélastomètre. Les paramètres suivants ont été mesurés : le temps de génération du caillot (CT, min), l’angle (α, °), le temps de formation du caillot (CFT, min), les amplitudes à 10 et 20 minutes (A10 et A20, mm) ainsi que l’amplitude maximale du caillot (MCF, mm), l’index de lyse mesuré à 30

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min (LI30, %) et la lyse maximale (ML, %). Ces différents paramètres ont été mesurés à la fois en utilisant l’EXTEM (exploration de la voie extrinsèque après activation de l’échantillon sanguin par le facteur tissulaire), l’INTEM (exploration de la voie intrinsèque après activation de l’échantillon sanguin par l’acide ellagique), le FIBTEM (exploration de la voie extrinsèque après inhibition des plaquettes par addition de cytochalasine D à l’échantillon sanguin) et l’HEPTEM (exploration de la voie intrinsèque après addition d’héparinase à l’échantillon sanguin).

Toutes les données en rapport avec les caractéristiques démographiques, per- et postopératoires ont été enregistrées dans la base de données. Les pertes sanguines peropératoires ont été mesurées en pesant les compresses et en quantifiant les volumes des aspirations. Pour la période post-opératoire, elles ont été mesurées en totalisant le volume de sang présent dans le réservoir relié aux drains thoraciques. Nous avons défini comme significatif un saignement postopératoire supérieur à 10% du volume circulant estimé de l’enfant endéans les 6 premières heures post-opératoires. Cette définition adaptée de celle publiée par Williams et collaborateurs en 1999 (15) correspond au percentile 75 de notre population.

Analyses statistiques.

La distribution des variables continues a été testée par un test de Kolmogorov- Smirnov. Les données sont présentées sous forme de moyenne et déviation standard ou médiane et percentiles [percentile 25 - percentile 75]. Les variables continues ont été comparées en utilisant un test de Wilcoxon. Les variables répétées ont été analysées à l’aide d’un test de variance (ANOVA) à deux dimensions pour mesures répétées, testant un effet pour le groupe, le temps et l’interaction entre les deux (groupe X temps). En cas de résultat significatif, un test de Bonferoni a alors été

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appliqué pour réaliser les comparaisons multiples. Les variables discontinues sont présentées sous forme de nombre et pourcentage (%) ; elles ont été comparées en utilisant un test de Chi carré.

Chaque paramètre enregistré dans notre base de données a été inclus dans une analyse de régression logistique univariée, le rapport de côte et son intervalle de confiance à 95% ont alors été calculés. Une valeur de P < 0,05 a été choisie « à priori » comme critère d’inclusion dans l’analyse de régression logistique multivariée.

Cette seconde analyse a été réalisée afin de déterminer les paramètres associés de manière indépendante à la présence d’un saignement post-opératoire significatif.

Pour terminer, des analyses de courbe de ROC (received operating characteristic) ont été réalisées pour les paramètres obtenus dans l’analyse multivariée qui le permettaient. Pour chacun de ces paramètres, l’aire sous la courbe (AUC) et ses intervalles de confiance à 95% ont été calculés, ainsi que le critère de Younden, sa sensibilité et sa spécificité.

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide de Prism 6 for Mac OS (Version 6.0a; GraphPad software inc. San Diego California USA, www.graphpad.com), Statistix pour Windows (Version 9; Analytical Software.

Tallahassee, USA, www.statistix.com) et MedCalc pour Windows (Version 12.3.0.0;

MedCalc Software, Ostend, Belgium, http://www.medcalc.org).

4.2.2. Résultats.

Au cours de la période d’étude, 191 enfants ont bénéficié d’une chirurgie cardiaque sous CEC. L’organigramme des inclusions et exclusions est repris dans la figure 17. Nous avons exclu 29 enfants âgés de moins de 1 mois, ceux-ci ayant reçu systématiquement du PFC dans la CEC. Six enfants ont également été exclus suite à

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des problèmes techniques ou à la perte de données relevantes. Parmi les 156 enfants dont les données ont été analysées, 36 ont présenté un saignement postopératoire significatif en accord avec notre définition.

Figure 17 – Organigramme des inclusions et exclusions.

Les données démographiques sont détaillées dans le tableau 9. Les enfants ayant présenté un saignement postopératoire significatif avaient un plus petit poids, souffraient plus fréquemment d’une cardiopathie cyanogène et bénéficiaient plus souvent de chirurgies plus complexes avec des durées de CEC et de clampage aortique plus longues.

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Tableau 9 – Données démographiques.

Groupe « saignement » (n=36)

Groupe

« pas de saignement » (n=120)

P

Age (mois) 4,3 [1,8 - 13] 15,7 [6.8 - 45] < 0,001

Sexe masculin (%) 17 (47,2) 66 (55,5) 0,38

Taille (cm) 22,5 [18,0 – 30,2] 77,0 [63,0 – 102,0] < 0,001 Poids (kg) 5,5 [4,2 – 8,0] 9,2 [6,0 – 14,4] < 0,001

Cyanogène (%) 21 (58) 25 (21) < 0,001

SpO2 (%) 85 [80 - 95] 95 [89 - 97] < 0,001

ASA (%) 0,006

2 2 (5,6) 12 (10,0)

3 19 (52,8) 86 (71,7)

4 13 (36,1) 22 (18,3)

5 2 (5,6) 0 (0)

ATCD de sternotomie (%) 7 (19,4) 39 (32,8) 0,12

RACHS-1 3 [2 - 4] 2 [2 - 3] < 0,001

Durée de chirurgie (min) 247 [190 - 313] 212 [180 - 256] 0,01

Clampage aortique (%) 33 (92) 88 (74) 0,02

Durée Clampage aortique (min) 61 [39 - 78] 49 [35 - 68] 0,16

Durée CEC (min) 124 [81 - 169] 96 [73 - 117] 0,006

Durée fermeture de la peau (min) 74 [66 - 87] 64 [57 - 81] 0,003 Température minimale (°C) 32 [29 - 33] 33 [32 - 35] 0,002 Volume d’amorce CEC (ml/kg) 48,8 [38,6 – 53,5] 34.9 [26,3 – 45,5] < 0,001

Hémofiltration (%) 36 (100) 114 (96,8) 0,21

Hémofiltration (ml/kg) 32,2 [22,4 - 45,8] 26,7 [14,7 - 40,3] 0,04 Médiane et écart interquartile (EI), ou nombre et pourcentage (%).

Avec SpO2: oxymétrie de pouls, ASA: score de l’« American Society of Anesthesiologists, RACHS:

Risk Adjustment for Congenital Heart Surgery, CEC: circulation extracorporelle.

Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne les tests de laboratoire préopératoires (Tableau 10).

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Tableau 10 – Valeurs des tests de laboratoires en pré- et post-opératoire

Groupe « saignement » (n=36)

Groupe « pas de saignement » (n=120)

P

Préopératoire

Hémoglobine (g/dl) 13,0 [11,4 – 15,5] 12,6 [11,4 – 13,8] 0,23 Hématocrite (%) 40,4 [35,6 – 46,5] 38,1 [34,5 – 44,1] 0,15

INR 1,01 [0,96 – 1,05] 1,00 [0,96 – 1,07] 0,59

PTT (%) 98 [91 - 100] 100 [88 - 100] 0,95

aPTT (sec) 36 [32 - 38] 36 [32 - 39] 0,95

Fibrinogène (mg/dl) 282 [223 - 314] 289 [246 - 341] 0,32 Plaquettes (103/mm3) 367 [286 - 455] 313 [248 - 402] 0,10 Après administration de la protamine

Hématocrite (%) 36,1 [35,8 – 36,2] 36,1 [35,8 – 36,4] 0,28

INR 1,65 [1,46 – 1,82] 1,50 [1,35 – 1,62] 0,001

PTT (%) 46 [40 - 53] 52 [46 - 61] < 0,001

aPTT (sec) 50 [42 - 63] 42 [38 - 48] 0,002

Fibrinogène (mg/dl) 130 [99 - 150] 159 [138 - 195] < 0,001

Plaquettes (103/mm3) NA NA NA

A l’arrivée aux soins intensifs

Hémoglobine (g/dl) 11,4 [9,9 – 12,2] 11,1 [9,6 – 12,3] 0,42 Hématocrite (%) 33,6 [30,6 - 37,4] 31,9 [28,5 - 36,4] 0,22

INR 1,46 [1,31 – 1,56] 1,33 [1,22 – 1,45] 0,001

PTT (%) 55 [50 - 62] 62 [55 - 72] 0,001

aPTT (sec) 43,7 [37,8 – 47,9] 37,7 [32,9 – 42,8] < 0,001 Fibrinogène (mg/dl) 145 [116 - 163] 177 [156 - 210] < 0,001 Plaquettes (103/mm3) 144 [90 - 185] 174 [134 - 226] 0,004 24h postopératoire

Hémoglobine (g/dl) 10,6 [9,0 – 12,2] 10,8 [9,5 – 11,7] 0,56 Hématocrite (%) 31,2 [25,6 – 36,3] 31,6 [27,8 – 35,8] 0,46

INR 1,23 [1,14 - 1,42] 1,16 [1,08 - 1,30] 0,02

PT (%) 70 [58 - 80] 77 [65 - 87] 0,03

aPTT (sec) 40 [35 - 45] 35 [31 - 40] 0,02

Fibrinogène (mg/dl) 251 [216 - 303] 274 [236 - 308] 0,15 Médiane et écart interquartile (EI), ou nombre et pourcentage (%).

Avec INR : international normalized ratio, PTT : temps de prothrombine, APTT : temps de thromboplastine activé.

Les resultats du ROTEM obtenus chez les enfants ayant presentes un saignement postoperatoire signbificatif etaient tous significativement plus perturbes que ceux obtenus chez les enfants n’ayant pas presentes de saignement (Tableau 11).

Dans la période postopératoire, les enfants ayant présenté un saignement significatif ont été plus fréquemment exposés au PFC (p=0,03) et ont reçu des quantités plus importantes de GRC (p=0,02) et de PFC (p=0,03). Aucun des enfants n’a reçu de fibrinogène ou de concentré de facteurs de coagulation (Tableau 12).

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Tableau 11 – Comparaisons des valeurs de ROTEM entre le group « saignement » et le groupe « pas de saignement ».

Groupe « saignement »

(n=36) Groupe « pas de saignement »

(n=120) P

INTEM

CT (min) 243 [213 - 276] 214 [195 - 244] < 0,001 Alpha (deg.) 55 [45 - 62] 63 [56 - 69] < 0,001 CFT (min) 207 [164 - 269] 144 [107 - 197] < 0,001 A10 (mm) 34 [29 - 40] 41 [35 - 48] < 0,001 A20 (mm) 40 [36 - 46] 48 [42 - 55] < 0,001 MCF (mm) 42 [38 - 48] 49 [44 - 55] < 0,001 EXTEM

CT (min) 117 [89 - 145] 88 [79 - 114] 0,002

Alpha (deg.) 48 [38 - 54] 55 [49 - 62] < 0,001 CFT (min) 246 [198 - 361] 196 [144 - 246] < 0,001 A10 (mm) 32 [27 - 37] 39 [34 - 45] < 0,001 A20 (mm) 40 [35 - 45] 46 [42 - 53] < 0,001 MCF (mm) 42 [38 - 46] 49 [43 - 54] < 0,001 FIBTEM

CT (min) 263 [116 - 2353] 95 [78 - 229] < 0,001

A10 (mm) 3 [2 - 3] 4 [3 - 6] < 0,001

A20 (mm) 3 [2 - 4] 4 [3 - 6] < 0,001

MCF (mm) 3 [2 - 3] 4 [3 - 6] < 0,001

HEPTEM

CT (min) 241 [217 - 284] 206 [192 - 237] < 0,001 Alpha (deg.) 55 [42 - 61] 64 [56 - 69] < 0,001 CFT (min) 208 [158 - 291] 144 [107 - 205] < 0,001 A10 (mm) 34 [27 - 40] 41 [35 - 49] < 0,001

A20 (mm) 41 [35 - 46] 48 [42 - 55] <0,001

MCF (mm) 43 [38 - 48] 50 [44 - 56] < 0,001 Médiane et écart interquartile (EI), ou nombre et pourcentage (%)

Tableau 12 - Pertes sanguines et transfusions post-opératoires.

Groupe

« saignement » (n=36)

Groupe

« pas de saignement » (n=120)

P

Pertes sanguines à 6 heures (ml/kg) 9,5 [8,9 – 12,2] 4,1 [2,1 – 5,2] < 0,001 Exposition GRC dans l’amorce (%) 14 (39) 29 (24) 0,09

Exposition GRC (%) 21 (58) 47 (40) 0,05

Volume GRC (ml/kg) 7,3 [0,0 – 20,2] 0,0 [0,0 – 13,8] 0,02

Exposition PFC (%) 4 (11,1) 3 (2,5) 0,03

Volume PFC (ml/kg) 4,6 (15,7) 0,7 (5,0) 0,03

Exposition concentrés plaquettes (%) 2 (5,6) 2 (1,7) 0,20

Mortalité (%) 1 (2,8) 4 (3,4) 0,86

Médiane et écart interquartile (EI), ou nombre et pourcentage (%).

(10)

L’analyse de régression logistique univariée a mis en évidence 34 paramètres associés de manière significative aux pertes sanguines postopératoires. Ces paramètres ont alors été insérés dans un modèle de régression logistique multivariée et après exclusion progressive des paramètres non-significatifs (P ≥ 0,05), le meilleur modèle a inclus les paramètres suivants : la durée de fermeture, définie comme le temps compris entre la fin de la CEC et la fin de la fermeture de la peau (p < 0,001), le CFT sur l’INTEM (p = 0,008), le MCF sur le FIBTEM (p=0,003) et le taux de fibrinogène mesuré après administration de la protamine (p=0,006) (Tableau 13).

Tableau 13 – Résultats de l’analyse de régression logistique multivariée.

Variables B ES RdC IC 95% P

Durée de fermeture (min) 0,06 0,01 1,06 1,03 – 1,09 < 0,001

INTEM – CFT (min) 0,10 0,04 1,10 1,03 – 1,19 0,008

FIBTEM – MCF (mm) -2,20 0,74 0,11 0,03 – 0,47 0,003 Fibrinogène après protamine (mg/dl) -0,03 0,01 0,97 0,95 – 0,99 0,006 Avec B, coefficient de régression ; ES, écart standard ; RdC, rapport de cote ; IC intervalle de confiance.

La figure 18 illustre la corrélation observée entre le taux de fibrinogène mesuré après administration de la protamine et le MCF mesuré sur le FIBTEM (r = 0,70, IC 95%: 0.58 - 0.77, P < 0,0001).

(11)

Figure 18 – Corrélation entre le taux de fibrinogène et le MCF mesuré sur le FIBTEM.

Les analyses de ROC montrent une relation significative entre les pertes sanguines mesurées 6 heures après la chirurgie et le taux de fibrinogène, qu’il soit mesuré par la méthode classique de Clauss (Figure 19A; AUC: 0.78, IC 95% 0.70 - 0.85) ou estimé par le MCF sur le FIBTEM (Figure 19B; AUC: 0.73, IC 95%

0.63 - 0.81). Ces analyses ont permis de définir qu’un taux seuil de fibrinogène ≤ 150 mg/dl permettait de prédire le saignement postopératoire avec une sensibilité de 68,9% et une spécificité de 83,8%, alors qu’une valeur seuil de MCF sur le FIBTEM ≤ 3 mm permettait de le prédire avec une sensibilité de 78,6% et une spécificité de 70,0%.

(12)

Figure 19 – Courbes de ROC pour le taux de fibrinogène (A) et le MCF mesuré sur le FIBTEM (B).

4.2.3. Discussion.

Cette étude est la première à mettre en évidence, en chirurgie cardiaque pédiatrique, une relation entre la diminution du taux de fibrinogène, qu’il soit mesuré par un test classique de laboratoire (test quantitatif) ou par un test viscoélastique (test qualitatif) obtenu par thromboélastométrie, et la survenue d’un saignement postopératoire anormal. De plus, celle-ci a permis de définir, pour les deux types d’analyses des valeurs seuil permettant de prédire avec une bonne sensibilité et une bonne spécificité la survenue d’un saignement anormal. Nos résultats confirment ceux de Haas et collaborateurs ayant démontré une excellente corrélation entre le MCF obtenu sur le FIBTEM et le taux plasmatique de fibrinogène chez des enfants bénéficiant de chirurgies majeures non-cardiaques (r=0,88). (96)

A B

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La relation entre le taux de fibrinogène et le saignement postopératoire est bien établie en chirurgie cardiaque adulte. (97) Par contre, cette même relation n’a été que partiellement étudiée dans la population pédiatrique. Dans une petite étude incluant 21 enfants bénéficiant d’une chirurgie cardiaque sous CEC, Hayashi et collaborateurs ont observé une corrélation entre l’amplitude maximale du caillot (MCF) mesurée par thromboélastométrie, le volume de sang perdu en postopératoire (r = -0.64, P < 0,001) et la durée de la chirurgie (r = -0.51, P <

0,02). (98) Cependant, la valeur de cette corrélation était relativement faible et le rapport entre saignement postopératoire et concentration plasmatique de fibrinogène n’avait pas été étudié.

Les résultats de nos analyses sont en accord avec la tendance actuelle de la littérature cardiaque adulte mettant en évidence le rôle du fibrinogène dans le développement d’un saignement anormal en sortie de CEC et l’importance de corriger tout déficit de celui-ci. (99) Cependant, la supplémentation en fibrinogène se heurte à plusieurs problèmes pratiques non encore résolus : (i) quel produit utiliser pour la supplémentation ? (ii) quel taux de fibrinogène à cibler pour être efficace sans risquer des incidents thromboemboliques ? (iii) quel test pour guider la supplémentation en fibrinogène ?

La supplémentation en fibrinogène peut être assurée par l’administration de larges volumes de PFC ou par l’administration de concentrés de fibrinogène. Le PFC contient une quantité « physiologique » de fibrinogène (200 à 250 mg/dl), dès lors un volume important de PFC (30 ml/kg) doit être administré pour augmenter de manière significative le taux de fibrinogène. (100) Cette limitation, ainsi que les risques associés à la transfusion d’un produit sanguin labile ont conduit certains auteurs à préférer l’administration de concentrés de fibrinogène.

(14)

Rahe-Meyer et collaborateurs ont évalué, dans une étude pilote, l’efficacité de l’administration de concentrés de fibrinogène chez des patients bénéficiant d’une chirurgie aortique complexe. (101) La dose de fibrinogène administrée était calculée sur base d’une valeur de MCF cible à atteindre sur le FIBTEM (22 mm).

Cette stratégie a permis de réduire de manière significative les pertes sanguines postopératoires et le recours à la transfusion de produits sanguins labiles. Ces résultats ont été confirmés dans une étude prospective randomisée récente dans laquelle la supplémentation en fibrinogène constituait la première ligne de traitement d’un algorithme mis en place pour guider le traitement d’un saignement anormal après sortie de CEC. (102) Bien qu’intéressants, ces résultats reposent sur un petit nombre d’observations et d’autres études prospectives randomisées seront nécessaires afin d’évaluer la sécurité et l’efficacité de cette approche, en particulier en chirurgie cardiaque pédiatrique, où aucune donnée n’existe pour le moment.

Le taux de fibrinogène à cibler en cas d’hémorragie pour un rapport efficacité/risque optimal reste à définir. Dans le cadre de la prise en charge du patient polytraumatisé, les experts recommandent le maintien d’un taux de fibrinogène compris entre 150 à 200 mg/dl. (88) Ces auteurs recommandent également l’utilisation du ROTEM® et une valeur de MCF > 7 mm pour guider la supplémentation en fibrinogène. Dans le domaine cardiovasculaire, les recommandations récemment publiées par la Société Européenne d’Anesthésie ont proposé de maintenir un taux de fibrinogène supérieur à 380 mg/dl. (87) L’absence d’étude dose-réponse dans le domaine explique la grande variabilité des recommandations publiées, lesquelles reposent en grande partie sur de faibles niveaux de preuve.

(15)

Traditionnellement, la mesure du taux de fibrinogène est réalisée par une méthode classique de laboratoire (44), mais les tests viscoélastiques ont pris ces dernières années de plus en plus d’importance. (103) Bien qu’aucune étude n’ait démontré la supériorité de ces tests sur la mesure classique du fibrinogène, ceux-ci permettent une prise en charge beaucoup plus rapide au prix d’un coût, certes non négligeable, mais à mettre en balance avec la réduction du recours aux produits sanguins labiles.

Notre étude a mis en évidence deux limitations majeures du ROTEM® dans son utilisation en clinique courante. Premièrement, la grande majorité des paramètres du ROTEM® ne permettent pas de prédire le saignement postopératoire dans notre population. Cette observation est en accord avec celles rapportées par d’autres études. (98) Deuxièmement, si la valeur seuil de concentration plasmatique de fibrinogène déterminé dans notre étude est comparable à celle retrouvée dans la littérature, il n’en va pas de même en ce qui concerne la valeur seuil de MCF mesurée sur le FIBTEM, beaucoup plus basse dans notre étude (3 mm versus 7 à 9 mm). Cette observation met en évidence que les seuils définis arbitrairement par le manufacturier ou par les recommandations d’experts ne peuvent s’appliquer à toutes les populations. Ainsi, l’application aveugle des seuils de MCF recommandés nous aurait conduits à administrer du fibrinogène à 110 des 120 enfants n’ayant pas présenté de saignement anormal endéans les 6 premières heures postopératoires.

Les résultats de notre étude doivent évidemment être interprétés avec prudence en tenant compte de certaines limitations. Le caractère rétrospectif de nos analyses expose à certains biais. Nous avons tenté de limiter l’importance de ceux-ci par la réalisation d’analyses logistiques uni- et multivariées. Mais tous n’ont pu être

(16)

éliminés : ainsi, le fait que certains enfants aient été rangés dans le groupe « pas de saignement », peut être lié à l’administration de PFC et/ou de concentrés plaquettaires endéans les 6 premières heures postopératoires. Finalement, à aucun moment, nous n’avons évalué la fonction plaquettaire, laquelle peut naturellement influencer le développement d’un saignement postopératoire anormal.

En conclusion, cette étude nous a permis de mettre en évidence la bonne corrélation existant entre le taux de fibrinogène mesuré par la méthode de Clauss, l’amplitude maximale du caillot mesurée sur le FIBTEM du ROTEM® et le saignement postopératoire. Par la facilité et la rapidité d’accès aux résultats du ROTEM®, nous pourrions être tentés d’utiliser celui-ci systématiquement afin de guider l’administration des traitements hémostatiques, en particulier les concentrés de fibrinogène. Cependant, nos résultats confirment également que les tests mesurés par le ROTEM® sont peu prédictifs de l’apparition d’un saignement postopératoire et, par conséquent, ne doivent pas être réalisés systématiquement.

Ils devraient être réservés aux enfants à risque de développer un saignement anormal ou développant un saignement anormal sur base de l’évaluation clinique en utilisant un algorithme conçu spécifiquement pour la population ciblée.

4.3. Développement d’un algorithme de prise en charge spécifique pour notre population. Faraoni D et al. Eur J Anaesthesiol 2014 (104)

4.3.1. Introduction.

Comme évoqué précédemment, l’utilisation d’un algorithme de prise en charge du patient présentant une coagulopathie permet une réduction des pertes sanguines postopératoires et une diminution de l’exposition aux produits sanguins labiles tout en s’accompagnant d’une amélioration de la morbi-mortalité

(17)

postopératoire ainsi que d’une baisse des coûts. (92) Cependant, l’utilisation de cet algorithme doit impérativement être réservée aux patients présentant un saignement anormal afin d’éviter l’administration de traitements inutiles. (105) Ceci est particulièrement vrai si le ROTEM® fait partie de cet algorithme, puisqu’il n’est pas prédictif du saignement. (84)

Plusieurs algorithmes ont été évalués en chirurgie cardiaque adulte, mais un seul a été testé dans la population pédiatrique. (106) Celui-ci a cependant été élaboré de manière arbitraire, sans avoir testé l’adéquation des valeurs seuil des paramètres du ROTEM® qui y sont intégrées. De plus cet algorithme a été appliqué de manière identique quels que soient l’âge de l’enfant et le type de cardiopathie. Ceci constitue une limite à son utilisation, puisque, comme nous l’avons montré, l’incidence des saignements anormaux ainsi que leur étiologie diffèrent en fonction de ces deux paramètres. (21)

Afin de mettre en place une stratégie de prise en charge adaptée à notre population pédiatrique, nous avons réalisé cette étude dont le but a été d’élaborer un algorithme intégrant les tests du ROTEM® tout en tenant compte des caractéristiques de la population traitée dans notre institution ainsi que des procédures appliquées dans nos départements de chirurgie et d’anesthésie. Notre approche méthodologique s’est faite en trois étapes successives: (i) définir un critère multifactoriel permettant de prédire et/ou de détecter l’enfant à risque de saignement postopératoire, (ii) déterminer les seuils des paramètres du ROTEM® permettant de guider une stratégie thérapeutique adaptée et (iii) valider rétrospectivement l’adéquation de l’algorithme mis en place.

(18)

4.3.2. Méthode.

Cette étude rétrospective reprend la population étudiée et décrite en détail au chapitre 3.2, à l’exception des enfants ayant reçu du PFC avant l’administration de protamine. Nous avons également exclu 6 patients supplémentaires, 1 ayant bénéficié d’une ECMO rapidement après la chirurgie et 5 autres pour données manquantes.

Comme précédemment décrit, une perte sanguine supérieure à 10% du volume circulant de l’enfant endéans les 6 premières heures postopératoires a été considérée comme un saignement significatif. Les enfants ont ainsi été répartis en un groupe

« saignement » et un groupe « sans saignement ». (Figure 20).

Figure 20 – Organigramme de la population étudiée.

(19)

Les données démographiques de cette population sont présentées dans le tableau 14.

Tableau 14 – Données démographiques.

Variables Médiane ou

nombre

Ecart type ou pourcentage

Age (mois) 14 5 – 40

Sexe mâle 78 52%

Taille (cm) 71 60 - 98

Poids (kg) 7.7 5.4 – 13.6

ASA

2 12 8%

3 102 68%

4 36 24%

RACHS-1

1 11 7%

2 64 43%

3 56 38%

4 13 9%

5 1 < 1%

6 4 3%

SpO2 préopératoire. (%) 95 85 – 97

Durée de la chirurgie (min) 215 184 – 260

Clampage aortique 116 77%

Durée du clampage aortique (min) 51 38 - 71

Durée CEC (min) 98 74 - 129

Pertes sanguines à 6h (ml/kg) 4,8 2,7 – 7,2

Avec ASA: score de l’« American Society of Anesthesiologists, RACHS: Risk Adjustment for Congenital Heart Surgery, SpO2: oxymétrie de pouls, CEC: circulation extra-corporelle.

4.3.3. Prédiction du risque de saignement.

4.3.3.1. Analyses statistiques.

La première étape de cette étude a consisté à appliquer une méthodologie statistique que nous avions préalablement publiée, visant à déterminer un calcul probabiliste multifactoriel permettant de prédire et/ou de détecter la présence d’un saignement anormal. (107) Chaque variable considérée comme un facteur potentiellement associé au saignement postopératoire a été repris dans une analyse de régression logistique univariée. Toutes les variables présentant une valeur de P < 0,1

(20)

dans cette analyse ont été considérées comme potentiellement capables de prédire le saignement postopératoire. Celles-ci ont alors été insérées dans un modèle de régression logistique multivariée dans le but de construire progressivement le meilleur modèle, reprenant tous les facteurs indépendamment associés au saignement postopératoire (P < 0,05). Ces paramètres étaient alors utilisés pour calculer un risque de saignement, dérivé d’un calcul de probabilité utilisé précédemment par Apfel et collaborateurs pour développer un score de prédiction du risque de nausées et vomissements postopératoires, (108) la formule étant la suivante :

Probabilité ou le risque = (1 + e-z)-1

Où z = b1 . x1 + b2 . x2 + b3 . x3 + … + by . xy

Avec b, le coefficient obtenu dans l’analyse de régression logistique multivariée et x, le paramètre.

Le risque de saignement a alors été calculé pour chaque patient inclus dans la population étudiée. Ensuite, une courbe de ROC a été réalisée afin d’évaluer la capacité de ce paramètre calculé à prédire la survenue d’un saignement postopératoire significatif.

Les analyses statistiques ont été réalisées avec Prism 6 pour Mac OS (version 6.0d; GraphPad Software inc., San Diego California USA, www.graphpad.com), STATA® 13.1 pour Mac OS (Stata Statistical Software: version 13.1; StataCorp.

2013, College Station, TX, USA, www.stata.com), MedCalc pour Windows (Version 12.3.0.0, MedCalc Software, Ostend, Belgium, http://www.medcalc.org).

4.3.3.2. Résultats.

L’analyse logistique multivariée a mis en évidence trois paramètres indépendamment associés à la survenue d’un saignement postopératoire anormal : le

(21)

poids (kg), la présence d’une cardiopathie cyanogène (SpO2 < 90%) et la durée de fermeture de la peau (min), définie comme le temps entre la fin de la CEC et la fin de la fermeture de la peau (Tableau 15).

Tableau 15 – Résultats de l’analyse de régression logistique multivariée.

Variables B ES Coef/ES p

Constante -1,47 0,89 -1,66 0,096

Cardiopathie cyanogène (%) 1,62 0,47 3,46 0,001 Durée de fermeture (min) 0,02 0,01 1,85 0,044

Poids (kg) -0,21 0,06 -3,26 < 0,001

Ces paramètres ont été utilisés pour calculer le risque de saignement pour chaque enfant en utilisant la formule suivante : Probabilité où le risque = (1 + e-z)-1

Avecz = 1.6*(cyanogène) - 0.21*(poids) + 0.02*(durée de fermeture) - 1.48

L’analyse ROC a permis de mettre en évidence que ce paramètre de risque de saignement était significativement associé à la survenue d’un saignement anormal postopératoire (Figure 21, AUC : 0,82, IC 95% : 0,75 – 0,88, p < 0,001).

Figure 21- Courbe de ROC pour le risque de saignement.

(22)

Le critère permettant de prédire ce risque de saignement avec une sensibilité de 80% et une spécificité de 69% est ≥ 0,20. Etant donné que le poids préopératoire et la présence d’une cardiopathie cyanogène sont des éléments connus dès la période préopératoire, nous pourrons dès lors déterminer avant l’intervention une durée de fermeture seuil au-delà de laquelle, le risque de 0,2 sera dépassé et le risque de saignement postopératoire sera élevé. Ce calcul du risque constitue la première étape de notre algorithme et sera utilisé pour décider de réaliser ou non un ROTEM®.

4.3.4. Paramètres et valeurs seuil du ROTEM® adaptés à notre population pédiatrique.

4.3.4.1. Analyses statistiques.

Afin de déterminer les seuils adaptés à notre population pour les paramètres de ROTEM® que nous voulons inclure dans notre algorithme, nous avons construit des courbes de ROC pour les paramètres suivants: CT mesuré sur l’EXTEM, les amplitudes à 10 minutes, 20 minutes et l’amplitude maximale du caillot mesurées sur l’EXTEM et le FIBTEM. Les différentes mesures d’amplitudes ont été comparées entre-elles pour chacun des tests afin de déterminer la mesure la plus précocement associée au saignement postopératoire. Pour chaque analyse ROC, l’aire sous la courbe (AUC), les intervalles de confiance à 95%, la valeur seuil corrélée avec le saignement anormal ainsi que sa sensibilité et sa spécificité ont été déterminés.

Les analyses statistiques ont été réalisées avec Prism 6 pour Mac OS (version 6.0d; GraphPad Software inc., San Diego California USA, www.graphpad.com), STATA® 13.1 pour Mac OS (Stata Statistical Software: version 13.1; StataCorp.

2013, College Station, TX, USA, www.stata.com), MedCalc pour Windows (Version 12.3.0.0, MedCalc Software, Ostend, Belgium, http://www.medcalc.org).

(23)

4.3.4.2. Résultats.

L’aire sous la courbe obtenue pour le CT mesuré sur l’EXTEM (Figure 22A) était de 0,67 (IC 95% : 0,59-0,75, P < 0,001). Nous avons déterminé qu’un seuil ≥ 111 sec permettait de prédire le saignement postopératoire avec une sensibilité de 60% et une spécificité de 74%. La figure 22B détaille la comparaison des courbes de ROC obtenue pour le A10 (AUC: 0,74, IC 95%: 0,66-0,81, P < 0,001), le A20 (AUC:

0,76, IC 95%: 0,69-0,83, P < 0,001) et le MCF (AUC: 0,76, IC 95%: 0,68-0,83, P <

0,001) de l’EXTEM. Aucune différence significative n’a été observée lors de la comparaison de ces 3 courbes, ce qui indique qu’un seuil de ≤ 38 mm sur l’amplitude mesurée à 10 minutes (sensibilité : 88%, spécificité : 52%) peut être choisi. Nous avons ensuite réalisé les mêmes analyses pour le FIBTEM (Figure 22C) avec A10 (AUC: 0,72, IC 95%: 0,64-0,80, P < 0,001), A20 (AUC: 0,73, IC 95%: 0,65-0,81, P <

0,001) et MCF (AUC: 0,74, IC 95%: 0,66-0,82, P < 0,001). Une nouvelle fois, aucune différence significative n’était observée entre les aires sous les courbes de ces 3 paramètres permettant de déterminer qu’un seuil de ≤ 3 mm sur l’A10 permettait de prédire le saignement postopératoire avec une sensibilité de 85% et une spécificité de 62%.

(24)

Figure 22 – Courbes des paramètres du ROTEM® à inclure dans notre algorithme. Avec (A) : CT sur l’EXTEM, (B) : A10, A20 et MCF sur l’EXTEM et

(C) : A10, A20 et MCF sur le FIBTEM.

4.3.5. Validation rétrospective de notre algorithme.

4.3.5.1. Analyses statistiques.

Sur base des résultats obtenus dans les analyses précédentes, nous avons développé un algorithme préliminaire que deux auteurs (D. Faraoni & P. Van der Linden) ont appliqué indépendamment à chacun des enfants de la population étudiée, avec pour but d’évaluer la qualité de cet algorithme et de déterminer l’incidence de l’exposition aux produits hémostatiques chez les patients des deux groupes (« saignement » et « pas de saignement »). La même approche a été testée en

A

B C

(25)

appliquant l’algorithme publié par Romlin et collaborateurs. (106) Enfin, nous avons répété ces analyses uniquement chez les enfants qui auraient bénéficié d’un ROTEM® en tenant compte du risque de saignement déterminé préalablement dans cette étude. Pour chaque analyse, nous avons déterminé la sensibilité, la spécificité, les valeurs prédictives positives et négatives.

Les analyses statistiques ont été réalisées avec Prism 6 pour Mac OS (version 6.0d; GraphPad Software inc., San Diego California USA, www.graphpad.com).

4.3.5.2. Résultats.

La figure 23 représente l’algorithme préliminaire que nous avons mis au point ainsi que celui de Romlin et collaborateurs. (106)

Figure 23 – Algorithmes testés sur la population étudiée.

Nous avons observé que l’application de notre algorithme à la population entière de notre étude aurait conduit à traiter 32 enfants sur les 35 considérés comme

(26)

pas saigné auraient également reçu un traitement (55%). Si l’algorithme de Romlin et collaborateurs avait été appliqué à notre population, 94% (33/35) des enfants ayant saigné auraient été traités alors que 94% des enfants n’ayant pas saigné auraient reçu un traitement inutile (105/115). En se focalisant sur les enfants de notre population chez lesquels nous aurions réalisé un ROTEM®, sur base de notre paramètre de risque déterminé préalablement (n=65), 27/29 des enfants ayant saigné auraient été traités alors que 24/36 n’ayant pas saigné auraient reçu un traitement inutile. En utilisant l’algorithme de Romlin dans cette sous-population, 29/29 des enfants ayant saigné auraient été traités et 32/36 de ceux qui n’ont pas saigné auraient reçu un traitement inutile. L’application de notre algorithme à la population ayant un risque de saignement ≥ 0.20 offre donc le meilleur compromis entre sensibilité et spécificité (Tableau 16).

Tableau 16 – Sensibilité, spécificité, valeurs prédictives positives et négatives pour l’application de chaque algorithme.

Sensibilité (IC 95%)

Spécificité (IC 95%)

VPP (IC 95%)

VPN (IC 95%)

Population globale

Algorithme préliminaire

0.91 (0.77-0.98)

0.65 (0.57-0.72)

0.34 (0.24-0.44)

0.97 (0.93-0.99) Algorithme de

Romlin.

0.94 (0.81-0.99)

0.06 (0.02-0.12)

0.23 (0.17-0.31)

0.78 (0.40-0.97)

ROTEM®

Algorithme préliminaire

0.93 (0.77-0.99)

0.33 (0.19-0.51)

0.53 (0.38-0.67)

0.86 (0.57-0.98)

Algorithme de Romlin.

1.00 (0.88-1.00)

0.11 (0.03-0.26)

0.48 (0.35-0.61)

1.00 (0.40-1.00)

(27)

4.4. Discussion.

Cette étude est la première à décrire un algorithme de prise en charge du saignement chez l’enfant adapté à la population sur laquelle il sera appliqué. Cet algorithme pourra donc être utilisé pour détecter les enfants à risque de saignement, guider la décision de réaliser un ROTEM® et orienter l’approche thérapeutique.

Différents auteurs ont rapporté que le ROTEM® ou le TEG® pouvaient être utilisés en fin de CEC afin de guider l’administration des produits sanguins. (109,110) A l’heure actuelle, une seule étude cas-contrôle a évalué l’utilité d’un algorithme basé sur le ROTEM® pour guider l’administration des agents hémostatiques chez 100 enfants bénéficiant d’une chirurgie cardiaque avec CEC. (106) Dans cette étude, les auteurs ont rapporté que l’application de leur algorithme s’accompagnait d’une réduction significative de l’incidence de la transfusion de GRC et de PFC, mais aussi d’une augmentation de l’exposition aux concentrés de fibrinogène et de plaquettes. Il faut néanmoins noter les valeurs des tests du ROTEM® utilisées dans cet algorithme ont été définies arbitrairement et non pas été testées pour la population cible.

Etant donné que le ROTEM® n’est pas un outil permettant de prédire avec précision le saignement postopératoire, son utilisation systématique serait dès lors associée à une augmentation du risque d’exposition à des traitements hémostatiques inutiles avec ses conséquences potentielles en terme de complications et de coûts.

(111) L’utilisation du ROTEM® doit être réservée aux patients à risque de saignement, comme l’illustre notre étude. A l’heure actuelle, il n’existe pas de définition universelle du saignement « anormal ». Certains auteurs le définissent comme un saignement diffus observé à la surface des tissus et de la paroi, observation laissée à la discrétion de l’anesthésiste et du chirurgien, ou alors comme une perte intra-opératoire excédant les 50 ml/10 min. (91,92,106)

(28)

Dans une étude récente, les auteurs ont utilisé comme critère le poids d’un packing de compresses utilisé pour faire l’hémostase locale par compression pendant 5 minutes après administration de la protamine à la fin de la CEC. (102) Une masse de sang ≥ 250 g définissait une perte sanguine anormale. Une telle approche n’a jamais été validée pour la population pédiatrique. C’est pour cette raison que dans une étude publiée récemment, nous avions choisi d’utiliser un modèle probabiliste multifactoriel, utilisant le poids préopératoire, la présence d’une cardiopathie cyanogène et la durée de fermeture de la peau pour prédire les enfants à risque de saignement postopératoire. (107) Ce modèle s’est d’ailleurs avéré correct puisqu’il montre que les mêmes paramètres ont été retrouvés ici. Le poids et la présence d’une cardiopathie cyanogène étant deux paramètres connus en préopératoire, l’utilisation de notre modèle nous permet de définir un temps de fermeture au delà duquel, le risque de saignement dépassant les 0,20 est à considérer comme un signe d’alerte pour la réalisation du ROTEM®. L’application de cette approche, nous permet de réduire de moitié le nombre de ROTEM® réalisé, de détecter et de traiter 77% des enfants qui auraient saigné en ne traitant que 21% des enfants qui n’auraient pas saigné.

La détermination des valeurs seuil sur les tests de ROTEM à insérer dans l’algorithme n’est pas chose aisée. D’une part, il existe une très grande variabilité interindividuelle observée avec ce monitoring. (93) D’autre part, même si les variations entre les groupes d’âge ne semblent pas être significatives, l’incidence de valeurs anormales présente au ROTEM® chez les enfants porteurs d’une cardiopathie congénitale est importante et l’est d’autant plus lorsque la cardiopathie est cyanogène.

(94) Dans cette étude, nous sommes donc les premiers à définir des valeurs seuil qui sont spécifiques à une population ciblée, ces valeurs étant de manière non surprenante

(29)

très différentes de celles définies arbitrairement par le manufacturier. L’application de ces seuils adaptés permet une meilleure prise en charge du traitement hémostatique.

Même si nos résultats apparaissent prometteurs, l’interprétation de ceux-ci doit tenir compte du caractère rétrospectif de l’étude, qui est donc associé à des biais potentiels. En outre, ces résultats issus d’une analyse rétrospective de données collectées dans un seul département ne peuvent être transposées à d’autres populations ou d’autres centres. Le caractère rétrospectif de l’analyse augmente également le risque de classification erronée des enfants entre ceux qui ont saigné et ceux qui ne l’ont pas. En effet, certains enfants inclus dans le groupe « sans saignement » l’ont peut être été parce qu’ils ont reçu des produits hémostatiques après l’administration de la protamine. Notre définition du saignement anormal peut également être critiquée. Cette définition, adaptée d’une publication relativement ancienne (15), correspond au percentile 75 de notre population. Si ce seuil de 10% du volume sanguin estimé de l’enfant peut paraître minime, il s’applique à notre population où la qualité des hémostases chirurgicales réduit la quantité des pertes sanguines postopératoires et minimise le risque de reprise chirurgicale pour correction de l’hémostase.

4.5. Prise en charge basée sur un algorithme adapté à notre population pédiatrique : perspective.

Grâce aux résultats obtenus dans cette étude, nous avons élaboré notre propre algorithme adapté à notre population (Figure 24).

(30)

Figure 24 – Algorithme de prise en charge de l’enfant qui saigne.

(31)

En présence d’un risque de saignement supérieur à 0,20, nous recommandons la réalisation d’un ROTEM®. Nous avons également inclus dans cet algorithme un jugement clinique qui permettra peut être de diminuer l’incidence des traitements inutiles. En effet, nous pensons qu’il n’est pas raisonnable de traiter un enfant alors que le chirurgien observe une hémostase adéquate.

Cet algorithme devra par ailleurs être validé dans une large étude prospective afin d’évaluer son efficacité. Une fois l’algorithme validé, le choix des traitements hémostatiques appliqués dans notre algorithme, lequel repose sur nos habitudes locales, devra également être évalué à la lumière des avantages et des inconvénients respectifs des facteurs concentrés et des produits sanguins labiles. (112) Notre algorithme n’implique à aucun moment l’évaluation de la fonction plaquettaire.

Actuellement, peu d’études ont utilisé ce type d’outil pour évaluer la dysfonction plaquettaire secondaire à la CEC. Hofer et collaborateurs ont récemment utilisé une technique d’aggrégométrie pour évaluer la fonction plaquettaire chez des enfants bénéficiant d’une chirurgie cardiaque sous CEC. (113) Les patients porteurs d’une cardiopathie cyanogène ont présenté des pertes sanguines plus importantes que ceux porteurs d’une cardiopathie non cyanogène, et ce, malgré la présence d’une meilleure fonction plaquettaire. Les auteurs en ont conclu que l’évaluation de la fonction plaquettaire, seule, ne devait pas être recommandée pour prédire le saignement postopératoire dans cette population, conclusion également formulée par Ranucci et collaborateurs. (114) D’autres études sont donc nécessaires pour valider la nécessité d’intégrer la fonction plaquettaire aux outils de monitorage permettant d’évaluer les altérations de l’hémostase induites par la CEC.

(32)

5. Conclusions générales.

La coagulopathie induite par la CEC chez les enfants porteurs d’une cardiopathie congénitale et bénéficiant d’une chirurgie cardiaque est complexe et multifactorielle.

La prise en charge de ces enfants est donc délicate et doit être spécifique aux caractéristiques propres de cette population. Dans la première partie de ce mémoire, nous avons pu montrer que l’acide tranexamique pouvait être un élément important de la stratégie de prévention du saignement par inhibition de la fibrinolyse. Son mode d’administration devrait se baser sur les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de la molécule dans la population cible. L’utilisation de schémas adaptés devrait permettre d’optimaliser la balance bénéfice/risque de l’utilisation prophylactique de l’acide tranexamique, mais nécessite d’être validée dans de larges études prospectives. De plus, nous cherchons toujours à comprendre les mécanismes d’action de l’acide tranexamique. En effet, au-delà de son action inhibitrice de la conversion du plasminogène en plasmine, d’autres effets ont parfois été suspectés (sur l’inflammation, la génération de thrombine, etc). (29) Ces effets additionnels ne pourraient être observés qu’à des concentrations plasmatiques élevées, proches de 100µg/ml, ce qui compliquerait encore l’évaluation de la balance bénéfice/risque de l’utilisation prophylactique de l’acide tranexamique. (115) Bien évidemment, il ne s’agit que d’hypothèses et notre expérience de l’utilisation de l’acide tranexamique dans d’autres disciplines telles que le patient traumatisé (116), ou l’hémorragie du post-partum (117), nous conforte dans l’effet bénéfique de l’utilisation de l’acide tranexamique en chirurgie cardiaque pédiatrique.

Bien que notre modèle expérimental semble améliorer la sensibilité des tests viscoélastiques pour la détection de la fibrinolyse, nous sommes toujours à la recherche de tests ou de paramètres capables de détecter plus finement la fibrinolyse

(33)

in vivo. Nous travaillons donc actuellement sur des paramètres dynamiques (118), en rapport avec la vitesse de formation du caillot, lesquels pourraient être utiles dans la détection de la fibrinolyse. Dans un travail récent, nous avons observé que les paramètres obtenus à l’aide de l’analyse de la courbe de vélocité de formation du caillot à partir des paramètres standards du ROTEM® pourraient améliorer la sensibilité de celui-ci à détecter des niveaux minimes de fibrinolyse (Faraoni et al.

Anesth Analg soumis). Nous travaillons également sur d’autres tests qui permettraient de quantifier la concentration plasmatique de plasmine générée en cas d’activation de la fibrinolyse en utilisant des techniques de chromatographie et de spectroscopie de masse (LC-MS) développées dans le laboratoire de pharmacologie du Boston Children’s Hospital.

Dans la seconde partie de ce mémoire, nous avons pu montrer l’importance de l’implémentation d’une prise en charge adaptée, utilisant un algorithme défini en tenant compte des caractéristiques de la population cible. Si le ROTEM® s’avère être un outil important, son utilisation doit être limitée aux enfants qui présentent un saignement anormal pour guider l’administration de produits hémostatiques.

L’ensemble de nos travaux contribue à l’amélioration de nos connaissances dans la prise en charge de l’enfant à risque de saignement en période péri-opératoire de chirurgie cardiaque, mais offre également différentes perspectives de recherches susceptibles d’améliorer encore celle-ci. Il sera en effet important de valider notre stratégie de prise en charge dans une étude prospective, afin de démontrer l’efficacité de celle-ci en terme de réduction de l’incidence des hémorragies et du recours à l’utilisation des produits sanguins et d’amélioration du devenir de nos enfants, comme cela vient d’être démontré dans une étude récente. (119)

(34)

Il sera également important de valider notre approche dans la population néonatale, laquelle représente la population le plus à risque de développer une coagulopathie après CEC. Cette étude ciblée sur la population néonatale est actuellement en cours au Boston Children’s Hospital.

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