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DE LA VIOLENCE À LA JOUTE VERBALE ÉLÈVES EN BANLIEUE

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(1)

DE LA VIOLENCE À LA JOUTE VERBALE ÉLÈVES EN BANLIEUE

école et collège

Catherine LECUNFF, IUFMde Créteil Françoise CABIRON, ZEP

Résumé:Deuxrecherchessontprésentées :lapremièreenclasse deFrançaisau collège, l'autreen classe depetit perfectionnement (1) (toutes deuxen banlieue parisienne,ZEP (2).Dans lesdeuxcas,d'un pointdevuedidactique,

il

s'agitde mettreenplacedessituations d'apprentissage delalangue,enprenantappui sur ce que

l'on

identifiedes pratiquessociales des élèves dela cité. Cespratiques sontpour certaines langagières et pourd'autres non. Dans certaines de cespra¬

tiques, les élèves manifestentdes habiletés reconnues, valorisées dans la cité mais non àl'école,dumoinspas dans les mêmesformes : compétences dansle domaine du sport, valorisationdes performancesmais aussi les «vannes » qui nécessitent des compétences verbales et un

public

de connaisseurs. Dans d'autrescas, c'est lerapport au langaged'abord qui fait obstacleet

qu'il

s'agit detransformer. On oeuvre pourque les situations mises en place aient un sens pour les élèves etpermettent la production de discours oraux diversifiés. Ces recherches-innovations prennentappuisur lestravaux théoriques tantenlinguis¬

tique qu'en sociolinguistique ouenpsychologie du langagemais aussi el peut- êtresurtout surune connaissancedel'élève et deses pratiques langagières dans sacité.

INTRODUCTION

L'article présente deux recherches qui associent réflexion théorique et innovation dans des classes d'élèves en difficultés. La première (3), concerne des élèves de collège de la banlieue nord de Paris. Elle est le produit d'une réflexion dans le cadre principalementdel'EHESS, leséminaire deS. Fisher et d'une collaboration avec le Théâtre de la Commune d'Aubervilliers (Christian Richard).Son lieu est laclassede Français.

Laseconde estencoursetconcernedes élèvesdepetit perfectionnement à l'école primaire dans la banlieue sud de Paris. Son cadre institutionnel est l'IUFM de Créteil. Le projet de recherche s'intitule « Mieux parler pour mieux réussirà l'école».

Ces deux recherches sont motivées par une réflexion surl'échec sco¬

laire,sur la partde la compétence langagière orale dans cette situation de

DE LA VIOLENCE À LA JOUTE VERBALE ÉLÈVES EN BANLIEUE

école et collège

Catherine LECUNFF, IUFMde Créteil Françoise CABIRON, ZEP

Résumé:Deuxrecherchessontprésentées :lapremièreenclasse deFrançaisau collège, l'autreen classe depetit perfectionnement (1) (toutes deuxen banlieue parisienne,ZEP (2).Dans lesdeuxcas,d'un pointdevuedidactique,

il

s'agitde mettreenplacedessituations d'apprentissage delalangue,enprenantappui sur ce que

l'on

identifiedes pratiquessociales des élèves dela cité. Cespratiques sontpour certaines langagières et pourd'autres non. Dans certaines de cespra¬

tiques, les élèves manifestentdes habiletés reconnues, valorisées dans la cité mais non àl'école,dumoinspas dans les mêmesformes : compétences dansle domaine du sport, valorisationdes performancesmais aussi les «vannes » qui nécessitent des compétences verbales et un

public

de connaisseurs. Dans d'autrescas, c'est lerapport au langaged'abord qui fait obstacleet

qu'il

s'agit detransformer. On oeuvre pourque les situations mises en place aient un sens pour les élèves etpermettent la production de discours oraux diversifiés. Ces recherches-innovations prennentappuisur lestravaux théoriques tantenlinguis¬

tique qu'en sociolinguistique ouenpsychologie du langagemais aussi el peut- êtresurtout surune connaissancedel'élève et deses pratiques langagières dans sacité.

INTRODUCTION

L'article présente deux recherches qui associent réflexion théorique et innovation dans des classes d'élèves en difficultés. La première (3), concerne des élèves de collège de la banlieue nord de Paris. Elle est le produit d'une réflexion dans le cadre principalementdel'EHESS, leséminaire deS. Fisher et d'une collaboration avec le Théâtre de la Commune d'Aubervilliers (Christian Richard).Son lieu est laclassede Français.

Laseconde estencoursetconcernedes élèvesdepetit perfectionnement à l'école primaire dans la banlieue sud de Paris. Son cadre institutionnel est l'IUFM de Créteil. Le projet de recherche s'intitule « Mieux parler pour mieux réussirà l'école».

Ces deux recherches sont motivées par une réflexion surl'échec sco¬

laire,sur la partde la compétence langagière orale dans cette situation de

(2)

REPÈRES15/1997 C.LECUNFF etF.CABIRON

profonde inégalité des élèves à l'école et au collège. Même si les partenaires sont différents, tout comme les lieux et les situations didactiques, laquestion resteidentique : pourquoi l'écoleoulecollège nepermettent-ils pas àtous les enfants de trouver une place satisfaisante dans la société à l'issue de la scolarité ? Pourquoi lesconnaissances théoriques dans les domainesde réfé¬

rence, particulièrementlessciencesdu langage,n'ont-ellespaspermisdecorri¬

gerles inégalités? Ces questions nesont pas neuves. Certains chercheurs se sont fortement impliqués dans destentatives pour décrire les situations sco¬

laires, génératrices d'échec, ou les pratiques sociales, notamment langagières, endécalageparrapport aux pratiques de l'école.Lessociolinguistesenparticu¬

lier (Bachman, 1984 ; Bautier, 1980, 1995)ou lestravauxen sciencesdel'édu¬

cation et ensociologie(Sirota, 1988) ontpermisdefaireavancerlaréflexion sur lesécarts entreles attentes et lespratiques langagièresscolairesd'une part, et lescomportements langagiersdes enfantsdescités,d'autrepart.

Par ailleurs, lesconnaissances surladiversitédesdiscourset laconstruc¬

tion des savoirs ont permis de mettre en place des innovations, ont impulsé d'importantes recherchesendidactiqueduFrançaisparticulièrement(cf. Lepro¬

jet « Résolution de problèmes en Français », INRP). Etcependant l'échec est toujourslà.

Cet article tente de montrer comment une réflexion sur le rapport des élèvesau langage et leurs pratiqueslangagièresdans lacitémais aussisur les situations discursives dans laclassepeut permettre dedébloquerunesituation d'échecetproduire deseffets surlaconstructiondescompétences langagières desélèves.

1. LE

DIFFICILE RAPPORT

AUX PRATIQUESLANGAGIÈRES

SCOLAIRES

1.1. Le

contexte

Larecherche menéeaucollègedans lecadredelaclasse deFrançais,doit s'inscrire dans lecontexte historiquequi privilégie, entre 1980et 1990, larela¬

tion entre variété langagière dumilieud'origine et difficultéàentrer danslespra¬

tiques langagières de l'école. Onpourra sereporter notammentaunumérodela revueLangages paru en septembre 1980 et coordonné par Frédéric François.

Leslinguistes etsociolinguistes s'interrogent surlesnormesscolaireset les dif¬

férences socioculturelles ; les pratiques linguistiques discursives sont elles causeouconséquence del'échecscolaire,demande ElisabethBautier-Castaing par exemple?

Lestravauxquis'intéressentau langageàl'école privilégientles conduites àl'oral. Les productions écritesou l'échec dans ledomaine delalecture, qu'il s'agisse del'apprentissage initialou depratiquesdelecture,sontmis enrelation avec cesinterrogations qui portentsur les conduites langagières orales. Dans le mêmetemps et dansun mêmemouvement, on remet enquestion lelangage pratiquéàl'école,« norme»discutable,etl'onreprend àW.Labov puis auxtra¬

vaux de C. Bachman par exemple (1977, 1984), l'idée que l'enfant des cités

REPÈRES15/1997 C.LECUNFF etF.CABIRON

profonde inégalité des élèves à l'école et au collège. Même si les partenaires sont différents, tout comme les lieux et les situations didactiques, laquestion resteidentique : pourquoi l'écoleoulecollège nepermettent-ils pas àtous les enfants de trouver une place satisfaisante dans la société à l'issue de la scolarité ? Pourquoi lesconnaissances théoriques dans les domainesde réfé¬

rence, particulièrementlessciencesdu langage,n'ont-ellespaspermisdecorri¬

gerles inégalités? Ces questions nesont pas neuves. Certains chercheurs se sont fortement impliqués dans destentatives pour décrire les situations sco¬

laires, génératrices d'échec, ou les pratiques sociales, notamment langagières, endécalageparrapport aux pratiques de l'école.Lessociolinguistesenparticu¬

lier (Bachman, 1984 ; Bautier, 1980, 1995)ou lestravauxen sciencesdel'édu¬

cation et ensociologie(Sirota, 1988) ontpermisdefaireavancerlaréflexion sur lesécarts entreles attentes et lespratiques langagièresscolairesd'une part, et lescomportements langagiersdes enfantsdescités,d'autrepart.

Par ailleurs, lesconnaissances surladiversitédesdiscourset laconstruc¬

tion des savoirs ont permis de mettre en place des innovations, ont impulsé d'importantes recherchesendidactiqueduFrançaisparticulièrement(cf. Lepro¬

jet « Résolution de problèmes en Français », INRP). Etcependant l'échec est toujourslà.

Cet article tente de montrer comment une réflexion sur le rapport des élèvesau langage et leurs pratiqueslangagièresdans lacitémais aussisur les situations discursives dans laclassepeut permettre dedébloquerunesituation d'échecetproduire deseffets surlaconstructiondescompétences langagières desélèves.

1. LE

DIFFICILE RAPPORT

AUX PRATIQUESLANGAGIÈRES

SCOLAIRES

1.1. Le

contexte

Larecherche menéeaucollègedans lecadredelaclasse deFrançais,doit s'inscrire dans lecontexte historiquequi privilégie, entre 1980et 1990, larela¬

tion entre variété langagière dumilieud'origine et difficultéàentrer danslespra¬

tiques langagières de l'école. Onpourra sereporter notammentaunumérodela revueLangages paru en septembre 1980 et coordonné par Frédéric François.

Leslinguistes etsociolinguistes s'interrogent surlesnormesscolaireset les dif¬

férences socioculturelles ; les pratiques linguistiques discursives sont elles causeouconséquence del'échecscolaire,demande ElisabethBautier-Castaing par exemple?

Lestravauxquis'intéressentau langageàl'école privilégientles conduites àl'oral. Les productions écritesou l'échec dans ledomaine delalecture, qu'il s'agisse del'apprentissage initialou depratiquesdelecture,sontmis enrelation avec cesinterrogations qui portentsur les conduites langagières orales. Dans le mêmetemps et dansun mêmemouvement, on remet enquestion lelangage pratiquéàl'école,« norme»discutable,etl'onreprend àW.Labov puis auxtra¬

vaux de C. Bachman par exemple (1977, 1984), l'idée que l'enfant des cités

(3)

Delaviolenceàlajouteverbale ...

apporte aveclui sa variété dela langue et, parlamême occasion, saculture à l'école. Des recherchess'engagent pour décrire ce que l'école nefait qu'entre¬

voir et qui échappe aux enseignants en grande partie. Tous ces travaux ont conduitun certain nombre d'enseignants de collèges, notamment dans les col¬

lègesde banlieuedifficiles, àmettreenplace une pédagogie privilégiant lacom¬

municationenparticulier orale et l'ouverturesurl'extérieur.

Dans ce contexte, quelques recherches innovations cependant se sont misesen placesurlerapport del'élève à saparoleet auxpratiques langagières scolaires.

1.2. Le

théâtre d'improvisation

au

collège

II seraitsansdoute inexactde direquel'innovation autourduthéâtred'im¬

provisation au collège et au CM2 découle directement d'une réflexion sur les pratiques sociales langagières des élèves. La réalitédela classeest plus com¬

plexe. D'une part,tout enseignant exerçant notamment auprès d'élèves de9 à 17ans, c'est-à-dire l'âgequ'ontlesjeunesquifréquententlesdernièresclasses del'école primaire et lescollèges dontil est question ici, peutconstater quele théâtre, lejeu dramatiquesous lesformes diverses rencontrées dans l'institu¬

tion scolaireconstitue unemotivationpourlesélèves. L'autreconstatfaitd'em¬

blée, c'est la difficile rencontre entrele manuel et laclasse. Ces écrits comme d'ailleursles productions demandéesauxélèves nefontpassenspoureux. En conséquence et particulièrementdans les collèges où lesenfants sont en diffi¬

culté,l'enseignantsetrouveensituationdedevoir changerlespratiquesen utili¬

santcequ'il saitdespratiquessocialesextérieuresàl'école, dansl'univers de lavie professionnelle, mais aussi ens'appuyant sur lestravauxdeschercheurs quiont entreprisdedécrirecequi sevit et seditdanslacité.

Lethéâtre motive l'élève parce qu'il introduit une rupture dans lasituation scolaire. II est connoté positivement par son usage hors de l'école. Faire du théâtre,c'estd'abordjouer,empruntersaparoleà unautre, oudonnersaparole à un personnage, c'est exercer un pouvoir sur le langage. Par contre, lire et apprendre un texte d'auteur restent dans un premier temps une difficulté. Le théâtre d'improvisation et particulièrement les « matches d'impro » peuvent constituer une réponse aux difficultés rencontrées par les élèves, du fait de leurs pratiques sociales hors école face aux situations proposées par l'école, danslesquelles ilssontconstammentévalués.

Pourcomprendre l'engouementdes élèves pourcette forme de théâtre, il

faut remonterauxoriginesdes«matchesd'impro».

1.3.

Mieux comprendre

le

théâtre d'improvisation

Ainsiquele rappelleLeslie Lepers dansle Mondedel'éducation dejuillet- août 1985,lesmatchesd'impro sont nés àMontréalen 1976. «A forcedevoirle public passer massivement devantleurthéâtrepour allerregarderdes matches de hockey sur glace, Yvon Leduc et Robert Gravel ont commencé à se poser des questions. (...) Alors, sans vergogne ni honte, car ils aiment le hockey sur

Delaviolenceàlajouteverbale ...

apporte aveclui sa variété dela langue et, parlamême occasion, saculture à l'école. Des recherchess'engagent pour décrire ce que l'école nefait qu'entre¬

voir et qui échappe aux enseignants en grande partie. Tous ces travaux ont conduitun certain nombre d'enseignants de collèges, notamment dans les col¬

lègesde banlieuedifficiles, àmettreenplace une pédagogie privilégiant lacom¬

municationenparticulier orale et l'ouverturesurl'extérieur.

Dans ce contexte, quelques recherches innovations cependant se sont misesen placesurlerapport del'élève à saparoleet auxpratiques langagières scolaires.

1.2. Le

théâtre d'improvisation

au

collège

II seraitsansdoute inexactde direquel'innovation autourduthéâtred'im¬

provisation au collège et au CM2 découle directement d'une réflexion sur les pratiques sociales langagières des élèves. La réalitédela classeest plus com¬

plexe. D'une part,tout enseignant exerçant notamment auprès d'élèves de9 à 17ans, c'est-à-dire l'âgequ'ontlesjeunesquifréquententlesdernièresclasses del'école primaire et lescollèges dontil est question ici, peutconstater quele théâtre, lejeu dramatiquesous lesformes diverses rencontrées dans l'institu¬

tion scolaireconstitue unemotivationpourlesélèves. L'autreconstatfaitd'em¬

blée, c'est la difficile rencontre entrele manuel et laclasse. Ces écrits comme d'ailleursles productions demandéesauxélèves nefontpassenspoureux. En conséquence et particulièrementdans les collèges où lesenfants sont en diffi¬

culté,l'enseignantsetrouveensituationdedevoir changerlespratiquesen utili¬

santcequ'il saitdespratiquessocialesextérieuresàl'école, dansl'univers de lavie professionnelle, mais aussi ens'appuyant sur lestravauxdeschercheurs quiont entreprisdedécrirecequi sevit et seditdanslacité.

Lethéâtre motive l'élève parce qu'il introduit une rupture dans lasituation scolaire. II est connoté positivement par son usage hors de l'école. Faire du théâtre,c'estd'abordjouer,empruntersaparoleà unautre, oudonnersaparole à un personnage, c'est exercer un pouvoir sur le langage. Par contre, lire et apprendre un texte d'auteur restent dans un premier temps une difficulté. Le théâtre d'improvisation et particulièrement les « matches d'impro » peuvent constituer une réponse aux difficultés rencontrées par les élèves, du fait de leurs pratiques sociales hors école face aux situations proposées par l'école, danslesquelles ilssontconstammentévalués.

Pourcomprendre l'engouementdes élèves pourcette forme de théâtre, il

faut remonterauxoriginesdes«matchesd'impro».

1.3.

Mieux comprendre

le

théâtre d'improvisation

Ainsiquele rappelleLeslie Lepers dansle Mondedel'éducation dejuillet- août 1985,lesmatchesd'impro sont nés àMontréalen 1976. «A forcedevoirle public passer massivement devantleurthéâtrepour allerregarderdes matches de hockey sur glace, Yvon Leduc et Robert Gravel ont commencé à se poser des questions. (...) Alors, sans vergogne ni honte, car ils aiment le hockey sur

(4)

REPÈRES N°15/1997 C. LECUNFF etF.CABIRON

glace commetousleurscompatriotes,Yvonet Robertsesontmis àpillerl'arse¬

nal sportifpour inventer unjeuthéâtral : les matchesd'improvisation théâtrale.

Unjeu simple, avec desrèglesprécises, où deux équipes s'affrontenten inven¬

tantleurs rôles pendantle déroulement dela partie. » Cethéâtre s'est exporté en Franceen 1981,à lasuited'unepremièrejoute organisée parlethéâtre dela CommuneàAubervilliers. Lesacteursont réalisé qu'ils tenaient unoutil pour leur action culturelle auprès du public de banlieue. Des équipes se créent sur¬

tout dans la proche banlieue de Paris, des enseignants de Français intègrent cette forme de théâtre dans leur enseignement. Leplus souvent, les actions pédagogiques se mettent en place en liaison avec les théâtres comme à Aubervilliersou àMarnela Vallée.

L'histoire des matches d'improvisation est en elle-même une prise en comptedespratiquessociales culturellesd'unpublic populaireet uneutilisation de laréflexion surles composantesdu succès de certaines pratiques, en l'oc¬

currence les matches de hockey. Ensuite, la réflexion a permis d'opérer des modificationsau seind'uneautre pratique culturelle, lethéâtredanssonaccep¬

tion classique, ensalle.C'estaussiuntransfert d'un ordre différentqu'ontopéré les enseignants de CM, de collègeou de lycée quand ils ont introduit les matches d'improvisation dans laclassedeFrançais. Letransfert (oula « récu¬

pération ») est opéréà deux niveaux. D'abord, il s'agit d'un outil pédagogique empruntéau monde duspectacle, aux pratiques culturelles duthéâtre franco¬

phone. Deplus,duranttoutelapériodeoùl'innovationaété laplusvivante dans lesclasses, lespolitiques municipales ontpermis de soutenirdans lavillel'orga¬

nisation de spectacles et l'entrainement d'équipes, organisées au sein d'une Ligue d'Improvisation Française. Dans ces mêmes banlieues, le relais était assuré par de jeunes animateurs, souvent membres de ces équipes, dans le cadre des centresaérés.Mais ce quiaproduitlesuccèsdes matches d'improvi¬

sation dans l'univers des banlieues, c'est aussi l'arrière plan des pratiques sociales langagières et non langagières dans les cités commeon le montrera plusloin.

1.4. Les

règles des matches d'improvisation

Comme lerapidehistorique l'indique, lesrègles sont empruntéesà l'uni¬

vers du sport. D'abord la scèneest une« patinoire », sans glacebien sûr, de 6m sur 6m, entourée de gradins surtrois côtés. « Imaginez des spectateurs munis decarton devote(bleud'uncôté, rougede l'autre), des règlementsoffi¬

ciels, d'un chausson (pour les mécontents). Imaginez un Maitre de cérémonie, présidant la séance : un arbitre, roi sur leterrain, deux assistants le secon¬

dant. », expliquent Christian Richard du Théâtrede la Commune et Jean Marc Carédu BELC (LeFrançaisdansle monde, 1986). Aprèscinq minutesd'échauf- fement,un peu demusique improviséeetdynamisante,lesjoueurssontprésen¬

tés, 6 joueurset un coach (entraîneur)danschaque équipe. Une carteesttirée au sort parl'arbitre (...). Cinq indications sont portées surle cartonet lues aux équipes : la naturedel'impro (mixteoucomparée), lethème quiseraletitre de l'improvisation, le nombre de joueurs, la catégorie (libre, dramatique, sans paroles, chantée etc.) enfin la durée qui peut varier de 30 secondes à 20 minutes. Après 20secondes de réflexion, lecoupde sifflet signaleledébut de

REPÈRES N°15/1997 C. LECUNFF etF.CABIRON

glace commetousleurscompatriotes,Yvonet Robertsesontmis àpillerl'arse¬

nal sportifpour inventer unjeuthéâtral : les matchesd'improvisation théâtrale.

Unjeu simple, avec desrèglesprécises, où deux équipes s'affrontenten inven¬

tantleurs rôles pendantle déroulement dela partie. » Cethéâtre s'est exporté en Franceen 1981,à lasuited'unepremièrejoute organisée parlethéâtre dela CommuneàAubervilliers. Lesacteursont réalisé qu'ils tenaient unoutil pour leur action culturelle auprès du public de banlieue. Des équipes se créent sur¬

tout dans la proche banlieue de Paris, des enseignants de Français intègrent cette forme de théâtre dans leur enseignement. Leplus souvent, les actions pédagogiques se mettent en place en liaison avec les théâtres comme à Aubervilliersou àMarnela Vallée.

L'histoire des matches d'improvisation est en elle-même une prise en comptedespratiquessociales culturellesd'unpublic populaireet uneutilisation de laréflexion surles composantesdu succès de certaines pratiques, en l'oc¬

currence les matches de hockey. Ensuite, la réflexion a permis d'opérer des modificationsau seind'uneautre pratique culturelle, lethéâtredanssonaccep¬

tion classique, ensalle.C'estaussiuntransfert d'un ordre différentqu'ontopéré les enseignants de CM, de collègeou de lycée quand ils ont introduit les matches d'improvisation dans laclassedeFrançais. Letransfert (oula « récu¬

pération ») est opéréà deux niveaux. D'abord, il s'agit d'un outil pédagogique empruntéau monde duspectacle, aux pratiques culturelles duthéâtre franco¬

phone. Deplus,duranttoutelapériodeoùl'innovationaété laplusvivante dans lesclasses, lespolitiques municipales ontpermis de soutenirdans lavillel'orga¬

nisation de spectacles et l'entrainement d'équipes, organisées au sein d'une Ligue d'Improvisation Française. Dans ces mêmes banlieues, le relais était assuré par de jeunes animateurs, souvent membres de ces équipes, dans le cadre des centresaérés.Mais ce quiaproduitlesuccèsdes matches d'improvi¬

sation dans l'univers des banlieues, c'est aussi l'arrière plan des pratiques sociales langagières et non langagières dans les cités commeon le montrera plusloin.

1.4. Les

règles des matches d'improvisation

Comme lerapidehistorique l'indique, lesrègles sont empruntéesà l'uni¬

vers du sport. D'abord la scèneest une« patinoire », sans glacebien sûr, de 6m sur 6m, entourée de gradins surtrois côtés. « Imaginez des spectateurs munis decarton devote(bleud'uncôté, rougede l'autre), des règlementsoffi¬

ciels, d'un chausson (pour les mécontents). Imaginez un Maitre de cérémonie, présidant la séance : un arbitre, roi sur leterrain, deux assistants le secon¬

dant. », expliquent Christian Richard du Théâtrede la Commune et Jean Marc Carédu BELC (LeFrançaisdansle monde, 1986). Aprèscinq minutesd'échauf- fement,un peu demusique improviséeetdynamisante,lesjoueurssontprésen¬

tés, 6 joueurset un coach (entraîneur)danschaque équipe. Une carteesttirée au sort parl'arbitre (...). Cinq indications sont portées surle cartonet lues aux équipes : la naturedel'impro (mixteoucomparée), lethème quiseraletitre de l'improvisation, le nombre de joueurs, la catégorie (libre, dramatique, sans paroles, chantée etc.) enfin la durée qui peut varier de 30 secondes à 20 minutes. Après 20secondes de réflexion, lecoupde sifflet signaleledébut de

(5)

De laviolence àlajoute verbale.

l'improvisation. Descoupsdegazou(siffletparticulier) signalent les irrégularités de jeu. Le joueursera expulsé au bout de deux erreurs et non remplacé. Un coup de sifflet signale lafin du tempsimposé. L'arbitredemande au public de voterenlevantsoncarton, lesassistantscomptentlescartons decouleur. L'une des équipes marquealors lepoint.

On le voit, lecérémonial estcelui du sport, les règles sont rigoureuses et doivent s'apprendre. Carils'agit d'un jeucollectifoù compte surtoutlapresta¬

tion théâtrale

qu'il s'agit de construire ensemble. Les pénalités majeures concernent des fautes graves qui dénaturent lejeu : obstruction » d'abord, qui est refus d'un joueur d'en laisserjouer un autre. Puis vient la« mauvaise conduite »vis-à-vis d'unjoueur, del'arbitrevoire du public, signe d'un manque de sportivité, « la rudesseexcessive», formed'agression verbale ou physique, le « refus de personnage » qui consiste à ne pas assumer un personnage que l'un des joueurs ou lejeu impose d'interpréter, enfin le « cabotinage » qui est une tentative pour centrer le jeu sur lui en cherchant l'appui du public. Les autres fautes sont davantagedu côté du manquedeconcentrationoud'écoute quiprovoqueunretarddejeuparexemple.

Les sanctions sont donc strictement réglementées et le capitaine de l'équipe atoujours la possibilité en utilisant uneformule rituelle de demander des explicationsà l'arbitre. Ce rituelpermet delever lestensionsetd'éclairerle public. Carce dernier participe activement eta lapossibilité de manifester son humeur par exemple en obligeant l'arbitre à arrêter unejoute qui setraine par l'envoidechaussons. IIdispose doncd'uncontrôle surlespectacle.

1.5.

Règles sportives ou règles de parole

:les

compétences langagières

en

jeu

Cesrègles qui permettent au match de se dérouler dans la sportivité et la clarté, quipermettentaussi decanaliser laparticipationdu public,appartiennent certesàl'universdusportmais aussiàcelui dulangage, delacirculation de la parole ausein de groupeshumains. Onvoit bien quelespectacle, s'ilconcerne lecorps, sesdéplacements dans l'espacescénique,concernela parole, le récit construit collectivement, lepartagede laparoleetsacirculation. Parailleurs, les contraintes portentaussi sur le genre et impliquent donc des choix selon la catégorie : latragédieoulacomédiemusicalen'impliquent pas lesmêmesper¬

sonnages, ni le même lexique. Suivant le temps imparti, les dilatations seront plus ou moins opportunes, comme l'introduction de nouveaux personnages et d'événements secondaires.

De laviolence àlajoute verbale.

l'improvisation. Descoupsdegazou(siffletparticulier) signalent les irrégularités de jeu. Le joueursera expulsé au bout de deux erreurs et non remplacé. Un coup de sifflet signale lafin du tempsimposé. L'arbitredemande au public de voterenlevantsoncarton, lesassistantscomptentlescartons decouleur. L'une des équipes marquealors lepoint.

On le voit, lecérémonial estcelui du sport, les règles sont rigoureuses et doivent s'apprendre. Carils'agit d'un jeucollectifoù compte surtoutlapresta¬

tion théâtrale

qu'il s'agit de construire ensemble. Les pénalités majeures concernent des fautes graves qui dénaturent lejeu : obstruction » d'abord, qui est refus d'un joueur d'en laisserjouer un autre. Puis vient la« mauvaise conduite »vis-à-vis d'unjoueur, del'arbitrevoire du public, signe d'un manque de sportivité, « la rudesseexcessive», formed'agression verbale ou physique, le « refus de personnage » qui consiste à ne pas assumer un personnage que l'un des joueurs ou lejeu impose d'interpréter, enfin le « cabotinage » qui est une tentative pour centrer le jeu sur lui en cherchant l'appui du public. Les autres fautes sont davantagedu côté du manquedeconcentrationoud'écoute quiprovoqueunretarddejeuparexemple.

Les sanctions sont donc strictement réglementées et le capitaine de l'équipe atoujours la possibilité en utilisant uneformule rituelle de demander des explicationsà l'arbitre. Ce rituelpermet delever lestensionsetd'éclairerle public. Carce dernier participe activement eta lapossibilité de manifester son humeur par exemple en obligeant l'arbitre à arrêter unejoute qui setraine par l'envoidechaussons. IIdispose doncd'uncontrôle surlespectacle.

1.5.

Règles sportives ou règles de parole

:les

compétences langagières

en

jeu

Cesrègles qui permettent au match de se dérouler dans la sportivité et la clarté, quipermettentaussi decanaliser laparticipationdu public,appartiennent certesàl'universdusportmais aussiàcelui dulangage, delacirculation de la parole ausein de groupeshumains. Onvoit bien quelespectacle, s'ilconcerne lecorps, sesdéplacements dans l'espacescénique,concernela parole, le récit construit collectivement, lepartagede laparoleetsacirculation. Parailleurs, les contraintes portentaussi sur le genre et impliquent donc des choix selon la catégorie : latragédieoulacomédiemusicalen'impliquent pas lesmêmesper¬

sonnages, ni le même lexique. Suivant le temps imparti, les dilatations seront plus ou moins opportunes, comme l'introduction de nouveaux personnages et d'événements secondaires.

(6)

REPÈRES15/1997 C. LECUNFFetF.CABIRON

2. CONSTRUIRE

AUTREMENT

LESCOMPETENCES LANGAGIERES 2.1. Le

théâtre d'improvisation

:

les pratiques du sport

dans

la

classe de Français

D'abord l'engouementpourlethéâtreet particulièrement pourlesmatches d'improvisation manifestelebesoindecréerunvécucollectif,unprojetcommun ausein delaclasse. Sansqueleprojetsoit présentàchaqueheuredecours, il

existe en arrière-plan des activités. II crée donc une motivation et permet de donnerunsensàuncertain nombre d'apprentissages.Ceciestvraidetoutpro¬

jet bien choisi etnejustifie qu'en partie lechoixopéré. Les matchesd'improvi¬

sation impliquent, on l'avu, des règleset des comportements que lesport met en jeu. Ces règles sesont construites aufil dutemps et sont modifiées aussi périodiquement pour répondre à des problèmes, pourpermettreà lacompéti¬

tion de se dérouler, d'exister. C'est lecas bien sûr de l'improvisation et les élèves admettent bien, comme pourlesport, lanécessitéd'une réglementation dont lavalidité s'étend hors de l'école. Certes, des aménagements sont faits pour prendreen comptelescapacités liéesàl'âge: on réduit lestemps de jeu ou lenombre desjoueursde l'équipe, on simplifielescatégories. Cependant la pratique socialenonscolairerestelisible directement.'

Si la compétition scolaire (la meilleure note) est peu valorisée par une bonnepart desélèves, laperformance sportive, réalisée enrespectantlesrègles en vigueurest, elle, fortementvalorisée. Or ici il s'agit à lafois de réaliser une performance individuelle, sanctionnéepar la remisesymboliqued'une étoile par unepersonnalité dans lepublic, d'une performanced'équipe sanctionnée parla victoire, et c'estle public autant que l'arbitre quiensont garants, etenfind'une performance réalisée parles deuxéquipes ensemble: unbeau match. On est aussidans l'éphémère, leplaisir de l'instant :on garderaenmémoire les beaux moments, on en parlera ensemble et d'autres matches viendront effacer ces traces fugitives d'un vécu commun. II ne faut pas non plus négliger l'aspect festif desrencontres surtout quandellespermettentàdeux collègesd'entreren compétition. Mais c'est vrai aussi desséances d'entrainementou des ateliers hebdomadaires.

2.2.

Pratiques langagières

dela

cité

Les règles dont il vient d'être question, la compétition, le sport sont des composantes de pratiques sociales valorisées par les élèves en général sans doute mais plus particulièrement parces élèves de la banlieue. Mais dans les matchesd'improvisation, il ne s'agit passeulement de cela mais aussi de lan¬

gage. On peut s'interroger sur cequi amène les élèves à changerde variétés commeon change depersonnageetde rôle,à s'efforcer des'exprimercomme unpèrede famille delaclassemoyenne oucommeunprincevenudesétoiles,à accepter des personnagesaprioridévalorisants,qu'ils insulteraientviolemment, passéelaportedelaclasse?

Lajoute d'abord, sa dimension théâtrale, la présence nécessaire d'un public de connaisseurs, bref la mise en scènede laparole, selon des règles

REPÈRES15/1997 C. LECUNFFetF.CABIRON

2. CONSTRUIRE

AUTREMENT

LESCOMPETENCES LANGAGIERES 2.1. Le

théâtre d'improvisation

:

les pratiques du sport

dans

la

classe de Français

D'abord l'engouementpourlethéâtreet particulièrement pourlesmatches d'improvisation manifestelebesoindecréerunvécucollectif,unprojetcommun ausein delaclasse. Sansqueleprojetsoit présentàchaqueheuredecours, il

existe en arrière-plan des activités. II crée donc une motivation et permet de donnerunsensàuncertain nombre d'apprentissages.Ceciestvraidetoutpro¬

jet bien choisi etnejustifie qu'en partie lechoixopéré. Les matchesd'improvi¬

sation impliquent, on l'avu, des règleset des comportements que lesport met en jeu. Ces règles sesont construites aufil dutemps et sont modifiées aussi périodiquement pour répondre à des problèmes, pourpermettreà lacompéti¬

tion de se dérouler, d'exister. C'est lecas bien sûr de l'improvisation et les élèves admettent bien, comme pourlesport, lanécessitéd'une réglementation dont lavalidité s'étend hors de l'école. Certes, des aménagements sont faits pour prendreen comptelescapacités liéesàl'âge: on réduit lestemps de jeu ou lenombre desjoueursde l'équipe, on simplifielescatégories. Cependant la pratique socialenonscolairerestelisible directement.'

Si la compétition scolaire (la meilleure note) est peu valorisée par une bonnepart desélèves, laperformance sportive, réalisée enrespectantlesrègles en vigueurest, elle, fortementvalorisée. Or ici il s'agit à lafois de réaliser une performance individuelle, sanctionnéepar la remisesymboliqued'une étoile par unepersonnalité dans lepublic, d'une performanced'équipe sanctionnée parla victoire, et c'estle public autant que l'arbitre quiensont garants, etenfind'une performance réalisée parles deuxéquipes ensemble: unbeau match. On est aussidans l'éphémère, leplaisir de l'instant :on garderaenmémoire les beaux moments, on en parlera ensemble et d'autres matches viendront effacer ces traces fugitives d'un vécu commun. II ne faut pas non plus négliger l'aspect festif desrencontres surtout quandellespermettentàdeux collègesd'entreren compétition. Mais c'est vrai aussi desséances d'entrainementou des ateliers hebdomadaires.

2.2.

Pratiques langagières

dela

cité

Les règles dont il vient d'être question, la compétition, le sport sont des composantes de pratiques sociales valorisées par les élèves en général sans doute mais plus particulièrement parces élèves de la banlieue. Mais dans les matchesd'improvisation, il ne s'agit passeulement de cela mais aussi de lan¬

gage. On peut s'interroger sur cequi amène les élèves à changerde variétés commeon change depersonnageetde rôle,à s'efforcer des'exprimercomme unpèrede famille delaclassemoyenne oucommeunprincevenudesétoiles,à accepter des personnagesaprioridévalorisants,qu'ils insulteraientviolemment, passéelaportedelaclasse?

Lajoute d'abord, sa dimension théâtrale, la présence nécessaire d'un public de connaisseurs, bref la mise en scènede laparole, selon des règles

(7)

Delaviolence à lajouteverbale ...

connues etacceptéesdu public, rapprochent fortementla pratique« scolaire »

des matches d'improvisation decertainespratiques langagières dans la cité, pratiques propres aux jeunes, précisément de l'âge de ceux que touche le théâtre d'improvisation. On le sait, les échanges scolaires, oraux, répondent à des schémas que l'on adécrits déjà depuis un certaintemps, (par exemple Stubbs, 1983ouSirota, 1988). On saitque dèslamaternelle(Florin 1985, 1996) lescomportementset lesrôlesdansleséchangessedifférencientpourpersister duranttoutelascolarité.Pourdiversescauses, liéesauvécufamilial,social, cer¬

tains enfants netrouvent pas leurs repèresdans la conversation scolaire et ne s'impliquent pas dans ces situations. En effet, les situations discursives sont construites parles locuteurs, comme le précise M. Brossard (1989) « et ceci à l'aidede moyens essentiellement linguistiques». C'est dire que la situationdis¬

cursiveàl'écoleest «tout entière représentative(...) nepeutfonctionner quesi chaqueinterlocuteur construit un jeu de représentations relativement adaptées de lui-même,d'autrui,desthèmesabordéset desopérationsréalisées».

Quandon regarde du côtédestravaux qui portentsur lespratiques langa¬

gières dans la cité, hors de la classe (mais pas hors de l'école), on trouve quelqueséléments pour comprendreà lafoisledécalage entre ce que propose l'écoleauplan langagier, à l'oral commeàl'écrit, etl'adhésion àdes pratiques scolairescommeles matches d'improvisation. Toutenseignantsait que coexis¬

tent deux univers langagiers :l'officieldelaclasseetl'autre,celui horsdel'école etdansle meilleurdescas, hors de laclasseou clandestin dans laclasse. On connaît parlestravauxdeC. Bachman (1984) lefonctionnement duverlan, des languestelle la langue de feu forgées dans les citéset les variantes selon les ethnies en présence : gitans à Montreuil ou espagnols puis maghrébins à la Courneuveou Aubervilliers parexemple. De même, les injuresont pu êtreétu¬

diées, lafonction detoutes cescréations langagièresont elles aussiétéanaly¬

sées et mises en relation avec lesphénomènes d'exclusion. Que faire de cela quand on est enseignant, qu'on alu des études surla question, vu des émis¬

sions sur les pratiquesculturelles des cités, si différentes en apparence de ce quel'école souhaite construire?

AvecW. Labovetd'autres après lui, on aappris àne pasrejeter ces pra¬

tiques hors du champ de laculture, on amêmetenté untemps d'accepterces pratiques au sein de l'école en particulierquand ellesvenaient d'enfants nés hors de France. A présent, il s'agit principalementd'enfants des cités, et leur cultureest homogène : laviolence qu'ellesoit physiqueou verbale, ledésir de sedémarquerpar despratiqueslangagièresautresquecellesdel'école sont ce quifrappeenpremierlieu. Uneenquêteauprès desélèvesdecollège aper¬

mis demieuxcomprendre ces pratiques langagières, etd'une certaine façon de dédramatiserlaviolence manifestéehorsdelaclasse. Unquestionnaireélaboré avec l'aide deS. Fisher, aété proposéà7 classesd'un même collègeconcer¬

nant les « injures », complété par une discussion enregistrée avec quelques

«spécialistes»de l'injureet delavanne,danslecadredelaclasse de Français (LeCunff, 1985). IIapparaîtautraversdecette enquête que l'injure répondàdes règlesqueles élèves, particulièrementcertains garçons, s'approprientauCMet nécessite deshabiletéslangagières,toutcommelapratique duverlan oudela languedefeu,acquisessouventenfinde primaireet àl'école, mêmesil'utilisa-

Delaviolence à lajouteverbale ...

connues etacceptéesdu public, rapprochent fortementla pratique« scolaire »

des matches d'improvisation decertainespratiques langagières dans la cité, pratiques propres aux jeunes, précisément de l'âge de ceux que touche le théâtre d'improvisation. On le sait, les échanges scolaires, oraux, répondent à des schémas que l'on adécrits déjà depuis un certaintemps, (par exemple Stubbs, 1983ouSirota, 1988). On saitque dèslamaternelle(Florin 1985, 1996) lescomportementset lesrôlesdansleséchangessedifférencientpourpersister duranttoutelascolarité.Pourdiversescauses, liéesauvécufamilial,social, cer¬

tains enfants netrouvent pas leurs repèresdans la conversation scolaire et ne s'impliquent pas dans ces situations. En effet, les situations discursives sont construites parles locuteurs, comme le précise M. Brossard (1989) « et ceci à l'aidede moyens essentiellement linguistiques». C'est dire que la situationdis¬

cursiveàl'écoleest «tout entière représentative(...) nepeutfonctionner quesi chaqueinterlocuteur construit un jeu de représentations relativement adaptées de lui-même,d'autrui,desthèmesabordéset desopérationsréalisées».

Quandon regarde du côtédestravaux qui portentsur lespratiques langa¬

gières dans la cité, hors de la classe (mais pas hors de l'école), on trouve quelqueséléments pour comprendreà lafoisledécalage entre ce que propose l'écoleauplan langagier, à l'oral commeàl'écrit, etl'adhésion àdes pratiques scolairescommeles matches d'improvisation. Toutenseignantsait que coexis¬

tent deux univers langagiers :l'officieldelaclasseetl'autre,celui horsdel'école etdansle meilleurdescas, hors de laclasseou clandestin dans laclasse. On connaît parlestravauxdeC. Bachman (1984) lefonctionnement duverlan, des languestelle la langue de feu forgées dans les citéset les variantes selon les ethnies en présence : gitans à Montreuil ou espagnols puis maghrébins à la Courneuveou Aubervilliers parexemple. De même, les injuresont pu êtreétu¬

diées, lafonction detoutes cescréations langagièresont elles aussiétéanaly¬

sées et mises en relation avec lesphénomènes d'exclusion. Que faire de cela quand on est enseignant, qu'on alu des études surla question, vu des émis¬

sions sur les pratiquesculturelles des cités, si différentes en apparence de ce quel'école souhaite construire?

AvecW. Labovetd'autres après lui, on aappris àne pasrejeter ces pra¬

tiques hors du champ de laculture, on amêmetenté untemps d'accepterces pratiques au sein de l'école en particulierquand ellesvenaient d'enfants nés hors de France. A présent, il s'agit principalementd'enfants des cités, et leur cultureest homogène : laviolence qu'ellesoit physiqueou verbale, ledésir de sedémarquerpar despratiqueslangagièresautresquecellesdel'école sont ce quifrappeenpremierlieu. Uneenquêteauprès desélèvesdecollège aper¬

mis demieuxcomprendre ces pratiques langagières, etd'une certaine façon de dédramatiserlaviolence manifestéehorsdelaclasse. Unquestionnaireélaboré avec l'aide deS. Fisher, aété proposéà7 classesd'un même collègeconcer¬

nant les « injures », complété par une discussion enregistrée avec quelques

«spécialistes»de l'injureet delavanne,danslecadredelaclasse de Français (LeCunff, 1985). IIapparaîtautraversdecette enquête que l'injure répondàdes règlesqueles élèves, particulièrementcertains garçons, s'approprientauCMet nécessite deshabiletéslangagières,toutcommelapratique duverlan oudela languedefeu,acquisessouventenfinde primaireet àl'école, mêmesil'utilisa-

(8)

REPÈRESN"15/1997 C. LECUNFF etF.CABIRON

tionenestfaite plutôt dans lacité. Lesvannesconstituentunmaniement parti¬

culier des injures : l'échange devannes, ses règles ont des points communs aveclajouteverbalenotammenttellequ'elle se pratique danslesmatchesd'im¬

provisation.

Lescollégiens interrogésontlesentimentqu'il existebien desinjures spé¬

cifiques, différentes dans l'ensembledecelles quisont utilisées par lesadultes.

Certains pensent que ce lexique se renouvelle de génération en génération.

D'autres pensent que lesjeunesadultes (hommes) connaissent non seulement leur lexique mais encore d'autres injures plus puissantes. Par contre, les

« vannes » sont considérées à l'unanimité comme l'apanage des adolescents, ceux qui sont sortis de cette classe d'âge « n'ont plus letemps » de pratiquer cetexercice,perdent leur habileté. Ons'aperçoitau cours de tellesdiscussions combien l'habileté verbale qui se manifestedans les joutes ou le maniement des injures estvalorisée. Certaines composantes deces pratiques langagières de lacité sont proches des composantes des matches d'improvisation : dans lesdeux cas, un public de connaisseurs, au fait des règles, est nécessaire. II

s'agit d'une forme decompétition verbale ; certaines limites danslavanne ne doivent pas être dépassées sous peine de conduire à l'affrontement physique, qui n'est pas l'aboutissement normal de l'échange de vannes. L'échange doit restersurlemode ludique et prendfinquand l'un des adversairesprovoque par sarépartie leriredu public, accablantainsil'adversaire quiseretirehonteux.Le vainqueur estdonccelui qui a eu le derniermotetpourqui lepublicavoté, par sonrire.

2.3.

Traitement didactique

des

pratiques sociales

Lessavoirsissusdesscienceshumaines,dessciencesdu langage permet¬

tent de comprendre ce qui permet à unesituation didactique de fonctionner, sansdoutepasdelaconstruireapriori.IIs'agitdavantaged'unva etvient entre

savoir

faire

didactique

et réflexion à partir de referents théoriques. Dans l'exemple donné, le traitement n'est pas de l'ordre de la « récupération » de savoirs non scolaires. Ces savoirs ou ces habiletés, comme les valeurs atta¬

chéesàcescompétences extra-scolaires, ontplutôtservidepointd'appuipour lamiseenplace des apprentissagesdansl'ordredessavoirsscolaires.D'abord, l'improvisation n'occupe qu'une heure hebdomadaire. Les rencontres avec d'autres classes ou d'autres établissements, dans des cadres divers sont au mieux trimestrielles. Mais ce travail est le lieu d'une réconciliation avec une parole, saparole, miseen scène, reçuecommeunecréation personnelle parla collectivité classe ; l'enseignantestà lafois arbitre, garantdes règles etde ce qui est recevable dansl'institutionécoleou surlascène, entraineuret partie du public. L'évaluation vient aussi du public des pairs, expert et acteur. Car si le temps de lajoute est leplus important, celui de l'entrainement, de l'apprentis¬

sagedesrègles,del'analyse dece quis'est donnéàvoiret àentendre,occupe une place non négligeable. C'est là ques'exerce la réflexion sur les divers aspects linguistiques ou discursifs et qu'apparaissent les manquestant en ce quiconcernelaconstruction durécit que lamaitrisedesvariétésoudes genres, ou encore le lexique et l'imaginaire, pour ne retenir que ce qui a un rapport immédiataulangage.

REPÈRESN"15/1997 C. LECUNFF etF.CABIRON

tionenestfaite plutôt dans lacité. Lesvannesconstituentunmaniement parti¬

culier des injures : l'échange devannes, ses règles ont des points communs aveclajouteverbalenotammenttellequ'elle se pratique danslesmatchesd'im¬

provisation.

Lescollégiens interrogésontlesentimentqu'il existebien desinjures spé¬

cifiques, différentes dans l'ensembledecelles quisont utilisées par lesadultes.

Certains pensent que ce lexique se renouvelle de génération en génération.

D'autres pensent que lesjeunesadultes (hommes) connaissent non seulement leur lexique mais encore d'autres injures plus puissantes. Par contre, les

« vannes » sont considérées à l'unanimité comme l'apanage des adolescents, ceux qui sont sortis de cette classe d'âge « n'ont plus letemps » de pratiquer cetexercice,perdent leur habileté. Ons'aperçoitau cours de tellesdiscussions combien l'habileté verbale qui se manifestedans les joutes ou le maniement des injures estvalorisée. Certaines composantes deces pratiques langagières de lacité sont proches des composantes des matches d'improvisation : dans lesdeux cas, un public de connaisseurs, au fait des règles, est nécessaire. II

s'agit d'une forme decompétition verbale ; certaines limites danslavanne ne doivent pas être dépassées sous peine de conduire à l'affrontement physique, qui n'est pas l'aboutissement normal de l'échange de vannes. L'échange doit restersurlemode ludique et prendfinquand l'un des adversairesprovoque par sarépartie leriredu public, accablantainsil'adversaire quiseretirehonteux.Le vainqueur estdonccelui qui a eu le derniermotetpourqui lepublicavoté, par sonrire.

2.3.

Traitement didactique

des

pratiques sociales

Lessavoirsissusdesscienceshumaines,dessciencesdu langage permet¬

tent de comprendre ce qui permet à unesituation didactique de fonctionner, sansdoutepasdelaconstruireapriori.IIs'agitdavantaged'unva etvient entre

savoir

faire

didactique

et réflexion à partir de referents théoriques. Dans l'exemple donné, le traitement n'est pas de l'ordre de la « récupération » de savoirs non scolaires. Ces savoirs ou ces habiletés, comme les valeurs atta¬

chéesàcescompétences extra-scolaires, ontplutôtservidepointd'appuipour lamiseenplace des apprentissagesdansl'ordredessavoirsscolaires.D'abord, l'improvisation n'occupe qu'une heure hebdomadaire. Les rencontres avec d'autres classes ou d'autres établissements, dans des cadres divers sont au mieux trimestrielles. Mais ce travail est le lieu d'une réconciliation avec une parole, saparole, miseen scène, reçuecommeunecréation personnelle parla collectivité classe ; l'enseignantestà lafois arbitre, garantdes règles etde ce qui est recevable dansl'institutionécoleou surlascène, entraineuret partie du public. L'évaluation vient aussi du public des pairs, expert et acteur. Car si le temps de lajoute est leplus important, celui de l'entrainement, de l'apprentis¬

sagedesrègles,del'analyse dece quis'est donnéàvoiret àentendre,occupe une place non négligeable. C'est là ques'exerce la réflexion sur les divers aspects linguistiques ou discursifs et qu'apparaissent les manquestant en ce quiconcernelaconstruction durécit que lamaitrisedesvariétésoudes genres, ou encore le lexique et l'imaginaire, pour ne retenir que ce qui a un rapport immédiataulangage.

(9)

De laviolence à lajouteverbale..

2.4.

Incidence sur les autres temps d'apprentissage

D'abord, l'élève se réconcilieavec le langageoral, sa parole. II apprend à écouter, àanalyserles productionslangagières, à lesmettreenrelationavec les contraintesdiverses quiont étéindiquéesplus haut.Autrement dit, ilapprendà

construire les situations discursives, à se donnerdes repères pour produire seul ou avec d'autres, son discours, intégrant ce qu'il a compris du contexte construit. En outre, l'évaluation est celle en vigueur dans lasociété, succès ou échecpartiel delaprestation, maisles règlessont connuesetl'analysereflexive constitueuneévaluationformative. Lesacquis seront réinvestis dèslajoutesui¬

vante,semblable etdifférenteà la fois.

Ducôté des écrits, réalisés dans laclasseetavec l'aide del'enseignant et des outils, on constate une plus grande motivation, une meilleure maitrise du récit et surtout unevolonté de défendre sa production. On mentionnera égale¬

ment l'attrait des spectacles proposés par lethéâtre proche : compréhension des éléments de mise en scène ou du jeu des acteurs, regard neuf, actif, comme de l'intérieursur l'acteur. Intérêt aussi pourles oeuvresécrites qu'elles soientdethéâtreou narratives, commesourced'enrichissement desjoutes aux planslangagieret imaginaire, comme sourced'une créativité personnelle.

3. CHANGER LERAPPORTAU LANGAGE, CONSTRUIRE DESPRATIQUES LANGAGIÈRES

3.1.

Quand les élèves cumulent

les

difficultés

Si au collège les élèves sonten difficulté, cependant les pratiques langa¬

gières de lacité existent. Danslesclassesde petit perfectionnement, lasituation est différente : laviolence verbaleou physique n'obéit pas aux règles définies plus haut de l'échange de vannes. Les pratiques sont en deçà de cet usage réglé delaparole.

Laclasse de petit perfectionnementoù larechercheaété menéeregroupe 14élèvesissusde famillesendifficultésaussi bienau plan économique que sur d'autres plans. Un certain nombrede ces enfantssont confiés à des familles d'accueil ouà desfoyers. Ils sontenéchectotal du pointde vuescolaire etne sont pasparvenusen particulieràentrerdans l'écrit malgré des redoublements.

Enoutre, ilsn'ont pasun comportement«scolaire»en cesens quelaviolence physique et verbale reste le mode d'expression dominant, y compris dans la classe.

La plupart des élèves ont d'évidentes difficultés de naturesdiverses dans leurs productions langagièresorales. Lesrelations sontaffectives, violentes. On prend partipour son copain, onfrappe quandon est endésaccord. L'injure est lemoded'expression privilégiéaveclescoups. Quantàceux quin'usent pas de cette violence, ils restent silencieux, en retrait de lascène où laviolences'ex¬

prime. C'est l'état de la classe en début d'année. Tout travail de groupe est impossible, la communication entreélèves difficile. La plupart ne lisent pas

De laviolence à lajouteverbale..

2.4.

Incidence sur les autres temps d'apprentissage

D'abord, l'élève se réconcilieavec le langageoral, sa parole. II apprend à écouter, àanalyserles productionslangagières, à lesmettreenrelationavec les contraintesdiverses quiont étéindiquéesplus haut.Autrement dit, ilapprendà

construire les situations discursives, à se donnerdes repères pour produire seul ou avec d'autres, son discours, intégrant ce qu'il a compris du contexte construit. En outre, l'évaluation est celle en vigueur dans lasociété, succès ou échecpartiel delaprestation, maisles règlessont connuesetl'analysereflexive constitueuneévaluationformative. Lesacquis seront réinvestis dèslajoutesui¬

vante,semblable etdifférenteà la fois.

Ducôté des écrits, réalisés dans laclasseetavec l'aide del'enseignant et des outils, on constate une plus grande motivation, une meilleure maitrise du récit et surtout unevolonté de défendre sa production. On mentionnera égale¬

ment l'attrait des spectacles proposés par lethéâtre proche : compréhension des éléments de mise en scène ou du jeu des acteurs, regard neuf, actif, comme de l'intérieursur l'acteur. Intérêt aussi pourles oeuvresécrites qu'elles soientdethéâtreou narratives, commesourced'enrichissement desjoutes aux planslangagieret imaginaire, comme sourced'une créativité personnelle.

3. CHANGER LERAPPORTAU LANGAGE, CONSTRUIRE DESPRATIQUES LANGAGIÈRES

3.1.

Quand les élèves cumulent

les

difficultés

Si au collège les élèves sonten difficulté, cependant les pratiques langa¬

gières de lacité existent. Danslesclassesde petit perfectionnement, lasituation est différente : laviolence verbaleou physique n'obéit pas aux règles définies plus haut de l'échange de vannes. Les pratiques sont en deçà de cet usage réglé delaparole.

Laclasse de petit perfectionnementoù larechercheaété menéeregroupe 14élèvesissusde famillesendifficultésaussi bienau plan économique que sur d'autres plans. Un certain nombrede ces enfantssont confiés à des familles d'accueil ouà desfoyers. Ils sontenéchectotal du pointde vuescolaire etne sont pasparvenusen particulieràentrerdans l'écrit malgré des redoublements.

Enoutre, ilsn'ont pasun comportement«scolaire»en cesens quelaviolence physique et verbale reste le mode d'expression dominant, y compris dans la classe.

La plupart des élèves ont d'évidentes difficultés de naturesdiverses dans leurs productions langagièresorales. Lesrelations sontaffectives, violentes. On prend partipour son copain, onfrappe quandon est endésaccord. L'injure est lemoded'expression privilégiéaveclescoups. Quantàceux quin'usent pas de cette violence, ils restent silencieux, en retrait de lascène où laviolences'ex¬

prime. C'est l'état de la classe en début d'année. Tout travail de groupe est impossible, la communication entreélèves difficile. La plupart ne lisent pas

(10)

REPÈRES N°15/1997 C. LECUNFF etF.CABIRON

même leur prénom, ne connaissentpas leur datede naissance, nedistinguent pasladroite delagauche, ne serepèrentpas dansletemps:jour, mois, heure.

3.2.

Hypothèses

La recherche acommencéil yatrois ans auprès des élèvesde ce type, avecun projetd'enseignement

/

apprentissagedesdivers discoursà l'oral. Les recherches antérieures (LeCunff, 1995) ont permis de mettreen évidence les composantes de la prise de parole devant le groupe classe, et les obstacles susceptibles de se présenteraux élèvesdanscette situation.L'unedescompo¬

santesimportantess'estavérée êtrelacompréhensiondelasituationdiscur¬

sive,mais aussi delatâche discursive doncdel'attentede l'enseignant quant audiscoursàproduire.

Les projets d'enseignement ontdonc prisen compte lanécessité deper¬

mettre à tous les élèves de construire les repères propres à chaque typede conduites discursives, tant pragmatiques que linguistiques. Cesprojetsont peu à peu évoluévers la prise encompte de la dimension metalangagiere. Les élèvesont été invitésàréfléchirensituationou dansdessituationsconstruitesà ceteffet,surlesfaits langagiers(LeCunff, 1995).L'interventiondel'enseignanta évolué elle aussipour répondreàcettedimension.

Larecherchea prisencompteles acquis du projet« Théâtred'improvisa¬

tion ». On a retenu l'hypothèse queles situations discursives proposées par l'écoleétaient incompréhensiblespourcesélèves, parceque loin de leurs pra¬

tiques sociales et mal différenciées. En outre, le rapport même au langage comme moyen de communication,deverbalisation, de construction desavoirs etde raisonnement étaità interroger. Les mots semblaient interchangeables, et produireun discours, indifférentquantà l'effet surautrui. Bref, c'estlafonction même du langage et sa représentation qu'il s'agissait d'analyser et de com¬

prendre, pour mettreen placeuneaction didactique. E. Bautierrelèveau cours d'une de ses recherches auprès d'un public de bas niveau de qualification (1995, p. 117)«quetoutsemblese passercommesi, (...)lesrelations entreréa¬

lisation linguistiqueetproduction de sens,entreproduction delangageet com¬

munication, étaient peu évidentes. Commesi l'idéed'être lui-même producteur de discours et de sens adressés à un autre interlocuteur semblait impos¬

sible. ».Son constat est du même ordre que celui effectué par l'équipe de rechercheenpetit perfectionnement.

3.3.

Apprendre

à

construire

des

situations discursives

On a choisi des'appuyer àla fois surla miseen placede situationsde production de discours,rituelles, impliquantdesproductions«simples »et sur une mise à distance en situation deces actes discursifs. Lequotidien de la classe aété« misenscène » de manière àpermettre auxélèves deconstruire leurs repères, les représentations relatives aux situations discursives. C'est d'abordl'enseignantqui aconduit leritueletdistribuélaparole, puis un respon¬

sable de séance a été désigné, différent chaquejour, pour prendre en charge cette fonction. Peu à peu des responsabilités seconstruisent autour de la

REPÈRES N°15/1997 C. LECUNFF etF.CABIRON

même leur prénom, ne connaissentpas leur datede naissance, nedistinguent pasladroite delagauche, ne serepèrentpas dansletemps:jour, mois, heure.

3.2.

Hypothèses

La recherche acommencéil yatrois ans auprès des élèvesde ce type, avecun projetd'enseignement

/

apprentissagedesdivers discoursà l'oral. Les recherches antérieures (LeCunff, 1995) ont permis de mettreen évidence les composantes de la prise de parole devant le groupe classe, et les obstacles susceptibles de se présenteraux élèvesdanscette situation.L'unedescompo¬

santesimportantess'estavérée êtrelacompréhensiondelasituationdiscur¬

sive,mais aussi delatâche discursive doncdel'attentede l'enseignant quant audiscoursàproduire.

Les projets d'enseignement ontdonc prisen compte lanécessité deper¬

mettre à tous les élèves de construire les repères propres à chaque typede conduites discursives, tant pragmatiques que linguistiques. Cesprojetsont peu à peu évoluévers la prise encompte de la dimension metalangagiere. Les élèvesont été invitésàréfléchirensituationou dansdessituationsconstruitesà ceteffet,surlesfaits langagiers(LeCunff, 1995).L'interventiondel'enseignanta évolué elle aussipour répondreàcettedimension.

Larecherchea prisencompteles acquis du projet« Théâtred'improvisa¬

tion ». On a retenu l'hypothèse queles situations discursives proposées par l'écoleétaient incompréhensiblespourcesélèves, parceque loin de leurs pra¬

tiques sociales et mal différenciées. En outre, le rapport même au langage comme moyen de communication,deverbalisation, de construction desavoirs etde raisonnement étaità interroger. Les mots semblaient interchangeables, et produireun discours, indifférentquantà l'effet surautrui. Bref, c'estlafonction même du langage et sa représentation qu'il s'agissait d'analyser et de com¬

prendre, pour mettreen placeuneaction didactique. E. Bautierrelèveau cours d'une de ses recherches auprès d'un public de bas niveau de qualification (1995, p. 117)«quetoutsemblese passercommesi, (...)lesrelations entreréa¬

lisation linguistiqueetproduction de sens,entreproduction delangageet com¬

munication, étaient peu évidentes. Commesi l'idéed'être lui-même producteur de discours et de sens adressés à un autre interlocuteur semblait impos¬

sible. ».Son constat est du même ordre que celui effectué par l'équipe de rechercheenpetit perfectionnement.

3.3.

Apprendre

à

construire

des

situations discursives

On a choisi des'appuyer àla fois surla miseen placede situationsde production de discours,rituelles, impliquantdesproductions«simples »et sur une mise à distance en situation deces actes discursifs. Lequotidien de la classe aété« misenscène » de manière àpermettre auxélèves deconstruire leurs repères, les représentations relatives aux situations discursives. C'est d'abordl'enseignantqui aconduit leritueletdistribuélaparole, puis un respon¬

sable de séance a été désigné, différent chaquejour, pour prendre en charge cette fonction. Peu à peu des responsabilités seconstruisent autour de la

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