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INTERMODALITE-VOYAGEUR ET METROPOLISATION : VERS UNE REDEFINITION DES ECHELLES RETISTIQUES ET TERRITORIALES

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transports

2015

Transport et métropolisation

n° 5-6

 

Intermodalité-voyageur et métropolisation :

vers une redéfinition des échelles rétistiques et territoriales

Passenger intermodality and metropolization:

towards new networked and territorial scales

Pierre AGERON

Laboratoire LIVE, UMR 7362, Université de Strasbourg/CNRS1

Résumé

Dans quelle mesure l’intermodalité-voyageurs participe-t-elle à l’effacement de l’échelle régionale et à son remplacement par l’échelle métropolitaine comme échelle pertinente de l’analyse des déplacements dans un contexte de mondialisation ? Cet article veut proposer une réflexion sur les échelles pertinentes de mobilités, redéfinies par l’étude des relations entre intermodalité-voyageurs et métropolisation. En effet, la dynamique de constitution progressive d’un méta-réseau appuyée sur la hiérarchisation des nœuds de transports créant des lieux transcalaires et celle renforçant les pouvoirs de commandement des aires urbaines sur des territoires contigus ou connexes paraissent inextricablement liées. Une première constatation paradoxale surgit : l’échelle régionale demeure introuvable dans l’analyse des systèmes intermodaux « régionaux » centrée sur la desserte aéroportuaire. Elle est phagocytée par l’échelle métropolitaine (modes terrestres) ou inter-métropolitaine (mode aérien ou LGV). En effet, ces systèmes sont pensés a priori (Asie Orientale) ou a posteriori (Europe rhénane) comme des réseaux métropolitains ou mégalopolitains reliant les lieux centraux d’un espace urbain discontinu et polycentrique (I). Intermodalité-voyageurs et métropolisation s’alimentent mutuellement (II). L’intermodalité se présente comme instrument de métropolisation, et simultanément est favorisée par elle. Les deux processus connaissent en effet le même fondement : la sélectivité de leur manifestation spatiale. La multiplication des mobilités transcalaires a pour cadre les métropoles, au sein d’une seule et/ou entre de multiples. La promotion de l’image urbaine dans la mondialisation compétitive constitue un facteur puissant de métropolisation et de développement de l’intermodalité-voyageurs. Les entreprises impliquées dans la construction du réseau intermodal affichent des intérêts typiquement métropolitains, en raison du fait que la métropole est un espace à la fois de production et de consommation de masse et différenciée (Bourdin A., 2005). L’intermodalité-voyageurs participe donc pleinement à l’émergence d’une nouvelle géographie urbaine mondiale (III), celle des régions urbaines métropolitaines : (World) City–region, (Taylor P., 2005), Global Cities regions (Scott A., 2000) ou Mega cities regions (Xu J et Yeh A., 2011).

Mots-clés : Métropolisation, intermodalité-voyageurs, échelles, mondialisation, promotion territoriale Abstract

This paper aims at thinking of new patterns of relevant scales for mobilities, involving both processes of metropolization and passenger intermodality. Passenger intermodality is here defined as progressive emergence of meta-network, based upon global transport nodes evolving hierarchy, creating transcalar places. Metropolization is here defined as the process of urban areas strengthening powers over topographically or topologically surrounding territories. Both processes seem to be entangled, reflecting one face of globalization. J-F. Troin (2010 in Vrac M. et Varlet J.) gives us a starting point: the inter-regional scale is being squeezed by inter-urban scale. Consequently the main question of this paper is “in what extent passenger intermodality leads to the hegemonic use of the metropolitan scale for urban and transport planning, both by customers and planners, at the expense of former regional scale. This (inter)metropolitan scale is regarded as the only relevant one to analyze globalized mobilities. The first finding in the analysis of intermodal systems concerned with ground airport access consists in the absence of regional scale, according the actors. Metropolitan                                                                                                                          

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(ground modes except HST) or inter-metropolitain scales (air mode and HST) are the only claimed. Indeed, these systems are thinking a priori (Eastern Asia) or a posteriori (Rhinelander Europe) as megalopolitan networks, linking central places of polycentric and discontinuous urban areas (I) because Intermodality and metropolization feed each other (II). Intermodality is regarded as a tool for metropolization and simultaneously is developed by it. Both processes are born from the same origin: the selectivity of their spatial achievements. By a great part, transcalar mobilities take place in metropolises or between them. Territorial marketing in competitive globalization supports metropolization and passenger intermodality at the metropolitan scale. The involved firms in the emergence of intermodal systems display specific metropolitan interests due to the fact that metropolis is a space of both mass and segmented consumption (Bourdin A., 2005). Passenger intermodality is clearly involved in a new global urban geography (III), related to urban regions, (World) City–region, (Taylor P., 2005), Global Cities regions (Scott A., 2000) or Mega cities regions (Xu J et Yeh A., 2011).”Inter-terriorial spaces », necessary to everyday urban life (Vanier M., 2009), mobilized by offers and practices of mobilities, Transport authorities deals, more and more, with metropolitan scale Can such institutional bodies embody a source of political legitimacy for the organization of mobilities (Ghorra Gobin C., 2006) ?

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I

NTRODUCTION

Cet article se propose d’interroger l’effacement de l’échelle régionale dans l’analyse des déplacements interurbains de voyageurs dans un contexte de mondialisation. Deux dynamiques se conjuguent pour expliquer cette tendance : la métropolisation et l’intermodalité-voyageurs2. Ces deux processus influent tant sur la dynamique des réseaux de transports que sur l’image urbaine, envisagée en mondialisation comme un avantage compétitif. Ils tendent à survaloriser les deux échelles extrêmes des mobilités : l’échelle urbaine, locale et l’échelle mondiale, intercontinentale. Ainsi ils tendent à phagocyter l’échelle intermédiaire, celle aux contours les plus flous, l’échelle régionale.

La mondialisation induit, en effet, la transformation du monde, entendu comme ensemble des lieux de l’écoumène, en Monde, défini comme espace fonctionnel de la mondialisation et entité spatiale désormais parcourable. Il signe un nouveau régime des mobilités (Stock in Lévy, 2008). Dans ce contexte, l’intermodalité-voyageurs, définie comme le dispositif socio-technique permettant l’interconnexion de réseaux différenciés   par leur statut institutionnel, leur organisation et leur fonctionnement technique, se présente comme l’outil majeur articulant l’ensemble des métriques de mobilités et la volonté de franchissement des échelles. Les manifestations de l’intermodalité-voyageurs en termes d’infrastructures et de services s’inscrivent physiquement dans « les lieux de transports » (Lombard, Steck, 2004) de l’espace urbain. Ceux-ci apparaissent alors comme des lieux de pouvoirs, symbolisant la puissance urbaine.

Cette puissance est véhiculée par la métropolisation, processus cumulatif de concentration des activités de commandement au sein d’un nombre restreint d’entités urbaines, reflet des différentiels de centralité au sein de l’Archipel Mégalopolitain Mondial (Dollfus, 2007), donc de polarisation. La thèse ici défendue est que l’intermodalité-voyageurs est un des vecteurs concrets de cette puissance urbaine. Cette politique de coordination des déplacements vise en effet à optimiser les cheminements et à minimiser la rugosité, garantissant la durabilité3 et la fluidité des échanges. La fluidité et la performance deviennent

les horizons communs de la mondialisation (Gwiadzinki, 2002). La métropolisation et l’intermodalité-voyageurs4 en sont l’incarnation contemporaine.

Dans ce cadre idéologique où la métrique topologique prime sur la métrique topographique, il semble utile de s’interroger sur l’absence de mobilisation d’une échelle naguère classique pour la géographie des transports interurbains (Capot-Rey, 1954 ; Dacharry, 1981) : l’échelle régionale. En 2010, J-F. Troin constatait un glissement des réflexions en géographie des transports de l’interrégional à l’interubain (Troin, 2010). Ne peut-on pas envisager un second glissement, signe de l’effet centripète de la métropolisation, celui de l’interrégional à (l’inter)métropolitain où l’échelle métropolitaine serait la nouvelle (et unique ?) échelle pertinente de l’analyse des déplacements en mondialisation ?

A partir de l’étude comparative des liaisons intermodales Air-Rail à l’échelle mondiale, il apparaît d’abord que métropolisation et systèmes intermodaux agissent simultanément comme deux agents de la mise en archipel du monde (I) tendant à effacer l’échelle régionale. Au-delà de la construction en réseau provoquée par la primauté de la métrique topologique, celle-ci est également décelable quant à la construction, par un discours volontariste, de la métropolisation et de la mondialisation compétitive (II). L’Intermodalité-voyageurs et la métropolisation apparaissent comme co-créatrices d’une mondialité des villes à l’échelle                                                                                                                          

2 Centrée sur l’accessibilité aux plates-formes aéroportuaires. 3

Durabilité tout autant environnementale par le remplacement des trajets aériens court-courriers en trajets ferroviaires, qu’économique, pour les acteurs du secteur aérien qui peuvent utiliser des slots devenus rares pour des destinations plus lointaines et plus rentables comme pour les acteurs du secteur ferroviaire qui captent une clientèle aérienne au pouvoir d’achat en moyenne plus élevé (IARO, 2010).

4 Deux processus qui, tout comme la performance et la fluidité, ne sont jamais achevés, dont les limites peuvent être

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intra-urbaine, marquée par la discontinuité5. Cette mondialité, forgée par des discours

généralisants sur l’Urbain mondialisé voit la part de l’architecture iconique (Jencks, 2005) s’affirmer au sein même des lieux-mouvements (Sander, 1996). Néanmoins, toute référence à l’échelle régionale n’a pas disparu. Elle se voit revivifier par l’émergence des grandes conurbations mondiales, ces mégacités qui signent le retour de l’échelle topographique, où le territoire métropolitain est envisagé comme étendue davantage que comme pôle. De son usage dans une géographie interurbaine des déplacements, elle intègre désormais la géographie intra-urbaine (III).

I - M

ETROPOLISATION ET SYSTEMES INTERMODAUX

,

AGENTS DE LA MISE EN ARCHIPEL DU

M

ONDE

L’image de l’archipel, omniprésente dans la géographie de la mondialisation (Dollfus, 1997 ; Arrault, 2005), reste pertinente pour décrire cette réalité à l’échelle la plus petite : celle du globe.

Or, métropolisation et intermodalité-voyageurs partagent deux caractéristiques communes qui contribuent à renforcer la compréhension du Monde comme archipel : le primat à la centralité et à la sélectivité. En premier lieu, leur force commune de polarisation de l’espace induit la recherche d’une centralité renforcée, l’une autour des lieux de prises de décisions ou lieux de lancement de tendance mondiale (Sassen, 2001), l’autre autour des gateways aéroportuaires, lieux de convergences des modes et des distances, sas interterritoriaux guidant les déplacements et favorisant la création d’activités économiques spécifiquement métropolitaines (Kasarda, 2011). Cette centralité en construction induit conséquemment la sélectivité de leur manifestation spatiale et la hiérarchisation de ces pôles. Tout comme existent des métropoles de rang mondial, de rang continental et de rang régional et des processus de métropolisations plus ou moins intenses6, les gateways

s’avèrent plus ou moins polarisants, nœuds inégaux d’un réseau intermodal hiérarchisé. Le fonctionnement topologique du monde se renforce donc par la construction et l’usage de systèmes intermodaux sélectifs, contribuant ainsi à un effacement de l'échelle régionale, topographique.

A Hong Kong, l’organisation même des lieux de transports intermodaux, constitutifs de l’Airport Express Line, révèle ce primat du topologique. Pensés d’abord comme des réseaux métropolitains ou mégalopolitains, reliant topologiquement les lieux économiquement, commercialement et symboliquement centraux d’un espace urbain discontinu et polycentrique, comme en témoigne le plan de la ligne de l’Airport Express Line de Hong Kong, totalement déterritoralisé (Photo 1). Ainsi, les systèmes intermodaux visent à l’intégration dans une entité topologique (Ageron, 2013), soit dès leur conception, notamment en Asie Orientale où l’aéroport off shore de Hong Chep Lak Kok et l’Airport Express Line ont été mis en service simultanément le 6 juillet 1998, soit a posteriori, en Europe rhénane avec l’adjonction de gares TGV au sein des aéroports.

Dès lors, l’intégration signifie l’interconnexion avec d’autres lieux topologiques. Dans la compétition inter-métropolitaine, l’intermodalité se présente comme instrument de métropolisation, et simultanément est favorisée par elle. La métropolisation est définie comme le renforcement des pouvoirs de commandement des aires urbaines sur des territoires contigus ou connexes. Elle détermine une centralité qui, par son pouvoir de polarisation, se confond avec l’échelle régionale et l’évince à son profit.

                                                                                                                          5

Via, le rôle contradictoire des pôles d’échanges par exemple, interfaces marquant la discontinuité des modes et garantissant la continuité de la chaîne de transports.

6 Comme dans toute tentative de hiérarchisation, les critères pris en compte sont toujours sujets à débats. Néanmoins, les

travaux du Gawc font apparaître clairement un réseau de ville mondiales hiérarchisées (α, β, γ), hiérarchie si intériorisée que l’unique but du marketing territorial exprimant la volonté des acteurs urbains semble se résumer à passer dans la catégorie supérieure (Dumont in Lévy, 2008).

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Photo 1 - Le cheminement explicitement topologique de l'Airport Express Line (quatre lieux desservis) (Cliché P. Ageron, 18/10/2011)

Photo 2 - le lieu de transports et sa monumentalité : Central Station à Hong Kong, symbole de la puissance métropolitaine (Cliché P. Ageron, 25/10/2011)

II

-

I

NTERMODALITE

-

VOYAGEURS ET METROPOLISATION

,

LIENS CREATEURS DE LA MONDIALITE DES VILLES

Le primat de l’échelle métropolitaine sur l’échelle régionale (Photo 2) s’observe également dans le discours concernant les lieux intermodaux, en tant que vecteur unique de l’image urbaine. Ainsi, la métropole veut cultiver la distinction, voire l’unicité, pour exister. Cette recherche indique la volonté métropolitaine d’adaptation au « régime de visibilité en régime médiatique » (Heinich, 2012) qui suppose d’être vu pour être connu. Ainsi le marketing urbain s’est-il emparé de l’intermodalité-voyageurs, considérée comme un produit valorisable dans la compétition inter-métropolitaine, critère de distinction nécessaire pour bien figurer dans le « marché des territoires » (Colletis et alii., 1999). L’intermodalité-voyageurs devient alors le support de la construction d’une image urbaine voulue par les acteurs : opérateurs et gestionnaires des réseaux comme des infrastructures et les gouvernements urbains (Ageron, 2012). Ce lien entre métropolisation, intermodalité-voyageurs et mondialisation est notamment très clair en Asie Orientale, érigé en facteur décisif de la compétition inter-métropolitaine.

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Dans le rapport complexe entre intermodalité-voyageurs, métropolisation et compétition métropolitaine peuvent se distinguer trois étapes qui souvent se chevauchent. Elles se revendiquent toutes de l’action, du « faire », érigée en idéologie. Il faut d’abord concrétiser l’infrastructure7 ou faire faire du point de vue des autorités urbaines. Sans l’infrastructure,

l’absence de support matériel au discours fait perdre en force de conviction. Il faut ensuite, simultanément ou en amont, faire savoir, moment central du discours sur la performance du système et son effet d’entrainement pour la métropole. Puis lorsque les deux étapes précédentes se sont diffusées favorablement à l’ensemble des acteurs concernés, notamment via des associations internationales de professionnels, ingénieurs et communicants, comme l’International Air Railways Organization ou Global Air Railways Association, il est temps de passer au savoir-faire en fructifiant l’expérience accumulée, par l’exportation de conseils, voire de solutions clés en mains, proposées par les entreprises locales sur la nécessité et les qualités d’un lien air-rail performant8.

Les exemples suivants montrent le caractère central   de cette étape discursive.

Copenhagen Airport mène une campagne active depuis plusieurs années9 sur le site

spécialisé www.anna.aero10 en affichant la publicité suivante (Photo 3). Tout comme dans

l’analyse en réseau de l’intermodalité-voyageurs, la métropole devient la métonymie du territoire : « CPH » en tant que gateway de l’Europe du Nord veut polariser ce qu’il considère comme son hinterland et se présente alors comme une équivalence de la région, entendue comme territoire. Le rappel de la volonté de centralité est ici clairement présenté, reposant la question du pouvoir. Se pose subsidiairement la question des limites réelles ou revendiquées de cette « Northern Europe », d’autant plus que Stockholm Arlanda s’affiche comme « Capital of Scandinavia ». Pour Copenhague, ce discours veut appuyer la prééminence de la plate-forme de Kastrup qui semble pourtant s’effriter ces dernières années face à Stockholm-Arlanda11. La desserte ferroviaire cadencée de l’aéroport de

Kastrup  depuis le territoire méridional suédois est l’arme majeure de cette reconquête (Ageron, 2012).

Photo 3 - La publicité en ligne de Copenhagen-Kastrup,

une centralité revendiquée, support d’une centralité réelle (Source : www.anna.aero)?

Photo 4 - Aéronef B-KPF en approche finale sur John F. Kennedy Airport (Cliché M. Gonzalez, le 15 octobre 2011) (Source : www.airliners.net)

                                                                                                                         

7 Et les services afférents car s’ils ne sont pas à la hauteur, le discours sur l’unicité perd de sa légitimité (cf. les ratés de

Bangkok ou dans une moindre mesure du service Rhône Express à Lyon).

8 Même s’il n’est pas le seul modèle d’intermodalité-voyageurs, l’interconnexion air-rail est la plus répandue car la plus

préhensible par le marché (cf. Infra le modèle pionnier rhénan et Ageron, 2013 pp. 347-382).

9

Au moins entre janvier 2010 et octobre 2013.

10 Traitant de l’actualité des routes aériennes. Malgré plusieurs courriels entre 2010 et 2013, les responsables du site, R. Anker

puis M. Watkins, ont ignoré mes demandes d’informations.

11 De +3,669 millions de passagers en 2011, l’écart s’est réduit à + 3,183 millions de passagers en 2014, toujours en faveur de

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Cette métropolisation véhiculée par le discours joue très fortement en Asie Orientale où les supports publicitaires sont plus spectaculaires qu’une page web : les aéronefs eux-mêmes (Photo 4). Cathay Pacific a ajouté sur son B 777-300ERimmatriculé B-KPF, livré en janvier 2008, le slogan de la ville de Hong-Kong « Asia World City ». L’effet de diffusion de la marque territoriale hong-kongaise ou branding city est alors planétaire12.

Ce type d’opérations prouve que le lien entre métropolisation et intermodalité-voyageurs renforce le primat de l’iconique, plus généralement de l’image, consubstantiel à un capitalisme d’écrans, réagissant instantanément, modalité propre à une « économie d’opinion », mue par le seul désir mimétique de se conformer à un modèle réel ou imaginaire (Orlean, 2011).

Hong Kong s’inscrit pleinement dans cette logique où chaque lieu est propice à affirmer sa mondialité et son statut de métropole : le méga-projet aéroportuaire de Chep Lap Kok en est le symbole (Photo 5). En en grande partie off shore, la plate-forme de 12,48 km2 s’affirme

comme un des gateways principaux de la Chine, tournée vers l’international en termes tant de fret que de passagers13. Il constitue l’emblème de sa modernité. A l’opposé, mais

participant pareillement à la constitution d’une image urbaine positive et métropolisée, apparaît le tramway à double étage de Hong Kong Island (Photo 6). Mis en service en 1904, il est intégré dans le patrimoine hong-kongais et doit prouver qu’en plus d’être une métropole moderne, Hong Kong est une métropole ayant une histoire urbaine riche, précocement mobile, qui ne peut pas se limiter aux « lieux génériques » (Koolhaas, 2010) support de son image la plus répandue. Néanmoins, certains buildings qualifiables de lieux génériques du capitalisme mondialisé peuvent se transformer en véritables marqueurs territoriaux à l’instar de l’immeuble du Hong Kong et Shanghai Headquarters Bank (Photo 7), reconnaissable par sa façade en « cintres », œuvre majeure de la « starchitecte » (McNeil, 2009), Sir Norman Foster.

Photo 5 - Hong Kong International Airport, mégaprojet de 20 milliards de dollars (coût 1998), ajoute près d’1 % à la superficie totale de Hong Kong. (Cliché : Wikimédia)

L’intermodalité-voyageur en tant que système construit à la fois par les réseaux et par les discours qui justifient la métropolisation, participe donc pleinement à la compétition d’échelle mondiale que se livrent les villes se réclamant du même statut, tant « villes mondiales » qu’ « Eurocités », voire villes de rang inférieur. L’effet de club (Charmes, 2010) suppose à la fois identification et distinction. En cela, le système intermodal ou plus précisément sa manifestation métropolitaine est un des éléments de cette course à distinction, au même titre que l’organisation de grands événements ou la construction de buildings iconiques, marqueurs territoriaux (Jencks, 2005). La promotion de l’image urbaine dans la mondialisation compétitive constitue un facteur puissant de métropolisation ainsi que de mise en œuvre de l’intermodalité-voyageurs à l’échelle métropolitaine

.

                                                                                                                         

12 Les villes desservies sont aussi variées que New York, Chicago, Los Angeles, San Francisco, Toronto, Tokyo, Singapour,

Taipei, Londres, Milan ou Paris. (Source : www.airliners.net)

13 Avec 52,8 millions de passagers internationaux en 2011, il s’agit du 3è aéroport mondial dans cette catégorie et le 1er mondial

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Fig.6 - Tramway à impériale sur Hong Kong Island Fig.7 - Shanghai Headquarters Bank, Hong Kong Cliché Wikimédia, 3/6/2006 Cliché P. Ageron, 19/10/2011

Au-delà de l’intermodalité-voyageurs comme image, support de discours à visée externe (dans la compétition inter-métropolitaine) et interne (par l’affirmation de l’identité métropolitaine), l’intermodalité-voyageurs peut agir comme un levier, un outil pour la métropole renforçant alors la métropolisation.

L’exemple le plus immédiat vient de la capacité des lieux de l’intermodalité-voyageurs, les pôles d’échanges, à créer de l’espace public. La relation entre intermodalité-voyageurs et espace public reste ambivalente car l’architecture vise à gérer le vide. Celui-ci est positif (Pinto, 2010) car il permet le déploiement de sociabilités non provoquées sur le modèle de l’agora. C’est le cas en Europe rhénane ou dans la réhabilitation du terminus du Canadian Pacific, renommé Waterfront par l’opérateur de transports urbains Translink, à Vancouver (Photo 8). Ici, comme à Singapour, l’intermodalité-voyageurs participe à la régénération des fronts d’eau urbains ou Waterfronts renforçant ainsi une urbanité perçue comme positive, facteur de métropolisation. Elle veut participer à la diffusion du modèle d’Amsterdam (Lévy, 1999) à l’échelle des mégacités, instrument d’une densification du bâti, pensé comme préalable à la diversification des activités. Métropolisation et intermodalité-voyageurs se rejoignent pour contribuer à la qualité de vie urbaine, définie tant par ses aménités objectivables que par son ambiance, fruit de représentations (Bailly, 1993, Bailly et allii, 2001). En tant qu’élément d’une politique de Transit Oriented Development (Cervero, 1998), l’étalement urbain est une des dynamiques que l’intermodalité-voyageurs vise à combattre. Néanmoins, les effets de cette politique sont ambivalents : soit un futur pour une mobilité urbaine durable, soit un fantasme visant à masquer une captation de l’espace urbain par le marché, à l’instar du rôle de l’immobilier dans la stratégie de développement de MTR, l’opérateur public des transports collectifs de Hong Kong. Dans ce cas, l’espace public est plein. Il devient synonyme d’espace de consommation (Photo 9) (Bourdin, 2005). Se rejoignent alors les intérêts des firmes participant à la construction du réseau intermodal et ceux des promoteurs de la promotion métropolitaine, espace de production et de consommation à la fois de masse et différenciée.

Excepté la rue, le plus vaste des espaces publics14 d’un système intermodal métropolitain

reste l’aéroport. Les plates-formes contemporaines veulent recréer une sensation d’urbanité dans des terminaux devenus lieux de flânerie de plus en plus immenses (Photo 10). Par ses multiples dynamiques corrélées et enchevêtrées, mêlant le flux et l’arrêt, l’aéroport devient la ville, ou plus précisément, la métropole, objet et sujet de la métropolisation (Roseau, 2011).                                                                                                                          

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Photo 8 - Zone publique du T1 à Hong Kong Airport (niveau identique à celui de la gare de l’Airport Express) (Cliché P. Ageron, 26/10/2011)

Quant aux firmes, présentes dans ces espaces de consommation mais aussi à l’origine de la matérialité des systèmes intermodaux, elles font de ceux-ci des produits de marchés. L’étude géographique de l’engagement et de la localisation de firmes comme Siemens qui maitrise l’ensemble du processus industriel de l’intermodalité-voyageurs, de la conception des systèmes à la gestion et à la maintenance opérationnelle montre à quel point l’intermodalité-voyageurs est analysée et segmentée comme une multitude de marchés, en l’occurrence neuf pour la firme de Munich (Fig.1).

Photo 8 - Le hall de la station Waterfront, espace nodal intermodal (SkyTrain Expo and Millennium Lines, SeaBus and West Coast Express) ET espace public ouvert

(Cliché J. Cox, 7/11/2011)

Photo 9 - L’offre commerciale au sein de la station MTR Tung Chung

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Ils peuvent être classés, hiérarchisés, évalués tout comme le degré de mondialité des métropoles. Le rapport d’intimité entre la métropole et son système intermodal tient dans cette évaluation d’une mondialité réciproque au travers de la présence des firmes qui s’y disputent des clients individuels (les usagers des systèmes intermodaux) ou collectifs (les métropoles érigées au rang de marques commerciales). De fait, la firme crée et gère la chaîne de valeur induite par l’intermodalité-voyageurs. Ces implantations révélatrices d’une stratégie d’entreprise démontrent la corrélation entre gateways aériens et métropoles, apparemment déconnectée de toute logique régionale. En effet, seule l’échelle supra-régionale, au sens d’ensembles supra-nationaux variables (Europe de l’Ouest, Golfe Persique, façade pacifique de l’Asie), peuvent être décelés a posteriori seulement. Ils peuvent être rapprochés des grands blocs économiques plus ou moins intégrés (Siroen, 2004).

Fig.9 - Implantation de Siemens pour des projets concernant les plates-formes aéroportuaires (Conception, réalisation : P. Ageron)

Puisque la concentration capitalistique et la consommation façonnent le système intermodal, produit de marché, celui-ci peut être considéré comme un facteur de mondialité des métropoles sous trois conditions au moins :

- en assurant une multiplicité des réseaux-supports et leur fiabilité : l’infrastructure reste première chronologiquement car nécessaire à la pratique intermodale concrète, agent de l’accessibilité métropolitaine.

- en recherchant constamment l’excellence dans le réseau service : qui ira le plus vite ou aura les meilleures stations développera le meilleur city check-in (Photo 11). L’objectif consiste ici à créer les aérovilles les plus intégrées à l’espace urbain, à l’exemple de

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Kowloon. La création d’un terminal aéroportuaire dans la ville, que le système intermodal permet de diffuser à l’ensemble de l’espace urbain, rend alors concret « la civilisation de l’aéroport » (Roseau, 2011, p. 266). Le recours constant au benchmarking ou « étalonnage » prouve que les métropoles sont en recherche des « best practices » qui, à leur tour, interrogent les modèles théoriques et les rapports infrastructures-urbanisme-urbanité (airport cities, aetropolis, airea…).

- en produisant des images et des discours sur la ville qu’il engendre. Ceux-ci prolifèrent pour diffuser un message d’excellence urbaine créée ou renforcée par l’intermodalité-voyageurs, par exemple à Hong Kong. Se concrétise alors une mondialisation communicationnelle et iconologique (Mitchell, 2009), notamment par la diffusion de discours de promotion intermodale (Photo 12) via la participation aux activités de l’IARO ou d’Airrail News, deux associations professionnelles de promotions de solutions intermodales.

III

-

L

E RETOUR DU TERRITOIRE

:

LE CHANGEMENT D

ECHELLE DE LA GEOGRAPHIE URBAINE CONTEMPORAINE

Pourtant, dans ce monde métropolisé, sélectif par définition, où le réseau semble primer sur le territoire (Castells, 1999), la contigüité territoriale absente des discours et des images liés à l’intermodalité-voyageurs, semble avoir changé de statut et surtout d’échelle. La pertinence d’un territoire métropolitain existe toujours, l’hinterland n’a rien perdu de son pouvoir d’« horizon d’attente » (Koselleck, 1990) mais son étendue a été modifiée. Le territoire urbain métropolitain réunit désormais des régions urbaines métropolitaines : (World) City–network, (Taylor, 2004), Global Cities regions (Scott, 2001) ou Mega cities regions (Xu, Yeh, 2010). Ainsi, si la ville supplante la région comme force motrice des flux d’hommes, de marchandises et d’informations, « la ville cache [tout de même] la région » (Bourdeau-Lepage & Huriot 2009). La région urbaine, comme espace de vie concret tend à fonder le statut de la métropole et à favoriser la métropolisation comme processus (IAURIF, 2010). Ainsi, l’échelle régionale devient le nouveau cadre d’analyse de la métropolisation.

Après avoir remarqué « la régionalisation du monde » (Siroen, 2004), signe de l’intégration des blocs économiques, n’assiste-t-on pas à une régionalisation des métropoles ? Le diptyque ville-région ainsi fusionné témoigne de la naissance d’une nouvelle forme urbaine, une grappe de villes ou d’aires métropolitaines, administrativement séparées

Photo 11 - Un réseau-service performant, l’Airport city Terminal de Kowloon, preuve de l’immixtion de l’aéroport dans la ville.

(Cliché P. Ageron 26/10/2011)

 

Photo 12 - Publicité Stansted

Express dans le métro londonien : un aérotrain ou la ligne spécifique comme image de fiabilité et de vitesse (Source : Airnailnews)

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mais topologiquement ou topographiquement liées. Xu et Yeh en comptent 450 de plus d’un million d’habitants dans le monde et au moins vingt de plus de 10 millions d’habitants. Ces dernières structurent les flux mondiaux comme l’avait pressenti Gottmann pour la Megalopolis (1961). Le terme de mégalopole, devenu nom générique, pose encore une fois la question des limites de ces entités fonctionnelles. Si la Megalopolis japonaise tout comme le Delta de la Rivière des Perles ne fait guère débat, qu’en est-t-il du Gauteng ou du Delta du Yang Tsé Kiang ?

Fig.2 - La desserte ferroviaire de la plate-forme aérienne de Francfort, le 24/2/2011 de 0 à 12 h, se juxtapose quasi parfaitement avec le cœur de la Mégalopole Européenne, espace urbain polycentrique par excellence

(Allain & Baudelle Guy, 2003) Cliché P. Ageron et N. Beaupré in Le Rhin, Doc. Photographique n° 8044

Or, l’intermodalité-voyageurs semble particulièrement bien s’adapter à la structure polycentrique des villes-régions, comme le montre l’efficacité du fonctionnement rhénan. La multiplication des trinômes d’interconnexion Air-Fer, à Francfort (Fig.2), à Amsterdam ou à Zurich (Varlet & Zembri, 2010, p.69) au sein de la mégalopole européenne justifie la pertinence de ce modèle15.

Si l’intermodalité-voyageurs s’adapte aux régions urbaines polycentriques et transnationales, elle œuvre également dans les régions urbaines monopolarisées, comme à Moscou, et sert à structurer des mobilités souvent entravées par la congestion. Cette structuration est permise par le trinôme d’interconnexion (Varlet, 1992, 2000) organisé autour de deux pôles, l’aéroportuaire et l’urbain. La multiplication des trinômes au sein d’une même métropole peut parfois émerger. En effet, si la maximisation de la polarisation du pôle urbain autour de la gare centrale est recherchée en Europe rhénane, certaines organisations privilégient la multipolarité. Ainsi les terminaux urbains d’Aeroexpress, opérateur des liaisons ferroviaires dédiées aéroport centre-ville à Moscou ont investi trois gares : la gare de Biélorussie qui relie Sheremetievo, la gare de Kiev vers Vnukovo et la gare de Paveletsky vers Domodiedovo (Fig.3). La logique est certes spatiale, dictée par l’absence de gare centrale, mais aussi commerciale. En s’affichant comme acteur incontournable dans trois gares centrales moscovites, la firme, grâce à son image premium et son design spécifique (trains rouges), affirme son omniprésence. Ici une seule marque, filiale de la RZD, fédère tous les services.

                                                                                                                          15

Nous considérons que le fonctionnement Air-Fer rhénan est bien un modèle car il a donné lieu à une dynamique de diffusion dont les acteurs endogènes (Deutsche Bahn, Siemens) sont les premiers artisans (cf. P. Ageron, 2013) et d’imitation par d’autres acteurs, notamment d’Asie Orientale.

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Fig.3 - Tracés des liaisons Aeroexpress (Source :

http://en.wikipedia.org/wiki/File:Aeroexpress_trains_routes_in_Moscow_region.png)

L’investissement dans le terminus ferroviaire urbain est d’autant plus important lorsque les marques sont concurrentes. Ainsi à Londres, Heathrow Express investit Paddington Station, Gatwick Express mobilise Victoria Station et Stansted Express s’installe à Liverpool Station.

L’organisation des mobilités dans ces régions d’échelles mégalopolitaines au fonctionnement polycentrique tend à les définir comme des espaces interterritoriaux (Vanier, 2010) dont la gouvernance en matière de déplacement est fondamentalement métropolitaine, comme le démontre en France le changement d’appellation des AOT devenant des Autorités Organisatrices de Mobilité Durable dans l’avant-projet de loi sur la décentralisation fin 2012. Elles prennent en compte l’ensemble du cheminement intermodal, y compris la marche. Cette échelle de la ville-région est parfois présentée comme le niveau de gestion adéquat des mobilités, capable d’acquérir une légitimité politique accrue, adapté aux modes de vie contemporains (Ghorra-Gobin, 2006). Si la gestion des politiques urbaines est présentée comme multi-niveaux et équilibrée entre les forces du marché et celle des autorités publiques en Europe, celle-ci apparaît encore plus instable dans les Etats fédéraux. Enfin une gouvernance pilotée par l’Etat, résolument top-down, reste la norme en Asie Orientale (Xu & Yeh, 2011).

Dans le cadre d’une réflexion théorique sur les rapports entre métropolisation, intermodalité-voyageurs et échelles, tous les exemples cités avec leurs enjeux privilégiés démontrent que l’intermodalité-voyageurs mobilise l’ensemble des échelles géographiques, dont les interactions sont représentées sur le croquis ci-dessous (Fig.4 d’après Halbert, 2010, p. 86)

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Fig.4- La circulation inter-scalaire ou l'intermodalité comme objet complexe : une observation multiscalaire de ses effets territoriaux

Conception et réalisation : P. Ageron (d’après Halbert L., 2010, p. 86).

Participant des trois échelles, le moteur de l’émergence des systèmes intermodaux réside clairement dans les métropoles. Acteurs de la gouvernance des mobilités et acteurs de la compétition interurbaine, l’intermodalité-voyageurs est une des modalités de leur rayonnement. Ressource territoriale, l’intermodalité-voyageurs tend à favoriser le franchissement physique des échelles, mais permet aussi de mobiliser à distance des ressources urbaines disponibles, à travers notamment le déploiement d’une information-voyageurs fiable au cours du cheminement.

C

ONCLUSION

M

ETROPOLISATION ET REGIONALISATION

:

NE PAS CONFONDRE LA FORME ET LE FOND

L’effacement, en premier lieu constaté (I et II) de l’échelle régionale dans l’analyse des mobilités interurbaines s’explique par le fait que les deux échelles extrêmes d’analyse des mobilités, métropolitaine et mondiale, se sont appropriées des caractéristiques qui relevaient naguère de l’échelle régionale. D’une part, l’extension des étendues urbanisées structurées par les réseaux (Ascher et sa métapole, 1995) tend à faire émerger des city-regions (Scott, 2001), où les deux termes de ville et de région deviennent synonymes. D’autre part, la multiplication des flux intercontinentaux et l’unification des modèles urbains et des images afférentes tend à rendre concret, voire à banaliser, l’échelle du Monde (Lévy, 2008). L’intermodalité-voyageurs marque le nouveau stade d’urbanisation du monde, caractérisé par la polycentricité et la pertinence de l’échelle régionale pour l’analyse du phénomène urbain (Storper, 1997).

La réapparition de l’échelle régionale (III) dans l’analyse de l’urbanisation contemporaine soulève la question de la tension, exposée par J. Gottmann dans La Politique des États et leur géographie, en 1952, entre « le circulatoire », le mouvant ou les flux et l’iconique, le statique ou la ville comme lieu fixe de déploiement de l’Iconographie. La métropole se définit comme le lieu central de l’éclatement de ce « cloisonnement géographique » où se rencontrent images, discours et mouvement. Le rôle de l’iconique métropolitain se renforce par le déploiement des stratégies intermodales. Trois manifestations au moins sont identifiables pour expliquer cette tendance : deux relèvent de l’économie de marché et son idéologie, la dernière ayant davantage trait à l’urbanisme opérationnel. La première relève du fonctionnement de l’économie métropolitaine. Cette économie totalement interconnectée fabrique une économie d’opinion (Orlean, 1999) où l’imitation, véhiculée d’abord par un

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ensemble d’images, est la valeur la plus partagée. Les mêmes images et les mêmes discours se déploient pour définir une qualité de vie urbaine de plus en plus normée. Apparaît alors la question de l’origine du modèle, dictant ces normes qui reflètent la puissance relative de discours concurrents. Ainsi, Vancouver a réussi à apparaître comme une ville modèle du Transit Oriented Development,  lorsqu’elle a été la première à mettre en application l’interdiction des freeways en centre-ville. Cette décision politique a été intégrée dans la panoplie des mesures universellement souhaitables en vue d’une ville durable. Ainsi, la distinction métropolitaine ne peut apparaître que dans le degré de perfectionnement des systèmes urbains, dont les systèmes intermodaux. Deuxièmement et conséquemment, les systèmes intermodaux, envisagés comme système fonctionnels, sont valorisés par l’image positive qu’ils véhiculent et promus au rang de produits valorisables par le marché, les métropoles étant elles-mêmes considérées comme l’espace d’un ensemble de systèmes reproductibles. La prolifération du marketing urbain valorisant les « bonnes pratiques » de mobilités contribue à cette idéologie. Le résultat visible du marketing urbain est bien dans la production continue de signes, donc d’iconographies, comme le démontre l’exemple de Hong Kong. Enfin, à l’échelle infra-urbaine, l’iconique investit les lieux à la plus forte nodalité, les pôles d’échanges, lieux de création potentielle d’espace public, un espace public saturé d’images, hybride, à la fois libre d’accès mais sous contrôle. Ainsi, à Hong Kong, les lieux les plus saturés d’images sont les stations de métro. La métropole accède à ce statut en produisant et diffusant des images que l’échelle régionale se réapproprie en s’incorporant à l’échelle métropolitaine.

Néanmoins, contrairement à ce que semble indiquer E. Soja (2013) la tension entre statique et dynamique ne signifie pas la fin de la métropolisation, car si l’échelle régionale de la ville se voit dans la forme urbaine, dans son paysage, la métropolisation reste un vecteur puissant pour donner cohérence à un espace morphologiquement discontinu. C’est parce que la métropolisation s’appuie avant tout sur la géographie du pouvoir et des centralités urbaines que la régionalisation se renforce. Ainsi, plutôt que de s’annihiler, ces deux processus se renforcent mutuellement. L’échelle régionale de la conurbation devient de fait le nouveau terrain d’expression de leurs dynamiques.

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