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Le Partenariat mondial pour l’éducation : une alternative aux actions isolées des agences de coopération internationale ?

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Le Partenariat mondial pour l'éducation : une alternative aux actions isolées des agences de coopération internationale ?

LAUWERIER, Thibaut

LAUWERIER, Thibaut. Le Partenariat mondial pour l'éducation : une alternative aux actions isolées des agences de coopération internationale ? edu'c'oop, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:118567

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LE PARTENARIAT MONDIAL POUR LʼÉDUCATION

Auteur : Thibaut Lauwerier

10.05.2019

Nous avons voulu consacrer notre deuxième article du blog portant sur les acteurs de la coopération internationale en éducation au Partenariat mondial pour lʼéducation, institution qui a pris beaucoup dʼampleur ces dernières années, mobilisant activement des chefs dʼÉtats comme E.

Macron et M. Sall à Dakar en 2018 ou des chanteuses à succès comme Rihanna qui en est lʼambassadrice. Voyons donc qui se cache derrière cette organisation.

QUELQUES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

Le Partenariat mondial pour lʼéducation (PME) a été créé en 2002, dʼabord sous lʼappellation d'« Initiative de Mise en œuvre accélérée de lʼéducation pour tous » (Fast Track Initiative). Il sʼagissait dʼune institution dirigée par la Banque mondiale regroupant diverses agences de

coopération et dont le but était de donner un coup de fouet à

lʼengagement financier international en vue dʼaccélérer les progrès vers lʼuniversalisation de lʼéducation primaire dans les pays en

développement. Cependant, la mise en œuvre des processus de

planification et de financement de cette Initiative sʼest faite au détriment UNE ALTERNATIVE AUX ACTIONS ISOLÉES DES AGENCES DE

COOPÉRATION INTERNATIONALE ? edu'c'oop - Blog #06

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de la coordination des donateurs, et a eu notamment pour conséquence lʼaugmentation des coûts de transaction et lʼaffaiblissement de lʼefficacité de lʼaide dans certains pays. Fort de ce constat, le PME a vu le jour en 2011 afin de prendre en considération – au moins théoriquement – les carences du passé1. Lʼorganisation se définit actuellement comme « un partenariat à multiples acteurs et une plateforme de financement visant à renforcer les systèmes éducatifs des pays en développement, afin

dʼaugmenter de façon significative le nombre dʼenfants scolarisés engagés dans un apprentissage efficace »2.

Les orientations du PME sont visibles dans ses rapports stratégiques.

Une première stratégie avait été établie pour la période 2012-2015.

Actuellement, cʼest la Stratégie 2016-2020 qui guide les actions du PME.

Nous allons nous concentrer sur ce document.

Le PME envisage lʼéducation en tant que bien public et en tant que droit de lʼhomme, facilitateur des autres droits. Cette vision a priori humaniste de lʼéducation est à contraster puisquʼun récent rapport de lʼONG Oxfam recommande à lʼorganisation de concentrer davantage son soutien sur l'amélioration de lʼoffre d'enseignement public dans les pays en

développement, et moins financer des écoles à but lucratif3.

Par ailleurs, selon le PME, lʼéducation est « essentielle pour la paix, la tolérance, lʼépanouissement des individus et le développement

durable ». Une fois de plus, lʼorganisation défend une vision humaniste de lʼéducation. Mais à y regarder de plus près, le PME a un discours proche de celui de la Banque mondiale (ce qui nʼest pas un hasard comme nous le montrerons plus bas).

Nous avions montré dans le blog #03 que la Banque mondiale défendait une vision capitaliste-libérale dans laquelle lʼéducation doit pouvoir favoriser la croissance économique dans un contexte de globalisation (moderniser les institutions et les activités économiques ; changer les

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attitudes, améliorer les compétences et la productivité des travailleurs).

Ainsi, à cause de cette ambivalence, de multiples contradictions sont à souligner dans le discours du PME : lʼorganisation insiste par exemple les liens entre éducation et enjeux environnementaux au niveau mondial tout en valorisant des modèles économiques destructeurs pour la planète et les sociétés.

Plus spécifiquement, le PME a choisi un certain nombre dʼaxes

prioritaires sur lesquels travailler : « La concentration de nos ressources sur lʼapprentissage, lʼéquité et lʼinclusion des enfants et des jeunes les plus marginalisés, notamment ceux qui vivent dans un pays touché par la fragilité ou les conflits ». Vu les enjeux évoqués dans les blogs #01 et

#04, ce sont effectivement des axes pertinents qui ont fait trop souvent lʼobjet de trop peu dʼattention de la part de la coopération internationale en éducation. Nous savons par exemple que lʼaide à lʼéducation de base destinée aux pays à faible revenu a chuté, tombant de 36 % en 2002 à 22

% en 2016. Cela se reflète dans la baisse à long terme de la part allouée à lʼAfrique subsaharienne, qui abrite pourtant la moitié des enfants non scolarisés dans le monde. Lʼappui du PME permet donc de limiter cette tendance.

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À lʼintérieur de ces axes, des thématiques spécifiques sont traitées par le PME. Par exemple, pour la question de lʼapprentissage et de leur

amélioration, lʼorganisation sʼintéresse particulièrement à la formation des enseignants. De ce point de vue, elle a pu sʼengager ces dernières années dans des actions prometteuses.

Parmi les priorités dʼaction, nous retrouvons également « la réalisation de la parité entre les sexes ». Cependant, là aussi, le PME est ambigu sur cette question. Pour sʼen faire une idée, il suffit dʼanalyser son discours sur les réseaux sociaux. En effet, concernant la scolarisation des filles, lʼinstitution est passée en un mois de temps d'une vision holistique et progressiste à une vision utilitariste tournée vers les besoins de

lʼéconomie.

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Après avoir présenté les orientations du PME, intéressons-nous à présent à ses moyens dʼaction dans les systèmes éducatifs des pays en

développement.

À noter que beaucoup de critiques sont émises à lʼendroit de la

coopération internationale en éducation, et notamment sur le fait que les projets ou programmes sont encore trop souvent pensés sans effort de coordination (chaque organisation agit dans son coin), ce qui rend

difficile lʼappropriation au niveau des politiques nationales, mais aussi et surtout des bénéficiaires4. Cʼest pour répondre à ce défi que le

Partenariat a été créé avec « la conviction quʼen travaillant mieux ensemble, par la collaboration et la coordination, le régime de lʼaide

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international deviendra plus démocratique et participatif »5. De ce point de vue, le PME souscrit à la Déclaration de Paris sur lʼefficacité de lʼaide (2005) qui met en avant les cinq principes fondamentaux suivants pour rendre lʼaide plus efficace : 1. Appriopriation ; 2. Alignement ; 3.

Harmonisation ; 4. Résultats ; 5. Redevabilité mutuelle6.

Charte du PME (2013) : « Le Partenariat mondial sʼappuie sur les principes énoncés dans la Déclaration de Paris de mars 2005 sur

l'efficacité de lʼaide [...]. Les donateurs, les organismes multilatéraux, les OSC [organisations de la société civile], le secteur privé et les fondations privées sʼengagent à aligner leur soutien sur le programme du pays

partenaire en développement ».

Concrètement, le PME appuie les pays dans lʼélaboration de plans sectoriels. Lʼorganisation propose notamment une analyse des besoins sur le terrain. Autrement dit, parmi les axes retenus par le PME comme étant prioritaires, quels sont les domaines sur lesquels les pays doivent mettre lʼaccent dans leurs politiques éducatives ? Malgré un discours affiché de « partenariat », dʼ « échange mutuel », une expérience personnelle dʼappui-conseil lié à lʼélaboration de plans sectoriels il y a quelques années me poussent à dire que beaucoup de propositions présentes dans les documents des pays proviennent dʼexperts du Nord, et peu des acteurs des pays concernés. Il semblerait que des évolutions se profilent puisque le PME vient de publier un guide pratique destiné à aider les pays partenaires à organiser des revues sectorielles conjointes efficaces et adaptées à leurs contextes spécifiques. Espérons que cela permette aux gouvernements de prendre leurs responsabilités, et que les organisations et experts internationaux se mettent davantage en retrait.

Par ailleurs, le PME est une entité unique dans le domaine de lʼéducation en raison de ses mécanismes de financement commun. Ces

financements proviennent de bailleurs publics et privés. Par exemple, le graphique ci-dessous illustre un ensemble de pays (ou groupes

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régionaux) qui contribuent à financer le secteur éducatif des pays en développement via le PME.

Comme le note l'UNESCO, le PME « sʼimpose dès lors comme institution financière multilatérale de premier plan pour lʼéducation dans les pays à faible revenu : en 2016, il a décaissé 351 millions de dollars en faveur de lʼéducation dans les pays à faible revenu sur un total de 497 millions de dollars »7.

Cela étant dit, tous les pays ne délèguent pas ce moyen dʼaction au PME.

Lʼinfluence des pays à travers la coopération bilatérale reste forte. Ainsi, lʼinstitution, malgré ses efforts de mobilisation de ressources financières, nʼa pas les moyens de sa politique : il y a un décalage entre sa volonté dʼagir sur la qualité de lʼéducation, et en particulier, sur les résultats dʼapprentissage, et les financements mis sur la table.

Depuis la dernière stratégie, les financements du PME sont conditionnés aux résultats. Lʼorganisation octroie ses fonds par tranche : si les pays ont réussi à améliorer leurs résultats en matière dʼéducation au regard des stratégies présentes dans les plans sectoriels, alors ils peuvent recevoir la tranche supplémentaire.

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Part des contributions cumulées des bailleurs de 2003 à 2018 (Source : PME)

Même si le PME constitue à présent un acteur incontournable de lʼaide internationale à lʼéducation, il nʼest pas exempt de critiques. Et la plupart remettent en cause, tel que nous lʼavons déjà sous-entendu, lʼeffectivité de la notion de « partenariat » qui apparaît pourtant dans le nom de lʼorganisation. C'est un terme fréquemment utilisé dans le monde du développement international pour décrire la relation entre deux (ou plus) entités travaillant ensemble. Il est souvent idéalisé et ambigu dans le discours du développement, avec lʼhypothèse implicite que le partenariat est bénéfique, quʼil y aurait une mutualité chaleureuse. Or, la réalité

montre plutôt des relations de pouvoir inégales qui continuent de façonner les projets de développement (les capacités en termes de ressources humaines et financières sont de fait déséquilibrées)4.

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En effet, rappelons que le PME a été initiée par la Banque mondiale.

Ainsi, depuis sa création, une relation de dépendance entre les deux institutions perdure. Cʼest notamment la Banque qui accueille

physiquement le PME, qui emploie son personnel ou qui sert dʼentité de supervision dans la majorité des pays récipiendaires. Même si des

évaluations externes ont mis le doigt sur cette relation de proximité, les deux organisations restent très proches. Ce qui pose la question de la réalité du « partenariat » face à lʼinfluence dʼune organisation puissante.

Et au-delà de la Banque mondiale, les pays donateurs du Nord, en particulier ceux qui fournissent une aide importante, sont largement perçus comme détenant le pouvoir au sein du PME : ils sont ceux qui siègent au Conseil avec les voix les plus importantes. Les acteurs collaborent sous le couvert de lʼéquité dans la prise de décision, mais ceux qui ont historiquement constitué des positions administratives, possèdent des ressources matérielles et parlent les langues dominantes, se situent différemment au sein du partenariat par rapport aux autres, ce qui leur donne une plus grande capacité à influencer la direction de

lʼorganisation. Ainsi, ils conservent leur position hiérarchique en

maintenant des structures qui reproduisent leur statut dominant, allant ainsi à l'encontre des principes qui sous-tendent le mandat du PME5.

DANS LA VIDEO OFFICIELLE DE PROMOTION DE SON ACTION, LE PME SʼENCHANTE : « NOTRE MODÈLE MARCHE, DES MILLIONS DʼENFANTS

SUPPLÉMENTAIRES VONT À LʼÉCOLE ET PEUVENT APPRENDRE ». CERTES, LʼORGANISATION PERMET DE CANALISER UNE PARTIE DE LʼAIDE INTERNATIONALE À LʼÉDUCATION À DESTINATION DES PAYS LES PAYS LES PLUS DANS LE BESOIN, MAIS ELLE DOIT POUVOIR

SʼÉMANCIPER DʼACTEURS PUISSANTS QUI GRAVITENT

AUTOUR DʼELLE POUR SʼENGAGER VÉRITABLEMENT

DANS UNE APPROCHE DAVANTAGE PARTENARIALE

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D'UNE PART, ET ASSUMER SA VISION HUMANISTE DE LʼÉDUCATION D'AUTRE PART.

Comment fonctionne le GPE en 1 minute

Références

1 Rose, P. (2011). Whatʼs in a name? Rebranding the EFA Fast Track Initiative

2 Partenariat mondiale pour l'éducation. (2019). À propos

3 Oxfam. (2019). False promises. How delivering education through public-private partnerships risks fueling inequality instead of achieving quality education for all

4 Lauwerier, T. & Akkari, A. (2019). Construire et mettre en œuvre un projet de coopération internationale en éducation

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5 Menashy, F. (2017). Multi-stakeholder aid to education: power in thecontext of partnership

6 OCDE. (2005). Déclaration de Paris sur lʼefficacité de lʼaide au développement de 2005

7 GEMR-UNESCO. (2018). Aide à lʼéducation: un retour à la croissance?

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