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Climat motivationnel et processus de coping : une approche selon la théorie de l’autodétermination

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Master

Reference

Climat motivationnel et processus de coping : une approche selon la théorie de l'autodétermination

JOST, Matthieu

Abstract

Cette recherche associe deux perspectives théoriques longuement étudiées depuis plus de 40 ans : d'un côté, le modèle transactionnel du stress tel que décrit par Lazarus et Folkman, de l'autre la théorie de l'autodétermination formulée par Ryan et Deci. Leur intégration, au sein d'un seul et même modèle, fera l'objet de l'analyse auprès d'une population d'athlètes adolescents en situation de compétition. Les résultats ne parvinrent pas à confirmer le modèle. Les raisons de l'incongruence entre la théorie et la recherche seront détaillées afin de proposer de nouvelles perspectives.

JOST, Matthieu. Climat motivationnel et processus de coping : une approche selon la théorie de l'autodétermination. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:123393

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MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

ORIENTATIONS PSYCHOLOGIE AFFECTIVE PSYCHOLOGIE APPLIQUÉE

PAR

Matthieu Jost

Matthieu.jost@etu.unige.ch

DIRECTEUR DU MÉMOIRE Julien Chanal

JURY

Kerstin Brinkmann Nicolas Silvestrini

Lausanne, juin 2019

Université de Genève

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation Section psychologie

Climat motivationnel et processus de coping :

une approche selon la théorie de l’autodétermination.

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DÉCLARATION SUR L’HONNEUR

Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteur de ce texte et j’atteste que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Lausanne, le 27 mai 2019

Matthieu Jost

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RÉSUMÉ

Cette recherche associe deux perspectives théoriques longuement étudiées depuis plus de 40 ans : d’un côté, le modèle transactionnel du stress tel que décrit par Lazarus et Folkman, de l’autre la théorie de l’autodétermination formulée par Ryan et Deci. Leur intégration, au sein d’un seul et même modèle, fera l’objet de l’analyse auprès d’une population d’athlètes adolescents en situation de compétition. Les résultats ne parvinrent pas à confirmer le modèle.

Les raisons de l’incongruence entre la théorie et la recherche seront détaillées afin de proposer de nouvelles perspectives.

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Table des matières

1. Introduction ... 5

2. Fondements théoriques ... 7

2.1 Stress & coping ... 7

2.2 Motivation & autodétermination ... 15

3. Intégration & hypothèses associées ... 21

3.1 Motivation et évaluations cognitives ... 21

3.2 Climat motivationnel et évaluations cognitives ... 22

3.3 Climat motivationnel, besoins et stratégies de coping ... 23

3.4 Modèle intégratif ... 24

3.5 Hypothèses ... 26

4. Méthode ... 28

4.1 Participants ... 28

4.2 Procédure ... 28

4.3 Matériel ... 28

5. Résultats ... 32

5.1 Imputation des données manquantes ... 32

5.2 Analyses factorielles confirmatoires des échelles utilisées ... 32

5.3 Test du modèle investigué ... 35

6. Discussion ... 39

6.1 Résumé des résultats et interprétation ... 39

6.2 Interprétation ... 40

6.3 Conclusion et directions futures ... 44

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1. Introduction

Le sport a toujours bénéficié d’une image positive et ses bienfaits sur la santé sont reconnus depuis fort longtemps. Durant l’Antiquité, Platon louait déjà ses mérites en ces mots : « Après la musique, c’est par la gymnastique que nous élèverons les jeunes gens. […]

Il faut qu’ils s’y appliquent sérieusement pendant toute la vie, à commencer dès l’enfance. » (République, III, 403 c.) Plus loin, il ira jusqu’à dire qu’un jeune homme pratiquant la gymnastique parviendrait « à se passer de médecins hors cas de nécessité accidentelle » (Plato

& Cousin, 1833).

Au début du XXème siècle, deux auteurs publièrent les premiers articles reliant éducation physique et santé dans l’American Physical Education Review. O'Shea (1904) décrivit l’activité physique comme un moyen permettant de relâcher la tension de l’organisme et de rendre l’enfant plus calme. 5 ans plus tard, Meylan (1909), toujours dans la même revue, signe un papier qui met en avant l’utilité du sport pour la santé publique. Selon lui, sa pratique améliore la qualité de vie dont la condition physique et l’efficience au travail. Depuis, la thématique fut largement investiguée : Janssen et LeBlanc (2010) réalisèrent une méta- analyse incluant 86 articles à propos des bénéfices de l’activité physique pour la santé. Les résultats principaux indiquent que la pratique du sport chez les enfants de 5 à 17 ans est efficace pour contrôler la pression sanguine, améliorer le syndrome métabolique (qui prédispose au diabète de type II ainsi qu’à des complications cardiovasculaires, Bonnet et Lavile, 2005) , réduire le surpoids et l’obésité ainsi qu’améliorer la densité minérale osseuse.

En sus, l’action bénéfique du sport est aussi observable sur des variables psychologiques telles que la réduction des risques et symptômes de dépression (Friedman, Hutchison, Pangrazi, & Tomson, 2003; Gorham, Jernigan, Hudziak, & Barch, 2019; Janssen & LeBlanc, 2010), l’amélioration de l’estime de soi (Calfas & Taylor, 1994) et une réduction de l’anxiété (Berger & Wankel, 1990).

Cependant, la pratique sportive apporte aussi son lot de désagréments. De nombreux jeunes abandonnent à cause de diverses raisons comme l’atteste la revue systématique réalisée par Crane et Temple (2014): plus de 35% des enfants et adolescents en Amérique du Nord quittent leur pratique sportive. En Suisse, ce sont près de « 40% des 15-19 ans qui ont déjà tourné le dos au sport organisé » selon un rapport de l’Office Fédéral du Sport (Lamprecht, Fischer, Wiegand, & Stamm, 2015). Parmi ces raisons, on retrouve principalement la perte d’intérêt pour le sport ainsi qu’un excès de stress et/ou une pression trop forte.

Cet excès de stress peut être causé par de nombreuses variables. Dunn et Syrotuik (2003), après avoir étudié une population de footballers américains dont la moyenne d’âge était de 18 ans, mirent en évidence 4 facteurs causant du stress chez ces athlètes : la peur d’évaluations sociales négatives, la peur de l’échec, la peur de se blesser et la peur de l’inconnu. Ces résultats se retrouvent aussi dans d’autres sports tels que le patinage artistique (Scanlan, Stein, & Ravizza, 1991), le volleyball (Crocker, Alderman, & Smith, 1988) et le football (Noblet & Gifford, 2002).

Un fait intéressant semble cependant émerger de la littérature sur le stress associé au sport. Il existerait des différences interindividuelles significatives dans la manière dont le stress apparaît. Par exemple, Kimball et Freysinger (2003) ont montré que le sport universitaire était une source de stress chez les étudiants africains américains et les biraciaux, ce qui n’était pas le cas chez les Caucasiens. De même, bien que certains enfants et adolescents abandonnent leur sport, une majorité continue la pratique (Lamprecht et al., 2015) ce qui indique qu’il y a là aussi une différence au sein des causes du stress. Une même

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6 situation peut donc créer un stress chez un premier sportif sans pour autant que cela soit le cas chez un second sportif.

Afin d’expliquer cette différence, les écrits de Lazarus et Folkman (1984) informent qu’à chaque situation stressante correspond une évaluation cognitive. En d’autres termes, le stress découle d’une évaluation de la situation comme étant menaçante, représentant un défi ou si un dommage (physique ou moral) a déjà été vécu (p. 32). Or cette évaluation dépend entre autres de facteurs associés à la personnalité (Lazarus & Folkman, 1984) ainsi que des ressources sociales et des buts de l’individu (Lazarus, 1991a).

Comme le relèvent Ntoumanis, Edmunds, et Duda (2009), Lazarus a insisté à plusieurs reprises que le concept de motivation est essentiel à une compréhension la plus juste possible des processus d’évaluation cognitive et du coping (défini par l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux qui permettent de gérer des demandes spécifiques (internes ou externes), évaluées comme nécessitant ou excédant les ressources de l’individu (Lazarus & Folkman, 1984, p. 141).

Dans l’article cité précédemment, Ntoumanis et al. (2009) proposent un modèle intégratif liant le concept d’évaluation cognitive et de coping à celui de la motivation. Bien que plusieurs théories permettent d’expliquer la motivation (pour une revue complète, voir (Ryan, 2012), le choix des auteurs s’est porté sur la théorie de l’autodétermination abrégée TAD (Deci & Ryan, 1985), en argumentant qu’à l’instar de la théorie de Lazarus et Folkman (1984), la TAD propose que la relation dynamique qu’entretient l’individu avec son environnement puisse modeler ses comportements, émotions et cognitions ultérieures. Ainsi, selon la TAD, différents contextes procurent à l’individu différentes opportunités de répondre à ses besoins fondamentaux ce qui va construire et modeler ce dernier (E. Skinner & Edge, 2002). En l’occurrence, le climat motivationnel instauré par les figures d’autorité dans le sport (entraîneurs par exemple) peut autant soutenir les besoins de l’individu que les frustrer ce qui va provoquer une construction différenciée de chacun des sportifs. Les conséquences de cette construction vont être observables autant au niveau affectif, comportemental que cognitif (Sarrazin, Pelletier, Deci, & Ryan, 2011) ce qui explique des évaluations distinctes.

Au vu des bénéfices du sport sur la santé évoqués ci-dessus et étant donné que ce modèle n’a jamais été testé dans ce domaine auprès de jeunes enfants, il est essentiel et pertinent d’obtenir de premières données sur ce sujet. La recherche aura donc comme objectif d’étudier dans quelle mesure les théories de l’évaluation cognitive et du coping (Lazarus &

Folkman, 1984) ainsi que la TAD (Deci & Ryan, 1985) se complètent grâce à leur intégration au sein d’un seul et unique modèle proposé par Ntoumanis et al. (2009).

L’organisation du mémoire sera la suivante : premièrement, les aspects théoriques de la littérature concernant le stress, le coping et la TAD seront passés en revue. S’ensuivra la jonction de ces deux thématiques au sein du modèle précité qui aboutira aux hypothèses associées. La méthode utilisée sera détaillée à la suite de laquelle succèdera l’analyse des résultats. Enfin, une discussion au regard des hypothèses avancées sera réalisée avant de finaliser ce travail à la faveur d’une conclusion.

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2. Fondements théoriques

Plusieurs concepts sont essentiels à la compréhension de cette recherche. Dans un premier temps, la littérature sur le stress sera détaillée afin d’en comprendre ses origines, l’apparition des modèles cognitifs ainsi que la description du modèle de Lazarus et Folkman aussi nommé Cognitive Motivational Relational Theory (CMRT) (Lazarus, 1991b, 1999, 2000). Relatif à la notion de stress, le coping bénéficiera lui aussi d’une définition en insistant sur ses différentes facettes.

Dans un second temps, la motivation telle que présentée par la théorie de l’autodétermination sera étudiée afin d’en ressortir quatre éléments primordiaux : la théorie de l’évaluation cognitive (Deci & Ryan, 1985) ainsi que celle de l’intégration organismique (Ryan & Deci, 2002), qui détaillent le continuum de la motivation auxquelles suivra la théorie des besoins fondamentaux (Deci & Ryan, 2000; Ryan, 1995). Finalement, le climat motivationnel sera défini à l’égard des apports théoriques précédents.

2.1 Stress & coping 2.1.1 Historique du stress

Le terme stress viendrait du latin « stringere », qui signifie serrer (Cooper & Dewe, 2008). Certains écrits relèvent déjà la présence de son utilisation au XVIIème siècle, alors synonyme de difficulté, épreuves, désespoir et souffrance (Hinkle, 1974). Bien qu’aucun individu ne puisse être désigné comme étant à l’origine de l’utilisation aujourd’hui très répandue du terme stress (Newton, Handy, & Fineman, 1995, p. 50), il semblerait qu’un consensus soit présent au sein de la littérature sur ce sujet. Robert Hooke, ingénieur et architecte anglais du XVIIème siècle, employa le terme stress pour décrire qu’un objet, sous la pression d’une force extérieure, peut changer de forme (Solomon, 1968). Il utilisa pour ce faire les termes « strain » (le changement de forme de l’objet), « load » (la force extérieure appliquée à l’objet) et « stress » (la force intérieure induisant le changement). Etonnement, cette définition se rapproche de celle actuelle, à savoir que le stress est le résultat d’une interaction avec l’environnement qui résulte en une charge sur l’individu, ce qui induit des changements comportementaux et métaboliques. D’ailleurs, dans la littérature sur le stress, jusqu’au milieu du XXème siècle, l’utilisation du mot strain était encore monnaie courante (Doublet, 2000).

Bien qu’Hans Selye eut une influence considérable sur les connaissances du lien entre le stress et la santé, il semblerait qu’au XIXème siècle, les conditions épuisantes et les difficultés du quotidien étaient déjà identifiées comme pouvant causer des maladies mentales (Abbott, 2001, p. 37). Abbott détaille par ailleurs (p. 38) qu’un médecin nommé George Beard publia en 1880 un livre intitulé « American Nervousness » reliant le stress, alors appelé

« neurasthenia », à des douleurs non spécifiques au cœur ainsi qu’à des céphalées. C’est de 1900 à 1940 que l’évolution vers un intérêt pour l’aspect psychosomatique du stress apparut.

Au début du XXème siècle, la littérature sur le stress se réduisait à 4 thématiques principales : l’anxiété, le lien entre le corps et l’esprit (somatisation du stress), la performance des travailleurs sous pression (fatigue) et une théorie générale de l’ajustement (mental hygiene) (Abbott, 2001, p. 40). Le graphique 1 montre la proportion associée à chacune de ces thématiques dans une revue intitulée Reader’s Guide, référence en termes de recensement des articles scientifiques. On remarque deux tendances principales liées au contexte de la présente recherche. D’un côté, le nombre d’articles traitant de l’hygiène mentale s’accrut drastiquement dès 1903 : au centre des priorités, la capacité de l’individu à s’ajuster aux

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8 demandes de la société afin d’éviter que certains problèmes de vie ne se transforment en maladies mentales. Ensuite, dès 1939, la littérature sur le lien qu’entretient l’esprit avec le corps, « mind’s control of the body » (Abbott, 2001, p. 39), gagne en proportion avec l’apparition de la médecine psychosomatique. Enfin, le terme anxiété pourrait paraître pertinent dans le contexte du sport : toutefois, les données de cette catégorie ne concernent qu’un type spécifique d’anxiété alors investigué, relatif aux crises économiques, à la guerre ou encore à certains animaux. Ce ne sera que plus tardivement que l’anxiété telle qu’elle est connue actuellement deviendra un centre d’intérêt (Spielberger, 1966).

Graphique 1. Proportion d’articles traitant des 4 thématiques principales associées au stress entre 1902 et 1953. Reproduit à partir de Chaos of Disciplines (p. 41), par A. Abbott, 2001, University of Chicago Press.

2.1.2 Apport de la médecine psychosomatique

L’intérêt grandissant pour la thématique mind/body n’est pas une coïncidence. Son développement se lie aux travaux de Hans Selye, primordiaux à la compréhension des conséquences du stress. Pour mieux saisir son apport, il convient d’abord d’introduire le concept d’homéostasie. Cet état d’équilibre dynamique, où les constantes physiologiques essentielles à la survie sont maintenues entre des valeurs critiques au-dessus et en dessous desquelles la survie de l’organisme est compromise (Dr Stéphane With, communication personnelle, 12 septembre 2016), fut théorisé par Cannon (1932, 1935). Le mécanisme proposé fut le suivant : si l’organisme est menacé par un changement, ce dernier est immédiatement signalé et des mécanismes correctifs sont mis en place afin de revenir à la normale et d’éviter la menace à laquelle les animaux étaient exposés comme le froid et le manque d’oxygène (Cooper & Dewe, 2008).

Sur la base des travaux de Cannon sur l’homéostasie, Selye construisit ses observations en utilisant une variété similaire de stimuli alarmants ou modifiant l’intégrité physique des animaux tels que des bactéries, des toxines, de la chaleur ou du froid (Hinkle, 1974, p. 338). A l’image de Cannon, Selye conçut le stress comme une réaction de l’organisme assiégé par des demandes environnementales et des agents externes nocifs (Lazarus & Folkman, 1984). Au fur et à mesure de ses expériences, il remarqua qu’au-delà des réactions dites naturelles aux stimuli décrits ci-dessus, un syndrome typique apparut lequel fut indépendant de la nature de l’agent et qui s’avérait être une réponse en tant que

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9 telle, non spécifique à la nature du dégât (Selye, 1936). Il nomma cette réaction non spécifique « General Adaptation Syndrome », traduite en syndrome général d’adaptation (SGA). Ce syndrome se décompose en trois stades :

 La phase d’alarme dont le choc initial va permettre une décharge d’adrénaline

 La phase de résistance (si la menace persiste) durant laquelle l’organisme va s’adapter au stresseur

 La phase d’épuisement où le corps n’a plus les ressources pour soutenir la réaction au stresseur ce qui va causer des dommages irréversibles, allant même jusqu’à la mort.

Cette décomposition en différents stades permit aux chercheurs de l’époque d’expliquer dans quelle mesure un stress pouvait autant être un événement quasi bénin qu’un danger pour la santé de l’individu. D’ailleurs, les conséquences physiologiques d’un stress à long terme peuvent être grandement délétères à l’organisme : risques accrus de maladie (Williams, Neighbors, & Jackson, 2003), détérioration du système immunitaire et apparitions de cancers (Reiche, Nunes, & Morimoto, 2004), maladies chroniques, handicaps moteurs et hypertension artérielle (pour une revue, voir Thoits, 2010).

Plus tardivement, Holmes et Rahe (1967) montrèrent que des changements dans les habitudes des individus pouvaient augmenter leur chance de contracter une maladie. Par conséquent, Selye, dans son ouvrage de 1300 pages recensant les stresseurs existant pour l’humain (1976), ajouta plusieurs catégories, dont le combat militaire, les présentations en public et l’environnement social. En 1979, Selye modifia sa définition du stress en ajoutant que c’est une réponse non spécifique du corps à toutes sortes de demandes afin d’inclure celles psychologiques, en réponse à la littérature grandissante sur les événements critiques de vies.

La contribution de Selye reste probablement la plus grande du milieu du XXème siècle à l’étude du stress : elle se verra pourtant rattrapée par certaines critiques du modèle.

2.1.3 Origines cognitives du stress

Dès les années septante, des critiques furent adressées à l’égard du SGA. L’essentielle lacune de ce dernier réside dans ce qui produit la réponse de stress : Selye lui-même dira qu’il ne savait rien de la nature du « first mediator », censé être déclencheur de cette réponse (1976, p. 24). Dans un article retraçant le stress et le coping, Krohne (2001) développe deux critiques fondamentales alors adressées à Selye :

 Chaque stresseur observé partageait des caractéristiques équivalentes : tous étaient nouveaux, étranges ou non familiers à l’animal. De ce fait, l’état de l’animal pouvait être décrit en termes d’incertitude, de manque de contrôle et d’impuissance (Mason, 1971, 1975). Par conséquent, le SGA, jusqu’alors non spécifique devient en réalité une réponse spécifique à l’impact émotionnel de la menace. A titre d’exemple, Mason démontra que si l’incertitude était éliminée de l’expérience, le SGA n’était pas observable (cité par Krohne, 2001).

 Le stress vécu par les humains est majoritairement dû à une médiation cognitive comme l’ont montré les travaux d’Irvin Janis, pionner dans ce domaine. En effet, il réussit à démontrer que la réponse postopératoire de stress chez 30 patients soumis à une chirurgie intensive était fortement liée à la peur et au stress préopératoire (Janis, 1958).

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10 De cette deuxième critique naquit le courant analysant le stress d’origine psychologique dont Arnold (1960) puis Lazarus et Folkman (1984) furent les principaux auteurs. Plutôt que de considérer le stress comme une réponse à des changements majeurs dans l’environnement de l’individu, Lazarus et Cohen (1977) proposent un autre type de stresseur : les « daily hassles » aussi traduit par tracas du quotidien. Ce ne sont donc pas que des changements radicaux objectifs qui provoquent ce stress, mais bien une variété considérable de menaces quotidiennes, vécues de façon subjective par l’individu : ce qui est stressant pour certains ne l’est pas pour d’autres. Le stress psychologique est donc « une relation particulière qu’entretient la personne avec son environnement et qui est évaluée comme étant éprouvante, excédant ses ressources, ce qui met en danger son bien-être1 » (Lazarus & Folkman, 1984, p. 19). Découlent de cette définition deux éléments capitaux : la notion d’évaluation cognitive (appraisal) et celle de gestion des ressources (coping).

2.1.4 Evaluation cognitive

Selon Lazarus et Folkman (1984), l’évaluation cognitive est le fruit d’une longue tradition occidentale de pensée, déjà évoquée par l’auteur Epictète « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses. » (Manuel d’Epictète, Ch. V) ou encore Shakespeare « Rien n'est bon ni mauvais en soi, tout dépend de ce que l'on en pense. » (Hamlet, Acte 2, Scène 2.) Au début de ses recherches, Lazarus employait le terme perception qu’il modifia rapidement, le trouvant trop réducteur et insuffisamment proche de la signification associée à l’évaluation de l’événement (Cooper &

Dewe, 2008, p. 72). Il employa ensuite « signification personnelle », plus approprié à sa conception de l’évaluation (Lazarus, 1998) en soutenant qu’un élément crucial de l’apparition d’une réaction de stress était cette signification de l’événement que l’individu construit (Lazarus, 1999, p. 55) . Quant au terme évaluation (appraisal), c’est à Magda Arnold qu’il le doit.

En 1960, elle propose une première version de l’évaluation cognitive : selon elle, face à une menace, nous réagissons après une évaluation instantanée et de manière non consciente à la situation menaçante (p. 172). Avec cette première définition, il devient envisageable d’expliquer les raisons pour lesquelles une même situation déclenche une réaction différente selon la personne qui y est confrontée. Dès lors qu’une évaluation instantanée est réalisée et que son résultat est de type menaçant, il y aurait une réaction immédiate. S’il n’y a pas de réaction, c’est que l’évènement n’était pas menaçant. Néanmoins, le terme menaçant reste encore trop approximatif : il est difficile de dire s’il s’agit d’une question d’atteinte à la survie, comme l’ont montré les travaux de Selye ou de simples tracas quotidiens. Au vu de la complexité des fonctions cognitives, il serait réducteur d’expliquer une réponse immédiate à l’aide du seul terme "menace".

Dès 1966, Lazarus avance le concept d’évaluation cognitive comme étant le médiateur entre la situation et la réponse de l’individu. Alors que le courant du béhaviorisme formulait un lien strict entre stimuli et réponses, Lazarus propose une vision intégrant l’implication de l’organisme et formule le lien suivant : stimuli → organisme → réponses (1966, 1991a).

Ainsi, le stress provient d’une interaction entre l’individu et son environnement, dont l’évaluation cognitive permet d’expliquer son apparition. Lazarus et Folkman (1984) détaillèrent ensuite l’évaluation comme un processus cognitif évaluatif qui détermine les raisons et jusqu’à quel point la transaction entre l’environnement et la personne sont stressantes (p. 19).

1 Traduction personnelle

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11 Selon eux, il existe deux types d’évaluations distinctes :

 L’évaluation primaire2 (primary appraisal) qui répond à la question : « Suis-je en danger ou vais-je bénéficier, maintenant ou dans le futur, et de quelle manière, de la situation ? » et qui évalue la pertinence de la situation pour l’individu.

 L’évaluation secondaire (secondary appraisal) qui répond à la question « Que puis-je faire à propos de cette situation ? » et qui se rapporte aux stratégies de coping détaillées en 2.1.5.

La finalité de l’évaluation est d’estimer de la manière la plus précise possible les implications pour le bien-être personnel, et d’équilibrer deux contraintes, à savoir la réalité environnementale et les intérêts personnels (Lazarus, 1991a, p. 135).

2.1.4.1 Evaluation primaire

L’évaluation primaire détermine si les circonstances actuelles sont pertinentes pour les valeurs, buts, croyances à propos de soi et du monde ainsi que des projets situationnels de l’individu (Lazarus, 1999, p. 75). Trois types d’évaluations primaires sont à distinguer (Lazarus & Folkman, 1984) :

 Insignifiant, non pertinent (irrelevant) : essentielle pour l’être humain, la capacité à déterminer si un événement est pertinent ou non permet de mobiliser les ressources seulement en cas de réelle nécessité. Par conséquent, si l’événement n’est pas pertinent, aucun stress ne sera provoqué.

 Favorable, positif (begnin-positive) : si les conséquences de l’événement sont positives, à savoir qu’il conserve ou améliore le bien-être, l’évaluation favorable engendrera des émotions positives telles que la joie et l’enthousiasme.

 Stressant (stress appraisals) : L’événement est hautement pertinent pour l’organisme et menace l’intégrité, ses valeurs morales ou la réalisation de ses buts ; il en découle donc un état de stress. Cette évaluation revêt 3 significations possibles qui représentent pour l’individu :

1. Une perte / un dommage (harm/loss) qu’il a déjà subi tel que la perte d’un être cher, une estime de soi entachée ou une maladie l’incapacitant.

2. Une menace (threat) potentielle à propos d’une perte ou d’un dommage probable. Ce qui distingue la menace de la perte est la capacité de l’individu à anticiper la manière d’y faire face. Les individus qui, face à des évènements importants pour eux, se sentent menacés, seront plus anxieux et auront davantage tendance à anticiper un échec ou à concevoir des évaluations négatives d’eux-mêmes et de leurs capacités (Schlenker &

Leary, 1982).

3. Un défi (challenge) qui nécessite une mobilisation des ressources (à l’instar d’une menace), mais qui, à l’inverse, apporte un gain potentiel.

L’évaluation du défi permet à l’individu de se concentrer sur les aspects positifs des situations, notamment sur les possibilités de succès ou les retombées positives que ces situations pourraient avoir (Lazarus &

Folkman, 1984). Ce type d’évaluation implique une certaine confiance dans le fait qu’avec suffisamment d’efforts, il soit possible d’y faire face et de la résoudre (Lazarus, 1991b; Lazarus, Kanner, & Folkman, 1980).

2 Malgré l’utilisation du terme primaire et secondaire, les auteurs insistent sur le fait qu’il n’existe pas d’ordre chronologique ni d’une importance plus grande pour l’une des deux évaluations (Lazarus & Folkman, 1984, p.

32).

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12 Au vu du descriptif ci-dessus, un stress va naître d’une évaluation cognitive primaire associée à une perte/un dommage, une menace de perte/dommage ou encore un défi. Or l’individu sait souvent s’adapter aux contraintes de son environnement, raison pour laquelle les auteurs ajoutèrent le concept d’évaluation secondaire.

2.1.4.2 Evaluation secondaire

Conjointement à l’évaluation primaire, le cerveau réalise une évaluation secondaire du contexte qui détermine dans quelle mesure il pourrait implémenter des actions pour affronter la situation ou ses conséquences. Ce processus évaluatif complexe prend en compte les options de coping disponibles, les probabilités que ces options parviennent au résultat escompté ainsi que la capacité de l’individu à les mettre en place (Lazarus & Folkman, 1984).

A l’instar de l’évaluation primaire, 3 évaluations secondaires se distinguent (Krohne, 2001;

Lazarus, 1999, p. 93) :

 Accusation/mérite (blame/credit) : attribue la responsabilité de la situation à soi ou à autrui.

 Potentiel de coping (coping potential): quelles sont les perspectives de générer un certain comportement qui influencera positivement la situation ? Si un événement est associé à un potentiel de coping faible, c’est-à-dire que l’individu n’aura pas l’impression de pouvoir y faire face, la situation sera d’autant plus stressante.

 Attentes futures (future expectations) : infère sur le déroulement futur de l’événement.

Cependant, seul le potentiel de coping joue un rôle central dans l’apparition du stress : les 2 autres types sont associés à la catégorisation des émotions formulées par le modèle CMRT.

Point essentiel à noter, la transaction n’est pas statique : une évaluation primaire de menace au temps T1 peut se modifier, sur la base d’informations nouvelles, en une évaluation de défi au temps T2. Cette capacité à modifier l’évaluation au cours du temps est nommée réévaluation (reappraisal) (Lazarus & Folkman, 1984). La transaction avec l’environnement nécessite donc des évaluations primaires et secondaires pour créer un stress, souvent observé en milieu sportif.

2.1.5 Stress et sport

L’intérêt de ce mémoire pour le stress dans le sport est double. Premièrement, au vu des conséquences physiologiques énumérées (voir 2.1.2), le milieu académique a tout intérêt à s’y intéresser, quel que soit le contexte. En sus, de lourdes conséquences psychologiques découlent d’un stress soutenu à long terme comme en témoigne la liste de The American Institute of Stress (2019): anxiété, dépression, insomnie, difficultés de concentration et de mémorisation, prise de décision altérée, pensées suicidaires, troubles obsessionnels compulsifs, retrait social, fatigue prolongée…

Deuxièmement, le sport est un contexte où le stress est omniprésent : de l’entraînement aux plus grandes compétitions, les athlètes y sont confrontés de façon régulière, même lorsqu’il s’agit de loisir (Iwasaki & Mannell, 2000). Notamment, une étude longitudinale fut réalisée auprès de patineur (-euse) s artistiques olympiques afin de mettre en évidence les sources de stress possibles (Gould, Jackson, & Finch, 1993).

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13 Après 5 ans de recherche, les principaux facteurs de stress dans ce sport furent les suivants :

 Des normes de performance élevées

 Des contraintes de l’environnement sportif élevées

 L’anxiété liée à la compétition

 Des relations avec les proches (entraîneur - famille) compliquées

Ces résultats se retrouvèrent chez des lutteurs juniors professionnels pour qui les causes du stress étaient les suivantes (Gould, Horn, & Spreemann, 1983):

 La peur de l’échec

 Des évaluations sociales menaçantes

 Un contrôle externe renforcé

Plus récemment, Woodman et Hardy (2001) suivis par R. Arnold, Fletcher, et Daniels (2013) mirent en évidence que l’organisation sportive entourant les athlètes pouvait elle aussi être un facteur stressant par le biais de 5 modalités : les buts et le développement, la logistique et les opérations, l’équipe, le type de supervision (coaching) et la sélection des joueurs. Les études sur le sujet sont nombreuses (pour une liste détaillée, voir Doron, Stephan, et Le Scanff, 2013, p. 304) ce qui montre l’intérêt associé à la thématique et ce d’autant plus s’il s’agit de populations mineures. La finalité reste la même : optimiser les performances et réduire les risques sur la santé et le bien-être psychologique. De ce fait, si le sport est une source de stress, ses pratiquants doivent y faire face à l’aide de différentes stratégies de coping afin de favoriser les effets bénéfiques et minimiser ceux négatifs.

2.1.6 Stratégies de coping

Le coping est défini par l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux qui permettent de gérer des demandes spécifiques (internes ou externes), évaluées comme nécessitant ou excédant les ressources de l’individu (Lazarus & Folkman, 1984, p. 141). Ce que le CMRT apporte à la conception du coping, c’est de le considérer comme un processus et non plus en tant que trait de l’individu. Ce dernier est toujours lié à des conditions spécifiques (p. 142) et varie lorsque les conditions changent : la conceptualisation est dynamique et rend mieux compte des différences comportementales intra-individuelles au gré des situations.

Pour Lazarus et Folkman (1984), il en existe deux types. Le premier, intitulé coping centré sur le problème (CCP, problem-focused coping), chercher à gérer ou modifier l’événement générant le stress (que ce soit une évaluation harm/loss, challenge ou threat). Ce type vise à mieux définir le problème, générer des solutions alternatives, peser ces dernières selon leurs coûts et bénéfices, en choisir une et agir (Lazarus & Folkman, 1984, p. 152).

S’ajoutent à cela, dans le cas de situations de pertes irréversibles, des « stratégies de réorientation active et de substitution de renforçateurs » (Hazanov, Kaiser, & With, 2014).

Le second, intitulé coping centré sur les émotions (CCE, emotion-focused coping), est destiné à réguler la réponse émotionnelle liée au problème (Lazarus & Folkman, 1984, p.

150). Ces stratégies sont elles aussi variées : minimisation du problème, distanciation, attention sélective, comparaison positive, reproche à soi… Dans certains cas, les stratégies centrées sur les émotions changent la manière dont l’événement est évalué ce qui est équivalent à une réévaluation (reappraisal) comme « J’ai pensé à des choses bien pires et cela m’a rassuré. ».

(15)

14 Plus tard, une troisième catégorie, associée au désengagement et à l’évitement (avoidance-oriented coping) sera mise en exergue par plusieurs auteurs (Carver, Scheier, &

Weintraub, 1989; Endler & Parker, 1994; Hudek‐Knežević, Kardum, & Vukmirović, 1999).

Elle représente les actions employées afin de se désengager de la tâche ou d’orienter son attention sur des éléments non pertinents de la situation (Gaudreau & Blondin, 2002).

La littérature s’intéressant au coping chez les adolescents s’accorde à dire que les stratégies peuvent être groupées en plusieurs dimensions d’ordre supérieur (Boekaerts, 1996, p. 465; Connor-Smith, Compas, Wadsworth, Thomsen, & Saltzman, 2000). En 2 orientations, d’une part l’engagement, dirigé en direction du stresseur ou des réactions associées (analyse logique, gestion des émotions) et d’autre part le désengagement illustré par des stratégies telles que la distanciation du stimulus ou la distraction mentale.

Dans le contexte sportif, deux revues de la littérature attestent de ce groupement d’ordre supérieur. Doron et al. (2013) ainsi que Crocker, Tamminen, et Gaudreau (2015) distinguent trois dimensions :

 Celles orientées vers la tâche qui vise à affronter directement la source de stress (analyse logique, planification) ou les émotions associées (relaxation, contrôle de la pensée).

 Celles orientées vers la distraction et la distanciation vis-à-vis de la tâche.

 Celles orientées vers le désengagement ou l’évitement.

Enfin, deux débats animent le champ de la recherche sur le coping. Le premier s’intéresse aux dispositions individuelles quant au choix des stratégies de coping. D’après Snyder et Dinoff (2015), il existe des caractéristiques spécifiques de la personnalité et de l’histoire de l’individu pouvant être mesurée et permettant d’expliquer ces choix (p. 13).

Parmi celles-ci, des variables telles que le perfectionnisme (Gaudreau & Antl, 2008) et l’intelligence émotionnelle (MacCann, Fogarty, Zeidner, & Roberts, 2011) sont corrélées positivement avec l’utilisation de stratégies CCP et négativement avec celle CCE. Cependant, Lazarus (Lazarus, 1991a, 1999, 2000; Lazarus & Folkman, 1984) émettra des réserves quant à l’approche trait : selon lui, les deux styles de stratégies sont si opposés que cela simplifie de manière trop drastique le coping et fait perdre toute l’information associée (p. 108). Il ajoutera que le meilleur coping possible doit répondre aux demandes de la situation tout en restant flexible, selon ce à quoi l’individu est confronté.

Le second débat concerne le côté adaptatif des stratégies de coping. Selon Lazarus (1999), il n’existe pas de stratégies de coping effectives de manière universelle, car chaque situation possède ses contraintes. Pour faire face à la menace d’une attaque imminente par un animal, la stratégie d’évitement sera sans conteste la plus efficace ; au contraire, dans une autre situation, l’évitement ne sera pas approprié. L’efficacité du coping est donc spécifique au contexte et liée aux caractéristiques de la situation (Folkman & Moskowitz, 2004).

Pourtant, de plus récentes études montrent que les stratégies CCP « s’avèrent plus efficaces à long terme en contribuant positivement à la persistance, à la satisfaction liée à l’activité, et au plaisir ressenti, contrairement aux stratégies d’évitement » (Doron et al., 2013). Argument supplémentaire, les stratégies CCP seraient préférées par une majorité d’individus puisque très effective pour gérer le stress en donnant une sensation de maîtrise sur la situation (Zeidner & Saklofske, 1996). A ce jour, le consensus est le suivant : sur le long terme, l’usage de stratégies de coping basées sur l’évitement est délétère au fonctionnement de l’organisme (Carver & Scheier, 1994) et occasionne plus d’émotions négatives (Ntoumanis & Biddle, 1998).

(16)

15 En conclusion, bien que d’abord considéré comme un état d’alarme physiologique, le stress fut défini ensuite comme le résultat d’une transaction entre l’individu et son environnement. Il apparaît lorsque les caractéristiques de la situation sont évaluées comme présentant un dommage, une menace de dommage ainsi qu’un challenge aux buts et croyances de l’individu et permet une mobilisation des ressources de l’organisme. Etant donné les effets physiologiques et psychologiques néfastes du stress de même que sa redondance dans le sport, l’individu doit mettre en place des stratégies de coping afin d’affronter la situation. Elles peuvent être regroupées en deux catégories : engageantes, c’est- à-dire centrées sur le problème ou les émotions qui en découlent et de désengagement en favorisant l’évitement.

Pourtant, une question essentielle reste en suspens : quels sont les antécédents d’une évaluation primaire stressante ? Selon Lazarus (1999), la personne doit désirer l’atteinte de buts importants pour qu’un stress apparaisse. Il ajoute que chacun diffère dans ses croyances, buts et attentes à propos de soi et du monde et que le stress dépend du degré d’importance de la situation au vu des motivations de l’individu (p. 73). Cet avis est aussi partagé par Snyder et Dinoff (2015) à propos du choix des stratégies de coping : l’histoire de l’individu et son intégration dans l’environnement (Salovey, Bedell, Detweiler, & Mayer, 2015, p. 151) jouent un rôle dans ce choix. Ainsi, comment expliquer une vulnérabilité accrue uniquement chez certains sportifs au stress organisationnel (le type de coaching) par exemple?

La partie suivante détaillera une théorie de la motivation, la théorie de l’autodétermination, ainsi que ses implications en termes de buts et d’effets de l’environnement sur l’individu qui s’intègrera ensuite au modèle CMRT.

2.2 Motivation & autodétermination

De nombreuses théories de la motivation ont vu le jour au cours du XXème siècle (pour une revue, voir Graham & Weiner, 1996; Ryan, 2012). Dans la plupart des cas, l’objectif est de décrire les causes d’un comportement, son but ainsi que son expression. L’impulsion à agir, que présente Plutchik (1980) dans sa théorie des émotions illustre ce phénomène ; chaque émotion va motiver l’individu à se comporter d’une manière différente. Ici, la cause du comportement se trouve dans l’émotion et possède un effet sur l’environnement du sujet (exploration, affiliation…).

Parmi les différentes conceptions théoriques de la motivation, la TAD vit l’intérêt à son égard grandir au fil du temps et ce d’autant plus dans la littérature sur le sport. Son apport à la conceptualisation de l’époque fut de reconnaître pour la première fois que des activités puissent être motivées uniquement pour des raisons intrinsèques et d’en identifier les facteurs augmentant ou réduisant cette motivation (Ryan & Deci, 2007, p. 1). La TAD, sous sa forme la plus récente, s’organise en 5 sous-théories dont trois seront pertinents au cadre de cette recherche. La notion de motivation intrinsèque sera premièrement abordée, puis suivra celle des besoins psychologiques fondamentaux. Enfin, l’implication du climat motivationnel dans l’apparition de la motivation intrinsèque et la satisfaction des besoins sera élaborée.

2.2.1 Théorie de l’évaluation cognitive

L’humain est de nature active : l’observation de jeunes enfants venant d’acquérir la capacité de se déplacer montre qu’ils s’engagent dans toutes sortes d’activités d’exploration, de recherche et d’expérimentation (Piaget, 1926). Cette motivation à explorer n’est aucunement due à l’obtention d’une récompense potentielle qui serait distribuée par les

(17)

16 parents : elle trouve sa source dans l’activité même. Selon la TAD, la propension d’un sujet à développer ses compétences, à s’engager dans des défis et à s’intéresser à de nouvelles activités même en l’absence de récompenses extérieures s’intitule motivation intrinsèque (Ryan & Deci, 2000a). La première distinction entre deux types de motivation est attribuée à deCharms (1968): d’une part la motivation extrinsèque (ME), où l’individu est contrôlé par son environnement, d’autre part la motivation intrinsèque (MI) où l’individu est à l’origine de ses actions.

Cette distinction est reprise par la première sous-théorie de la TAD, celle de l’évaluation cognitive. Dans leur ouvrage, Deci et Ryan (1985) définissent un premier postulat essentiel à la TAD : l’individu est actif, de manière autodéterminée, avec comme seule récompense la satisfaction de se sentir autonome et compétent. Cette manière d’être, innée, motive ce dernier à chercher et essayer de surmonter des challenges optimaux en termes de difficulté (p. 32). Contrairement à la MI, la ME suppose que l’individu s’engage dans une activité parce qu’elle mène à une conséquence séparable (Deci & Ryan, 2012) : le comportement devient dépendant des récompenses ou punitions externes ce qui provoque une frustration du sentiment d’autonomie.

La théorie de l’évaluation cognitive s’intéresse aux facteurs favorisant la MI et fait écho aux études de la fin du XXème siècle. En effet, le type de motivation favorisé a des conséquences cognitives et comportementales importantes. A titre d’exemple, une étude (Amabile, 1982) réalisée auprès d’enfants de 7 à 11 ans a montré que la créativité associée à des collages était favorisée dans le groupe motivé de façon intrinsèque, ce qui n’était pas le cas pour ceux motivés de façon extrinsèque. Dans le domaine du sport (Boiché, Sarrazin, Grouzet, Pelletier, & Chanal, 2008), la motivation vis-à-vis des cours d’éducation physique (plus spécifiquement la gymnastique) fut mesurée auprès de collégiens français (équivalant au cycle suisse). Ceux dont le score de MI fut le plus haut montrèrent une performance finale en gymnastique la plus élevée. Les effets bénéfiques de la MI ne s’arrêtent pas à ceux précités : en voici quelques-uns spécifiques au sport ; persistance accrue (Calvo, Cervelló, Jiménez, Iglesias, & Murcia, 2013; Jõesaar, Hein, & Hagger, 2011), performance (Cerasoli, Nicklin, &

Ford, 2014; Gillet, Vallerand, Amoura, & Baldes, 2010) et bien-être (Gagne, 2003; Stenling, Lindwall, & Hassmén, 2015). Par conséquent, connaître les antécédents d’une motivation intrinsèque permet de favoriser son maintien.

En 1999, Deci, Koestner et Ryan publièrent une méta-analyse étudiant le lien entre récompenses et MI. Au terme de l’analyse, la conclusion suivante fut avancée: l’effet est délétère si le but des récompenses est de contrôler le comportement. Ces résultats viennent corroborer la théorie de l’évaluation cognitive. En effet, si la perception de l’agentivité est attribuée à autrui, cela aura pour effet de réduire la motivation intrinsèque. Plus précisément, le lieu perçu de causalité (qui est à l’origine du comportement ?) passe d’interne à externe parce que l’individu attribue les raisons de son comportement à autrui plutôt qu’à soi. Cela va donc à l’encontre du concept d’autodétermination précédemment cité censé soutenir la MI.

Pourtant, certaines récompenses peuvent avoir un effet bénéfique sur la MI.

Chaque récompense revêt 3 significations fonctionnelles potentielles aux yeux du sujet (Deci

& Ryan, 1985, p. 63-64) :

 Amotivant : il attribue une signification négative associée à un manque total de compétence et d’autonomie, qui mène à l’amotivation (démotivation liée à des feedbacks négatifs).

 Contrôlant : il se sent contraint, forcé d’agir et de penser d’une certaine manière (par exemple : échéances, surveillance, évaluation).

 Informant : il perçoit la récompense comme un feedback (retour) pertinent pour son fonctionnement autodéterminé (par exemple : feedbacks positifs, libre choix).

(18)

17 Dès lors qu’une récompense est évaluée par l’individu comme apportant un aspect informationnel à sa situation, elle sera bénéfique pour la MI.

Toutefois, la vision binaire de la motivation opposant intrinsèque à extrinsèque ne saurait rendre compte de manière fidèle la réalité. Entre autres, comment expliquer que certaines personnes soient motivées à entreprendre un comportement contraignant ? Une personne en surpoids peut trouver désagréable de pratiquer une activité sportive : pourtant, parce qu’elle reconnaît l’utilité de cette dernière sur le long terme, elle va entreprendre des actions en ce sens. Néanmoins, une des raisons de son engagement dans l’activité physique pourrait aussi être par peur de sanctions de son assurance maladie à cause des risques de santé qu’elle encourt. Bien que les situations présentent une valeur instrumentale de l’activité physique (éviter une punition, atteindre un objectif), l’autonomie relative associée diffère.

Une seconde sous-théorie, intitulée théorie de l’intégration organismique, apporte une lumière sur cette question.

2.2.2 Théorie de l’intégration organismique

Un second postulat primordial de la TAD vient s’ajouter au premier (autodétermination et compétence du sujet) : le sujet, lors de son développement, tend à intégrer et organiser différentes informations (valeurs, attitudes, récompenses, contingences, émotions) dans le but de créer une vision du soi unifiée (Deci & Ryan, 2012, p. 88). Si certaines incitations extrinsèques sont utilisées par un groupe de référence de l’individu (ses amis, sa famille, ses collègues) pour réaliser une activité à la base inintéressante, il pourra alors assimiler cette activité à son schéma de valeurs et l’intégrer (Ryan & Deci, 2002). Par exemple, une personne en surpoids intégrera plus facilement l’activité physique au concept de soi si ses proches l’accompagnent.

Ainsi, l’apport majeur de la théorie de l’intégration organismique est de considérer la motivation non plus comme deux conceptions opposées (intrinsèque vs extrinsèque), mais plutôt comme un continuum (voir figure 1).

Figure 1. Taxonomie et caractéristiques principales des différents types de motivation selon la TIO. Reproduit à partir de Nourrir une motivation autonome et des conséquences positives dans différents milieux de vie : les apports de la théorie de l’autodétermination (p. 282), par P. Sarrazin, L. Pelletier, E. Deci, R. Ryan, 2011, Bruxelles : De Boeck. Copyright 2011 par De Boeck Supérieur.

(19)

18 A l’une des extrémités se situe l’amotivation, soit l’absence d’intention d’agir. De l’autre côté se trouve la motivation intrinsèque, telle que décrite précédemment. Entre les deux s’agencent 4 types de motivations externalisées qui se distinguent par des formes plus ou moins autonomes de motivation (Ryan & Deci, 2002, p. 17) :

I. Régulation externe. La forme la moins autonome de motivation s’associe aux comportements justifiés par des punitions et récompenses. Le lieu de contrôle évoqué ci-dessus est entièrement externe : le but du comportement est de satisfaire une demande externe.

II. Régulation introjectée. Le comportement est entrepris pour éviter les émotions négatives (voir figure 1) ainsi qu’obtenir une amélioration de l’ego. La motivation n’est que partiellement internalisée et résulte encore d’un contrôle.

III. Régulation par l’identification. Cette forme de motivation déjà plus autodéterminée implique une acceptation personnelle du comportement parce qu’il est jugé important pour soi. Le lieu de contrôle est relativement interne par rapport aux deux formes de motivation précédentes.

IV. Régulation intégrée. Dernière étape avant la motivation autodéterminée, la régulation intégrée résulte d’une congruence entre l’objectif visé et les valeurs, déjà présents chez l’individu.

Une note des auteurs à propos du continuum : son utilité réside dans l’aspect descriptif de la motivation et ne suppose aucune suite ou enchaînement des étapes. A juste titre, il est tout à fait possible qu’une personne ait une régulation identifiée sans avoir précédemment eu de régulation externe, pourvu que le climat interpersonnel soit suffisamment soutenant (Ryan

& Deci, 2002). Ce climat fait écho à la perspective organismique-dialectique en ce sens que l’intégration de buts, valeurs, comportement et la tendance naturelle à agir de façon autodéterminée nécessitent des "nutriments" fondamentaux pour fonctionner de manière optimale (Deci & Ryan, 2000, p. 229). Ce thème est le centre de la théorie des besoins fondamentaux, détaillée ci-dessous.

2.2.3 Théorie des besoins fondamentaux

Rapidement évoqués dans les deux précédentes théories, les besoins fondamentaux sont les pierres qui portent l’édifice de la théorie de l’autodétermination. Ces besoins universels, respectivement l’autonomie, la compétence et l’affiliation ne s’activent pas uniquement lorsqu’il y a une privation, contrairement aux postulats de certaines autres théories (par exemple, Maslow, 1967). Plutôt, Deci et Ryan (2000, p. 230) proposent que l’individu soit naturellement orienté vers des activités qui l’intéressent et qui promeuvent le développement de la personnalité en termes de capacités, de valeurs et de lien social. En retour, ce développement va contribuer à la satisfaction des besoins. Par exemple, un sportif va aller à son entraînement parce qu’il éprouve du plaisir à rencontrer ses coéquipiers ce qui aura comme effet de satisfaire son besoin d’affiliation bien que ce ne soit pas son but premier.

L’intérêt à comprendre la nature des besoins et leur lien avec la MI est important, car leur satisfaction prédit de nombreuses variables dont le bien-être (résultats significatifs pour 12 cultures, voir Chen et al., 2015; Church et al., 2013), l’intégration des régulations (Deci &

Ryan, 2008; Podlog, Lochbaum, & Stevens, 2010), l’engagement dans le sport (Hodge, Lonsdale, & Jackson, 2009) et la vitalité en compétition (Reinboth & Duda, 2006).

L’autonomie, déjà évoqué précédemment est le premier besoin. A l’image de l’enfant qui explore son environnement, l’individu désire « être à l’origine ou la source de ses propres comportements, plutôt qu’un pion contrôlé par des forces extérieures » (Sarrazin et al., 2011,

(20)

19 p. 288). Il aspire à être l’agent causal de son comportement et d’être le lieu de contrôle primaire de ses actions (deCharms, 1968, p. 269). Une première distinction s’opère entre l’autonomie et le contrôle de l’environnement : ce que postule la TAD, c’est la tendance à être l’initiateur de ses actes. Il est possible que les résultats associés aux actions ne mènent pas au but visé : cela n’empêchera cependant pas le sujet de se sentir autonome. En d’autres termes, le besoin d’autonomie est soutenu lorsque le lieu de contrôle associé à un comportement est interne. En conséquence, les récompenses réduisent la MI parce qu’elles déplacent le lieu de contrôle, frustrant ainsi le besoin d’autonomie de l’individu. L’étude de (Reeve & Deci, 1996) démontre à merveille ce lien : la relation entre le contexte et la motivation intrinsèque est médiée par la perception de l’autonomie. Ainsi, bien qu’un contexte puisse être contrôlant (et potentiellement réduire la MI), c’est la perception que les participants ont de leur autonomie qui explique le mieux le niveau de MI subséquent. Pour conclure, la MI est favorisée dans des contextes où le besoin d’autonomie est satisfait, d’où l’utilisation du terme nutriment par Deci et Ryan (1985) : à l’image d’une fleur, c’est la qualité du sol, de l’exposition à la lumière et de l’humidité qui détermineront son potentiel de croissance.

La compétence fait référence au sentiment de se sentir apte dans ses interactions avec l’environnement tout en ayant des opportunités d’exercer et d’exprimer ses propres capacités (Ryan & Deci, 2002, p. 7). C’est le besoin de compétence qui pousse les individus à chercher des challenges optimaux afin de maintenir et améliorer leurs aptitudes. A nouveau, il ne s’agit pas de la réussite objective du comportement qui mène à la satisfaction du besoin de compétence, mais plutôt de la confiance ressentie lorsque l’action se réalise. Les recherches empiriques soutiennent cette vision : des feedbacks négatifs (indépendants de la performance) réduisent la MI (Vallerand & Reid, 1984) tandis que des feedback positifs augmentent la MI seulement si les participants se sentent responsables de la performance (Fisher, 1978). Ainsi, la MI est générée dans des contextes ou l’individu se perçoit comme compétent.

L’affiliation, aussi intitulée besoin de proximité sociale, peut être définie comme le

« désir d’être connecté à d’autres personnes, de recevoir des soins et de l’attention de personnes importantes pour soi, et d’appartenir à une communauté ou un groupe social. » (Sarrazin et al., 2011, p. 288). A l’instar de l’exemple précédent concernant l’internalisation du sport chez la personne en surpoids, les contextes qui entretiennent la proximité sociale favorisent l’intégration des comportements (Ryan & Deci, 2000b, 2002). Toutefois, l’importance du besoin d’affiliation pour la MI est moins centrale que celui d’autonomie et de compétence (Deci & Ryan, 2000).

Chacun des besoins joue un rôle plus ou moins prépondérant dans l’apparition et le maintien de la MI. Conceptualisés comme des nutriments essentiels à son apparition, les besoins sont souvent liés à la notion de contexte pouvant les soutenir ou les frustrer.

D’ailleurs, la conclusion de l’article de Ryan et Deci (2000a) distinguant la MI de la ME insista sur l’importance du contexte social pour le soutien de la satisfaction des besoins fondamentaux. Cette notion sera donc traitée dans la partie suivante.

2.2.4 Climat motivationnel

Un large champ de la littérature s’intéresse au lien entre le contexte et la satisfaction des besoins. L’idée sous-jacente est la suivante : l’interaction individu-environnement peut engendrer une frustration ou un soutien de la satisfaction des besoins. En cas de frustration, il résulterait une baisse de la MI au profit de motivations plus contrôlées (voir 2.2.2) : ce changement détériorerait alors les indicateurs précédemment cités, dont le bien-être, la santé, la performance et la persistance dans le sport.

(21)

20 Deci et Ryan (2012) considèrent deux types d’environnement :

Soutenant l’autonomie (autonomy-supportive climate). Il est caractérisé par une reconnaissance de l’individu et de ses demandes : encouragé à expérimenter, il peut entreprendre ses propres choix. Le langage contrôlant est limité au maximum et les récompenses ou punitions sont quasi absentes. Typiquement, ce genre de climat soutient la satisfaction des besoins d’autonomie et de compétence. Logiquement, se sentant écouté et considéré, l’individu aura aussi tendance à se sentir plus proche et affilié à ce contexte.

Contrôlant l’autonomie (controlling climate). A l’inverse du premier, les personnes soumises à un tel climat sont contraintes de penser, de ressentir ou d’agir d’une certaine manière grâce à des mesures coercitives. Les besoins ne sont pas soutenus et sont la plupart du temps frustrés. Dans certains cas, un climat contrôlant peut aller jusqu’à aliéner l’individu pour des tâches qu’il serait susceptible d’apprécier (Ryan &

Deci, 2017).

Le climat motivationnel résulte de la manière dont une figure d’autorité (une entraîneuse par exemple) reconnaît les besoins de ses subordonnés (athlètes) (A. Smith, Ntoumanis, & Duda, 2007). D’abord étudié dans le contexte de l’éducation par Reeve (2006, 2009), un climat motivationnel soutenant l’autonomie entretient les ressources motivationnelles, fournit des explications logiques et rationnelles, utilise un langage qui informe plutôt que critique, reconnait puis accepte l’affect négatif et démontre de la patience (Perlman & Webster, 2011). Ces 5 caractéristiques sont applicables à de nombreux contextes comme celui du sport. Aussi appelés task-involving climate (soutenant l’autonomie) et ego- involving climate (contrôlant l’autonomie), l’intérêt envers ces types de climat dans le sport s’est développé au début du XXIème siècle suite aux corrélats observés.

Pour comprendre l’importance du climat motivationnel, voici un exemple de recherche l’illustrant. Réalisée par Reinboth et Duda (2006), cette étude longitudinale mesura la perception du climat motivationnel, la satisfaction des besoins ainsi que la vitalité (physique et mentale) de 128 athlètes universitaires. Les résultats furent les suivants : la satisfaction des besoins était prédite positivement par le climat orienté vers la tâche (soutenant l’autonomie) qu’instaurait le coach. De même, le lieu interne de contrôle (besoin d’autonomie) prédit de manière positive l’augmentation de la vitalité entre T1 et T2. Les auteurs conclurent que les figures d’autorités jouent un rôle vital dans le lien entre l’athlète et son sport.

Après 3 revues de littérature sur le climat motivationnel soutenant l’autonomie (Harwood, Beauchamp, & Keegan, 2008; Harwood, Keegan, Smith, & Raine, 2015;

Ntoumanis & Biddle, 1999), la vitalité n’est qu’un des corrélats observés parmi d’autres allant même jusqu’à l’amélioration des compétences motrices (Theeboom, De Knop, & Weiss, 1995). A contrario, un climat contrôlant l’autonomie frustre les 3 besoins de la SDT, réduit l’estime de soi, favorise une ME voire l’amotivation, augmente l’apparition d’affects négatifs (Harwood et al., 2015) et prédit l’abandon du sport (Sarrazin, Vallerand, Guillet, Pelletier, &

Cury, 2002). Au vu de ces résultats, les figures d’autorité dans le sport ont donc tout intérêt à favoriser un climat motivationnel soutenant l’autonomie, pour le bien-être des sportifs.

En conclusion, selon la TAD, la motivation se caractérise par un continuum allant de l’amotivation à la motivation intrinsèque. Entre les deux extrémités se situent plusieurs types de motivations extrinsèques, chacune définie par un degré d’autonomie et un lieu de contrôle associé différent. Parce que les conséquences d’une motivation intrinsèque sont bénéfiques pour le bien-être de l’individu et ses capacités, les figures d’autorités sont encouragées à mettre en place des climats motivationnels soutenant les besoins fondamentaux, qui fourniront les nutriments essentiels au maintien de cette motivation intrinsèque.

(22)

21 Une question reste cependant en suspens. Les effets d’une motivation contrôlée, dus à un contexte frustrant les besoins, ont des conséquences cognitives et comportementales observables. Serait-il toutefois envisageable que les expériences liées à certains contextes puissent, après maintes répétitions, devenir stressantes ? Ainsi, un sportif toujours confronté à un coach au comportement contrôlant pourrait développer une image de lui comme étant incompétent et incapable de contrôler la situation ce qui, au vu de la littérature détaillée (voir 2.1.4.2), est un stresseur objectif. Le modèle proposé par Ntoumanis et al. (2009) tente de concevoir ce lien entre d’une part la théorie de l’autodétermination et d’autre part du modèle CMRT.

3. Intégration & hypothèses associées

Les similitudes observées entre la théorie de l’autodétermination et le modèle cognitivo-motivationnel relationnel transactionnel sont multiples. Fondamentalement, la perspective adoptée est la même : les cognitions, émotions et donc les motivations proviennent de l’interaction qu’entretient l’individu avec son environnement. Ensuite, le stress et la motivation découlent tous les deux d’évaluations subjectives de l’interaction par le biais d’une perception du soutien ou de la frustration des besoins. Enfin, chaque modèle prédit un meilleur ajustement de l’individu à sa situation lorsque la satisfaction des besoins est soutenue et que les stratégies de coping mises en place sont adaptées au contexte. En plus d’être similaire sur plusieurs aspects, la TAD apporte plusieurs notions intéressantes au CMRT.

3.1 Motivation et évaluations cognitives

La TAD apporte une vision supplémentaire de ce que Lazarus et Folkman (1984) nomment commitments à savoir ce qui est important et fait du sens pour la personne. Selon eux, les commitments, aussi intitulés drive, motifs, intérêts, plans, intentions connotent le même concept : des processus cognitifs et sociaux d’ordre supérieur qui impliquent une motivation qualitativement durable (p. 56). Or c’est précisément de ce dont il s’agit dans la TAD : les humains, au cours de leur vie, font tout leur possible pour accéder à des situations qui satisfont leurs besoins fondamentaux d’autonomie, d’affiliation et de compétence (Ryan

& Deci, 2002, p. 6) ce qui leur procure en retour une motivation durable (voir 2.2.3). Lazarus et Folkman (1984, p. 57-58) détaillent trois mécanismes par lesquels les commitments influencent les évaluations cognitives associées au stress.

Premièrement, ils guident vers - ou éloignent- les individus des situations qui les challengent ou menacent : en l’occurrence, un sportif motivé uniquement par des récompenses extrinsèques (argent / reconnaissance) aura des évaluations de menace plus fréquentes ce qui aura tendance à l’éloigner de l’activité. Une étude réalisée par Ntoumanis et al. (2014) mesura le type de motivation à l’égard d’un objectif sportif de vélo à résistance incrémentale (autonome vs contrôlée), les évaluations cognitives associées à la tâche (menace vs challenge) ainsi que la persistance. Leurs résultats montrèrent un lien positif entre une motivation contrôlée et des évaluations de menace, de même qu’un lien positif entre une motivation autonome et des évaluations de challenge ultérieurement associées à une plus grande persistance. Ainsi, le commitment pour la tâche, ici mesuré au travers du type d’objectif visé, influence les évaluations cognitives subséquentes.

Deuxièmement, les commitments modifient les évaluations cognitives parce qu’ils façonnent la sensibilité de l’individu à certains détails de son environnement. Pickett,

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