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La dynamique du peuplement néolithique suisse

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La dynamique du peuplement néolithique suisse

GALLAY, Alain

GALLAY, Alain. La dynamique du peuplement néolithique suisse. Bulletin d'études préhistoriques alpines, 1975, vol. 7, p. 5-20

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:94935

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NeOLITHIQUE SUISSE

Dès 1929, Paul Vouga proposait sa classification du Néolithique lacustre suisse, basée sur une série de recherches stratigraphiques entreprises dans les sites littoraux du lac de Neuchâtel. Ces travaux, menés avec un constant souci d'objectivité, restent encore valables aujourd'hui, fait qui est digne d'être souligné. En effet, si ses suc- cesseurs ont cru bon modifier la terminologie primitivement employée (Néolithique lacustre ancien, moyen et récent puis Enéolithique), notre conception de la séquence néolithique suisse ne diffère guère de celle du savant neuchâtelois malgré quelques retouches de détail et une meilleure compréhension de l'insertion de ce Néolithique dans son contexte européen.

Nous tenterons d'insister ici sur ce dernier point, car les re- cherches de ces dernières années permettent de se faire désormais une idée relativement précise de la dynamique du peuplement de notre pays entre le quatrième et le deuxième millénaire. Parmi les recherches de base essentielles il faut mentionner les fouilles du professeur E. Vogt dans l'ancien marais de Wauwil (Egolzwill 3 et 4).

Cet ancien lac postglaciaire recelait plusieurs villages aux structures d'habitation parfaitement conservées. L'analyse des fonds de cabane établis directement au contact de la craie lacustre ou de la tourbe a fortement contribué à la remise en cause de notre vision des « cités

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lacustres » bâties au-dessus de l'eau. On attend beaucoup de la pu- blication du matériel de ces sites dont la céramique, encore actuelle- ment difficilement interprétable, présente un très fort particularisme local. D'autres ensembles originaux témoignant d'une situation com- parable furent retrouvés dans les stations de la rade de Zurich (no- tamment à Zurich-Bauschanze) où U. Ruoff, grâce à des techniques de recherches sous-lacustres originales, a pu se livrer à de véritables fouilles stratigraphiques en eau profonde.

En Suisse occidentale, trois sites à stratigraphie complexe font l'objet de recherches fondamentales. Au bord du lac de Neuchâtel Delley-Portalban II livre à Mademoiselle H. Schwab une strati- graphie complète couvrant toute la fin du Néolithique (Schwab 1968- 69). Dans l'abri sous roche de la Cure à Baulmes au-dessus d'Yverdon, M. Egloff étudie une séquence couvrant tout le Mésolithique et le début du Néolithique qui renouvelle notre conception de l'intro- duction des techniques agricoles dans nos régions (Egloff 1966-6 7,

1967). Enfin des recherches menées depuis 10 ans par 0.-J. Bocks- berger puis nous-même sur le site du Petit-Chasseur à Sion permettent d'aborder sous un angle nouveau le problème de l'introduction de la métallurgie dans les Alpes (Bocksberger 1971, A. Gallay 1972).

Parallèlement de grands projets de génie civil sont à l'origine de nombreuses découvertes, dans des conditions de sauvetage diffi- ciles. La construction de l'autoroute RN5 sur la rive nord du lac de Neuchâtel a provoqué la destruction quasi totale des sites pré-et proto-historiques mondialement connus de la baie d'Auvernier; la même situation risque de se rèproduire sur la rive méridionale. La deuxième correction des eaux du Jura entre les lacs de Neuchâtel et de Bienne a entraîné également plusieurs découvertes. La bonne volonté des responsables de ces travaux et l'archarnement des pré- historiens chargés des sauvetages a permis de limiter quelque peu les dégâts, mais on reste confondu devant l'étendue de l'invraisem- blable gaspillage provoqué par ces grands travaux.

Pour terminer ce tour d'horizon des recherches nous mention- nerons plusieurs travaux de synthèse portant sur des matériaux an-

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ciens des civilisations de la Céramique cordée (Strahm 1971), de Pfyn (Winiger 1971), de Horgen (Itten 1970) et de Cortaillod (A.

Gallay, inédit). Les datations données dans ce travail correspondent aux dates C14 non calibrées.

Pour une dynamique du peuplement néolithique.

Placée à la limite du monde méditerranéen et de l'aire d'exten- sion des civilisations d'Europe centrale, la /Suisse se trouvait pour ainsi dire à cheval sur deux mondes distincts, situation qu'elle con- servera jusqu'à nos jours à travers toutes les vicissitudes de l'histoire.

La compréhension du peuplement néolithique s'inscrit donc dans cette opposition fondamentale.

Au sud, en Méditerranée occidentale, la modification progres- sive du substrat mésolithique entraîne l'apparition du Néolithique ancien ( céramique cardiale) qui ne dépassera pas la limite de l'olivier, puis du Néolithique moyen (Vases à Bouches carrées puis complexe Chassey-Lagozza) au cours duquel s'effectuera le premier peuplement de la Suisse. Au nord, une véritable colonisation s'organisant le long de l'axe du Danube semble avoir été à l'origine du premier peuple- ment néolithique. La civilisation de la Céramique rubanée occupe ainsi les zones loessiques et ne pénètre pratiquement pas en Suisse.

Il faudra attendre la seconde vague d'influences provoquée par le caractère expansif de la civilisation de Lengyel et le développement de !'Enéolithique danubien pour voir les agriculteurs centre-européens occuper la Suisse orientale.

On peut diviser l'histoire du Néolithique suisse en quatre phase principales.

Néolithique ancien (4000-3000 av. J.-Ch.). Au cours de cette période on assiste à la fin des traditions propres au Néolithique ancien et à l'élaboration des traditions du Néolithique moyen. En Méditerranée le Chasséen et les Vases à Bouches carrées remplacent le Cardial. En Europe centrale la civilisation de Rossen présente l'ultime aboutissement de l'évolution des céramiques poinçonnées, héritières du Rubané, tandis que se forme, à partir de 3500 av. J.-Ch.

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la civilisation d'Aichbühl-Schwieberdingen. Cette dernière atteindra précocement la trouée de Belfort et la Franche-Comté (Cravanche, Gonvillars) (A. Gallay 1972-1), mais il faudra attendre la phase suivante pour voir quelques éléments pénétrer en Suisse (groupe de Wauwil) (A. et G. Gallay 1966).

La Suisse reste donc encore le domaine des chasseurs mésoli- thiques et seuls quelques rares éléments néolithiques sont acceptés. Les plus caractéristiques sont les pointes de flèches triangulaires à retouche envahissante de tradition Rossen qu'on trouve en grand nombre dans certaines stations du Mésolithique tardif du Plateau (groupe de Fallander ). Pourtant une agriculture précoce existe vraisemblablement dès cette période en Suisse. A l'abri de la Cure à Baulmes, Madame A. Leroi-Gourhan (Leroi-Gourhan, Girard 1971) a découvert des pollens de céréales dans le contexte Mésolithique tardif du site. Ces derniers se retrouvent dans plusieurs échantillons de suite au moment où le sapin fait son apparition le long du Jura, soit vers 4000 av. J-Ch. Des pollens de composées, de graminées et d'armoise montrent que cette apparition s'accompagne d'un léger déboisement; c'est un signe de plus en faveur de cette hypothèse car des clairières étaient nécessaires à ces premières cultures. Le phé- nomène n'est du reste pas isolé et s'inscrit dans une série de plusieurs observations identiques portant sur diverses tourbières du Plateau suisse et des Alpes. Le professeur Welten a retrouvé notamment une situation identique en Valais lors de hmalyse palynologique des sédiments du lac de Montorge au-dessus de Sion (Welten 1975).

Vers 4200 av. J.-Ch. on repère nettement des défrichements relativement graves, dus probablement au pâturage du bétail et à une agriculture modeste de céréales. Cet horizon correspond proba- blement au niveau le plus profond (malheureusement sans matériel archéologique) repéré sur le site du Petit-Chasseur ?i Sion et daté de 3680

+

110. La présence d'une agriculture aussi ancienne dans cette région soulève naturellement bien des questions puisqU'elle est antérieure au Néolithique moyen valaisan, considéré jusqu'à ce jour comme le premier peuplement du Haut-Rhône (Sauter 1958, 1963-1,

1963-2; Sauter, Gallay, Chaix 1971).

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Cette agriculture très ancienne, présente à la fois sur le Plateau et dans les Alpes une situation qui n'a rien d'invraisemblable car le Néolithique occupe, dès cette époque, aussi bien la frontière nord du pays (Rossen) que l'Italie septentrionale (Vases à Bouches car- rées).

Néolithique moyen (3000-2700 av. J.-Ch.). C'est au cours de ce~te phase que s'opère le premier contact entre le Néolithique mé- diterranéen et le Néolithique d'Europe centrale. Tout le Plateau suisse et les basses vallées des Alpes (Rhône valaisan et Rhin grison) sont alors occupés. La Suisse occidentale présente trois faciès médi- terranéens. La civilisation de Cortaillod (Cortaillod récent) occupe le bassin du lac de Neuchâtel et quelques petits lacs du Plateau suisse (Burgaschisee, Moosseedorf) ( Strahm 19 57-58 ), le groupe de Saint-Léonard (Sauter 1965-1) occupe le Valais, tandis que la station du Vallon des Vaux au sud du lac de Neuchâtel fait figure d'isolée (Sitterding 1972). Il est possible que la civilisation de Cortaillod soit légèrement plus récente que les deux autres faciès. On peut pen- ser que les groupes du Plateau dérivent du Chasséen français et pro- cèdent d'une colonisation ayant emprunté la voie rhodanienne. Le premier Néolithique valaisan (Saint-Léonard, Rarogne, Sion) a par contre très certainement une origine italienne. Les cols des Alpes, notamment le Grand-Saint-Bernard, ont donc joué très tôt leur rôle de voie de passage. De cette époque datent les très nombreuses tombes en ciste à squelette en position contractée découvertes dans le bassin du Léman (Pully-Chamblandes) et en Valais (Collombey- Barmaz) (Sauter 1955). C'est de ces tombes que proviennent la plupart des squelettes utilisables pour une étude de l'anthropologie du Néolithique suisse. La population est de petite taille ( variation pour Pully-Chamblandes et Collombey-Barmaz, 31 hommes, 1.42 à 1.71, moyenne 1.57 m), assez gracile, au crâne allongé (dolicocéphale),

· de hauteur moyenne, à la face aux proportions moyennes, au nez moyen à large. La race actuelle qui présente le mieux ces traits est la race méditerranéenne, majoritaire par exemple dans le sud de

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l'Italie, en Sicilie et en Sardaigne. Elle est pratiquement absente de la Suisse actuelle (Sauter 1973).

A la même époque la Suisse orientale voit se développer une série de faciès spécifiques de faible extension géographique. Certains dérivent nette.ment du Néolithique centre européen (groupe de Lut- zengütle ); d'autres ont une origine incertaine. Le groupe d'Egolzwil 3 (Vogt 1950, Wyss 1971) ne peut être rattaché à aucun autre ensemble connu; sa céramique, très pauvre en formes, se prête du reste mal aux exercices de comparaison. Quelques céramiques de type Rossen témoignent en tout cas de certaines attaches centre-européennes. La céramique d'Egolzwil 4/1 (Vogt 1967) avec ses jarres à fond aplati, nous paraît actuellement totalement étrangère aux influences médi- terranéennes. Le Néolithique de Zurich-Bauschanze est enfin trop mal connu pour qu'on puisse se prononcer à son sujet.

La suite de l'évolution est désormais plus claire. Sur le lac de Neuchâtel la civilisation de Cortaillod. persiste encore un certain temps puis se transforme par appauvrissement des formes céramiques.

Les écuelles carénées disparaissent pratiquement, les jarres à profil en S deviennent dominantes. Nous avons appelé ce faciès groupe de Port-Conty. Cet ensemble se retrouve à Port et à Lüscherz (station interne. Ne pas confondre avec le matériel de la station extérieure rattachable au type de Lüscherz, Strahm 1965-66 ). Un matériel ana- logue très appauvri, et probablement encore plus tardif, a été re- trouvé récemment en stratigraphie au-dessus du Cortaillod récent à Auvernier-Port et dans une autre station de la même commune (tranchée tram) lors des sauvetages effectués dans la baie d'Auvernier.

Il ne s'agit donc pas d'un Cortaillod ancien comme on le pensait jusqu'à maintenant mais de l'ultime aboutissement du Cortaillod récent qui se prolonge jusque vers 2350 av. J.-Ch. L'évolution de la céramique d'origine méditerranéenne en devient beaucoup plus cohérente et cadre mieux avec les hypothèses historiques formulées.

Les formes anciennes sont les formes les plus complexes et les plus proches des prototypes méditerranéens ( Chasséen, civilisation de la Lagozza). Par la suite la céramique se simplifie et donne des faciès

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abâtardis qu'on a jugé anciens, à tort. Cette ligne évolutive persistera du reste au Néolithique récent.,

A notre avis la notion de Cortaillod ancien doit donc être abandonnée car elle ne peut s'appliquer ni au groupe de Port-Conty sur le lac de Neuchâtel, ni aux ensembles de Suisse orientale dont l'origine est trop incertaine (Egolzwil 3 et 4, Zurich-Bauschanze).

· En Suisse orientale se développe alors la civilisation de Pfyn qui englobe toute la zone située entre le lac de Costance et de lac de Zurich (Thayngen-Weier, Niede~will, Zurich-Rentenanstalt-Feld- bach). Apparentée à Altheim en Allemagne, cette civilisation est nettement d'origine nord orientale. Ses relations avec la civilisation de Michelsberg, qui ne pénètre pratiquement pas en Suisse, sont par contre peu claires.

C'est au cours du Néolithique moyen qu'apparaissent les pre- miers objets de ni.étal. Les ·trouvailles les plus anciennes seraient des pendentifs à double enroulement en cuivre pratiquement pur avec quelques traces d'argent (Font, Auvernier, Concise,. Grandson- Corcelette). On a comparé (Spindler 1971) ces ornements aux trou- vailles du dépôt de Stollhof en Autriche et on les a rattachées à l'horizon lengyelien tardif. Malheureusement aucune. de ces pièces n'a été découverte dans _un. contexte stratigraphique sûr. D'autres trouvailles probablement légèrement plus récentes sont par contre mieux assurées. Il s'agit d'objets de cuivre à l'arsenic (haches plates, perles, etc.) trouvés en contexte Cortaillod (Burgaschisee-süd, Baulmes (Sangmeister, Strahm 1973) ou Pfyn (Thayngen-Weier, etc.). La présence de creusets en argile dans cette dè~nière civilisation montre qu'il existait dès cette époque une vél'itable métallurgie locale.

Néolithique récent (2700-2200 av. J.-Ch.). L'opposition entre l'Est et l'Ouest persiste au Néolithique récent. Sur le lac de Neuchâtel, le Néolithique de type Lüscherz succède au groupe de Port-Conty ( et à ses prolongements) et en dérive probablement car rien ne permet de déceler une rupture dans le peuplement (Strahm 1965-66). La suite de l'évolution se retrouve dans le Néolithique d'Yverdon (fouilles Strahm; Strahm 1972-73) puis dans celui d'Auvernier-Sau-

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nerie (fouilles Strahm, Jéquier, Gallay) où des importations de cé- ramique cordée permettent de mettre en évidence des contacts avec le Néolithique final vers 2100 av. J.-Ch. Ce Néolithique récent dérive donc directement du Néolithique moyen.

A cette époque le Valais pourrait suivre la même évolution tout en étant plus sensible que le Plateau aux influences italiennes.

A Sion ( site du Petit-Chasseur) la civilisation du dolmen MVI com- porte un matériel archéologique très comparable au Néolithique récent du Plateau suisse. Les grandes stèles qui lui sont contempo- raines portent pourtant des· représentations de poignards triangu- laires qui ont des parallèles dans la civilisation de Remedello en Italie du Nord.

Le Valais est donc partiellement sous l'influence de ce grand courant d'expansion de la métallurgie du cuivre à l'arsenic dont Gimbutas (197 3) situé l'origine dans la Caucase et qui atteint entre 2500 et 2000 aussi bien l'Egée (Minoen ancien) que les Balkans (Baden) ou l'Italie (Gaudo, Remedello).

Ces contacts transalpins changerent de nature au Néolithique final avec l'arrivée de la civilisation des Vases campaniformes.

En Suisse orientale les lacs de Zurich et de Zoug voient se dé- velopper la civilisation de Horgen caractérisée par une céramique extrêmement mal cuite et grossière ornée de cannelures parallèles au bord (Zoug, Horgen, Zürich-Retenanstalt, Zürich-Utoquai, niv. 2-4 ).

Cette céramique est très proche de la céramique de la civili- sation de Seine-Oise-Marne dans le Bassin parisien et les auteurs alémaniques admettent qu'elle en dérive directement. Nous nous demandons pourtant si une dérivation à partir de la civilisation de Pfyn n'est pas envisageable. On aurait ainsi un type d'évolution comparable à celui de la Suisse occidentale. Le courant liant le Plateau suisse au Bassin parisien devrait en conséquence être in- versé. Les hypogées S.O.M., qui semblent en effet relativement tar- difs, seraient alors l'aboutissement d'un courant culturel parti de notre pays. (Bailloud et Coiffard 196 7 ). Reste à expliquer la pré- sence, sur le lac de Neuchâtel, de quelques ensembles isolés typi-

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quement Horgen que rien ne permet de situer, pour le moment, dans la séquence Lüscherz, Yverdon, Auvernier-Saunerie.

Néolithique final (2200-1800 av. J.-Ch.). Au Néolithique final, le Néolithique centre européen franchit ses anciennes frontières et tend à occuper la Suisse entière. Dans le nord et l'est de l'Europe s'élabore en effet une nouvelle civilisation qui ne doit plus rien à l'antique sphère des civilisations de l'axe danubien, c'est la civili- sation de la Céramique cordée. Ces populations sont probablement nomades et connaissent le cheval domestique. Douées d'un prodigieux pouvoir d'expansion, elles pénètrent en' Suisse relativement tardi- vement et, peut-être pour la première fois, se sédentarisent. Alors que cette civilisation est essentiellement connue par ses tombes, la Suisse est la seule région à présenter des habitats permanent ou semi-permanents. Ces derniers sont malheureusement mal connus.

Situés au bord des grands lacs, ils ont subi les effets des variations de niveau des lacs. Les infrastructures de bois et d'argile des cabanes sont très fortement perturbées et il est difficile de dire s'il s'agit de cabanes bâties sur terre ferme, comme cela semble être la règle pour les périodes plus anciennes (Néolithique moyen) ou de cons- truction légèrement surélevées pour être à l'abri des inondations ( Strahm 1972 ).

En Suisse orientale l'ancien fond culturel s'efface rapidement devant la nouvelle civilisation. Sur le lac de Neuchâtel la situation est par contre plus complexe. L'antique Néolithique méditerranéen persiste un certain temps au niveau du Néolithique de type Auvernier.

Tous le9 traits originaux ont presque disparns alors que l'influence du Néolithique centre européen, déjà installé en Suisse orientale, se fait sentir (importations de céramique cordée et haches de combat en pierre). A l'étape suivante la civilisation de la Céramique cordée occupe la totalité des parties basses du Plateau suisse, tout le bassin du lac de Neuchâtel (Zürich-Utoquai, niv. l; Vinelz). Son influence se fait sentir dans le bassin lémanique aux environs de Genève et même au-delà (lac du Bourget, lac d'Annecy).

Le cordé suisse est caractérisé par une métallurgie bien dévè-

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loppée contrairement à la situation existant en dehors de nos fron- tières. Cette métallurgie, où dominent les cuivres avec traces de Nickel mais sans arsenic (groupe FC de Sangmeister), pourrait tirer son origine du substrat Néolithique récent ( Strahm 1961-62) bien que la situation existant à ce niveau ne soit pas particulièrement claire faute de trouvailles en stratigraphie ( voir pourtant Strahm 1974-75).

Ce courant culturel est pourtant promis à la disparition et ne jouera qu'on rôle limité dans l'élaboration de la civilisation du Bronze ancien. Les racines des futures civilisations du Bronze se trouvent ailleurs, au niveau de la civilisation de la Céramique campaniforme.

Cette dernière, originaire d'Europe centrale ou des Pays-Bas, occupe d'abord une place modeste en Suisse du fait de l'occupation par les populations cordées. Bien implantée en Bourgogne, nous la retrouvons aux environs de Bâle et en Valais (Sion). L'étude anthropologique de cette population révèle un type physique très caractéristique au crâne court (brachycéphale) et à la face allongée, assez semblable au type dinarique actuellement observable en Yugoslavie.

Le Valais va alors jouer un rôle central dans la liquidation des dernières traditions néolithiques. La civilisation campaniforme est - en effet à l'origine du développement d'une véritable métallurgie du bronze au cœur des Alpes au niveau de la civilisation du Rhône.

La nécropole du Petit-Chasseur à Sion permet de suivre ce dé- veloppement avec précision (A. Gallay, colloque d'Oberried, inédit).

Dans ce site la civilisation campaniforme suit immédiatement le complexe culturel représenté par les premières sépultures du dolmen MVI (Néolithique récent). La rupture culturelle est alors très nette.

Le type anthropologique change, témoignant de l'arrivée d'éléments extérieurs: squelettes robustes, tailles plus élevées (les squelettes campaniformes du dolmen MVI donnent des tailles de 163 cm pour les femmes et 16 7 cm pour les hommes) crânes brachycéphales ou hyperbrachycéphales présentant la planoccipitalie carac~éristique des campaniformes d'Europe centrale. Les mobiliers funéraires sont to- talement différents du mobilier présent dans le dolmen MVI. Pour- tant des signes d'une continuité évidente existent également. Les

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campaniformes, fait exceptionnel, érigent eux-mêmes des monuments mégalithiques en s'inspirant du dolmen MVI et continuent à ériger des stèles anthropomorphes selon l'ancienne tradition. Seul le décor des dalles change: les figurations de poignard disparaissent au profit des représentations d'arc à double· courbure, les stèles se couvrent d'une ornementation géométrique très rich.e. On a donc l'impression que les nouveaux envahisseurs, probablemeht. peu nombreux, n'ont pas fait disparaître l'ancienne population de tradition méditerranéenne mais on peut-être simplement pris le ,<;ontrôle politique du groupe et récupéré pour leur compte l'ancienne idéologie représentée par les stèles.

La céramique grossière du Bronze ancien, qui suit immédiate- ment l'occupation campaniforme (dolmen MXI notamment), est en effet directement dans la tradition des céramiques du Néolithique récent.

Le Bronze ancien rhodanien trouve donc son origine dans un substrat indigène stable depuis longtemps ( céramique grossière) fé- condé par l'apport extérieur campaniforme.

La nouvelle métallurgie du füonze gagnera le Plateau suisse pendant les premières phases du Bronze ancien (1900-1700 av. J.-Ch.) et se heurtera aux populations de la céramique cordée. Son expansion restera donc limitée à la partie orientale du Léman et au pied des Préalpes vaudoises et fribourgeoises dans la partie haute du Plateau (A. et G. Gallay 1968). C'est seulement vers la fin du Bronze ancien, au moment où l'Allemagne du Sud-Ouest voit déjà fleurir la civi- lisation des Tumulus du. Bronze moyen, que la civilisation du Rhône occupera les stations littorales des grands lacs du Plateau vers 1500- 1400 av. J.-Ch., mettant fin aux dernières manifestations des civi- lisations néolithiques (Morges-lesRoseaux, Auvernier, Baldegg Arbon- Bleiche, cf. G. Gallay 1971, A. et G. Gallay 1972-73 ).

Le rapide tour d'horizon de l'évolution du Néolithiqlle suisse montre la, complexité du peuplement de nos régions. Nous· sommes loin de la conception de l'évolution en « marches d'escalier » de certains préhistoriens qu'on retrouve encore actuellement dans cer-

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tains tableaux chronologiques (Vogt 1967). Les termes habituellement utilisés pour désigner les ensembles étudiés font illusion et intro- duisent des facteurs de discontinuité qui voilent le caractère continu de certains phylums évolutifs. A ce titre nous pensons que Vallon des Vaux, Cortaillod Classique, groupe de Port-Conty, Néolithique de type Lüscherz, Yverdon et Auvernier doivent être pensés comme de simples étapes de l'évolution du Néolithique méditerranéen en Suisse. Cette optique tend à atténuer l'importance de certaines cou- pures diachroniques.

A l'opposé, il faut insister sur la présence simultanée de plusieurs civilisations situées à des stades techno-économiques différents et se partageant l'espace disponible. Les relations entre Céramique cor- dée et .Bronze ancien archaïque doivent être comprises dans cette perspective. Dans ce cas nous insistons sur les discontinuités syn- chroniques et donnons une priorité aux coupures géographiques.

Enfin nous avons connu plusieurs cas d'acculturation entre deux civilisations étra9gères. Ultime prolongement du Néolithique d'ori- gine méditerranéenne, le Néolithique d'Auvernier acquiert plusieurs éléments cordés (haches de combat, céramique, etc.). A Sion,' la civilisation du dolmen MVI est le résultat d'une évolution locale du substrat Néolithique moyen sur lequel se superposent des éléments Remedello (métallurgie du cuivre) et une nouvelle idéologie (stèles).

Dans le même site l'intrusion campaniforme se suffit pas à masquer la contin~ité du substrat et un équilibre complexe s'établit entre les deux composantes.

Continuité dans le substrat, oppositions spatiales et phénomènes d'acculturation paraissent être les trois points essentiels à retenir pour une explication du Néolithique suisse. De cette modification de notre vision dépend une meilleure compréhension de la dynami- que d'un peuplement.

ALAIN GALLAY Département d' Anthropologie

de l'Université de Genève

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2000

- REMEDELLO

2500

3000

3500

LÜSCHERZ CORTAILLOD

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AUVERNIER TRANCHEE TRAM AU'VEANIEJ1 ronr NIV 3

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NEOLITHIQUE CORTAILLOD CLASSIQUE MOYEN ONNENS. TIVOLI

BOURGIGNON

MAACILL V SUA TILLE

CHASSEY LAGOZZA

SAINT LEONARD

SAINT LEONARD SION NIV INF.

VALLON

DES VAUX SCHUSSEN·

RIED

Fig. 1 -Cadre chronologique et dy11amiqt1C' du peuplement néolithique suisse'

l. En abcissc, partition géographique. Caure nnir: Suisse occiuentale. Caure blanc: Suisse orientale.

2. En oruonnée, échelle chronologique: datations Cl4 non calibrées.

3. Flèches blanches: civilisations d'origine méditerranéenne.

4. Flèches grises: civilisations d'origine centre-européenne.

La dvilisntion du 1U1ônc découle de l'impact provoqué par le campaniforme d'ori,cdni:

cenrre-c,uropécnne ( flèche grise) mais reste pourcant dans la ligne évolutive du Néoli- thique récent d'origine méditerranéenne.

GRANDES MAJUSCULES: civilisations, groupes ou types.

PETITES MAJUSCULES: Sites clés.

Les termes situés à l'extérieur du cadre géographique désignent des ensembles situés entièrement ou en partie en dehors du territoire suisse.

2000

2500

3000

3500

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