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Z La punaise Zeus

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Academic year: 2022

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IN S E C T E S

3 2

n ° 1 9 2 - 2 0 1 9 ( 1 )

R ituels de couR ...

Par Alain Fraval

La punaise Zeus

épouse porteuse

Z

eus a avalé sa première femme, Metis. Il n’y a pas de meilleure explication au nom courant donné à des punaises Vélii- dés (Gerromorphes) australiennes, du genre Phoreticovelia : Zeus bugs. Le Phoretico du nom d’espèce est très parlant, en revanche. La fe- melle de P. disparata porte en effet le mâle (plus petit) sur son dos – et le nourrit.

Les Véliidés sont des insectes préda- teurs semi-aquatiques, qui marchent sur l’eau (calme) et plongent occa- sionnellement. On les trouve aussi sur les rochers et la boue. Chez la plupart, le 1er segment thoracique est plus large que l’abdomen.

P. disparata, décrite en 2000, en- démique de l’Australie, chasseuse nocturne dans les rivières tropicales, a surpris les entomologistes par son comportement sexuel unique, dont l’intérêt pour l’espèce n’est pas tout à fait clair.

Chez cette espèce, comme chez les 3 autres punaises du genre, il existe deux formes : des aptères et des ailés. Il n’y a rien de spécial à signaler à propos de ces ailés. En re- vanche, chez les aptères, on observe que les mâles (petits, 1 mm au plus) sont sur le dos des femelles (jusqu’à 2 mm), à qui ils volent une partie de leur nourriture (kleptoparasitisme).

Ils sont pourtant capables de se nourrir par eux-mêmes.

En plus, ces mâles transportés s’ali- mentent des sécrétions cireuses d’une paire de glandes dorsales de leur porteuse, des glandes qui appa- raissent avant la maturation sexuelle de celle-ci, dès le 4e ou 5e stade. Elles

sont absentes chez les femelles ailées, qui sont à peine plus grandes que les mâles.

Il n’y a ni cour ni pa- rade, le mâle (aptère) s’installe dès l’appa- rition des glandes et ne bouge plus de sa

place, accroché par des peignes de ses tarses antérieurs. On a vu des femelles continuer à porter un mâle mort. Des observations en nature (au nord du Queensland) ont mon- tré que pratiquement toutes les fe- melles aptères sont affublées d’un mâle, de jour (au repos) comme de nuit (en chasse). Les mâles (en surnombre dans la population) qui n’ont pas de monture adulte sont sur les larves. La monogamie semble la règle.

En nature, il apparaît que chaque forme est endogame. Si un mâle ailé grimpe sur une femelle, il n’y reste que peu de temps. Parce qu’il n’y trouve pas assez à manger ou qu’il n’arrive pas à s’agripper ? Au- cun mâle ne chevauche jamais une femelle ailée. Un pas vers la divi- sion en 2 espèces (spéciation sym- patrique) ?

Reste à expliquer pourquoi ce sont les femelles qui font un « don nuptial » et pas l’inverse, qui est la règle. Ce « transport amoureux », commencé tôt, réduit les chances de survie de la fiancée porteuse et, si elle survit, la longévité de l’épouse.

Pour le mâle, c’est évidemment tout bénéfice, une fois sa partenaire de- venue adulte en tous cas.

On imagine que la sélection favorise

les larves (4e et 5e stades) qui évitent d’accueillir un cavalier permanent – pour recevoir plusieurs lots de spermatozoïdes – ou se débrouillent pour que ce mâle soit le plus petit (et léger) possible. Effectivement, elles ne laissent pas les prétendants grim- per sur leur dos sans réagir.

Les punaises Zeus vivent en groupes populeux, avec un surcroît de mâles et les femelles sont capables de stoc- ker du sperme. Le nourrissage du partenaire sexuel mâle n’est pas une assurance contre le manque possible de gamètes viables. Il serait plutôt un moyen de limiter le kleptopa- rasitisme. Des mâles empêchés de prélever la sécrétion glandulaire se mettent à piquer leur porteuse. Ces glandes ne produisent qu’en pré- sence d’un mâle. On peut admettre que ce don nuptial n’est pas trop coûteux pour la femelle qui, grâce à lui, profite d’une plus grande part de ses proies. Ce serait donc une contre-adaptation à un comporte- ment qui a évolué à partir de celui, plus banal, de la garde des femelles par les mâles.

D’après notamment les travaux de Göran Arnqvist et ses collaborateurs - universités d’Uppsala (Suède) et Melbourne (Austra- lie). Dernier article : DOI 10.1007/s00265- 012-1347-y

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