• Aucun résultat trouvé

Texte 1 - Objet d étude : le théâtre du XVII e au XXI e siècle

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Texte 1 - Objet d étude : le théâtre du XVII e au XXI e siècle"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

 Œuvre intégrale : Molière, Le Malade imaginaire (1673).

Extrait : « Mademoiselle, ne plus ne moins […] de beaux discours. » (acte II, scène 5) Parcours associé : Spectacle et comédie.

5

10

15

THOMAS DIAFOIRUS.-Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon rendait un son harmonieux, lorsqu’elle venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens- je animé d’un doux transport à l’apparition du soleil de vos beautés. Et comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, Mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce cœur, qui ne respire ni n’ambitionne autre gloire, que d’être

toute sa vie, Mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari.

TOINETTE, en le raillant.- Voilà ce que c’est que d’étudier, on apprend à dire de belles choses.

ARGAN.-Eh ! que dites-vous de cela ? CLÉANTE.-Que Monsieur fait merveilles, et que s’il est aussi bon médecin qu’il est bon orateur, il y aura plaisir à être de ses malades.

TOINETTE.-Assurément. Ce sera quelque chose d’admirable, s’il fait d’aussi belles cures qu’il fait de beaux discours.

Molière, Le Malade imaginaire (II, 5 ; 1673).

20

25

30

(2)

Texte 1 - Objet d’étude : le théâtre du XVIIe au XXIe siècle

Remarque : ce corrigé n’est pas rédigé intégralement, de manière à faciliter les révisions. Ne pas adopter ce genre de présentation lors de la rédaction d’un commentaire organisé.

1. Présentation de l’extrait

En 1673, dans Le Malade imaginaire, Molière met en scène Argan, qui fait vivre son entourage au rythme de ses maladies imaginaires et qui, par intérêt personnel, veut marier sa fille Angélique à un étudiant en médecine. Ce texte est issu de la scène centrale de la dernière comédie du dramaturge ; une scène qui confronte deux camps qui s’opposent au sujet du mariage d’Angélique.

Il s’agit ici du moment où Thomas Diafoirus, fils d’un médecin d’Argan, doit faire sa déclaration et demande au bourgeois la main de sa fille.

De son côté, Cléante, jeune homme qui aime Angélique, a pu, grâce à Toinette, entrer dans la maison d’Argan (il passe pour le remplaçant du maître de musique d’Angélique) ; il est donc contraint d’assister au spectacle pathétique d’une jeune homme maladroit qui ne connaît sa future épouse que depuis quelques instants.

2. Structure, mouvements du texte

Les deux mouvements que nous pouvons délimiter dans l’extrait : a) le compliment maladroit et emphatique de Thomas (l. 1-21) ; b) les réactions contrastées de l’auditoire (l. 22-33).

3. Lecture expressive de l’extrait

4. Annonce de la problématique (projet de lecture)

Ma lecture commentée se propose de répondre à la question suivante : “Comment Molière suscite-t-il le rire en représentant le danger d’un mariage arrangé ?ˮ

5. Explication linéaire

Le premier mouvement du texte est la tirade de l’étudiant en médecine, remarquable d’emphase et de ridicule, qu’il faut imaginer prononcée sous un costume de médecin de l’époque (haut chapeau, fraise autour du cou, habit long).

Les gestes d’orateur mal maîtrisés et les hésitations et tremblements divers sont au nombre des particularités scéniques de l’extrait.

Le nom du personnage : le nom « Diafoirus », qui combine le préfixe grec dia, le suffixe latin à connotation savante -us et le mot français réaliste foire (qui désigne aussi la diarrhée), souligne le ridicule d’un apprenti médecin réduit, comme son père, à la prescription de lavements.

D’emblée le spectateur saisit que Thomas n’est sorti ni des cours de l’Université, ni de l’emprise exercée par un père autoritaire. Sa maladresse est exagérée à des fins comiques, et on rappelle qu’il vient de prendre Angélique pour sa belle-mère, ce qui disqualifie de toute façon le compliment qu’il s’apprête à énoncer.

Le « compliment » de Thomas est rigoureusement structuré et repose sur la syntaxe oratoire latine des périodes : trois périodes, longues phrases présentant une phase ascendante plus longue (protase), un sommet (« soleil » ;

« astre du jour », « toute sa vie ») et une phase descendante (apodose). On l’a compris, il ne s’agit d’un poème lyrique improvisé, mais d’une sorte de démonstration.

La 1ère phrase se distingue par :

-la longue comparaison homérique (« ne plus ne moins…, tout de même », l. 2 et 5) ; cette comparaison, pourtant bien entamée, est gâchée à la fin par l’expression redondante « soleil de vos beautés » (l. 7) ;

-la référence érudite aux colonnes de Memnon, au bord du Nil (l. 2-5) et à la légende qui leur est associée ;

-l’emploi de l’expression archaïque, même à l’époque de Molière, « ne plus ne moins » (l. 2) : vient du latin nec (« et… ne… pas »). « Ne » a été supplanté par « ni » dès le XVIIe s., mais Thomas emploie l’ancienne forme à dessein, pour impressionner Angélique par un vocabulaire recherché.

Un personnage n’a pas pris la parole, alors même qu’elle est présente : Angélique. C’est la façon qu’a choisie Molière pour signifier l’inutilité et la vacuité de la déclaration du jeune Thomas. Le spectateur imagine une Angélique témoignant silencieusement d’un certain dégoût.

Dans la 2e période, nous constatons que le jeune homme persiste dans sa volonté d’exposer son érudition et la maîtrise d’un discours complexe. Soyons sensibles :

-aux expressions hyperboliques (« sans cesse », « toujours », « son pôle unique » ; l. 9-10, 12, 14) qui alourdissent le propos et donnent à la déclaration un caractère ampoulé.

-à l’emploi d’une nouvelle expression ancienne : « dores-en-avant » est supplanté dès le XVIe s. par « dorénavant » ! -à une nouvelle comparaison, cette fois de nature scientifique : le jeune étudiant y décrit l’héliotrope (l. 7-10) à l’intérieur d’une structure aussi longue que la première. L’emploi de l’expression de l’expression « les naturalistes

(3)

-à la redondance créée par le développement inutile de cette comparaison (« les astres resplendissants de vos yeux », l. 12-13). Il faut aussi remarquer que l’association métaphorique « beauté de la femme - astre » relève de la banalité poétique.

-au rythme ternaire qui caractérise l’énoncé de ces deux périodes (« Et comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, // aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, // ainsi que vers son pôle unique ») : ce rythme est habituellement adapté à la rhétorique argumentative. Son emploi suggère une certaine maladresse qui s’oppose à la sincérité lyrique qu’on attendrait dans ce genre de situation.

-au comique de situation : Thomas fait allusion, dans un langage périphrastique et précieux (« vos yeux adorables »,

« vos beautés » ; l. 7 et 13) au charme physique d’Angélique, alors qu’il vient de la rencontrer !

La 3e période ne contraste en rien avec l’impression générale d’un discours amoureux qui manque sa cible :

-la conj. de coord. « donc » relève de la démonstration ; celle-ci est pour le moins rudimentaire, car elle revient à dire : « Vous êtes d’une beauté radieuse, par conséquent je vous sacrifie mon coeur ».

-une 3e comparaison cliché apparaît, celle du coeur porté sur l’autel de la dame (« j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce coeur », l. 15-17) : le déictique précieux (« ce » au lieu de « mon ») et l’emploi du terme religieux spécialisé « appende » expriment une solennité exagérée.

-la phrase se termine par la formule administrative « votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur » complétée in extremis par « et mari » (l. 21), ce qui ôte à la déclaration toute spontanéité et brise le rythme ternaire, si bien que l’effet de fermeture de la période est annulé.

Ce discours précieux, qui relève davantage de la récitation d’écolier que de la déclaration sincère, produit des effets opposés sur les autres personnages, selon leur camp.

-Toinette, quoiqu’elle parle peu, joue un rôle important : ses courtes remarques ironiques (voir la didascalie, l. 22) font d’elle le porte-parole discret de l’auteur et indiquent implicitement au spectateur que cette scène est plus sérieuse qu’il n’y paraît. Aux lignes 22-24, dans la réplique « Voilà ce que c’est que d’étudier, on apprend à dire de belles choses », on note la mise en relief par les deux présentatifs « voilà » et « c’est », l’absence de lien logique causal entre les deux propositions, ainsi que l’antiphrase « belles choses ». L’admiration est catégorique et ne trompe pas le public, puisqu’il sait que le but de Toinette est d’empêcher ce mariage et de démasquer les intentions de Béline.

-Argan, au contraire, est sincèrement émerveillé, comme l’indiquent l’interjection « eh » et l’interrogative enthousiaste (« que dites-vous de cela ? », l. 25).

-Cléante prend sur lui et donne le change, comme Toinette sur un mode ironique : les deux propositions complétives coordonnées expriment une feinte admiration soulignée par les termes appréciatifs « bon » (répété), « fait merveilles » et « il y aura plaisir à » (l. 26-30). Cléante cache ses sentiments et emprunte l’hyperbole à Thomas afin de participer à la duperie orchestrée par Toinette : quand le médecin est compétent, qu’il est doux d’être malade... Le public apprécie à ce moment le comique de situation et la satire sociale.

-Aux lignes 30-33, Toinette imite la syntaxe conditionnelle adoptée par Cléante (« s’il fait d’aussi belles cures ») pour mettre en valeur la déclaration de Thomas. Cependant, il ne faut pas oublier que l’adjectif « admirable » (l. 31) signifie étymologiquement « étonnant », « surprenant » : il peut donc revêtir une connotation ironique dans la bouche de qui l’emploie -cela est courant au XVIIe siècle. De plus l’adjectif « belles » a de quoi surprendre : on n’attend pas des médecines qu’elles aient quelque valeur esthétique, mais qu’elles s’avèrent efficaces ! Là aussi, on peut relever une forme d’ironie de la part de la servante.

6. Conclusion

Pour Molière, la comédie se proposait à la fois de faire rire le public, mais aussi de l’instruire : la scène, très efficace à la représentation, mêle les comiques de langage, de situation, de caractère, mais elle est plus sérieuse qu’il n’y paraît : Molière y fait la satire des mœurs de son temps et de certains contemporains. Ses cibles : l’ignorance admirant la pédanterie, les discours maniérés et emphatiques, les médecins incompétents et cupides, les mariages arrangés.

Après avoir entendu le «contre-portrait» de Thomas par son père le docteur Diafoirus, Angélique recevra deux présents déconcertants de la part de son futur époux : une «grande thèse roulée» et le spectacle d’une «dissection» ! À ce moment du spectacle, le public se demande comment Angélique et Cléante vont pouvoir se débarrasser d’un tel obstacle à leurs amours.

7. Question de grammaire

Analysez les propositions dans la dernière phrase de l’extrait.

(4)

Texte 2 - Objet d’étude : le théâtre du XVII

e

au XXI

e

siècle

 Œuvre intégrale : Molière, Le Malade imaginaire (1673).

Extrait : « Hoy ! Vous êtes un grand médecin […] à la Faculté. » (acte III, scène 3) Parcours associé : Spectacle et comédie.

5

10

15

20

ARGAN.- Hoy ! Vous êtes un grand docteur, à ce que je vois, et je voudrais bien qu’il y eût ici quelqu’un de ces messieurs pour rembarrer vos

raisonnements, et rabaisser votre caquet.

BÉRALDE.- Moi, mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine, et chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît.

Ce que j’en dis n’est qu’entre nous, et j’aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes, et, pour vous divertir, vous mener voir sur ce chapitre quelqu’une des comédies de Molière.

ARGAN.- C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d’aller jouer

d’honnêtes gens comme les médecins.

BÉRALDE.- Ce ne sont point les

médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine.

ARGAN.- C’est bien à lui à faire de se

mêler de contrôler la médecine ; voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s’attaquer au corps des médecins, et d’aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces messieurs-là.

BÉRALDE.- Que voulez-vous qu’il y mette, que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d’aussi bonne maison que les médecins.

ARGAN.- Par la mort non de diable, si j’étais que des médecins, je me

vengerais de son impertinence ; et quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le

moindre petit lavement, et je lui dirais : "Crève, crève ! cela

t’apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté".

Molière, Le Malade imaginaire (III, 3 ; 1673).

9

25

30

35

40

45

(5)

1. Présentation de l’extrait

« Corriger les hommes en les divertissant » est la devise que Molière énonça dans son Premier

Placet au Roi au sujet de Tartuffe (1664). Sa conception du théâtre ne se limite pas à un simple amusement

mais comporte une dimension didactique voire satirique, faisant de ses nombreuses comédies de véritables apologues. Qu’il s’agisse de la critique de l’aveuglement religieux dans Tartuffe, de l’hypocrisie et des rapports humains dans Le Misanthrope ou de la morale dans Don Juan, Molière apparaît comme une figure subversive au cœur du XVII

e

siècle classique. Le Malade Imaginaire, comédie-ballet représentée pour la première fois en 1673, s’inscrit dans un autre topos théâtral, celui de la critique de la médecine.

Argan, hypocondriaque invétéré, est en effet manipulé par les médecins et sa deuxième femme, qui profitent de sa peur intrinsèque de la mort pour le manipuler et lui soutirer de l’argent. Après avoir assisté à une caricature des médecins dont le jargon et l’attitude outrée ne sont que le reflet de leur ignorance, le dramaturge construit, dans cette scène 3 de l’acte III, une opposition entre Argan et son frère Béralde sur le thème de la légitimité même de la médecine.

2. Structure, mouvements du texte

Voici les trois mouvements que nous pouvons délimiter dans l’extrait : a) une violente opposition entre la radicalité et la sagesse pondérée (l. 1-15) ; b) de la satire à l’autodérision du dramaturge (l. 16- 35) ; c) la démesure verbale d’Argan (l. 36-46).

3. Lecture expressive de l’extrait

4. Annonce de la problématique (projet de lecture)

Nous verrons comment Molière réussit l’alliance entre une confrontation attendue entre deux personnages et une réflexion métalittéraire sur la nature même du théâtre.

5. Explication linéaire

a) Violente opposition entre radicalité et sagesse pondérée (l. 1-15)

L’ironie agressive d’Argan se manifeste dès la ligne 1 dans l’interjection familière «Hoy !» renforcée par l’exclamation : elle exprime à la fois la surprise et la raillerie. L’hyperbole antiphrastique « vous êtes un grand docteur » intensifie la critique de la modération bienveillante de Béralde. Mais le ton agressif d’Argan n’est pas tempéré par l’énoncé d’arguments personnels : il n’arrive pas seul à réfuter le jugement de son contradicteur et convoque au conditionnel simple et au subjonctif imparfait (expression de l’irréel du présent) le secours de « quelqu’un de ces messieurs ». Mais aucun fait, ni aucune idée construite ne lui viennent à l’idée : le malade imaginaire emploie de nouveau deux expressions familières et imagées :

« rembarrer » et « rabaisser votre caquet », soulignées par l’allitération en [R].

Béralde apparaît comme un contradicteur calme et tempéré : les phrases complexes et bien construites sont le reflet de sa pensée ; la rigueur de sa langue est celle de son raisonnement, incarnant l’idéal de l’honnête homme classique. Le pronom personnel tonique « moi » et l’apostrophe hypocoristique « mon frère » de la l. 6 marquent bien sa différence, de même que la locution adverbiale « ne … point » (l. 6-7). La proposition relative périphrastique « tout ce qu’il lui plaît », complément du verbe « croire », souligne la tolérance de Béralde, mais il s’agit aussi d’un stratagème rhétorique pour ne pas déclencher la colère de son irascible contradicteur. Contrairement à son frère, Béralde emploie un vocabulaire précis et soigné, et il se peut qu’Argan ne saissise pas la portée de l’avertissement fraternel contenu dans l’expression « à ses périls et fortune » et la différence entre « penser » et « croire ». Dans la phrase suivante, la négation restrictive « n’est qu’entre nous » donne un cadre intime à une communication apaisée et confiante et introduit un conseil timide (« un peu ») d’amateur de pièces de théâtre instructives. Le rythme ternaire rend la même impression d’ordre, de calme et de volonté de convaincre par la proposition de mener Argan à un spectacle « de Molière ». L’autocitation est mise en valeur par sa position en fin de réplique ; on imagine la réaction amusée et/ou surprise du public, inquiet de celle d’Argan !

b) De la satire à l’autodérision du dramaturge (l. 16-35)

Béralde insiste sur la dimension morale des comédies de Molière tout en rappelant leur fonction

« diverti[ssante] » (l. 13), mais à la simple évocation du nom de Molière, Argan s’emporte : la mise en

(6)

relief méprisante « C’est […] que votre Molière » et l’antiphrase de l’adjectif dans « je le trouve bien plaisant d’aller jouer » suggèrent que l’invitation de Béralde n’a en rien entamé l’aveuglement forcené d’Argan. Cette figure de style est d’autant plus savoureuse que c’est Molière lui-même qui jouait le rôle d’Argan en 1673. Les termes « impertinent » et « jouer » (= « se moquer de » ; l. 16 et 18) soulignent le parti pris radical d’un bourgeois qui ne saurait se représenter un médecin malhonnête.

Béralde ne désarme pas et introduit une distinction éclairée en usant de la répétition dérivationnelle « médecin » / « médecine » (l. 21-22) afin de nuancer son propos : « Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine ». La devise du théâtre comique selon Molière, devenue au XVIII

e

s.

« castigat ridendo mores (« Il corrige les mœurs en faisant rire »), est à nouveau tenue en haute estime par Béralde.

L’acmé de la colère d’Argan est atteint à la réplique suivante, où abondent les procédés de l’exagération et de l’insulte outrancière : les présentatifs « c’est » et « voilà », les termes modalisateurs « bien » et « bon », l’emploi du nom « nigaud », la répétition d’« impertinent » et le rythme ternaire qui permet à Argan de scander les prétendus méfaits de Molière, tout concourt, à rebours de l’avis d’Argan, à défendre le droit de critiquer et d’exercer le métier de comédien. L’opposition entre médecin et théâtre prend ici une dimension sociale : les comédiens étaient déconsidérés au XVII

e

s., et il faut aussi comprendre le recours au registre épidictique comme la volonté de conférer aux professionnels du théâtre une certaine respectabilité.

La liberté du théâtre de Molière est ensuite célébrée par Béralde à la ligne 31 par la question rhétorique

« Que voulez vous […] professions des hommes ? ». L’argument, souligné par la subordonnée comparative

« aussi […] que les médecins » et l’emploi du présent de vérité générale, est imparable : l’évocation des « princes et des rois » défend l’absence de limite à la dimension satirique du théâtre de Molière.

c) La démesure verbale d’Argan (l. 36-46)

L’outrance de ses propos est particulièrement prégnante dès la ligne 36 : le juron complexe « Par la mort non de diable ! » évite certes le blasphème (« diable » remplaçant « Dieu »), mais l’emploi de la tournure conditionnelle d’irréel du présent « si j’étais […] je me vengerais » exprime le mélange de détresse et de violence qui caractérise un personnage en proie au délire de persécution. Argan se sent mis en cause et imagine tirer vengeance des « impertinences » (3

e

occurrence par dérivation) de Molière. Le passage au conditionnel, marqué par le suffixe « -rais » (« vengerais », « laisserais, « aurait », « ordonnerais »,

« dirais » ; l. 38-41 et 44) montre ce désir d’Argan de se métamorphoser en médecin vengeur qui condamnerait Molière sans même le secourir. Ici, le comique repose sur une inversion complète du serment d’Hippocrate. L’apogée comique de cette vengeance est exprimé par la répétition familière du verbe « crève » à l’impératif. Le comique de répétition est aussi exprimé par le parallélisme « la moindre petite saignée, le moindre petit lavement », ce qui n’est pas sans rappeler la scène d’exposition qui présentait ces deux méthodes comme salvatrices.

6. Conclusion

La scène est comique par la réflexion métathéâtrale qu’elle engage. De plus, par un savant procédé d’inversion des rôles, Béralde détourne la sagesse attribuée aux médecins par Argan au bénéfice de Molière : être sage, c’est aussi savoir se méfier de l’orgueilleuse prétention et de l’hypocrisie de certains médecins. Par la suite, son argumentation reposera sur un paradoxe comique : pour guérir, il faut refuser de se faire soigner ou être en bonne santé !

Ces propositions en apparence absurdes et propres à discréditer Béralde ainsi que Molière, ne manquaient pas de logique à une époque où la connaissance du corps humain était encore imparfaite.

L’extrait ne laisse pas de nous avertir sur les dangers de raisonner sur des croyances et des superstitions.

Enfin, avec une certaine émotion, le lecteur du Malade imaginaire ne peut s’empêcher d’entendre dans cet extrait quelques paroles prémonitoires : Argan imagine donner la mort à un Molière épuisé et malade, qui expirera peu après la 4

e

représentation à 51 ans. La pièce parle donc plus qu’on ne pense de son auteur, qui mène bataille contre son mal (sans doute une pleurésie) et ne trouve, contrairement à Argan dont les maux sont imaginaires, aucun remède capable de le soigner.

7. Question de grammaire

Analysez les propositions de la phrase : « Que voulez-vous qu’il y mette, que les diverses professions des hommes ? »

« Que voulez-vous » : proposition principale ; « qu’il y mette, que les diverses professions des

hommes ? » : PS conjonctive complétive

(7)

 Œuvre intégrale : Molière, Le Malade imaginaire (1673).

Extrait : « Je pensais, Madame, […] de faire bien des choses. » (acte III, scène 12) Parcours associé : Spectacle et comédie.

5

10

15

20

25

30

TOINETTE.- Je pensais, Madame, qu’il fallût pleurer.

BÉLINE.- Va, va, cela n’en vaut pas la peine. Quelle perte est-ce que la sienne, et de quoi servait-il sur la terre ? Un homme incommode à tout le monde, malpropre, dégoûtant, sans cesse un lavement ou une médecine dans le ventre, mouchant, toussant, crachant toujours, sans esprit, ennuyeux, de mauvaise humeur, fatiguant sans cesse les gens, et grondant jour et nuit

servantes, et valets.

TOINETTE.- Voilà une belle oraison funèbre.

BÉLINE.- Il faut, Toinette, que tu m’aides à exécuter mon dessein, et tu peux croire qu’en me servant ta récompense est sûre. Puisque par un bonheur personne n’est encore averti de la chose, portons-le dans son lit, et tenons cette mort cachée, jusqu’à ce que j’aie fait mon affaire. Il y a des papiers, il y a de l’argent, dont je me veux saisir, et il n’est pas juste que j’aie passé sans fruit auprès de lui mes plus belles années. Viens, Toinette, prenons auparavant toutes ses clefs.

ARGAN, se levant brusquement.- Doucement.

BÉLINE, surprise, et épouvantée.- Ahy !

ARGAN.- Oui, Madame ma femme, c’est ainsi que vous m’aimez ?

TOINETTE.- Ah, ah, le défunt n’est pas mort.

ARGAN, à Béline qui sort.- Je suis bien aise de voir votre amitié, et d’avoir entendu le beau panégyrique que vous avez fait de moi. Voilà un avis au lecteur, qui me rendra sage à l’avenir, et qui m’empêchera de faire bien des choses.

Molière, Le Malade imaginaire (III, 12 ; 1673).

9

35

40

(8)

Texte 3 - Objet d’étude : le théâtre du XVII

e

au XXI

e

siècle

Ce corrigé n’est que partiellement rédigé.

1. Présentation de l’extrait

« Corriger les hommes en les divertissant » est la devise que Molière énonça dans son Premier Placet au Roi au sujet de Tartuffe (1664). Sa conception du théâtre ne se limite pas à un simple amusement mais comporte une dimension didactique voire satirique, faisant de ses nombreuses comédies de véritables apologues. Qu’il s’agisse de la critique de l’aveuglement religieux dans Tartuffe, de l’hypocrisie et des rapports humains dans Le Misanthrope ou de la morale dans Don Juan, Molière apparaît comme une figure subversive au cœur du XVIIe siècle classique. Le Malade Imaginaire, comédie-ballet représentée pour la première fois en 1673, s’inscrit dans un autre topos théâtral, celui de la critique de la médecine.

Argan, hypocondriaque invétéré, est en effet manipulé par les médecins et sa deuxième femme, qui profitent de sa peur intrinsèque de la mort pour le manipuler et lui soutirer de l’argent. Dans la scène III, 12, Toinette a convaincu Argan de « contrefaire le mort » afin de prouver à Béralde les bienveillantes intentions de Béline à l’égard de son époux. Bien entendu, Toinette œuvre sournoisement pour un maître victime de son aveuglement devant la cupidité de Béline. Celle-ci vient donc d’apprendre le décès d’Argan.

2. Structure, mouvements du texte

Voici les trois mouvements que nous pouvons délimiter dans l’extrait : a) un portrait à charge d’Argan (l.1-15) ; b) le projet de Béline (l. 16-28) ; c) la première étape du dénouement (l. 29-43).

3. Lecture expressive de l’extrait

Insister sur la dissimulation et l’ironie de la servante Toinette et la colère d’Argan.

4. Annonce de la problématique (projet de lecture)

Comment Molière fait de Toinette un personnage central de la comédie ? Comment ce personnage nous rend- elle complices de ses stratagèmes ?

5. Explication linéaire

a) Portrait à charge d’Argan (1-15)

-Explication du titre : on peut l’entendre de deux manières (celui qui se croit malade / celui que son épouse croit malade), dans la mesure où Béline ne semble pas étonnée de la nouvelle et ne cherche pas à savoir les causes du décès.

-Apprécier la valeur de la double énonciation : a) Argan va entendre ce que dit Béline sans qu'elle le sache ; Argan va donc accéder aux mêmes informations que le public. b) Toinette joue la discrétion et redevient une domestique docile dans la première réplique du passage (le verbe d’opinion à l’imparfait « pensais », à la l. 1, exprime une sorte d’humilité ; il est associé au titre « Madame », placé en incise). Toinette, qui d'habitude s'exprime beaucoup, n'intervient que peu dans cette scène, afin de laisser Béline s'exprimer le plus longuement possible, et ainsi qu'elle se livre à Argan et au spectateur.

-La réplique de Béline est d’abord marquée par le détachement (expression familière « va, va », l. 3 ; associée au pronom neutre « cela », très péjoratif car il représente avec distance la mort de son époux.

-Suit une question oratoire dont la fonction est également de réifier Argan (« de quoi servait-il », l. 5).

-Caractère cupide de Béline : se lit dans l’emploi des termes « valait » et « perte » (l. 3 et 4).

-Le portrait d’Argan se distingue par la vivacité qui caractérise toute phrase averbale (le verbe conjugué sous- entendu étant « était » : « Argan était…, l. 5-13) et par la figure de style d’insistance : l’accumulation.

-Celle-ci additionne treize défauts ! On remarque que les défauts relèvent à la fois de l’humeur générale d’Argan, de sa santé et des conséquences des remèdes appliqués à son corps. Outre les termes dépréciatifs, le public est sensible à l’expression de l’intensité et de la fréquence (« sans cesse », l. 7 et 11 ; groupe pronominal

« tout le monde », l. 6 ; expressions adverbiales « toujours », l. 10 et « jour et nuit », l. 12).

-La synthèse suivante (présentatif « voilà » de la l. 14) montre l’ironie de Toinette (antiphrase contenue dans

« une belle oraison funèbre ») ; elle s’adresse davantage au public qu’elle oriente, si besoin en était, vers l’interprétation d’une Béline ingrate et hypocrite.

b) Le projet de Béline (16-28)

(9)

-L’expression « exécuter mon dessein » (l. 17) dévoile aux oreilles d’Argan les réelles intentions de Béline, qui veut s’emparer de la fortune d’Argan à sa mort.

-Béline emploie un ton assuré ; la modalité injonctive suggère qu’elle compte sur les services de Toinette pour mettre la main sur les biens de son époux (« Il faut », l. 16 ; « tu peux me croire », l. 18).

-Le GNP « par un bonheur » (l. 19-20) affirme cette fois explicitement que le décès d’Argan la réjouit et lui offre une perspective d’enrichissement immédiat, à condition que le secret soit gardé (« tenons cette mort cachée », l. 21).

-Dans le même temps, le public constate avec des sentiments contrastés rabaissement d’Argan → ''la chose'' (l.

21) a la même fonction réductrice que le pronom démonstratif ''cela'' et le GN ''cette mort'' (l. 22). Ces termes, neutres ou exprimant une distance chargée de mépris, accusent ouvertement Béline.

-Reprise du champ lexical des biens ou du patrimoine (« argent » ; « affaire » ; « fruit ») : Béline veut au plus vite signer les papiers auxquels Argan, se croyant malade, a souscrit.

-Les deux dernières phrases sont courtes, nerveusement ponctuées et scandées par les injonctions faites à Toinette, de la ligne 21 à 27 (« portons » ; « tenons » ; « viens », « prenons ») : Béline veut agir vite et ne négliger aucun calcul. Hélas pour elle, le dernier calcul (elle veut s’emparer de « toutes [l]es clefs » d’Argan, l.

28) aboutit à une réaction immédiate d’Argan qui se redresse, sorte d’habile transition vers la première étape du dénouement.

c) La première étape du dénouement (29-43)

Ce portrait amusant par son caractère caricatural est conçu pour mettre fin à la naïveté d'Argan à l’égard de sa femme. Aussi le public assiste-t-il à un retournement de la situation de Béline, qui s’avère une piètre metteuse en scène par comparaison avec Toinette.

-La didascalie de la l. 29 et l’adverbe « doucement » (l. 30) indiquent sans ambiguïté l’accès à la lucidité d’Argan.

-La confrontation avec Béline est matérialisée par la didascalie « surprise, et épouvantée » (l. 31) et l’interjection « ahy ! » à la ligne suivante.

-La mise en relief « c’est ainsi que » (l. 34) et le type interrogatif permettent à Argan de réaffirmer son autorité et sa prise de distance : le spectateur comprend que Béline ne peut plus désormais exercer son influence sur Argan.

-Toinette aussi se révèle ; elle ne réprime que discrètement sa satisfaction (répétition de l’interjection « ah! », l.

35). Le public apprécie ce commentaire que lui-même aurait pu énoncer, sous la forme d’un jeu de mots relevant de l’adynaton, car il exprime un fait impossible : « le défunt n’est pas mort » (l. 35-36), sommet comique du passage.

-La marche vers une résolution dramatique se poursuit. Une didascalie nous apprend la sortie de Béline : Argan peut à son tour accabler son épouse de reproches teintés d’ironie (« je suis bien aise », l. 37-38 ; « voir votre amitié », l. 38 ; « beau panégyrique », l. 39). Il savoure amèrement sa victoire, qui consiste à accéder à la conscience pleine de la réalité : il n’est pas aimé pour ce qu’il est ; on se plaît et on a intérêt à le savoir angoissé par la maladie.

-L’expression spécialisée « avis au lecteur » (l. 41) et les futurs de certitude, soulignés par la double subordonnée relative, annoncent cependant un revirement. Mais le mystère demeure : le GN « bien des choses » ne désigne pas directement quelque action qu’Argan aurait résolu d’accomplir. Certes le public s’attend que la situation d’Angélique s’améliore.

6. Conclusion

La scène III, 12 nous a permis d’apprécier le rôle central que Molière a confié à son personnage, son véritable double dans cette « comédie dans la comédie » : Toinette. En effet, après Argan, c’est à Béline de faire les frais de ses stratagèmes.

Elle ne s’arrête pas là en cette fin de scène, et invite son maître à rejouer ce douloureux rôle du défunt, cette fois sous les yeux d’Angélique. À la fin de cette nouvelle comédie, le maître de maison prendra conscience des sentiments filiaux de sa fille, et renoncera au mariage prévu.

7. Question de grammaire

Analysez les propositions de la dernière phrase de l’extrait.

Références

Documents relatifs

« J’aborde Le Tartuffe, explique Yves Beaunesne, non à partir de l’hypocrisie conçue comme un moyen, mais à partir du pouvoir de fascination que peuvent exercer certains

Les actions VILLAGE cherchent à susciter l’intérêt des ci- toyens à observer la biodiversité de leur territoire grâce à des proto- coles simples issus de la

Chaque erreur est signalée par une croix en début de ligne. À toi de jouer le rôle de correcteur. 2) Note la forme corrigée dans la colonne de gauche du tableau au verso. 3) Dans

Chaque erreur est signalée par une croix en début de ligne. À toi de jouer le rôle de correcteur. 2) Note la forme corrigée dans la colonne de gauche du tableau au verso. 3) Dans

Chaque erreur est signalée par une croix en début de ligne. À toi de jouer le rôle de correcteur. 2) Note la forme corrigée dans la colonne de gauche du tableau au verso. 3) Dans

Mais parents son très intelligents mais ils n’ont pas réalisés que partager ça semaine d’anniversaire avec sa sœur aînée gâche la moitié du plaisir.. Comment avoir

DOCUMENT N°4- Dominique Pinon, Le danseur en perdition, « Danse pour succéder à son corps » p 126…, L’Acte inconnu, mise en scène de Novarina, Avignon 2007..

Lorsque la Scène Nationale d’Angoulême m’a passé commande d’un montage de monologues de théâtre autour de la thématique du héros pour les Lycéens charentais, j’ai