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Votre âme, vous l’estimez à combien, environ ?

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

8 février 2012

actualité, info

en marge

Dans certains dictionnaires on la retrouve étrangement coincée entre deux adjectifs : ambulatoire et améliorable. Elle nous vient en ligne droite du latin anima ; souffle, vie).

Le souffle ? Très précisément puis­

que la rendre c’est expirer. Fut un temps où la question de son exis­

tence ne se posait pas. Plus préci­

sément un temps où le fait de poser cette question ne prolongeait guère votre espérance de vie. Puis des médecins commencèrent à ouvrir des corps ; pour mieux comprendre.

Enfuie, elle était toujours là. Vint l’époque, pas si lointaine, où des hommes de science prirent les choses à bras­le­corps. Le système métrique était disponible et les outils de pesa ge forgés. Le vivant était démem bré et classé. On allait voir ce qu’on allait voir.

11 mars 1907 (bientôt 105 ans).

Outre­Atlantique, le Dr Duncan MacDougall (1866­1920) est à la Une du New York Times. Il pense que l’âme a une masse, sinon un poids. Et il le prouve mordicus.

Pragmatique (comme on sait l’être dans son pays), MacDougall avait pesé six patients très peu de temps avant, puis immédiatement après leur mort. Son constat, dit­on, le troubla. Il repro duisit l’expérience

sur quinze chiens ayant trouvé la mort à cette seule fin expérimentale.

Aucune variation sur les quinze, à la notable différence de ce qui avait été observé dans les six cas précé­

dents. Retour en arrière ; révisions des résultats ; élimination des biais biologiques. Déduction logi que : la différence observée de 21 grammes (plus précisément de trois quarts d’once) de part et d’autre de l’ex­

piration ne peut que correspondre qu’à ce qui a quitté (s’est échappé du ?) le corps pour, sans doute, ga­

gner d’autres cieux. Ni plus ni moins que l’obtention de la preuve jus qu’alors inédite de l’existence, un instant matérielle, des âmes humaines et de l’inexistence des âmes canines. Et incidemment une réponse définitive à la belle âme à particule (1790­1869) qui, de l’autre côté de l’Atlantique, s’interrogeait sur celles des objets inanimés.

La théorie des trois quarts d’once fit long feu. On critiqua la faiblesse de l’échantillon initial, l’imprécision des tares, la relative grossièreté du trébuchet. Et encore : quid de la rigi dité cadavérique, de l’arrêt des fonctions vitales, des évaporations d’humeurs et autres pertur bations on ne peut plus terres tres ? Qui plus est, le travail n’avait pas été mené

en double aveugle. Le syllogisme rôdait : «Par hypothèse, il existe une âme. A la mort, le corps hu­

main perd du poids. Cette perte n’est pas expli cable biologique­

ment, c’est donc la masse de l’âme.»

Bref, il fallait reprendre tout ceci, faire preuve d’un peu plus de rai­

son. Quitte à faire financer l’affaire par le Saint­Siège qui, semble­t­il, penchait plutôt pour la théorie de l’âme immatérielle. Ce qui aurait permis de faire une croix sur les méchantes attaques de conflit d’in­

térêt.

Le Vatican n’a pas bougé. Un siècle plus tard, la bien vieille et bien pas­

sionnante question revient ; avec cette fois des images de cerveau en action. Et nous sommes toujours de l’autre côté de l’Atlantique. Le travail a été finan cé par l’U.S. Of­

fice of Naval Research, l’Air Force Office of Scientific Research et la National Science Foundation. Un siècle a passé. On ne touche plus aux moribonds. L’heure n’est plus à la comparaison entre le vivant bien vivant et le mort qui l’est tout juste. On a recours à la sophis tica­

tion de la neuro­imagerie fonction­

nelle, en l’espèce associée sinon à un syllogisme. du moins à quelques artifices de langage.

Il faut, cette fois, nous télétranspor­

ter sur le site de la célèbre revue anglaise Philosophical Transactions of the Royal Society.1 On pose l’hypo thèse de l’existence de l’âme humaine. On vous explique sans rire que «vendre son âme» c’est

renon cer aux valeurs qui nous sont les plus chères ; que ce renonce­

ment requiert un processus cognitif bien particulier, bien différent des autres types de décisions. Et l’on vous invite à suivre une étude de neurosciences, menée sous l’égide de l’Université Emory.

Résumons. Il serait désormais éta­

bli (par voie d’images) que notre cerveau traite de manière spécifique les décisions relatives aux valeurs personnelles les plus pré cieu ses, sur lesquelles nous refu sons en géné ral de nous «désa vouer», et ce même lorsqu’il y a un enjeu im­

Votre âme, vous l’estimez à combien, environ ?

Article du New York Times du 11 mars 1907 : «l’âme a une masse, pense

un médecin»

Source Wikipedia.org/LDD

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Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

8 février 2012

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a Plus de détails sont disponibles via ce lien : http://rstb.royalsocietypublishing.

org/content/suppl/2012/01/18/rstb.

2011.0262.DC1/rstb20110262supp1.

pdf Bibliographie

1 Berns GS, Bell E, Capra CM, et al. The price of your soul : Neural evidence for the non-utilitarian representation of sa- cred values. Phil Trans R Soc B 2012;

367:754-62.

2 Debray R. Jeunesse du sacré. Paris : Edi- tions Gallimard, 2012.

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portant à la clé. «Notre expérience révèle que le domaine du sacré, qu’il soit lié à la religion, à l’iden­

tité ou à l’éthique, relève d’un pro­

cessus cognitif distinct, résume Gregory Berns, auteur principal de l’étude et directeur du Center for Neuropolicy at Emory University.

Les valeurs sacrées suscitent dans notre cerveau une activation plus importante d’une zone du cerveau spécifiquement associée aux pro­

cessus de décision mettant en jeu des règles, des principes, en bref le vrai ou le faux ou le bien et le mal.

Ce n’est pas la même zone que celle mobilisée par des décisions – qu’on pourrait qualifier de simples ou courantes – de type coût­bénéfice.»

Gregory Berns a travaillé ici avec des économistes et des spécialistes de l’information de l’Université Emory, un psychologue de la New School for Social Research ainsi qu’avec Scott Atran (Institut Jean Nicod, CNRS­Ecole Normale Supé­

rieure, Paris). «Nous avons mis au point une méthode pour commen­

cer à comprendre, de manière scientifique, le processus de déci­

sion, en cas de choix moral ou de dilemme, pour mieux saisir les comportements humains selon les pays et les cultures ; et nous visua­

lisons comment des valeurs cultu­

relles fondamentales sont repré­

sentées dans le cerveau» assu re­t­il.

En pratique, 32 adultes de nationa­

lité américaine sont passés au confessionnal interventionnel de l’imagerie par résonance magné­

tique fonctionnelle. Dans la pre­

mière phase, les participants étaient confrontés à des affirmations assez simples (type, «vous buvez du café»). On passait ensuite à «vous êtes pour le mariage gay». Chaque affirmation avait son contraire. A la fin de l’expérience, les partici­

pants pouvaient renier leur choix précédent. Un reniement corres­

pondant à une prime (bien réelle) de 100 US$.a

Les images fonctionnelles mon­

trèrent une forte corrélation entre les valeurs ici dites «sacrées» et l’activation des systèmes neuro­

naux, associés à l’évaluation du bien et du mal (plus précisément au niveau de la jonction temporo­

pariétale gauche) et à la récupéra­

tion de la mémoire sémantique (soit la partie gauche du cortex préfrontal ventro­latéral) et nulle­

ment avec les systèmes associés au circuit de la récompense. Le dé­

cryptage des données permit d’autre part aux auteurs de dé­

montrer que les participants les plus engagés dans des «voies spi­

rituelles» présentaient une activité plus forte du cerveau dans ces régio ns identifiées du cerveau comme corrélées aux valeurs

«sacrée s». Et les complexes amyg­

daliens sont étrangement activés lorsque l’homme refuse de renier ses propres convictions.

Conclusions des auteurs : «Nos résul tats indiquent qu’il est dérai­

sonnable de penser qu’une poli­

tique basée sur les coûts et l’ana­

lyse des avantages est de nature à influencer le comportement des humains quand il s’agit chez eux de valeurs personnelles et sacrée s ».

Découverte ou confirmation ? Qu’en aurait­il été avec une mise de 100 000 US$ ? Dans l’attente, on peut toujours relire ou lire avec profit un texte (Le peseur d’âme,

1931) d’André Maurois (1885­1967) ; voire, nettement plus disponible en librairie,2 le tout dernier Régis Debray en date.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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