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Pilule contraceptive, religieuses catholiques

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2508 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 21 décembre 2011

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Pilule contraceptive, religieuses catholiques

Connaissant l’anglaise distinction qui carac- térise la direction du Lancet, on aimerait en savoir plus. Comment les choses se sont- elles passées, au 32 Jamestown Road lorsque l’on reçut, pour publication, le petit texte adressé, depuis Melbourne, par le Dr Kara Britt et le Pr Roger Short ? 1 Les délibérations furent-elles longues ? Sortit-on le trébuchet bénéfices/risques ? N’évoqua-t-on que les questions de santé publique, quelques diables dans les détails ? Certains ne se réjouirent-ils pas du bon coup joué au Vatican ? La distinc- tion anglaise et The Lancet étant ce qu’ils sont – et, sans doute ce qu’ils demeureront – nous n’aurons jamais de réponses à ces questions.

Et c’est fort dommage.

Résumons. Depuis son site (et prochaine- ment dans ses pages) l’hebdomadaire médi- cal diffuse un Commentaire qui ne manque ni de sel ni de piquant. C’est une proposition que certains tiendront pour provocatrice et qui ne manquera pas de réjouir le cortex sa- vant des jésuites. Question : les religieuses catholiques doivent-elles pouvoir bénéficier de pilules œstroprogestatives et ce pour des raisons moins contraceptives que médicales ? Ces religieuses (comme toutes les nulli- pares) sont des femmes exposées à un risque plus élevé que la moyenne d’être atteintes de

certains cancers (ceux des ovaires, de l’en- domètre et – sous certaines conditions – du sein). L’usage qui a pu être fait depuis près d’un demi-siècle des contraceptifs hormo- naux a permis de démontrer l’existence d’un effet protecteur de la pilule contre certains processus cancéreux, ovariens et utérins no- tamment. Pourquoi dès lors priver les reli- gieuses catholiques des propriétés protectri- ces anticancéreuses de ces spécialités phar- maceutiques ?

On pourrait voir là un méchant sophisme et faire observer que la haute hiérarchie du Vatican condamne ad vitam le recours à la pilule contraceptive. Certes. Mais que ré- pondre à cette haute hiérarchie à l’argument avancé par les auteurs du Lancet qui font ré- férence à un passage de la lettre encyclique Humanae Vitae «sur le mariage et la régula- tion des naissances». Ce document lourd de sens a été promulgué en 1968, peu de temps après les premiers développements de la contraception hormonale dans les pays in- dustrialisés et alors que l’évolution démo- graphique planétaire suscitait certaines in- quiétudes. Il condamne de manière définitive toute forme – ou presque – de contraception à l’exception de la chasteté. A ce titre, il a fait l’objet de multiples et vives controverses au sein même de l’Eglise, de nombreux responsables remettant en cause à cette occasion le concept de l’infail- libilité papale.

Reste que cette lettre encyclique recèle l’exis tence de ce passage bien particulier issu des préceptes de Pie XII, formulés en 1953 devant un congrès de médecins italiens spé- cialistes d’urologie : «L’Eglise, en re- van che, n’estime nullement illicite l’usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner des maladies de l’organisme, mê- me si l’on prévoit qu’il en résultera un empêchement à la procréation, pourvu que cet empêchement ne soit pas, pour quelque mo tif que ce soit, directement voulu.» N’est-ce pas, précisément, une exception qui s’applique aux religieuses ; épouses mystiques ayant fait double vœu de chasteté et de célibat terrestre ?

Pour le reste, on lira dans The Lancet l’essentiel des faits connus et

bien documentés. Il y a trois siècles le méde- cin italien Bernadino Ramazzini observait que les sœurs catholi ques souffraient – avec une fréquence anormalement élevée quoi que non statistiquement établie – de cancers du sein. Ce phénomène devait bien plus tard être confirmé outre-Atlantique : en 1969, une analyse des causes de décès de religieuses catholiques concluait à une augmentation significative chez ces femmes des morts pré- maturées dues à des cancers du sein, ou de l’utérus. En 1970, une autre équipe expli- quait avoir pour la première fois pu établir une corrélation entre la fréquence de ces cancers et le fait que les femmes avaient ou non eu des enfants : tout se passait comme si la gestation avait, ici, un effet protecteur.

Il est aujourd’hui tenu pour acquis que les femmes nullipares sont exposées à ce risque du fait d’un nombre de cycles ovulatoires plus élevé dû à l’absence, chez elles, des pé- riodes de grossesse et d’allaitement. En 1994, un modèle mathématique établissait un pro- nostic quant au risque d’apparition de ces différents cancers à partir de différents pa- point de vue

La Religieuse. Henriette Browne (1829–1901)

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ménopause, recours ou non à des contra- cep tifs hormonaux oraux. Récemment, deux larges études épidémiologiques, dont les ré- sultats ont été publiés en 2010 dans le British Medical Journal et dans la revue Contracep- tion, allaient dans le même sens.

Le caractère protecteur «anticancéreux» de

ces contraceptifs ne saurait certes pas faire oublier d’autres risques au premier rang des- quels certains accidents vasculaires veineux (thromboemboliques) qui interdisent des uti- lisations systématiques sans examens médi- caux préalables. «Si l’Eglise catholique per- mettait à ses religieuses d’obtenir la pilule contraceptive gratuitement, elle réduirait les risques de cancer des ovaires et de l’utérus, ces deux abominables fléaux – et la détresse des religieuses recevrait enfin la reconnais- sance qu’elle mérite» soulignent aujour d’hui

les auteurs du Lancet.

Sur un sujet différent, mais toujours aux confins de la religion (catholique) et de la pra- tique médicale, cette information en prove- nance de Lourdes. On apprend, via l’Agen ce France-Presse, que viennent d’être classés comme «guérisons inexpliquées dans l’état actuel des connaissances scientifiques» deux dossiers remontant aux années 1965 et 1989. Cette décision fait suite aux conclusions d’un col- lège international d’experts mé- dicaux ; elle précède la procédure de reconnaissance par l’Eglise d’une guéri- son miraculeuse.

Il s’agit du cas d’une religieuse (née en 1934) qui, souffrant d’une lombosciatique paralysante malgré plusieurs interventions chirurgicales, a retrouvé l’usage de ses jambes et s’est levée de son fauteuil roulant pen- dant un séjour à Lourdes. C’était en 1965. Il s’agit d’autre part du cas d’une femme alors âgée de 43 ans, souffrant de poussées d’hy- pertension artérielle associées à différents épisodes d’œdèmes cérébraux. Participant à

un pèlerinage à Lourdes, elle aurait ressenti

«un extraordinaire bien-être» et repris, de- puis, «une vie normale». C’était en 1989.

En France, les évêques sont de plus en plus réticents à qualifier de «miracles» les «guéri- sons inexpliquées». Plus de 7000 cas de telles guérisons ont été enregistrés à Lourdes de- puis 1883, mais seuls 67 ont officiellement été reconnus «miraculeux». Chaque année, six millions de pèlerins (dont un grand nombre sont malades) se rendent aux Sanctuaires de Lourdes, haut lieu de pèlerinage catholique depuis l’apparition (supposée) de la Vierge Marie à la jeune Bernadette Soubirous dans la grotte de Massabielle. C’était en 1858.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

… Le caractère protecteur «anticancéreux»

de ces contraceptifs ne saurait faire oublier d’autres risques …

Cette chronique a, pour partie, été publiée sur le site d’in­

formation Slate.fr Bibliographie

1 Britt K, Short R. The plight of nuns : hazards of nulliparity.

The Lancet, Early Online Publication, 8 December 2011.

doi :10.1016/S0140-6736(11)61746-7.

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