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«Quand l amour de Dieu embrase le cœur de l homme» Père Matta elmaskîne

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Academic year: 2022

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« Quand l’amour de Dieu embrase le cœur de l’homme »… – Père Matta el- Maskîne

Malgré tout ce qu’on peut dire et tout ce qu’on peut faire à propos du contrôle de la pensée, particulièrement durant la prière, il n’y a en réalité pour l’homme qu’un seul chemin pour atteindre la paix intérieure et le repos de la pensée : c’est

l’amour, l’amour jaillissant de la foi et de la confiance en Dieu.

Les méthodes volontaristes du contrôle de la pensée peuvent réussir à maîtriser partiellement la pensée et les capacités imaginatives, mais elles ne peuvent réussir à fixer la pensée en Dieu.

Quand l’amour de Dieu explose au cœur de l’homme, il investit, non seulement l’intellect, mais tous les sens, et l’homme tout entier devient une bouche qui parle et une oreille qui entend, et plus aucune force ne peut le séparer de son dialogue d’amour avec Dieu.

Quand l’amour de Dieu embrase le cœur de l’homme, non seulement il contrôle, sa pensée et ses sens, mais l’homme tout entier accède à un état de quiétude et de sérénité qui est le paradis même. Cela

tient au sentiment de sécurité et de confiance absolue que l’on reçoit dans la présence du Dieu tout-puissant. Le passé, avec ses malheurs et ses tristes souvenirs, s’efface de l’horizon de la pensée priante, de même que n’existent plus pour elle les

préoccupations du présent avec ses exigences, et que disparaît l’angoisse de l’avenir avec ses surprises. L’âme est désormais au repos en Dieu. Elle a mis en lui une confiance illimitée,

semblable à celle e l’enfant reposant sur le sein de sa mère.

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Un des plus grands mystères de notre amour de Dieu et de son

impact sur l’âme humaine est, sans doute, la capacité de cet amour à convaincre l’âme de confier totalement, tout simplement et d’un seul coup, sa volonté, sa vie, ses espoirs et sa faiblesse entre les mains de son bien-aimé. L’homme se lève alors pour prier, non seulement l’esprit clair et la pensée maîtrisée, mais avec un sentiment d’abandon, de sérénité et de calme, même pendant les circonstances d’angoisse et de perturbation les plus violentes et les plus dangereuses. L’attitude du martyr s’avançant vers l’épée du bourreau avec calme et tranquillité, priant et levant au ciel les mains et les yeux, est une image vivante et éloquente de la puissance de l’amour capable de tout vaincre.

Pour celui qui aime, sa disposition au don de soi et à l’abnégation est son meilleur bouclier contre toutes les surprises, les menaces et les angoisses qui sont les plus

puissants facteurs de perturbation de la pensée durant la prière.

P. Matta el-Maskîne

Extrait de

« L’expérience de Dieu dans la vie de prière »

(Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)

Le chemin de la confiance et de

l’abandon total à Dieu… – Père Matta el-Maskîne

Le chemin de la confiance

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et de l’abandon total à Dieu…

Père Matta el-Maskîne

Les grâces de la vie contemplative n’apparaissent pas dans nos vies avec la rapidité de l’éclair ; elles prennent plutôt leur cours avec une sérénité qui rend leur progression imperceptible, comme un lever de soleil dont la lumière naît faible et atténuée à l’aube, perçant calmement, mais avec force, le voile de l’obscurité. Et tandis qu’il est difficile d’en fixer le commencement, tu la vois s’étendre, s’amplifier, se développer en dissipant petit à petit les ténèbres environnantes ; c’est alors que paraît le soleil.

Pour arriver à une vie de prière féconde il ne faut pas nous attendre à ce que les grâces fondent sur nous soudainement ; il nous faut y aller à pas lents mais fermes, par un effort long et soutenu ; il nous faut la patience et la contrainte volontaire.

Il suffit d’avancer, quelles que soient la lenteur de la progression et l’épaisseur de l’obscurité qui enveloppe notre foi.

La simple progression dans la vie de prière et d’intimité avec Dieu est garante de notre arrivée au but ; la lumière apparaîtra immanquablement, même si nous en avons été longtemps privés. Alors apparaîtront les fruits de nos efforts, de notre foi et de notre patience.

Quant à la contrainte que nous nous imposons dans les efforts, les sueurs, les larmes et le combat contre le doute, quant à la marche en avant malgré l’obscurité qui nous enveloppe de partout, elles sont chères aux yeux de Dieu malgré l’apparente stérilité qu’elles peuvent revêtir à nos propres yeux : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29), « car Dieu n’est point injuste, pour oublier ce que vous avez fait et la charité que vous avez montrée par son nom » (He 6,10).

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Certains pensent que le chemin de la vie de piété, de contemplation et de solitude est parsemé de roses et de doux parfums. Non, ce chemin est aride et austère, « sans beauté ni éclat et sans aimable apparence » (Is 53, 2). Il suffit que le Christ l’ai décrit comme un chemin resserré, une porte étroite, à l’accès difficile (cf. Mt 7, 14). Après t’y être engagé, la peur te prend, le doute t’assaille, et tu te demandes : Suis-je vraiment en route vers Dieu ? Mais où donc est-il ? Ainsi commence cette épreuve du chemin que l’âme emprunte, éloignée de toute aide humaine, dépourvue de signe et de toute satisfaction spirituelle, dépourvue même d’un mot d’encouragement ou de la moindre promesse.

La raison elle-même se dresse contre toi, pour que ta foi soit mise à l’épreuve, loin de toute claire vision.

C ’ e s t à c a u s e d e l ’ a r i d i t é d e c e commencement, c’est en raison de cette épreuve, et à la vue de ce chemin et de ses aspérités, que beaucoup sont revenus en arrière et ne purent effectuer la t r a v e r s é e , a v e c s u r l e s l è v r e s l e scepticisme de Nathanaël : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1, 46). Mais heureux ceux qui ont suivi le chemin de la foi, car : « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40).

Même la foi ne t’accompagnera pas toujours avec force, elle déclinera de temps en temps ; en chemin tu revendiqueras les plaisirs d’antan, et ton cœur reviendra au pays d’Egypte, « où tu étais assis devant des marmites de viande et mangeais du pain à satiété » (Ex 16, 3), ton âme se retournera contre toi et te blâmera disant : « Pourquoi m’amener dans ce désert pour me faire mourir ? » Pauvres âmes, la tienne et la mienne, ou plutôt, âmes à la nuque raide qui revendiquent des marmites de viande dans un désert. Elles demanderont un signe qu’elles ne trouveront pas, et une parole pour la route qui ne leur sera pas donnée.

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Beaucoup, déconcertés, se sont arrêtés là, se demandant : où en sommes-nous ? Que faisons-nous sur ce chemin ? Quel message est le nôtre, après tout cela ? Ces questions sont celles du doute et des appels à battre en retraite. Nombreux sont ceux qui, à mi-chemin, sont revenus parce qu’ils ont voulu « cheminer dans la claire vision et non dans la foi » (2Co 5,7). Ils ont exigé signe et miracle et, ce faisant, ont démontré leur absence de foi.

N’obtenant pas de réponses à leurs demandes, ils ont fait volte- face et se sont jetés à corps perdu dans l’océan tumultueux du monde, absorbés dans ses œuvres innombrables, s’en préoccupant éperdument, non pas parce que ces œuvres sont bonnes à leurs yeux, mais pour fuir la vérité contre laquelle ils ont buté, et parce qu’ils ont été pris d’effroi à la pensée de cheminer dans la seule foi sans rien voir.

Sans Moïse, Israël n’aurait pas marché un seul jour dans le désert ! Pourtant, c’est quarante ans que Moïse marcha dans l’espoir d’atteindre la terre promise, et c’est avec la seule foi qu’il a mené cet immense combat. C’est armé de cette seule foi qu’il a pu convaincre et contraindre un peuple buté à marcher derrière lui quarante ans dans un désert aride et désolé.

Il nous manque la conduite d’un Moïse afin de marcher dans la foi, afin de nous contraindre à émigrer sur le chemin de Dieu, quand même nous ne verrions rien, et à nous battre quelles que soient la durée et la longueur du combat ; car nous savons qu’au bout du chemin, la Jérusalem céleste nous attend « comme une jeune mariée parée pour son Epoux » (Ap 21,2). Et qu’en chemin, ses promesses sincères, ses mystérieuses consolations et sa voix qui perce l’éternité nous suffisent.

Le propos de ce chapitre concerne la volonté. Dans la théologie ascétique le discours sur la volonté est parmi les plus délicats et les plus dangereux. En y changeant un seul mot, le projet de l’homme peut s’inverser et passer du combat légitime à une forme de combat erronée, travestie, menant à l’égarement, voire à la maladie.

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Dès le départ, il nous faut bien mettre en évidence la forme saine et légitime de l’effort et de la contrainte volontaire qui mènent au Christ et à la vie éternelle : c’est lorsque la volonté s’oriente vers l’abandon total à Dieu et que la contrainte s’oriente vers la pleine soumission de l’âme au projet de la grâce, avec une foi inébranlable, quelles que soient les circonstances et ce, jusqu’à ce qu’il ne reste à l’âme aucune volonté propre, aucune passion particulière que celles d’obéir toujours à la voix de Dieu et à ses commandements.

Dans l’ardeur de l’adoration, il nous faut nous méfier de la dérive du moi quand commencent à apparaître les signes du succès, ainsi que la joie et la satisfaction qui s’y rattachent, car alors, le moi tend à amplifier ce succès et cette satisfaction par un effort personnel supplémentaire. Là réside le point critique où l’effort et la contrainte volontaire dévient de leur parcours sain et légitime pour s’inverser et se transformer en effort centré sur soi-même. Au lieu d’un effort visant à la soumission à Dieu et d’une contrainte volontaire dirigée vers l’obéissance absolue, l’effort devient celui de la volonté propre et la contrainte volontaire se met au service du développement des capacités personnelles.

Il nous faut savoir que le succès et la joie spirituelle sont l’œuvre de Dieu, et non point de l’homme, et que Dieu se permet de les accroître quand il veut, et autant qu’il le veut, que ce soit à cause de l’homme, ou indépendamment de ses mérites.

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L’effort et la contrainte volontaire ne doivent avoir aucun autre mobile qu’un amour de Dieu plus profond en la personne de Jésus Christ. On manifeste cet amour en s’astreignant à obéir aux commandements quel qu’en soit le prix, et en contraignant la volonté et la conscience à se soumettre au plan de Dieu, même si les conséquences sont peu agréables.

De même, il ne faudrait pas que l’effort et la contrainte volontaire soient encouragés par des facteurs affectifs tels que l’autosatisfaction et les louanges du monde, de même qu’ils ne doivent pas être touchés par les railleries ou les critiques des hommes.

Quant à l’objectif qui doit être le nôtre par rapport à l’effort et à la contrainte volontaire, c’est la soumission entière à Dieu et l’abandon total à sa volonté.

Quelques indications pour éclairer la voie de l’effort et de la contrainte volontaire :

Méfie-toi de la tension de la volonté. Elle pourrait te jeter

1.

dans le tourbillon de l’effort personnel centré sur soi. Quand la volonté s’active et s’enthousiasme, attache-la immédiatement à l’obéissance au Seigneur afin qu’elle ne fasse rien de son propre chef.

Rejette tout sentiment de responsabilité personnelle vis-à-vis

2.

du succès ou de l’échec, et transforme-le immédiatement en un

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sentiment de responsabilité vis-à-vis de la seule poursuite de l’effort, dans la fidélité.

Ne recherche pas l’aide manifeste des puissances invisibles,

3.

car le Christ ne te laisse manquer de rien. Il s’est porté garant des besoins et des exigences de ta route. Que sa force te suffise. Que tes efforts s’appuient sur elle. Et si tu reçois les aides et les consolations d’en haut, sois heureux et réjouis-toi, mais n’en fais pas la condition dont dépend ton effort, afin que ta marche n’en soit pas perturbée ni ne s’arrête.

L’effort et la contrainte volontaire ne sont pas destinés à

4.

obtenir quelque chose pour soi, à renforcer la volonté ou à affronter l’ennemi. Ils sont là au contraire pour se dépouiller de soi, pour confier sa volonté, pour se réfugier en Christ au lieu d’affronter l’ennemi.

Dans la mesure où tu t’appuies sur ta propre volonté, tu perds

5.

le sentiment d’être aidé par Dieu. Et dans la mesure où il te suffit de livrer ta volonté avec une soumission sereine et une persévérance résolue pour accepter le plan de Dieu, tu acquiers le sentiment certain que Dieu œuvre en toi, qu’il t’aide et qu’il te prend en charge.

Ne suspends pas ton effort et ne cesse pas de te contraindre à

6.

obéir aux commandements de Dieu, quels que soient tes échecs, et quelles que soient tes épreuves, car derrière ton âme défaite se tient le Christ avec, dans ses mains, le trophée de l’effort. Tu n’es pas responsable de la réussite, mais tu es responsable de l’effort.

Notre combat et notre contrainte volontaire, même pratiqués

7.

avec droiture, sont incapables, en soi, de nous faire

(9)

progresser vers la justice ou de nous rapprocher de Dieu, mais leur seul objectif est de nous séparer de notre moi et de nous détacher de la vie de péché et d’insoumission. Quant à la justice, Dieu nous l’offre gratuitement ; et l’intimité avec Dieu, c’est le Christ lui-même qui s’en charge.

Il est une vérité que nous ne devrions pas perdre de vue, c’est que, lorsqu’on compte sur soi et sur sa volonté propre, on ne se doute pas que son combat est centré sur le moi. On ne réalise pas que sa confiance ne s’appuie pas sur Dieu et l’on va son chemin accroché à soi-même, trébuchant d’une ornière à l’autre, maudissant et blâmant son peu de volonté, rassemblant ses efforts volontaristes pour un surcroît de marches et de défaillances, de tristesse et de détresse, en continuant à se figurer que l’on s’appuie sur Dieu et que l’on n’a confiance qu’en lui.

La vérité est tout autre. Le fait de progresser dans la vie de soumission à la volonté de Dieu, ne saurait comporter le moindre blâme vis-à-vis du peu de volonté considéré comme responsable de la chute et du faux pas. La chute et les trébuchements ne proviennent pas de la faiblesse de la volonté, mais au contraire de sa force et de son ingérence. Cela est évident du fait que la victoire et le salut ne proviennent pas de la force de la volonté,

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mais de sa disparition derrière la grâce. Quand la volonté disparaît derrière la grâce, l’homme se renforce, surmonte, vainc, se contrôle, réussit, progresse. Mais quand la volonté se réveille, envahit les situations, se révolte et devient intransigeante, alors la chute et les faux pas sont inévitables.

La chute dévoile la prédominance de la volonté et de son activité, et sa présomption vis-à-vis de la grâce. Quand nous blâmons notre peu de volonté, et que nous sommes déprimés dès que nous trébuchons, cela veut dire que nous confessons que nous cheminons selon notre volonté propre et non dans la soumission à Dieu. Et quand, après la chute, nous essayons de rassembler et de renforcer la volonté, c’est comme si nous nous préparions à subir un autre échec plus fort encore, et insistions à rendre la volonté responsable de notre cheminement spirituel.

Toute sollicitude à l’égard du moi est une tentative de l’ennemi de réveiller la volonté propre et ses désirs particuliers.

Tous les faux pas que nous endurons dans notre cheminement manifestent une même cause : notre refus de remettre totalement notre volonté à Dieu ; ils trahissent, par conséquent, notre manque de confiance.

Nos faux pas nous incitent donc à revoir l’authenticité de cet abandon de notre volonté et de la progression de notre confiance en Dieu. Ils soulignent la nécessité du refus de la volonté propre qui nous entraîne à accomplir nos désirs, et la nécessité de la conversion permanente dans le calme, la patience et l’endurance.

Il faut savoir aussi que les tristesses exagérées et déprimantes auxquelles l’homme s’abandonne après avoir péché ou trébuché, ne sont que manifestations d’un orgueil blessé, d’une haute considération de soi et d’une estime présomptueuse de sa volonté, qui font que l’on considère la chute indigne de la haute idée qu’on se fait de soi et de la force de sa volonté. On cherche alors à s’attirer les consolations et les encouragements trompeurs des gens ou du père spirituel, pour panser les blessures de son

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orgueil blessé.

La position saine de l’homme vis-à-vis de la chute, c’est l’aveu de la faute, le recours immédiat à la conversion, ainsi que la poursuite de l’effort assidu en vue de parfaire l’abandon de sa volonté propre et la soumission de son âme au Seigneur.

Matta el-Maskîne Extrait de

« L’expérience de Dieu dans la vie de prière » (Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)

Saint Joseph ouvrier, antidote d’«

un catholicisme zombie » par Fr.

Manuel Rivero O.P.

Saint Joseph ouvrier,

antidote d’« un catholicisme zombie ».

Fr. Manuel Rivero O.P.[1]

Le 1er mai, saint Joseph, le père adoptif de Jésus, est célébré dans s a f a c e t t e d e p r o f e s s i o n n e l responsable et compétent, au service de sa famille et du bien commun.

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L’Évangile l’appelle homme « juste« [2], c’est-à-dire un homme juif qui connaissait la Loi de Moïse et qui la mettait en pratique. En unissant la foi et la science, la prière et le travail, saint Joseph a goûté l’union à Dieu en partageant les expériences heureuses et douloureuses d’Israël. Chaque samedi, il se rendait à la synagogue de Nazareth pour célébrer la Loi proclamée en hébreu et commentée en langue araméenne, sa langue maternelle. Combien de fois, Jésus, adolescent, l’a écouté avec un cœur brûlant.

Sanctifier la famille

Homme d’action, saint Joseph accomplit la volonté de Dieu.

Silencieux, il médite dans la lumière de la foi les paroles de l’Ange du Seigneur qui l’exhorte à assumer sa responsabilité d’époux et de père adoptif de l’enfant que Marie porte en son sein par l’action de l’Esprit Saint. Homme fort, orienté vers l’avenir, il change son projet initial en réponse à la révélation de l’Ange.

La mission que Dieu lui confie dépasse celle des prophètes et des chefs de son Peuple. Il doit accompagner, protéger et éduquer Jésus « qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21).

Avec son épouse, Marie, Joseph s’engage dans le service du salut de l’humanité par l’Incarnation du Verbe. Gardien du mystère de la maternité divine de Marie, partageant la même foi, Joseph fait preuve d’amour, de prudence et d’endurance.

En cette « Année de la famille », commencée le 19 mars en la fête de saint Joseph, le père adoptif de Jésus met en lumière la grandeur de la vie ordinaire. Le concile Vatican II a souligné

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l’appel universel à la sainteté dans l’Église[3]. Les chrétiens ont pour vocation la sanctification de la famille, du travail, de l’économie et de la politique.

La demande de la prière du Notre Père « que ton Nom soit sanctifié » correspond à cette sanctification de toutes les dimensions de la personne et de la vie sociale. Habité par la grâce de l’Esprit Saint, saint Joseph a veillé sur son épouse, Marie. À l’image du grand-prêtre de l’Ancien Testament qui veillait sur le Temple, saint Joseph a trouvé Dieu en aimant Marie, « nouvelle arche d’Alliance »[4], demeure de Dieu. L’Arche de l’Alliance contenait la manne et les tables de la Loi[5]. Marie portait en son sein Jésus, le Verbe fait chair, Loi nouvelle d’amour et Pain de Vie descendu du Ciel[6]. Dans un beau sermon, saint Bernard (+1153) a mis en parallèle le patriarche Joseph, fils de Jacob, et Joseph, époux de Marie. Si dans l’Ancien Testament, Joseph, intendant de Pharaon, avait mis les blés en réserve pour tout le peuple d’Égypte et non pour lui-même ; dans le Nouveau Testament, Joseph, père adoptif de Jésus « reçut le Pain vivant du ciel afin de le conserver aussi bien pour lui que pour le monde entier[7]. »

Pour le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, «Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère[8] ». Il me semble que les chrétiens peuvent en dire la même chose au sujet de saint Joseph.

Par l’amour de son père adoptif, l’âme de Jésus a été imprégnée de la joie de Dieu le Père.

Sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, témoigner par le travail

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Artisan charpentier-maçon, saint Joseph s’est sanctifié dans son atelier au service des clients qui avaient besoin d’une maison, d’une armoire, d’une table ou d’une chaise. Ses journées comportaient des hauts et des bas, des réussites commerciales et des heures de soucis économiques pour nourrir sa famille. Il a sanctifié la création l’imprégnant de son intelligence, de son amour et de sa prière. Ceux qui le fréquentaient dans les relations professionnelles ont été attirés vers Dieu par son témoignage.

Saint Josemaría Escrivá de Balaguer (+1975) a excellé dans la mise en valeur de la sainteté vécue au travail quotidien : « « Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail. C’est là que Dieu nous attend chaque jour : il y a quelque chose de divin qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c ’ e s t à c h a c u n d ’ e n t r e v o u s q u ’ i l a p p a r t i e n t d e l e découvrir »[9] ».

Le primat de la personne sur le capital

Le philosophe chrétien Emmanuel Mounier (+1950) a développé une philosophie du personnalisme communautaire avec le primat de la personne sur le capital, le primat du spirituel sur le matériel, à l’opposé de l’individualisme. Il arrive souvent que la foi en Dieu soit remplacée non pas par l’athéisme mais par l’idolâtrie où le marché devient « dieu », la finance « une déesse » et le bien-être

« un veau d’or ». La pensée de Mounier a inspiré l’enseignement du saint Pape Jean-Paul II sur le travail dans l’encyclique Laborens exercens du 14 septembre 1981 qui proclame le primat du travail sur le capital et de la personne sur la propriété privée. « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde », clame la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.).

La destination universelle des biens

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Le pape François évoque les trois T nécessaires pour la vie : un toit, une terre et un travail.

La doctrine sociale de l’Église enseigne la destination universelle des biens : La terre est à tous et Dieu en est le propriétaire ; les hommes n’étant que ses gestionnaires. C’est pourquoi, en cas d’extrême besoin, le principe de la propriété privée de biens s’efface au profit de la vie de l’homme. La propriété privée ne figure pas dans le Credo. Elle n’est pas sacrée. En revanche, la vie de tout homme porte au plus profond d’elle-même une dignité et une vocation sacrées : « La gloire de Dieu est l’homme vivant et la vie de l’homme est de voir Dieu », enseigne saint Irénée de Lyon. C’est en ce sens que le pape François plaide pour un revenu universel qui garantisse à chacun sa dignité humaine sans déchoir dans la misère[10].

La foi vivante de saint Joseph représente un antidote contre « un catholicisme zombie[11] » qui n’aurait qu’une influence indirecte et vague sur les réalités familiales, économiques et politiques.

L’exemple de saint Joseph invite à commencer par la conversion personnelle avant de vouloir changer le monde, car la tentation est grande pour chacun d’aspirer à transformer la société mais sans vouloir se mettre en cause.

Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu. Il l’a fait avec réalisme, de manière intégrale, spirituelle et matérielle. Son travail et la transmission de son savoir-faire font partie du Salut de l’humanité par Jésus le

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Christ, ouvrier lui-même.

Saint-Denis (La Réunion), le 27 avril 2021.

[1] Doyen de la Faculté des sciences sociales à DOMUNI Universitas (https://www.domuni.eu/fr/).

[2] Évangile selon saint Matthieu 1, 19.

[3] Voir Lumen gentium chapitre V.

[4] Voir Litanies de Lorette.

[5] Voir Épître aux Hébreux 9, 1-5.

[6] Voir Évangile selon saint Jean 6, 33-35.

[7] Saint Bernard, Homélie sur le « Missus est », 2, 16, PL 183, col. 55.

Voir Jean-René Bouchet, Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes, Lectionnaire patristique dominicain, Paris, Les éditions du Cerf, 1994, p.

403, pour la fête de saint Joseph, le 19 mars.

[8] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.

[9] Entretiens, point 114.

[10] Cf. Pape François, Un temps pour changer. Conversations avec Austen Ivereigh, Paris. Éditions de Noyelles, 2020, p.195.

[11] Voir l’étude d’Hervé Le Bras et d’Emmanuel Todd dans Le Mystère

français (2013) qui évoquent un « catholicisme zombie » qui continuerait de marquer les relations sociales à l’image des zombies qui ont cessé d’exister.

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29 avril : Fête de Sainte Catherine de SIENNE – Noéline FOURNIER

Vingt-cinquième et dernière enfant d’un couple de commerçants, dans la ville de Sienne en Italie, Catherine, née en 1347, a une sœur jumelle, Giovanna, morte prématurément.

Elle chérira même un frère adoptif, Tommaso della Fonte, futur dominicain. On ne peut dire mieux, comme famille nombreuse.

Cette « fille prodige » connaît une enfance merveilleusement précoce, toute baignée de surnaturel : première vision à l’âge de sept ans ; consécration à Dieu à huit ans.

De sa vingtième année jusqu’à sa mort, à trente trois ans (pendant 13 ans), des foules d’admirateurs l’acclament. Les moqueurs disaient : « Voici venir la reine de Fontebranda avec ses encatherinés ! »

Voici ce qu’elle nous dit : « Mes chers fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, servante des serviteurs de Jésus- Christ, je vous écris avec le désir de vous voir obéissants jusqu’à la mort, à l’exemple de l’Agneau sans tâche qui obéit à

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son Père jusqu’à l’ignominieuse mort sur la croix. Songez qu’il est le chemin et la règle que vous devez suivre ».

Jésus parle à son Père en lui disant : « Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’a révélé aux tout- petits » (Lc 10,21). Catherine était quasi illettrée (elle ne parle ni latin ni français, mais seulement le toscan des basses classes) et pourtant elle sera l’unique « Docteur » du XIVième siècle. De l’avis des savants, si extraordinaire que ce soit, Catherine pourrait arborer une médaille d’or assez glorieuse :

« probablement, malgré sa courte vie, c’est la femme qui exerça le plus d’influence visible sur l’Église ».

« Venez à moi !… » dit Jésus.

Stigmatisée (marquée des cinq plaies de la Passion) en 1375, à Pise, la « souffrante » obtient du Seigneur que, sur son corps, les points douloureux restent invisibles. Et elle ne révèle tout ceci qu’à son confesseur…

En 1354, la fillette qui a tout juste l’âge de raison raconte naïvement à sa mère une vision dont elle vient d’être favorisée :

« Notre Seigneur, coiffé d’une tiare, m’est apparu, au sommet de l’Église des Dominicains de SIENNE. Qu’il était beau, entouré des apôtres Pierre, Paul et Jean ! »

– « Et t’a-t-il parlé », interroge la maman. – « Non pas, il m’a fait signe de venir à sa suite… » La maman s’interroge : « Ma dernière-née serait-elle une manipulatrice ? »

A sept ans, la petite s’engage par vœu de virginité.

Est-ce concevable ?

De plus la jeune demoiselle fait part de sa vocation aussi précise que précoce : « Je voudrais devenir Dominicaine pour prêcher la religion et convertir les hérétiques ». L’entourage passe outre, mais interroge avec un brin d’anxiété : « Jusqu’où

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vont nous conduire les pieuses folies de notre petite sœur ? ».

Lorsque sa fille atteint ses douze ans (1359), la maman décide d’en finir avec les extravagances : « On va marier Catherine et les pieusetés ridicules cesseront ».

Le lancement de la petite dans le monde sera réalisé par sa sœur préférée, Bonaventura. Cette dernière conduit sa cadette au bal après l’avoir parée de bijoux et revêtue d’une belle toilette. Bientôt cependant, la pieuse Catherine se reprend et, conseillée par Tommaso della Fonte devenu prêtre, elle se coupe les cheveux et elle se coiffe d’un voile blanc.

La mère entend briser cette résistance passive. Ella arrache le voile symbolique et déclare à la récalcitrante : « Tes cheveux repousseront, têtue, et tu auras un mari ! »

Dans la ligne de son projet matrimonial, la maman veille au grain, voulant étouffer dans l’œuf toute tentative de révolte. Bientôt, la benjamine se trouve réduite au rôle de servante domestique. « De la sorte, du moins, tu sers ta famille au lieu de rêver. »

Le rêve de Catherine, la future « Mantellata »

L e m o t i t a l i e n « M a n t e l l a t e » ( p o r t e u s e d e

« mantello », de manteau) désigne une Communauté de Religieuse Siennoises du tiers Ordre Dominicain. On les reconnaît à leur vêtement caractéristique : robe blanche, ceinture de cuir, voile blanc, manteau noir. Comment Catherine, persécutée par sa famille, rencontre-t-elle ces « pieuses dames », qui en principe, ne reçoivent que des veuves ?

Un beau matin de 1362, Catherine réunit les siens :

« Venez tous, je vous prie. J’ai une importante communication à vous faire. »

Le cercle familial se trouve bientôt au grand complet,

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quelque peu inquiet de cette convocation insolite. C’est alors que la jeune fille de quinze ans tient aux siens ce langage :

« Cette nuit, Saint Dominique m’est apparu en songe.

Dans l’habit noir et blanc qu’il me propose, je retrouve avec joie le vêtement des Mantellate de notre petite ville. Pour obéir à ce rêve, je désire entrer dans cette Congrégation. »

Au nom de tous, en sa qualité de chef de famille, le père fait connaître sa décision :

« Cette inspiration de notre chère benjamine lui vient sûrement du Ciel. Que nul ne s’avise désormais de la contrarier.

Elle intercèdera pour nous tous. Nous allons, dès demain, lui ménager en guise d’oratoire, une chambrette au-dessus de la cuisine. »

Ainsi fût fait. L’année suivante, la Prieure de la Congrégation accueille la postulante, par privilège spécial, en ce tiers Ordre Dominicain réservé aux veuves. Qui l’eût pensé ?

En ces conditions, sans

quitter le monde, la jeune Catherine devient priante perpétuelle.

Elle apprend à lire pour déchiffrer, péniblement, quelques ouvrages spirituels.

Mais l’épreuve visite cette âme exceptionnelle puisque, autour des amis de Dieu, Satan rôde (1 P 5,8) : « Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi, sachant que c’est le même genre de souffrance que la communauté des frères répandus dans le monde, supporte. »

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Il tente la recluse par d’abominables images, si éprouvantes que la souffrante en gémit lamentablement. C’est de cette période que date le dialogue sublime, entre Catherine et Jésus, rapporté et commenté par tous les biographes, jusqu’au Père Garrigou-Lagrange. Ecoutons plutôt :

« Quand on souffre Jésus est là », nous dit-elle.

– Catherine : « Bon et très doux Jésus, où étiez-vous donc, tandis que mon âme subissait de tels tourments ? »

– Jésus : « J’étais au fond de ton cœur. En effet, je ne m’éloigne jamais du cœur de mes amis. »

– Catherine : « Quoi donc, Seigneur, vous étiez dans mon cœur, au milieu de toutes ces horreurs et visions impures ? » – Jésus : « Ces horreurs, te causaient-elles joies ou peines ? »

– C a t h e r i n e : « J e l e s e x é c r a i s : e l l e s m e contristaient au tréfonds de l’être. »

– Jésus : « J’étais dans ton cœur de même que j’étais sur la croix, dans un état de souffrance et de bonheur. »

A partir de cet instant, Catherine va se donner totalement à Dieu, unie au Christ dans ces actions.

D’abord, un apostolat provincial en pays Siennois, puis à travers toute la Toscane. En second lieu, une sorte de

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mission de pastorale familiale pédestre et collégiale. Enfin, la transformation de la Papauté obtenue par cette sublime ignorante qui ne sait que Dieu seul.

« La Foi », nous dit Catherine, « est la pupille de l’œil de l’intelligence : sa lumière fait discerner, connaître et suivre la voie et la doctrine du Verbe incarné. Sans cette pupille, la vision est impossible. L’âme ressemblerait alors à un homme qui aurait des yeux mais dont la pupille serait recouverte d’un voile.

L’intelligence est l’œil de l’âme ; la pupille de cet œil, c’est la Foi. »

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Catherine exerce d’abord son rayonnement au milieu des siens.

A t t e n t i v e à l ’ e n v i r o n n e m e n t i m m é d i a t , e l l e s ’ o c c u p e prioritairement de ses proches. Sa belle‑sœur, Lisa devient sa protégée. Elle soutient son frère Giacomo.

Quel magnifique exemple filial, admiré par beaucoup, le 22 août 1368 ! A cette date, Catherine, au chevet de son père alors sur son lit d’agonie, obtient pour lui une faveur insigne : « Le patriarche entrera directement au Ciel… ». Quand à sa maman, désormais admirative de la dernière-née, elle répètera jusqu’à son trépas, à 89 ans : « Catherine nous bénit et elle nous protège tous. » La Patronne de Sienne se montre secourable à tous, également au tiers ordre dont elle est membre. Pendant longtemps, elle secourt une consoeur mantellata, Andrée, qui meurt du cancer.

Elle aide les miséreux, ramène les pécheurs à Dieu.

Catherine et son clan spirituel

Catherine devient chef de clan spirituel grâce à sa « belle b r i g a d e » . I l s ’ a g i t d e

« supporters » enthousiastes qui, sur les routes, à travers villes et village, forment un cortège

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c o l o r é d e m i s s i o n n a i r e s itinérants. Le groupe, constamment grossi par de nouveaux pèlerins, part de Sienne et rayonne à travers l’Italie et jusqu’en Provence. Autour de cette jeune inspirée qui préconise le réarmement moral, se rassemble une foule enthousiaste. En tête, s’avancent une vingtaine de « mantellate », reconnaissables à leur costume blanc et noir. Ensuite, viennent les fervents : hommes et femmes, religieux et laïcs, jeunes et vieux, répétant de pieuses litanies. Dans le cortège, le trio des Dominicains, confesseurs de l’héroïne : Tommaso della Fonte, Raymond de Capoue, Bartolomeo di Domenico. Les « trois secrétaires, recueillent, composent, retouchent le journal spirituel de Catherine.

Lorsque s’éloigne le cortège, un spectateur bien renseigné précise pour ses voisins ébahis : « Savez-vous que ces gens méditatifs et priants, commentent ensemble la Bible et font un partage l’Évangile ? »

Leur chef de file de vingt-cinq ans, ils l’appellent :

« Dolcissima mamma »(très douce maman) ». Avec elle, ils scrutent les mystiques, ils dissertent à partir de la « Somme Théologique de Thomas d’Aquin… »

Avec eux, les jaloux en sont pour leurs frais : médisances et calomnies ne sauraient atteindre Catherine, la très pure « mantellate ».

Conseillère des Papes.

Catherine est une femme fameuse ! Elle débarque dans ce 14° siècle où l’Eglise est déchirée, pourrie, où elle semble prête à sombrer.

Beaucoup souhaitaient la Réforme « dans la tête et dans les membres ». Catherine a une audace folle. Elle écrit aux Cardinaux, aux Papes, elle va les voir pour leur rappeler leurs devoirs.

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Au début de l’année 1371 (l’épistolière n’a alors que vingt quatre ans), elle écrit au Pape Grégoire XI, qui réside alors à Avignon, ces lignes d’une stupéfiante hardiesse et franchise :

« Écoutez-donc, Saint-Père, les paroles que vous adresse Jésus- Christ : « Votre cour mondaine ruine ma céleste cour. Presque toutes les âmes qui fréquentent vos palais, vous les expédiez dans la géhenne du feu »… Revenez donc à Rome, à votre siège, le plus tôt que vous pourrez ». (Révélations livre 4, chap. 142)

Cinq ans après, le 18 juin 1376, la visionnaire arrive en Avignon, escortée par sa « foule effervescente »… En trois mois d’action hardie, Catherine obtient ce que tant d’autres sollicitèrent vainement.

Le 13 septembre suivant, Grégoire XI quitte la cité des bords de Rhône. Le Pontife compte sur Catherine pour le réconforter.

Malheureusement, le décès de Grégoire XI semble remettre tout en question. Dès l’élection d’Urbain VI, Catherine exhorte celui-ci de réformer l’Église et s’offre en victime pour la paix.

Bientôt, appelée à Rome, elle habite « Via di Papa ». Obéie, suivie, respectée, la « douce Maman » dirige « la Navicella » (nef de l’Église). Cette fille modèle meurt à trente trois ans, le 29 avril 1380, sous la bénédiction de sa mère.

Rien ne l’arrête car, dit-elle, « l’âme résiste à tout avec la

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lumière de la très sainte Foi. Aussi, je vous prie, mes doux fils et filles dans le Christ Jésus, de ne jamais redouter quoi que ce soit et de mettre toute votre confiance dans le sang du Christ crucifié. Ne laissez jamais briser cette union par des tentations et des illusions, par la peur que vous pourriez avoir de ne pas persévérer, par la crainte de ne pouvoir supporter les fardeaux de l’obéissance et de l’Ordre. »

Cette Conseillère des Papes et des Rois, entrée en politique, y a excellé. L’humilité qui est sans doute sa vertu majeure, cette fille si avisée nous la recommande par une pensée que le grand Pascal, s’il l’a connue, a dû aimer : « Personne n’est si éclairé qu’il puisse se passer de la lumière des autres. »

« Debout donc. Il n’est aucun démon, aucune créature qui puisse vous enlever la grâce ou vous empêcher de parvenir à votre but qui est de voir et de goûter Dieu. Demeurez dans l’amour de Dieu.

Aimez-vous. Aimez-vous les uns les autres. » Nous dit-elle.

Extrait de « Les Docteurs de l’Eglise », de Jean Huscenot (Médiaspaul)

Bonne journée à vous, et Bonne Fête à toutes les Catherine.

Noéline FOURNIER.

« La foi » – Père Matta El Maskine.

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L e m o t « f o i » , e n g r e c

« p i s t i s » , r e ç o i t d a n s l e christianisme deux acceptions :

La première est purement objective. Elle concerne les vérités de la foi formulées conformément à l’enseignement de l’Ecriture et consignées dans les dogmes de l’Eglise. Ceux-ci en rendent compte par des expressions et des définitions théologiques promulguées par les conciles qui ont entériné les opinions des meilleurs théologiens.

Dans ce sens objectif de la foi, la vérité divine n’est accessible à l’intellect et au raisonnement que par l’intervention de la grâce.

La deuxième est purement personnelle. Elle concerne la capacité du cœur à réagir directement à la réalité même de Dieu, mais toujours à travers les exigences des vérités de la foi.

Dans ce sens personnel de la foi, l’homme se soumet de tout son cœur, c’est-à-dire de tous son être, à Dieu, et par conséquent à tous ses commandements, par amour et par obéissance, et non par une démarche intellectuelle. Il utilise toutefois l’intelligence et le raisonnement comme des instruments de l’amour et de l’obéissance et non comme facteurs initiateurs ou dominants. Là se vérifie que : « la foi opère par la charité » (Ga (5, 6).

De ces deux définitions de la foi, il ressort que :

La foi objective a besoin de l’intelligence, du raisonnement, des études, et de conviction pour que l’homme atteigne une certaine maîtrise des vérités de la foi qui ne peut toutefois se

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transformer en adhésion que moyennant la grâce.

Quant à la foi personnelle, elle a besoin d’amour, d’obéissance et d’intimité comme fondements essentiels, pour que l’homme puisse parvenir à une relation profonde avec Dieu, fondée sur la fidélité et la confiance totale en Dieu, dans toutes les conditions et en toutes circonstances, même si cette fidélité et cette confiance se heurtent à la réalité, au raisonnement ou à l’intellect.

C’est pour cela que l’Eglise maintient que la foi sous ces deux aspects, objectif et personnel, est un don et une grâce. La foi objective concerne en premier lieu l’incarnation et la résurrection, deux évènements absolument transcendants par rapport à la nature ; celui qui croit en Dieu en vérité, se doit de ne rien convoiter et de n’avoir peur de rien. Et ces deux attitudes transcendent, elles aussi, les lois naturelles : « Hors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5).

Ce qui fait de la foi une vertu, et non seulement un don, c’est qu’elle dépend essentiellement de la volonté de l’homme. L’homme ne peut accueillir la foi que s’il veut croire. Cependant pour la foi, la volonté ne suffit pas, il lui faut une volonté docile, une volonté accueillante dès le premier instant, pour que l’intellect puisse s’ouvrir à des vérités transcendant l’intelligible. La volonté docile, accueillante, permet à l’intellect de s’ouvrir pour accueillir ce qui lui est nouveau, et l’intellect ouvert et préparé devient un réceptacle capable de recevoir ensemble le flux de la grâce et la vérité divine. Alors l’inintelligible devient

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intelligible, et le transcendant acceptable à la nature humaine.

C’est pour cela que saint Augustin dit : « La foi est une réflexion qu’accompagne la docilité. »

Cette volonté docile, accueillante, est l’élément essentiel qui fait de la foi un acte méritoire. La foi est en même temps un don et une vertu ou, en d’autres termes, c’est à la fois un acte de la grâce et un acte humain. L’homme répond volontairement à l’insistant appel de la grâce, et la grâce se plaît à répondre avec générosité aux efforts de l’homme et à ses initiatives. Dans ce sens, nous pouvons concilier dans notre esprit les deux approches du thème de la foi et des œuvres chez saint Paul et saint Jacques.

Il apparaît donc que la volonté de l’homme est libre d’acquiescer et donc de croire, ou de refuser d’acquiescer et de ne pas croire.

C’est pour cela que saint Paul dit que : « La loi n’est pas pour tous » (II Th 3, 2).

Ainsi la volonté de l’homme est un élément essentiel de la foi, et c’est parce que cette volonté est en soi un acte responsable que l’homme est justifié par la foi. C’est pour cela que nous voyons le Christ insister à l’occasion de certains miracles pour que se manifeste séparément cet élément de volonté comme prélude à la foi par laquelle l’homme sera habilité à être exaucé. Par exemple dans la péricope du paralytique, il lui demande : « Veux-tu guérir ? » (Jn 5, 6). Dans d’autres circonstances, nous voyons le Christ insister sur la présence, en plus de la volonté, de la foi, comme dans le cas des deux aveugles qui le suivaient en quête de guérison. Là, l’élément de volonté est certes présent, mais nous voyons le Christ, malgré cela, s’enquérir de la présence de la foi

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avec cette volonté : « Croyez-vous que puisse faire cela ? » (Mt 9, 28)

A travers ces deux exemples, nous voyons la volonté mener à la foi, et la foi réaliser le miracle. Aussi pouvons-nous dire que la foi est une volonté de croire à laquelle la grâce s’unit dans l’instant même, et le miracle se réalise. Le plus fort des miracles de la foi reste cependant l’abandon total à Dieu grâce auquel l’homme accède effectivement à la communion de vie éternelle avec son créateur.

Voilà pour ce qui concerne la foi en Dieu d’une manière générale.

Mais si nous prenons en compte la rédemption et la foi personnelle dans le Rédempteur, nous voyons alors la foi s’orienter de ce fait vers l’amour, car la foi en la rédemption veut dire la foi en l’amour du Père pour nous, amour gratuit, qui s’offre avec insistance, au prix d’un sacrifice inouï. Quand cet amour rédempteur s’installe en profondeur dans le cœur de l’homme, il anime la foi en Dieu d’un dynamisme vif, engageant, irrésistible, qui transforme les profondeurs de l’être et engendre les aspirations à se consacrer à Dieu, à se dépenser et à s’offrir totalement à lui. La rédemption que Dieu a accomplie pour nous par le sang de son Fils devient un feu puissant, qui triomphe de la froideur de l’homme, et élève la chaleur de sa foi à un degré tel qu’il souhaiterait être immolé par amour pour Dieu.

Alors que la foi n’était qu’une simple réconciliation entre la volonté de Dieu et celle de l’homme, elle devient, à la lumière de la rédemption et de l’amour sacrificiel, capable d’opérer la

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fusion des deux volontés.

Ce changement a des répercussions par rapport aux commandements de Dieu et aux lois morales. Ces lois et ces commandements, à l’ombre des exigences de la foi avant la rédemption, représentaient alors en permanence la contradiction entre la volonté de Dieu et la volonté de l’homme, tandis que sous le régime de « la foi opérant par la charité » – c’est-à-dire à la lumière de la rédemption – elles sont devenues « Esprit et Vie » (Jn 6, 63) ; elles ne relèvent plus désormais de la lettre d’une cédule qui nous était contraire (cf. Col 2, 14), elles sont désormais gravées par l’Esprit Saint sur les pages du cœur aimant du croyant, comme une onction de puissance pour une vie nouvelle. Ainsi, le précepte qui menait à la mort, est lui-devenu une puissance de vie intérieure pour l’homme qui a cru au Christ. Et tandis que l’application du commandement selon la lettre était un joug difficile sinon impossible à porter, comme le dit saint Pierre : « … un joug que ni nos pères, ni nous-mêmes n’avons eu la force de porter » (Ac 15, 10), il est devenu, par la grâce, chose possible, aimée et facile, à cause de la foi opérant par l’amour du Christ.

Ecoutons ce que dit à ce propos saint Macaire le Grand :

Il en est de même dans le christianisme, lorsqu’on goûte la

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grâce de Dieu. Car il est écrit : « Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon » (Ps 34, 9). L’expérience de ce goût est une puissante opération de l’Esprit qui s’exerce dans le cœur, avec un sentiment de certitude. Tous ceux qui sont enfants de la lumière et du service de la nouvelle alliance dans le Saint- Esprit n’apprennent rien des hommes. Car « ils sont instruits par Dieu » (Jn 6, 45). La grâce elle-même inscrit dans leur cœur les lois de l’Esprit (Rm 8, 2). Ils ne doivent donc pas tirer leur certitude seulement des Ecritures tracées avec de l’encre (II Co 3, 3), mais la grâce de Dieu écrit sur les tablettes de leur cœur les lois de l’Esprit et les mystères célestes. Le cœur domine et règne sur tout l’organisme corporel, et dès que la grâce s’est emparée des espaces du

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cœur, elle règne sur tous les membres et toutes les pensées.

Macaire le Grand, Homélies spirituelles, 15, 20 (SO 40, p.

208.

187-188)

Ainsi nous voyons la foi accueillir la rédemption et se transformer en amour réciproque avec Dieu. Il n’est plus demandé une foi en Dieu dont la responsabilité incombe au croyant de façon unilatérale, comme le poids d’un joug de commandements difficiles à porter par peur du châtiment et de la mort ; mais voilà que, par la foi au Christ, l’homme est gratifié des dons de l’amour réciproque avec Dieu, un amour gratuit et libre où il est le bien-aimé du Père : « Car le Père lui-même vous aime, parce que vous m’aimez et que vous croyez que je suis sorti de Dieu » (Jn 16, 27).

Grâce à l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit, la foi a acquis de nouvelles capacités tout à fait surprenantes et surnaturelles, car l’homme n’est plus l’homme ancien, mais un être nouveau foncièrement uni de tout son être à la puissante divine.

Ecoutons ce que dit saint Macaire le Grand :

Si donc quelqu’un aime Dieu, celui-ci mêle son propre amour au

208.

sien. Une fois que l’homme a cru en lui, il lui donne en plus la foi céleste, et l’homme devient autre. Chaque fois que tu lui offres une partie de toi-même, il mêle à ton âme une part semblable de lui-même, pour que toutes tes actions, ta charité et tes prières soient pures.

Macaire le Grand, Homélies spirituelles, 15, 22 (SO 40, p. 188)

209.

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Extrait de « L’expérience de Dieu dans la vie de prière » – Père Matta El Maskine

Possédés par le ressentiment par Fr.

Manuel Rivero O.P.

Possédés par le ressentiment

Le pape François exhorte à « ne pas laisser grandir en nous des murs de ressentiment et de haine » et à « ne pas rester isolés dans ce bouillon amer de notre ressentiment[1] ». En effet, le ressentiment construit des « murs invisibles[2] ».

« Partout où je passe, je retrouve du ressentiment », me disait ce temps-ci un ami réunionnais, bon connaisseur de la culture et de la vie associative et politique de l’île.

Dans les couloirs de la prison de Domenjod figure le portrait de Nelson Mandela (+2013), l’ancien président de l’Afrique du Sud, qui sauva son peuple de la violence et de la ruine économique.

Après vingt-sept ans passés en prison, il aurait pu succomber à la tentation de la vengeance. Humaniste chrétien, il se donna corps et âme au service de la réconciliation nationale. Il sut dépasser personnellement le ressentiment. Des millions de citoyens sud- africains le suivirent dans sa détermination de vaincre l’injustice par le pardon, le mal par le bien.

Le mot ressentiment commence par « re » de ressasser. Le ressentiment comporte la reprise et la répétition aussi ennuyeuse

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que stérile des sentiments d’animosité, d’irritation et de haine.

Le ressentiment rend malheureux et triste. C’est pourquoi le philosophe Max Scheler (+1928) le définit comme « une intoxication, la sécrétion néfaste, en vase clos, d’une impuissance prolongée[3] ». Ceux qui laissent grandir en eux le ressentiment deviennent des êtres dévorés, rongés, possédés par des pensées négatives d’agressivité, d’envie, de jalousie voire de haine.

Des études en psychologie relèvent que la plupart de nos pensées quotidiennes sont négatives et qu’elles ressemblent à 90% à celles d’hier.

Dans l’Évangile, Jésus accorde à ceux qui croient en lui de devenir des hommes et des femmes nouveaux. Il délivre du mal et du malin.

Le diable n’est pas intelligent, il est malin. L’intelligence représente une participation à la sagesse de Dieu. Le diable est possédé par le ressentiment. Dans la Bible, le diable a voulu devenir dieu sans Dieu et contre Dieu. Dans son échec, il en veut à Dieu, aux autres et il s’en veut à lui-même. Alors que Dieu voulait rendre participants de sa nature divine par pure grâce les anges et les hommes créés à son image et à sa ressemblance, le diable a voulu voler la gloire de Dieu. Sans la grâce, il s’est retrouvé tout seul, vide. Il aurait pu réagir par le repentir mais il a préféré le déni et le refoulement. D’où son ressentiment.

Jaloux de l’amour de Dieu pour l’homme et pour la femme, le diable cherche à les manipuler et à les éloigner de la miséricorde divine.

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Le diable a préféré la gloriole à la gloire de Dieu. La gloire évoque la consistance, la valeur, la plénitude et le poids d’un être. Face à la gloire de Dieu, le malin ne fait pas le poids. La gloriole est faite de vanité, d’orgueil.

Le diable ne connaît pas l’amour, le don de soi. L’art le représente avec des cornes et des sabots, mais surtout avec des doigts crochus, car il est replié sur lui-même, possédé par ses possessions dont parle l’Évangile : terres, richesses, pouvoir, ostentation … Il convoite sans se remplir à l’image de la société de consommation et de loisirs qui laisse les personnes insatisfaites et agressives. La publicité, qui développe les besoins et l’envie, provoque souvent le ressentiment.

L’écrivain catholique Georges Bernanos (+1948) pensait que « la ruse du diable était de se faire oublier », comme un serpent tapi à l’affût de sa proie… Les démons agissent soit directement contre quelqu’un, soit indirectement à travers d’autres personnes.

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui déclarent souffrir dans leur corps et dans leur esprit des attaques diaboliques. Un discernement s’impose : ces souffrances sont-elles d’ordre psychologique ou d’ordre spirituel ? Habituellement, la réponse qui vient à l’esprit tranche entre la psychologie et la possession

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diabolique, soit c’est l’une, soit c’est l’autre.

L’expérience relativise et nuance cette approche dualiste. Le diable se glisse dans les pensées et les sentiments. Ceux qui sont possédés par le diable expérimentent le même ressentiment que lui.

Le diable malheureux veut instiller son mal-être en ceux qui l’écoutent.

Comment y échapper ? Comment sortir de ces idées noires qui défilent en boucle ? Comment guérir de la contamination de notre esprit ?

Dans l’Évangile, Jésus libère ceux qui sont possédés par le diable (cf. Mc 1,29-39). Ils passent de l’esclavage à la liberté, de la médisance à la louange, des murs invisibles de l’isolement à l’art de vivre ensemble.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Cathédrale de Saint-Denis (La Réunion) Aumônier de la prison de Domenjod

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[1] Pape François. Méditation matinale en la chapelle de la Maison sainte Marthe. Vendredi 24 janvier 2014.

[2] Cette expression « le mur invisible » apparaît aussi dans le titre du roman de Marlen Haushofer, Le mur invisible, Actes Sud, 1992.

[3] Cité par Albert Camus dans « L’homme révolté » (1951). Cf.

https://www.cnrtl.fr/definition/ressentiment

Dieu me parle dans le pauvre –

Conférence de Carême 2021 par Fr.

Manuel Rivero O.P.

Cathédrale de Saint-Denis (La Réunion), le mercredi 24 février 2021

« Dieu me parle. Oui, mais comment ? »

Le pauvre parle à Dieu

Dieu me parle dans le pauvre. En tout cas, dans la Bible, le pauvre se tourne vers Dieu qui lui répond : « Un pauvre a crié, le

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Seigneur écoute et de toutes ses angoisses il le sauve » (Psaume 34,7). Non seulement Dieu écoute le pauvre et le prend au sérieux mais le Seigneur tout-puissant et miséricordieux parle aux hommes à travers les pauvres.

Dieu voit la souffrance du pauvre. Riche en miséricorde, le Seigneur agit en avocat des humiliés.

En réponse aux cris des pauvres, Dieu appelle et envoie les prophètes

Dans le livre de l’Exode, Dieu entend les gémissements de son Peuple esclave en Égypte. En réaction aux gémissements des pauvres, Dieu appelle Moïse. La vocation des prophètes provient des pauvres. Dieu appelle non seulement pour servir et libérer les pauvres mais à cause de leurs prières. Il dit à Moïse : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel. (…) Maintenant va, je t’envoie auprès de Pharaon, fais sortir d’Égypte mon peuple » (Ex. 3,7s).

Souvent, les prêtres, les religieux et les religieuses témoignent du lien entre leur vocation et la compassion. Ils se donnent à Dieu ; ils se consacrent aussi au service des pauvres et des pécheurs. Mais il s’avère juste aussi de situer leur vocation comme venant des pauvres eux-mêmes. Dans les diocèses, il y a des services de vocations qui organisent des formations et des rencontres. Les pauvres qui parlent à Dieu suscitent des

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vocations !

Je vous partage un événement de mon enfance. Un jour, j’entends sonner à la porte de l’appartement et je suis allé ouvrir. Il y avait une famille : les parents et les enfants qui mendiaient.

J’en ai eu le cœur serré. Bouleversé, j’ai demandé à ma mère pourquoi ils mendiaient. Elle m’a répondu qu’une inondation les avait ruinés et qu’ils n’avaient plus rien. Des événements comme celui-ci font partie de la vocation. Dieu nous parle dans les pauvres.

Il exige la justice et le partage des richesses : « Qu’il n’y ait pas de pauvre chez toi ! » (Dt 15,4), s’écrit le Seigneur.

La destination universelle des biens

La doctrine sociale de l’Église enseigne la destination universelle des biens : La terre est à tous et Dieu en est le propriétaire ; les hommes n’étant que ses gestionnaires. C’est pourquoi, en cas d’extrême besoin, le principe de la propriété privée de biens s’efface au profit de la vie de l’homme. La propriété privée ne figure pas dans le Credo. Elle n’est pas sacrée. En revanche, la vie de tout homme porte au plus profond d’elle-même une dignité et une vocation sacrées : « La gloire de Dieu est l’homme vivant et la vie de l’homme est de voir Dieu », enseigne saint Irénée de Lyon. C’est en ce sens que le pape François plaide pour un revenu universel qui garantisse à chacun

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sa dignité humaine, sans déchoir dans la misère[1].

À l’examen des confessions que les prêtres passent à la fin de leurs études pour pouvoir écouter les confessions des fidèles, les examinateurs posent parfois la question du vol en cas de besoin.

Par exemple, une maman dans un pays pauvre comme Haïti souffre d’entendre ses enfants pleurer et demander de la nourriture mais elle n’a rien à leur donner. Loin d’être paresseuse, elle a cherché du travail et sollicité de l’aide autour d’elle, mais personne ne lui donne de quoi nourrir ses enfants. Elle rentre dans un magasin pour voler la nourriture indispensable. Pâques arrive, elle veut communier mais elle sent le besoin de confesser le vol. Au confessionnal, que doit dire le prêtre ? L’exhorter à se convertir ? L’avertir du mal fait ? L’exhorter à ne plus le refaire ? Qu’en pensez-vous ? La tradition de l’Église se montre ferme à ce propos. Le prêtre ne peut pas lui donner l’absolution car il n’y a pas de péché. Le principe de la destination universelle des biens, en cas d’urgence, passe avant la propriété privée.

L’option préférentielle pour les pauvres

La doctrine sociale de l’Église m e t e n l u m i è r e l ’ o p t i o n préférentielle pour les pauvres.

I l n e s ’ a g i t p a s d ’ u n e i d é e communiste mais du bon sens que toutes les mères connaissent.

Quand un enfant est malade, la maman s’occupe tout d’abord de lui. Ce n’est pas qu’elle le préfère aux autres enfants, mais elle lui accorde la priorité en fonction de son besoin urgent. Il en va de même sur le plan social, les pauvres sont prioritaires, non pas parce qu’ils seraient meilleurs que les autres, mais parce qu’ils en ont le plus besoin. Il n’y a pas de politique chrétienne

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mais il y a une manière chrétienne de faire de la politique qui consiste à partir du plus faible de la société. La foi chrétienne a façonné le droit. À ce propos, il est bon de citer le préambule de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres[2] ». La Suisse, façonnée par les Églises catholique et protestante, fait apparaître dans son droit constitutionnel la manière évangélique de faire de la politique qui consiste à partir du plus vulnérable des citoyens et non des projets idéologiques ou des multinationales.

« Heureux les pauvres »

Les béatitudes commencent par la pauvreté comme étant le fondement et la condition nécessaire pour devenir heureux du bonheur de Dieu. L’évangéliste saint Matthieu parle d’une âme de pauvre (Mt 5,3) tandis que saint Luc évoque la pauvreté tout court (Lc 6,20).

Il convient d’éviter les contresens. Jésus ne dit pas « Heureux vous les pauvres parce que vous êtes misérables mais, heureux les pauvres car ils ne seront plus pauvres. Le Royaume des Cieux est à eux ».

L’homme a une vocation de riche mais, il risque de devenir mauvais riche en fermant les yeux sur le pauvre. Possédé par ses possessions, aveuglé et sourd dans sa richesse et son désir de

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consommation, le riche peut passer à côté du pauvre sans le voir.

Dans l’Évangile, le pauvre Lazare n’est pas insulté par le riche.

Le riche ne le voit même pas. En passant à côté du pauvre recouvert d’ulcères, le regard du riche rebondit pour se poser ailleurs. Il fuit le pauvre.

Dans l’Ancient Testament, les pauvres sont désignés en hébreu par le mot « anawim » qui désigne « les courbés », les faibles, les petits, les affligés, les humbles et les doux. La pauvreté ne saurait se réduire à la dimension matérielle. Seul un cœur de pauvre peut faire l’expérience heureuse de la rencontre avec Dieu.

La pauvreté, synonyme aussi d’humilité, figure comme la condition sine qua non pour accueillir le Royaume de Dieu. Le contraire du pauvre étant l’orgueilleux, le cœur autosuffisant, sourd et imperméable à la grâce.

Dans l’Évangile, Jésus s’identifie à ceux qui souffrent. Ce que nous faisons aux affamés qui sont bien plus nombreux que les malades du Covid-19, aux assoiffés en temps où l’eau devient de plus en plus un bien rare dans le monde, aux malades souvent mis de côté et oubliés, aux prisonniers que l’on méprise et que l’on ignore, aux étrangers qui peuvent nous déranger, nous le faisons à Jésus lui-même (cf. Mt 25,31s).

Outre les sept sacrements que nous connaissons (baptême, eucharistie, mariage etcétéra), il y a le sacrement du frère.

Inutile d’aller très loin pour rencontrer Dieu. Il nous attend en la personne de ceux qui souffrent tout près de nous, en notre

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prochain.

« L’Esprit m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18).

Messie, revêtu du Saint-Esprit, Jésus a annoncé la bonne nouvelle du Salut aux pauvres, aux malades et aux prisonniers.

Le pape François exhorte les catholiques à aller aux périphéries.

Il s’agit de rencontrer les personnes en souffrance, souvent marginalisées et même considérées comme un poids inutile pour la société, voir comme « un déchet ».

Les pauvres méritent non seulement l’aide matérielle mais aussi l’attention fraternelle. À ce propos, je me souviens d’une anecdote racontée par le cardinal Marty, archevêque de Paris. Lors de l’une de ses arrivées dans l’aéroport de Paris, il était pressé de trouver un taxi pour se rendre à une réunion de travail quand un SDF lui tend la main. Le cardinal Marty sort rapidement une pièce de sa poche et la lui donne. Le SDF la lui rend en lui disant : « De vous, Monseigneur, je veux votre regard et votre poignée de mains ». En le racontant lors d’un café conventuel chez les Dominicains de Toulouse, le cardinal avait honte.

Avoir honte de ne pas aimer les pauvres, c’est bien. Le pape François cite saint Ignace de Loyola qui propose de demander la grâce de la honte de nos péchés.

En espagnol, l’une des pires insultes consiste à être appelé

« sans honte » (sinvergüenza).

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