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Pour une démocratisation du financement de la vie politique

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Pour une démocratisation

du financement de la vie politique

Rédaction

Jonathan Boissinot, Matthieu Duc, Alexandre Lesage

Pôle Citoyenneté et Institutions 2018-2019 Terra Nova Sciences Po

Edition et supervision

Vincent Gouinaud, Alexandre Lesage, Lorenzo Paliotta, Justine Touchon Bureau 2018-2019 de Terra Nova Sciences Po

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui nous voudrions témoigner toute notre reconnaissance.

Nous désirons remercier chaleureusement Julia Cagé, Professeure d’économie à Sciences Po, Abel François, Professeur d’économie à l’Université Lille 1 et François Logerot, Président de la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques, pour nous avoir accordé des entretiens de grande qualité qui ont fortement contribué à notre compréhension du sujet et à l’enrichissement de ce rapport.

Par ailleurs, nous tenons à remercier les membres du bureau de Terra Nova Sciences Po, particulièrement Vincent Gouinaud (Président), Lorenzo Paliotta (Directeur des publications) et Justine Touchon (Vice-Présidente) pour leur supervision, leurs conseils, leurs contributions et leur relecture.

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SOMMAIRE

Introduction

1. L’état actuel du financement de la vie politique en France 1.1. Un fonctionnement mixte partiellement inégalitaire

a) La structure du financement public de la vie politique

b) L’inégale répartition du don politique dans la population française 1.2. Un système injuste pour une démocratie inégalitaire

2. Initiatives politiques récentes et modèles internationaux : quelles pistes de réformes ?

2.1. Des évolutions récentes : limiter les dérives, soutenir la diversité a) Le plafond de 7500€ par personne

b) L’inégal financement de la campagne électorale c) Le médiateur aux crédits : une solution viable ? d) Le renoncement à la Banque de la démocratie

2.2. Tour d’horizon du financement de la vie politique à l’étranger : de quoi peut-on s’inspirer ?

a) Financement public de la vie politique : pluralité des modèles et expériences originales

b) Financement privé : des équilibres très variables d’un pays à l’autre à l’origine de modèles qui ont leurs logiques propres

3. Le système de financement de la vie politique aujourd’hui : réformer ou transformer ? Deux scenarii pour y répondre

3.1. Refonder notre système de financement : les bons pour l’égalité démocratique 3.2. Réformer notre système de financement : corriger les défauts existants par des mesures ciblées

Conclusion

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Introduction

Il est d’usage de déclarer que si la démocratie n’a pas de prix, elle a un coût : manière d’affirmer que si notre engagement en faveur de la démocratie doit être sans bornes, il n’en demeure pas moins que la vie politique - entendons par là les campagnes électorales et les activités courantes des formations politiques - représente un coût financier véritable qu’on ne saurait occulter. Il serait de toute manière bien difficile de le dissimuler, en raison des différentes « affaires » liées au financement de la vie politique qui ont troublé l’espace public depuis plusieurs dizaines d’années, et qui ont participé au désenchantement d’une vaste portion de la population française à l’égard de l’exercice du pouvoir. C’est en effet un sentiment de méfiance qui définit depuis des années le rapport des citoyens à leurs institutions démocratiques, qu’ils jugent majoritairement défaillantes1.

Ce dernier point est l’un des motifs principaux de la contestation à laquelle nous avons assisté ces derniers mois. Le mouvement des Gilets jaunes, initié sur les réseaux sociaux à la fin du mois d’octobre 2018, s’est cristallisé autour d’une critique radicale des institutions représentatives et d’une politique fiscale jugée injuste. Tributaires d’obligations, tenus par des devoirs, contribuables et redevables, mais pourtant pas ou peu impliqués dans la décision politique ; trop éloignés du pouvoir, en somme, et pourtant continûment sujets de ce même pouvoir : les Gilets jaunes ont fortement remis en cause cette asymétrie. Par opposition, plusieurs instruments démocratiques ont été proposés, censés redonner un pouvoir d’influence au peuple, en incluant les plus vulnérables, qui ont constitué le noyau des protestations de ces derniers mois.

C’est à cet appel à une meilleure représentation démocratique que nous entendons répondre : car refaçonner notre système de financement de la vie politique, c’est se doter d’un nouvel outil démocratique qui renforcera la participation civique de tous au bon fonctionnement des institutions. C’est aussi l’occasion de se donner les moyens de renforcer les institutions de contrôle de l’usage des deniers publics et d’ainsi prendre en compte la « sensibilité extrême de l’opinion publique vis-à-vis du rôle de l’argent public dans la vie politique »2.

1 Le Baromètre de la confiance politique établi par le CEVIPOF et par OpinionWay montre avec constance ces deux données. Dans la synthèse décennale des résultats de cet outil créé en 2009, M. Cheurfa et F. Chanvril soulignent que ce sont la méfiance et le dégoût qui ont dominé depuis dix ans le rapport des Français à la politique. De plus, 70% de l’échantillon sélectionné considérait en janvier 2019 que la démocratie en France ne fonctionnait « pas très bien ». M. Cheurfa, CEVIPOF, «Le Baromètre de la confiance politique - vague 10. Une colère qui vient de loin ». Paris, janvier 2019. Disponible sur : https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/les- resultats-par-vague

2 René Dosière, Proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale n°4650 du 22 mai 2017. Disponible sur :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4650.asp

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Car le système actuel de financement de la vie politique française, pour efficace qu’il soit, malgré les progrès faits au cours des dernières années, n’est pas exempt de failles. L’aide publique, répartie majoritairement sur la base des résultats aux élections législatives quinquennales, fige la compétition politique sur cinq années et ralentit l’émergence spontanée de nouveaux acteurs. Les dons des particuliers, eux, sont majoritairement le fait des tranches les plus aisées de la population française. Et le montant de ces dons, en moyenne proche du plafond de limite, est de toute évidence inaccessible à une vaste majorité de la population française. Pourtant, le système d’incitation fiscale est conçu d’une telle manière qu’il implique la participation fiscale de l’ensemble de la population aux préférences politiques de ceux qui donnent - donc surtout des plus aisés. Enfin, il apparaît qu’en dépit de son rôle prépondérant dans le contrôle des finances de la vie politique française, la Commission Nationale des Comptes de Campagnes et des Financements Politiques (CNCCFP) n’a pu exercer son rôle de vigie dans les meilleures conditions.

Le présent rapport entend proposer des mesures pouvant contribuer à restaurer l’égalité démocratique entre tous les citoyens et à rendre le jeu politique plus dynamique. Il en va ici du sérieux de notre engagement envers les valeurs démocratiques que proclame la France : nous estimons que le système actuel constitue une rupture dans l’égale influence sur la vie politique que devrait se voir accorder tout citoyen au sein d’une démocratie. De plus, il est fondamental d’introduire davantage de fluidité dans la vie politique française, de sorte que l’offre politique reflète pleinement l’état des préférences de l’ensemble de la population, au sein d’institutions pérennes et stables. Nous sommes convaincus en effet que cela permettrait une meilleure représentation et expression des oppositions au Parlement. Sur la base des enseignements de l’histoire politique française des trente dernières années et par comparaison avec les expériences d’autres pays dans le monde, nous proposons en conclusion de ce rapport deux scénarii alternatifs qui ont vocation à remédier aux problèmes soulevés.

1. L’état actuel du financement de la vie politique en France

La législation sur le financement de la vie politique française est le fruit d’une sédimentation législative récente, lente et très circonstanciée (voir Annexe 1). Elle produit un système d’aide publique plutôt généreux mais qui profite à relativement peu de formations politiques. Du point de vue des dons, des réductions d’impôt conséquentes sont accessibles pour les foyers fiscaux imposés sur le revenu. Dans les faits, ce sont les tranches les plus aisées de la population qui donnent relativement le plus.

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1.1. Un fonctionnement mixte partiellement inégalitaire

La législation française3 encadre le financement des campagnes électorales et le financement des partis politique par des règles relativement proches. Ce sont en particulier le Code électoral et la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique qui constituent la matrice du système français de financement de la vie politique. Cette législation, saluée comme « l’une des plus avancées dans le monde »4, définit un système de financement dit « mixte » : tandis que l’Etat en supporte une partie, le coût de la vie politique est également financé par les personnes physiques - par opposition aux personnes morales : entreprises, associations, institutions… Cela peut se faire principalement par le biais de l’adhésion à un parti, ou par le biais d’un don. Voyons en détail la structure actuelle du financement de la vie politique française.

a) La structure du financement public de la vie politique

L’aide publique allouée aux partis politiques n’est pas négligeable et les élections législatives sont le prisme quasi-unique de sa répartition. C’est à partir d’un double filtre de résultats que cette aide est répartie. On distingue entre une « première fraction

» qui correspond à l’aide accordée à un parti en fonction de ses résultats au 1er tour de scrutin des élections législatives, et une « seconde fraction », qui correspond à l’aide qui lui est accordée en fonction du nombre de parlementaires déclarant s’y rattacher. Autrement dit, un parti pourrait par exemple obtenir de bons résultats au premier tour - il recevrait un certain montant au titre de la première fraction - et ne finalement remporter aucun siège au second tour - il n’obtiendrait donc aucune part de la seconde fraction5. Si l’on se fie à l’« Avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2017 »6 publié en janvier 2019 par la CNCCFP, « l’aide publique attribuée en 2017 atteint un montant total de 63 886 615 euros dont 29 614 655 euros au titre de la première fraction et 34 259 873 euros au titre de la seconde fraction »7. Le montant de cette aide publique directe est parfois considéré comme faible, voire très faible en comparaison avec les Etats-Unis où le coût total des campagnes se chiffre en milliards. Toutefois, cette comparaison

3 Nous renvoyons le lecteur à l’annexe pour un historique de la législation française en la matière.

4 Transparency International France, Financement de la vie politique [en ligne], Transparency International France [consulté le 23/03/2019]. Disponible sur :

https://transparency-france.org/renforcer-notre-democratie/financement-vie-politique/

5 Autrement dit, il ne suffit pas de gagner une élection législative sous une étiquette politique : c’est la déclaration de rattachement, une fois l’élection remportée, qui conditionne pour le parti le déclenchement du versement de la seconde fraction.

6 « Avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2017 », Publication générale des comptes 2017 des partis et groupements politiques/CNCCFP - Paris Journal Officiel, 2017. - J. O. du 11 janvier 2019 (Lois et décrets)

7 ibid., p. 4

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souvent établie doit être relativisée si l’on rapporte chacun de ces montants à leur démographie respective.

On constate également que tous les partis politiques n’ont pas un rapport égal à ce financement : d’abord, la quasi-totalité des partis politiques8 ne le perçoivent pas.

Ensuite, la dynamique propre à la politique suppose que des partis émergent en cours de législature parlementaire, et qu’ils se trouvent sans aide publique pendant plusieurs années (jusqu’au prochain scrutin) indépendamment de l’adhésion populaire qu’ils peuvent susciter. C’est le cas de La République en marche (LREM), qui n’avait, en 2017, aucune aide publique sur laquelle se reposer pour mener ses campagnes.

D’autre part, certains partis ont une tradition historique de forte cotisation de leurs élus et adhérents - c’est le cas du Parti Communiste - ce qui explique que l’aide publique pèse relativement moins dans leurs finances. Cela étant, en dépit de quelques exceptions, l’aide publique est la source de recettes la plus importante des partis qui en sont bénéficiaires. En 2017, elle représentait en moyenne 63,5% des recettes de ces partis9. Ainsi, le système d’aide publique est généreux pour ceux qui en profitent mais ils sont très peu nombreux à en bénéficier : les élections législatives, prisme fondamental de la répartition de l’aide publique aux partis, est plus favorable aux formations politiques de grande envergure, peu nombreuses. Qui plus est, cette aide est entièrement conditionnée par les résultats à une élection quinquennale, ce qui empêche les partis qui émergent en cours de législature d’obtenir un soutien financier pérenne. La situation est différente pour le financement des campagnes électorales : il est en quelque sorte plus accessible.

D’une part, l’Etat assume le coût de ce que l’on appelle les dépenses de « propagande officielle », ou « dépenses R.39 » - du nom de l’article du Code électoral qui les énumère - dans la limite des plafonds fixés : ce sont principalement les affiches et les bulletins de vote. Pour être remboursé, un candidat doit obtenir 5% des suffrages exprimés au 1er tour du scrutin. Seule l’élection présidentielle fait exception : en raison de son ampleur, l’Etat rembourse à tous les candidats leurs frais de propagande officielle, indépendamment de leur score.

D’autre part, l’Etat rembourse aux candidats ayant obtenu 5% des suffrages exprimés au 1er tour une partie de leurs autres dépenses de campagne. Ce remboursement est limité à 47,5% du plafond des dépenses autorisé dans la circonscription en question.

Ce plafond est défini par l’Etat lui-même avant l’élection. Prenons l’exemple suivant : un candidat a obtenu 20% des suffrages lors du premier tour de l’élection municipale de sa commune. Il a dépensé 6 000€ pour sa campagne, alors que le plafond des dépenses avait été fixé à 10 000€ dans sa circonscription. Sous réserve que sa

8 En 2017, 523 formations politiques étaient tenues de déposer leurs comptes : autrement dit, il existait 523 associations à but politique.

9 Calcul effectué sur la base de l’Avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques au titre de l’exercice 2017, ibid.

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comptabilité soit approuvée en l’état, il pourra obtenir un remboursement forfaitaire de 4750€ (47,5% du plafond de 10 000€) sur les 6000€ qu’il avait engagés, le reste demeurant à sa charge.

Les candidats ayant obtenu moins de 5% des suffrages exprimés ne peuvent prétendre à ce dispositif. Seul le scrutin présidentiel déroge à cette règle, puisque les candidats n’ayant pas obtenu 5% des suffrages exprimés au 1er tour peuvent quand même prétendre au remboursement forfaitaire de leurs comptes de campagnes dans la limite de 4,75% du plafond autorisé. Sur les 74,1 millions d’euros de dépenses engagées par les 11 candidats à l’élection présidentielle de 2017, la CNCCFP a ouvert après étude, réformation et certification des comptes de campagne, au remboursement de 41 millions d’euros10. Pour les législatives, sur les 74,8 millions d’euros de dépenses engagées, le remboursement forfaitaire de l’Etat a été de 45,6 millions d’euros11.

b) L’inégale répartition du don politique dans la population française La législation en matière de don a beaucoup évolué au fil des ans. S’agissant des partis politiques, le don est limité à 7 500€ par personne et par an, sans limite de partis destinataires ; s’agissant des campagnes électorales, le don est limité à 4 600€ par élection, sans limite de candidats destinataires. Au total, un foyer fiscal - peu importe le nombre de personnes physiques qu’il comporte - est limité dans ces deux types de dons à 15 000€ par an12. Mais y compris dans ce domaine, l’Etat contribue de manière indirecte au financement de la vie politique. En effet, tout foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu est susceptible d’obtenir une réduction d’impôt correspondant à 66% du montant de ses dons dans la limite de 20% du revenu imposable13. Cela crée une brèche dans l’égalité d’influence sur la vie politique dont devraient jouir les citoyens.

Le financement de la vie politique par les personnes privées est une pratique inégalement distribuée dans la population française : elle est à mettre principalement à l’actif de ses tranches les plus aisées. C’est ce qu’a mis en valeur l’économiste Julia

10 Lorsqu’elle reçoit les comptes des formations politiques, la CNCCFP est chargée d’en vérifier la conformité avec les règles comptables en vigueur. On dit d’elle qu’elle “réforme” les comptes lorsqu’elle retranche de ces comptes certaines recettes ou dépenses non-autorisées ou mal classées. Ceci explique l’écart qui existe en général entre le montant total des recettes et dépenses déclaré par une formation politique et celui que la Commission retient au terme de l’étude de ces comptes. Si les comptes sont réputés conformes, la Commission les certifie : c’est cette certification qui leur permet d’être légalement considérés comme des partis politiques.

11 Dix-neuvième rapport d’activité de la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des financements politiques, Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2018

12 On peut donc pour exemple imaginer la situation suivante. En 2017, le couple X a fait don de 15 000€, décomposé ainsi : l’un a donné 6 000€ au parti A et 1 500€ au candidat de ce parti pour l’élection présidentielle

; tandis que l’autre a donné 5 000€ au parti B et 2 500€ au candidat de ce parti à l’élection législative.

13 Pour reprendre l’exemple de notre couple X, la déclaration de 15 000€ de dons, dans la mesure où celle-ci demeure sous les 20% du plafond imposable, leur permettrait d’obtenir une réduction d’impôt de 66%, soit les deux tiers de leur don : 10 000€ leur serait reversés par l’administration fiscale l’année suivante.

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Cagé dans un ouvrage consacré au financement de la vie politique paru en 201814. Comme elle le souligne, le montant des dons privés aux partis politiques est chaque année supérieur aux financements publics, bien qu’il soit en baisse depuis plusieurs années. Le don aux partis politiques est pourtant, en moyenne, une pratique très marginale. En 2016, seuls 0,79% des foyers fiscaux ont réalisé un don15. Toutefois, la décomposition des foyers fiscaux français en déciles de revenus, comme l’a réalisée Cagé, permet une appréciation plus fine de cette pratique « de niche ». Au sein du dernier décile, c’est à dire des 10% des foyers fiscaux aux revenus les plus élevés, ce sont environ 3% des foyers fiscaux qui réalisent un don. Si l’on affine encore l‘analyse et que l’on observe les 0,01% des foyers fiscaux les plus aisés, on constate que 10%

ont réalisé un don. De surcroît, ces 0,01% des foyers les plus riches ont donné en moyenne 5 245€ en 2016, soit 10 fois plus que la moyenne nationale. Au final, Cagé souligne la comparaison suivante : le don moyen est de 23€/an pour les 10% des plus petits donateurs et de 2 000€ pour les 10% des plus gros donateurs, soit 84 fois plus

; et les libéralités de ces 10% des plus gros donateurs, situés dans les tranches les plus aisées de la population, représentent « en moyenne chaque année près de 68 millions d’euros, soit plus des deux tiers du total des dons »16.

Le don aux partis politiques ou à un candidat est donc une pratique très inégalement répartie dans la population. Comme en attestent les chiffres cités, les franges les plus aisées donnent plus, plus souvent, et possèdent donc à ce titre une influence plus grande que le reste de la société sur la vie politique.

1.2. Un système injuste pour une démocratie inégalitaire

L’argent joue indéniablement un rôle dans la conquête des postes électifs et dans le fonctionnement d’un parti ; il est donc nécessaire de se procurer des fonds par les moyens légaux disponibles. Le jeu politique se trouve alors en partie déterminé par la capacité des partis et des candidats à capter les contributions financières de la portion la plus aisée de la population, qui est aussi celle qui donne le plus, comme nous l’avons vu. Au moins de manière marginale, cela implique une reconfiguration tendancielle de l’offre programmatique et des politiques menées, rendues plus favorables aux intérêts des tranches de la population susceptibles de réaliser ces contributions17.

14 J. Cagé, Le prix de la démocratie, Fayard, 2018 15 ibid, p. 88

16 ibid., p. 97

17 On peut mentionner à ce sujet l’étude menée aux Etats-Unis par le politiste Martin Gilens (Affluence and Influence: Economic Inequality and Political Power in America, Princeton University Press, 2012). Par l’expression de « démocratie par coïncidence », il montre que les préférences politiques des plus aisés systématiquement privilégiées par le parti au pouvoir - qu’il soit de gauche ou de droite - , lorsqu’elles entrent en conflit avec celles des moins aisés. Ce point peut être un prisme de lecture des évolutions du jeu électoral français : les grands partis de gauche, en perdant leur électorat populaire massif, se seraient progressivement « libéralisés » afin de se maintenir à flot sur le marché des dons.

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Pourtant, tout citoyen ne se tient pas dans une position d’égalité face au don. Un don de 200€ peut peser proportionnellement autant dans les finances d’un foyer fiscal qu’un don de 7 500€ dans celles d’un autre ; et s’il ne paraît pas de prime abord extravagant qu’un contribuable très aisé donne plus qu’un autre, gardons à l’esprit que tout citoyen n’est pas en mesure de débourser 7 500€ par an pour contribuer au financement du parti politique de son choix : rappelons qu’un travailleur au SMIC a gagné environ 18 000€ en 2019. Pourtant, s’agissant de politique en régime démocratique, tout individu devrait se voir accorder des conditions d’influence égales, et non pas proportionnelles à sa richesse économique.

A ce premier problème, le système d’incitation fiscale français ajoute un biais supplémentaire. Façonné de tel sorte qu’il accorde une réduction d’impôt aux foyers fiscaux soumis à l’impôt sur le revenu, il induit que tout citoyen membre d’un foyer fiscal non soumis à l’impôt sur le revenu ne se voit attribuer aucun avantage fiscal au don. Dans le cas que nous avons mentionné, un foyer fiscal peut débourser 200€ et un autre 7 500€, de sorte que ce don représente dans leurs finances une même proportion. Reste que le premier don ne sera pas susceptible d’ouvrir sur l’avantage fiscal au don, tandis que le second le sera, et à peu près 4 500€ seront versés à ce foyer sous la forme d’une réduction d’impôt, diminuant ainsi, des deux tiers, la proportion que pèse effectivement ce don dans ses finances. Cela est d’autant plus problématique que, selon le rapport annuel de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), 43% des foyers fiscaux sont soumis à l’impôt sur le revenu en 201718. 43% des foyers fiscaux seulement sont donc susceptibles de voir leurs dons allégés par une réduction fiscale. Or, on l’a évoqué, la structure du don démontre que ce sont essentiellement les catégories les plus aisées qui donnent le plus ; ce sont donc aussi, quantitativement, celles qui bénéficient le plus largement du système d’incitation fiscale. Il en ressort le constat suivant : par le biais de la politique fiscale de l’Etat, l’ensemble des Français contribue au financement des préférences politiques d’une partie seulement de la population, qui est relativement la plus aisée. Constat qui mène parfois en pratique à des situations démocratiquement difficiles à justifier. A la suite de l’invalidation de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel, Nicolas Sarkozy se trouve en 2012 dans une situation très délicate. ll ne se verra pas remboursé une partie de ses frais de campagne. Cet argent, il le doit à l’UMP, son parti, qui l’a aidé financièrement dans sa campagne. Est alors lancé le « Sarkothon » : en quelque semaines, 11 millions d’euros de dons de personnes physiques sont levés par l’UMP. Ainsi, alors même que l’Etat, par la voix du Conseil constitutionnel, avait refusé le remboursement d’une partie de ses frais de campagne à Nicolas Sarkozy, il s’est trouvé à y contribuer de manière indirecte via les réductions d’impôt auxquelles pouvaient légitimement prétendre les donateurs ayant participé au « Sarkothon »19.

18 Direction Générale des Finances Publiques, Rapport d’activité 2017. Cahier statistiques, Paris, juin 2018 19 Sans présumer de la structure de ces dons, on peut au moins imaginer qu’une raisonnable part a été consentie par des foyers fiscaux redevables de l’impôt sur le revenu.

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Les citoyens français ne se tiennent donc pas sur un même pied d’égalité dans leur capacité d’influence sur la vie politique française, eu égard à son financement.

Enfin, la vie politique française est en partie figée par les modes de financement qui la sous-tendent : la part écrasante des résultats aux élections législatives quinquennales dans l’attribution de l’aide publique induit une grande staticité du jeu politique et obstrue l’émergence spontanée de nouveaux acteurs politiques, ou bien les contraint à se reposer uniquement sur des contributions privées20. Et dans cette dernière perspective, de deux choses l’une : ou bien les partis ménagent une partie de leur programme politique pour ne pas rebuter les populations les plus généreuses dans leurs contributions ; ou bien ils se tournent vers des banques, qui conditionnent tout prêt conséquent aux intentions de vote. Dans ce dernier cas de figure, un candidat qui n’est pas crédité avec constance de 5% d’intentions de vote, et qui ne bénéficiera potentiellement pas du remboursement forfaitaire accordé par l’Etat, aura bien du mal à obtenir un emprunt conséquent.

2. Initiatives politiques récentes et modèles internationaux : quelles pistes de réformes ?

Après avoir présenté le système français de financement de la vie politique et souligné quelles en étaient les failles, nous nous proposons d’explorer le champ des solutions qui s’offrent à ces problèmes : d’abord, par un retour sur les initiatives politiques récentes ; ensuite, en réalisant une analyse comparative du modèle français vis-à-vis d’autres modèles nationaux.

2.1. Des évolutions récentes : limiter les dérives, soutenir la diversité

Au cours de la dernière décennie, plusieurs réformes ont vu le jour à la suite d’affaires politico-financières qui ont entaché la vie politique française et la confiance que peuvent placer les citoyens dans leurs représentants.

20 Le cas d’Emmanuel Macron est à cet égard tout à fait exceptionnel. Ayant créé son parti En Marche! entre échéances deux législatives, il a mené campagne exclusivement sur la base de contributions privées - si l’on excepte, évidemment, le remboursement public ultérieur d’une partie de ses frais de campagne par l’Etat.

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a) Le plafond de 7500€ par personne

Le souffle provoqué par « l’affaire Cahuzac » a permis de mettre en place une réforme21 importante en 2013, qui a institué la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). En ce qui concerne le financement des partis, cette loi instaure un plafond maximum pour les dons aux partis politiques fixé à 7 500€ par personne. Auparavant ce seuil s’appliquait par parti et non par personne, ce qui signifie qu’une personne pouvait donner 7 500€ à plusieurs partis. La conséquence d’un tel système avait été la multiplication de micro-partis, officiellement indépendants, mais dans la réalité rattachés aux partis principaux et ce dans le seul but de collecter des dons importants provenant de la même personne, avant de les renvoyer à leur

“maison-mère”.

b) L’inégal financement de la campagne électorale

Lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017 une nouvelle affaire éclate autour du candidat du parti Les Républicains, François Fillon. La nouvelle majorité élue fait voter une « loi pour la confiance dans la vie politique »22 dès septembre, quelques mois seulement après les élections législatives. Elle poursuit deux objectifs : assurer plus de transparence en renforçant le rôle de la HATVP créée quatre ans plus tôt et permettre aux partis émergents de trouver des financements plus facilement. Comme nous l’avons évoqué, le système tel qu’il fonctionne aujourd’hui favorise les partis implantés qui reçoivent des financements publics en fonction de leurs résultats électoraux. Les partis ayant des résultats plus faibles ne disposent pas de sources de financement similaires et dépendent donc davantage des dons ou des emprunts bancaires.

Or les banques commerciales sont généralement réticentes à financer les partis politiques, parce qu’il s’agit de clients risqués. D’abord les candidats politiquement exposés doivent faire l’objet d’une surveillance accrue, car les banques ont l’obligation de lutter contre le blanchiment, ce qui implique des coûts de gestion plus élevés pour ces clients à risque. De plus, les banques sont plus prudentes vis-à-vis des intentions de vote qui indiquent si le candidat dépassera ou non les 5%, un pourcentage qui, s’il est atteint, lui permet d’obtenir un remboursement public d’Etat à hauteur de 47,5 %.

Autre source d’incertitude, les comptes de campagne doivent être validés par le CNCCFP, ce qui n’est pas systématique. Les banques commerciales exigent donc de la part des partis un gage sérieux en échange de leur emprunt. C’est pourquoi ces dernières seraient finalement plutôt favorables à ce que les partis soient financés entièrement par de l’argent public.23

21 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique 22 Loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique (1)

23 Jean-Baptiste Jacquin et Véronique Chocron, Le projet de banque de la démocratie repoussé [en ligne], Le Monde, 14/06/2017, [consulté le 25 mars 2019]. Disponible sur :

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c) Le médiateur aux crédits : une solution viable ?

Pour répondre à ce problème, la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique a institué un « médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques ». Le premier titulaire de cette fonction est Jean-Raphaël Alventosa, qui a été nommé par décret le 4 août 2018 pour un mandat de six ans. Directement inspiré du modèle du médiateur national du crédit pour les entreprises, son rôle est de faciliter les financements des candidats et des partis politiques, afin de garantir le principe de pluralité politique. Il peut être saisi par tout candidat, parti ou groupement politique pour exercer une mission de conciliation auprès des banques qui ont refusé d’accorder l’emprunt ou d’ouvrir un compte. Cependant, en tant que médiateur, il n’a aucun pouvoir de contrainte. Il doit remettre chaque année un rapport au Parlement pour faire le bilan de son activité et lui soumettre des recommandations relatives au financement de la vie politique. En contrepartie, la loi interdit désormais aux partis politiques et aux candidats d’être financés par des prêts provenant d’établissements financiers situés en dehors de l’Espace économique européen. Cela avait été notamment le cas pour le Front national qui avait dû recourir à un emprunt russe en novembre 2014 alors qu’il avait essuyé plusieurs refus de la part des banques françaises. Le rôle du médiateur est précisément d’aider les partis ayant du mal à trouver des ressources financières du fait de scores jugés trop faibles (c’est-à-dire inférieurs à 5% et ne garantissant pas un remboursement partiel des frais de campagne par l’Etat). Cependant, comme nous l’avons précisé, il ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte : ainsi, il ne peut obliger une banque à accorder un prêt ou ouvrir un compte à un parti ou un candidat si elle ne souhaite pas le faire.

d) Le renoncement à la Banque de la démocratie

Cependant la loi du 15 septembre 2017 a été critiquée pour son renoncement au projet de « banque de la démocratie » proposé par François Bayrou. D’après François Bayrou, la banque de la démocratie aurait été « adossée à la Caisse des dépôts et consignations, […] un peu comme la Banque publique d’investissement ». Son rôle aurait été de « financer la vie publique »24 c’est-à-dire à la fois les activités des partis en temps normal mais aussi leurs campagnes électorales. Elle aurait également pu proposer des assurances si les intentions de vote du parti n’étaient pas suffisantes pour leur garantir un remboursement partiel des frais de campagne. Contrairement au médiateur du crédit, la Banque de la démocratie aurait donc pu jouer un rôle de prêteur en dernier ressort même si, le projet n’ayant pas abouti (précisément parce que le

https://www.lemonde.fr/societe/article/2017/06/14/le-projet-de-banque-de-la-democratie- repousse_5144390_3224.html

24 La banque de la démocratie, mais à quoi ça sert ? [En ligne], Challenges, 12/06/2017 [consulté le 25 mars 2019]. Disponible sur :

https://www.challenges.fr/politique/la-banque-de-la-democratie-mais-a-quoi-ca-sert_477499

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médiateur du crédit était jugé suffisant par la majorité), il est difficile de savoir quelle forme exacte aurait pris cette idée.

Parmi les raisons qui ont poussé le gouvernement à renoncer à la Banque de la démocratie, ont été évoqués un risque de lourdeur administrative, la question de la neutralité de l’Etat en tant que prêteur aux partis et candidats, et le dédoublement des rôles avec le médiateur du crédit qui poursuivait le même objectif et devait permettre de l’atteindre à moindre coût.

2.2. Tour d’horizon du financement de la vie politique à l’étranger : de quoi peut-on s’inspirer ?

Il convient de replacer l’organisation française du financement de la vie politique dans un contexte plus large pour mieux en évaluer les forces et les faiblesses. Il est ainsi frappant de constater une grande diversité de modèles en Europe et en Amérique, résultats d’événements particuliers relevant des histoires politiques nationales.

a) Financement public de la vie politique : pluralité des modèles et expériences originales

Dans une perspective internationale, il faut constater avant tout que le financement public ne va pas de soi. S’il reste important dans des pays comme la France, l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Espagne, il est relativement marginal - pour ne pas dire inexistant - en Italie, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. De même, les formes de financement sont très variables : en France et en Belgique, le fonctionnement est relativement similaire, avec un financement public direct des partis fondé sur le nombre de parlementaires et les résultats aux élections législatives. En Allemagne, le Bundestag a la charge de répartir chaque année un fond de dotation aux partis, avec la condition que le financement public direct reste inférieur ou égal au financement privé. En compensation, le pays a mis en place un système d’abondement, destiné à encourager les dons des personnes physiques : pour chaque euro donné par un particulier à un parti politique dans la limite de 3 300€, l’Etat ajoute 0,45€

supplémentaire.

Deux expériences méritent également d’être mentionnées : le 2 pour 1000 italien et le Presidential fund américain. Comme nous l’avons précisé, les Etats-Unis et l’Italie font partie des pays occidentaux dans lesquels le financement public est l’un des plus faibles. Pour autant, ils ont mis en place des systèmes innovants, qui, s’ils sont intéressants, souffrent de plusieurs limites. En Italie, chaque citoyen a ainsi la possibilité d’accorder 0,2% du montant de ses impôts à un parti politique. Autrement dit, l’Etat laisse le contribuable italien choisir quels partis « méritent » d’obtenir un financement public. L’idée est cependant limitée. En effet, elle écarte du choix ceux qui ne paient pas d’impôts sur le revenu. De plus, du fait de la non progressivité du

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système, les plus aisés, parce qu’ils paient plus d’impôts, ont la possibilité de donner plus d’argent aux partis qui leur sont plus favorables, ce qui renforce les inégalités entre citoyens. Enfin, cette possibilité reste facultative, ce qui rend le financement instable et très variable d’une année sur l’autre. Le Presidential fund s’inscrit dans la même veine. Depuis les années 1970, les citoyens américains ont la possibilité de donner $3 à un fond destiné à financer les campagnes présidentielles. Encore une fois, cela reste optionnel et, surtout, ils n’ont pas la possibilité de choisir vers quel parti ira cette somme. En outre, les candidats ont la possibilité de renoncer à ce mode de financement public pour ne recourir qu’au financement privé, si bien qu’au cours des dernières années, le presidential fund s’est trouvé excédentaire. Dans un contexte de méfiance des citoyens vis-à-vis des partis politiques ces deux expériences sont tombées en désuétude ; elles restent toutefois intéressantes et méritent d’être creusées.

b) Financement privé : des équilibres très variables d’un pays à l’autre à l’origine de modèles qui ont leurs logiques propres

Pour comprendre l’encadrement juridique des dons privés, il y a globalement quatre enjeux à prendre en compte dans les pays occidentaux : la mise en place ou non d’un plafond aux dons, associé ou pas à un système de déduction fiscale, l’autorisation ou l’interdiction des dons provenant des entreprises, et enfin le degré plus ou moins élevé de transparence lié aux donateurs. De ce fait, aucun des pays n’incarne le modèle idéal, chacun relevant d’une logique qui lui est propre.

La France, comme nous l’avons vu, se distingue par un plafonnement des dons (fixé à 7 500€ par personne et par an), un système de déduction fiscal avantageux (à condition de payer l’impôt sur le revenu, ce qui bénéficie aux ménages les plus aisés), une absence quasi totale de transparence quant à l’origine des dons et l’interdiction pour les entreprises de financer la vie politique depuis 1995. Le modèle belge est sans doute celui qui se rapproche le plus du nôtre : pareillement, les dons des entreprises y sont interdits, et les dépenses de campagnes plafonnées. De même un plafond de don existe également, plus strict : un individu ne peut pas donner plus de 500€ par parti dans la limite d’une dépense maximum fixée à 2 000€ par an.

A l’inverse, le système allemand est très différent. Les dépenses de campagne ne sont pas limitées, mais il n’y a, d’un autre côté, aucun remboursement des frais de campagne contrairement à la France. Les dons des entreprises sont autorisés mais doivent respecter une obligation de transparence : les partis doivent faire figurer tous les ans l’identité des donateurs pour les dons supérieurs à 10 000€ sur le site du Bundestag. L’intérêt du modèle allemand repose toutefois sur son mécanisme d’abondement. Pour chaque euro donné dans la limite d’un don de 3 300€, l’Etat allemand abonde 0,45€ supplémentaire. Autrement dit, l’avantage fiscal s’applique immédiatement (et non par une baisse d’impôt a posteriori) et surtout, il n’est pas nécessaire de payer un impôt particulier, chacun bénéficiant de l’abondement. Cela

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s’accompagne également d’un système de déduction fiscale, fixé à 50% et concernant uniquement les 1 650 premiers euros d’un don, ce qui rend les dons plus importants moins attractifs, contrairement à la France.

L’Espagne a aussi adopté un avantage fiscal proportionnel et plus juste qu’en France : il est fixé à 75% pour les 150 premiers euros du don et à 30% au-delà de ce montant.

De plus, le pays limite aussi les dons privés mais de manière beaucoup plus souple : chaque individu peut donner 50 000€ par an et par parti. Les dons des entreprises y sont en revanche interdits. Le remboursement d’une partie des frais de campagne est possible, comme c’est le cas en France.

Le modèle britannique se distingue quant à lui par un plafonnement des dépenses de campagne autorisées extrêmement stricte : environ 10 000€. Pour le reste, le fonctionnement est similaire à l’Allemagne : les dons des particuliers ne sont pas limités, les dépenses de campagne ne bénéficient d’aucun remboursement public d’Etat, et les dons des personnes morales sont autorisés sous condition de transparence.

Enfin, l’Italie s’est dotée d’une matrice très particulière : les dons sont plafonnés à 100 000€ que ce soit pour les entreprises mais aussi pour les personnes physiques. Là encore, en compensation, les partis doivent reporter publiquement chaque année les dons supérieurs à 5 000€.

Il faut toutefois prendre conscience que les modèles de financement ne sont pas figés dans le temps et à ce titre, de nombreuses évolutions ont eu lieu au cours des années les plus récentes. Prenons le cas des dons par les entreprises : si la législation en la matière ne devrait pas être remise en cause en France, en Allemagne ou au Royaume- Uni à brève échéance, il convient de noter que le Brésil et l’Espagne les ont interdits en 2015. A l’inverse l’Italie, qui les avait prohibés, a procédé à leur autorisation en 2014, dans la limite de 100 000€ par an et par entreprise. Même chose aux Etats-Unis où la Cour suprême a, dans une décision de 201025, permis à nouveau aux entreprises de financer directement les campagnes électorales, revenant sur une règle datant de la présidence de Théodore Roosevelt (1901-1909) qui leur interdisait de puiser dans leur trésorerie et les obligeait à passer par un comité d’action politique (plus connus sous le nom de “PAC”). Les Etats-Unis se sont aussi distingués par l’abandon des plafonds de dépenses de campagne, sinon dans la législation, du moins dans les faits.

Depuis 2008 et Barack Obama, les partis Démocrate et Républicain ont en effet renoncé au Presidential fund qui conditionne l’octroi d’un financement public à un montant maximal de dépense autorisé.

Que retenir de ce tour d’horizon ? Tout d’abord, aucun modèle n’a démontré sa

“supériorité” sur les autres, chacun des systèmes étudiés ayant à la fois des avantages et des inconvénients. En ce qui concerne le financement public, le montant est très variable d’un pays à l’autre - lorsqu’il existe, ce qui n’est pas un principe en soi. Surtout,

25 Décision de la Cour suprême, Citizens United v. Federal Election Commission (08-205)

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il n’y a pas de modèle préconçu : ce financement public peut être fondé sur les résultats aux élections législatives (France, Belgique), le nombre de parlementaires (Allemagne, France, Belgique), ou sur la base de systèmes plus originaux comme le 2 pour mille italien ou le Presidential fund américain. En ce qui concerne le financement privé, là encore, il y a énormément de variations d’un pays à l’autre. La France et la Belgique ont été parmi les premiers à interdire les dons des entreprises, l’Allemagne a mis en place un mécanisme innovant d’abondement, l’Espagne a préféré adopter un dispositif de déduction fiscale proportionnel au montant du don, l’Italie impose une transparence des donateurs pour les dons supérieurs à 5 000€ et le Royaume-Uni se distingue par un plafonnement extrêmement stricte des dépenses de campagne.

3. Le système de financement de la vie politique aujourd’hui : réformer ou transformer ? Deux scenarii pour y répondre

L’analyse des réformes françaises récentes et le tour d’horizon international soulignant la diversité et l’originalité des modèles étrangers, nous invitent à l’optimisme : chacun de ces systèmes s’est construit pour répondre à une crise. Aussi, la crise démocratique que nous constatons aujourd’hui peut être perçue comme une opportunité unique, celle de rendre le financement de notre vie politique plus démocratique, et légitimer ainsi la confiance dans nos institutions. Deux voies nous semblent envisageables : ou bien nous refondons complètement notre système de financement selon une nouvelle matrice par un système de bons ; ou bien nous réformons en profondeur notre modèle actuel pour en éradiquer les dérives à travers des mesures ciblées et concrètes.

3.1. Refonder notre système de financement : les bons pour l’égalité démocratique

Le premier scénario est innovant, ambitieux et fondamentalement démocratique.

Comme Julia Cagé, nous proposons une refonte totale du système de financement de la vie politique française. Celui-ci a été a été bâti peu à peu, parfois de manière incohérente, en réaction à l’actualité et aux affaires qui ont dévoilé ses failles. Une remise à plat permettrait de s’autoriser à prendre de la hauteur et de délivrer un projet d’ensemble plus juste et plus cohérent. Nous soutenons la quasi-totalité de la proposition des « Bons pour l’Égalité Démocratique » (dits « BED ») de Julia Cagé, qui s’inspire elle-même de modèles existants : le Presidential fund américain et le 2 pour 1000 italien. Du reste, cette idée n’est pas inédite puisqu’elle est discutée en science politique aux Etats-Unis, sous différentes formes, depuis la fin des années 1980.

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Le principe de base de cette proposition réside dans l’attribution à chaque citoyen, par l’Etat, d’un certain montant à allouer chaque année à la formation politique de son choix : perspective qui nécessite de faire table rase du système de financement public actuel, afin de dégager des fonds suffisants pour supporter cette nouvelle architecture.

Si l’on se fonde sur les calculs réalisés par Julia Cagé, une telle remise à plat du système permettrait déjà de libérer de quoi attribuer à chaque citoyen, chaque année, un bon de 3,55€. Ceci permettrait d’atteindre un niveau de financement public égal au niveau actuel total26. Toute augmentation de ce montant de base serait à la discrétion du législateur. Aussi l’extension de ce « corps finançant » à tous les citoyens adultes et non seulement à ceux étant inscrits sur les listes électorales permettrait d’inclure dans le cercle de la communauté civique tous ceux qui, bien que résidants en France et y payant des impôts, ne bénéficient pas du droit de vote ou ne l’exercent pas.

La déclaration d’impôt, support technique partagé tous les Français, peut faire office de médium crédible pour l’attribution de ce bon : l’administration fiscale présente de fortes garanties de sécurité et la déclaration de l’impôt permet de répondre à notre demande d’annualisation du financement de la vie politique. Chaque année, une formation politique recevrait donc un certain montant, correspondant au nombre de bons qui lui ont été attribués par les citoyens. A cette annualisation de la vie politique, nous voyons de nombreux avantages. D’abord, cela permettrait d’insuffler davantage de fluidité dans la vie politique. Les préférences populaires seraient exprimées chaque année et contribueraient par leur poids égal et par leur nombre à façonner la vie politique : de nouveaux partis pourraient émerger plus facilement et ne seraient pas limités par la pluri-annualité qui caractérise notre système de financement public actuel. Aussi, cela obligerait les partis politiques à recréer du lien avec la population et à élargir le spectre des préférences politiques dont ils se font les porte-voix : si toute la population et non seulement une faible proportion devenait pour eux une source de financement potentielle, alors la teneur des programmes des partis politiques pourrait s’en ressentir et refléter davantage les préférences de tous.

Nous sommes conscients qu’un tel système peut soulever des inquiétudes à l’égard de l’instabilité politique qu’il pourrait provoquer. Deux mécanismes permettent néanmoins d’assurer une certaine constance dans le financement. Nous proposons d’abord d’introduire un seuil de déclenchement de l’aide publique aux formations politiques qui ont reçu des bons. Autrement dit, il ne suffit pas de s’être vu allouer un bon pour le recevoir : il faut en avoir reçu une certaine quantité. Nous proposons de fixer ce seuil à 0,5% du nombre total de bons disponibles – et non du nombre total de bons alloués : cela permet de prendre en compte la non-allocation du bon, sorte de pré-vote « blanc ». Rappelons que lors du 1er tour de scrutin de la précédente élection présidentielle, seul un candidat n’avait pas recueilli 0,5% des voix. De plus, il y a de bonnes raisons de croire que l’allocation du bon ne répondra pas aux mêmes logiques

26 C’est-à-dire : dons privés de personnes physiques, apports personnels, emprunts bancaires, et tout le reste des recettes des partis et candidats actuellement autorisées.

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« stratégiques » que le vote, sera plus libre et plus diversifiée également, puisque l’offre politique sera vaste au regard d’un scrutin au nombre de candidats restreint. La seconde garantie de stabilité provient du mécanisme d’attribution des bons non- alloués. Que faire, en effet, de la somme restée entre les mains de l’Etat, correspondant à l’ensemble des bons non-alloués, ou « bons blancs » ? Nous proposons, à la suite de Cagé, de les allouer sur la base des résultats aux précédentes élections législatives en conservant les critères qui prévalent actuellement. De la sorte, une certaine proportion – faible, dans l’idéal – de l’aide publique porterait le sceau de la continuité et reconduirait un soutien financier aux formations politiques vainqueurs au précédent scrutin législatif. Cela pourrait à la fois constituer une motivation à l’allocation de son bon - plutôt que d’en faire un « bon blanc » échéant à un candidat qu’on ne soutient pas - aussi bien qu’un moyen d’introduire un minimum de stabilité d’une année sur l’autre.

Qu’est-ce que tout cela implique vis-à-vis des autres modes de financement existants

? D’abord, la remise à plat du système de financement public ne suppose pas la suppression du don des personnes physiques. Toutefois, pour répondre à l’exigence d’égalité démocratique qui doit régner entre tous les citoyens, nous proposons d’abaisser le plafond de don à un montant de 500€ par an et par personne. Cette mesure serait assortie de la suppression du système d’incitation fiscale existant. Un tel plafond maintient la possibilité du don ouverte pour la très grande majorité des citoyens.

Néanmoins, on ne saurait s’estimer pleinement satisfaits d’un système reposant exclusivement sur les partis politiques, et nous considérons que la proposition de Julia Cagé ne prend pas en compte toutes les contraintes de la vie politique. Il est en effet indispensable de prendre en compte la nature des exigences financières qui pèsent sur les candidats à des mandats électoraux. Si l’on souhaite que tout citoyen puisse se présenter à une élection, quelle qu’elle soit, il doit être en mesure de le faire sans égard pour sa situation financière personnelle. Lors des scrutins locaux, de nombreux candidats se présentent en tant qu’indépendants, sans être affiliés à un parti politique.

Plus on augmente la taille de la circonscription, en revanche, plus la proportion de candidat affiliés et soutenus par un parti augmente. Aussi, pour prendre en compte ces facteurs de la vie politique, nous préconisons d’introduire une forme d’hybridation au système de bons. Autrement dit, nous suggérons le maintien des remboursements des frais de propagande officielle par l’Etat, au-delà du seuil de 5% des voix exprimées reçues lors du 1er tour de scrutin, pour les élections locales (municipales et cantonales)

; ainsi que le maintien du remboursement des frais de campagne des candidats ayant obtenu plus de 5% des voix au 1er tour de scrutin, dans la limite de 50% du plafond de dépense autorisé. Le montant de ce remboursement serait établi par rapport à un barème progressif, selon les résultats des candidats au 1er tour.

Il va de soi qu’une telle « hybridation » du système des bons nous oblige à calculer à nouveaux frais le montant des bons octroyés aux citoyens. Cagé propose de fournir

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des bons d’un montant individuel de 3,55€ a minima par une remise à plat de tout le système de financement public de la vie politique. Cependant, le maintien des deux types de remboursement évoqués pour les scrutins locaux fait mécaniquement baisser le montant des bons ; et la progressivité du remboursement des frais de campagnes par l’Etat rend impossible une appréciation exacte a priori de la dépense à engager pour l’Etat.

La suppression de ces deux types de remboursements induirait une entrave trop grande au droit et à la capacité de chacun de se présenter et d’emporter un scrutin.

Un tel système, mixte, serait indéniablement plus dynamique et plus démocratique, puisque chaque citoyen s’y verrait garanti le même poids dans les procédures de choix de ses représentants, tandis que ces derniers conserveraient un niveau égal de financement. Il permettrait de redonner du sens à nos engagements démocratiques, et de redonner son poids au nombre et à la souveraineté populaire.

3.2. Réformer notre système de financement : corriger les défauts existants par des mesures ciblées

Notre second scénario ne suppose pas, comme le premier, de remettre en cause les fondations de l’architecture institutionnelle qu’il entend améliorer. Nous proposons ainsi différentes mesures correctives au système actuel qui, nous le pensons, porteraient chacune par elles-mêmes une forme d’amélioration. Ces mesures, que nous avons voulu accessibles, répondent de manière précise aux enjeux mentionnés tout au long de ce rapport, et n’attendent qu’à être portées et mises en application par les décideurs publics.

Favoriser la diversité de l’offre politique par une banque de la démocratie ou un système d’assurance public. Il est essentiel de défendre la diversité de l’offre politique, diversité synonyme d’une bonne représentation des courants de pensée qui traversent la société. Pour cela, deux options nous semblent envisageables : celle de la création d’une banque de la démocratie, et celle de la mise en place d’un système d’assurance public. Une banque de la démocratie, telle que celle que François Bayrou appelait de son vœu, pourrait avoir des effets positifs sur la diversité de l’offre politique sans pour autant régler l’ensemble des problèmes de financement que rencontrent bon nombre de partis. En effet, cette banque publique restant soumise aux impératifs d’une banque privée vis-à-vis de la gestion du risque ne prêterait pas de liquidités à des candidats ne semblant pas en capacité d’obtenir plus de 5% des suffrages.

Néanmoins, elle pourrait avoir pour avantage d’aider financièrement certains partis qui, du fait d’une réputation jugée nuisible à leur image par les banques privées, ont des difficultés à trouver des fonds malgré un succès électoral non négligeable. Toutefois, contrairement à notre premier scénario de réforme, les effets positifs de la banque de la démocratie ne se feront ressentir qu’au moment des élections, ce qui en fait un outil

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intéressant mais qui ne va pas au bout de la logique de renouvellement des acteurs de la politique, contrairement à un système de bons qui permet aux partis d’obtenir des financements publics chaque année.

A défaut d’une banque de la démocratie, nous proposons la mise en place d’un système d’assurance pour les partis politiques, dans lequel l’Etat se porterait garant.

Ainsi, un parti qui ne parviendrait pas à atteindre les 5% de suffrages pourrait bénéficier de ce système afin de ne pas subir un choc financier trop important qui l’écarterait du jeu politique. Cette sécurité supplémentaire pour les partis politiques nous semble essentielle tant le choc financier lié aux défaites électorales est important pour les partis.

Favoriser la transparence du financement de la vie politique en augmentant les prérogatives de la CNCCFP. Durant les années 2010, les questions de transparence et de moralisation de la vie politique ont été placées au cœur du débat public. Sur ce point, nous pensons que l’une des réformes conjoncturelles majeures à mener est d’augmenter les prérogatives de la CNCCFP, entité garante de la transparence en matière de financement de la vie politique.

Il s’agirait d’abord d’apporter plus de moyens à la commission, afin de permettre un contrôle renforcé des comptes des partis. En effet, les comptes des élections de 2017 n’ont été validés puis publiés qu’en février 2018, ce qui rend leur impact médiatique plus faible. Par ailleurs, il nous semble essentiel qu’une réglementation impose aux partis de présenter leurs comptes sous une forme décente, voire numérisée, lorsqu’ils les transmettent à la CNCCFP. En effet, certains comptes de partis sont présentés dans une forme illisible, parfois raturés volontairement, ce qui nuit à leur contrôle.

Enfin, il nous apparaît nécessaire de réformer légalement les statuts de la CNCCFP afin de lui conférer des pouvoirs d’investigation étendus dans son travail de contrôle des dépenses. La Commission, rappelons-le, n’a pas à statuer sur l’opportunité des dépenses - autrement dit, il ne lui revient pas de juger de « l’utilité » d’une dépense de campagne. Néanmoins, son rôle implique par exemple un contrôle du montant des prestations facturées par des fournisseurs de services aux candidats - location de salle, de matériel de sonorisation, etc. - afin de vérifier qu’une faveur n’a pas été accordée à un candidat sous forme de ristourne. Or, en l’état actuel des choses, la Commission ne bénéficie pas d’un pouvoir d’investigation qui lui permettrait d’exiger des réponses de la part des fournisseurs, lorsque des questions se posent. Il serait salutaire de lui octroyer un pouvoir de contrôle sur pièce et sur place. Une telle réforme ne modifierait pas substantiellement les missions de la CNCCFP, mais lui permettrait de mener à bien celles dont elle est investie.

Lutter contre la capture de la vie politique par les intérêts privés par davantage de transparence ou par un plafonnement sur les dons. L’un des objectifs majeurs de réforme du système de financement de la vie politique consiste à lutter contre la capture de la vie politique par les intérêts privés. Pour cela, deux solutions peuvent

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être envisagées. La première consisterait à renforcer la transparence sur les dons des personnes physiques, en permettant à la CNCCFP d’accéder à certaines données les concernant. Nous avons cependant conscience du caractère polémique de cette proposition, pouvant être perçue comme apportant une atteinte disproportionnée à la vie privée des donateurs. C’est pourquoi nous proposons aussi, comme substitut à cette proposition, que soient plafonnés les dons à un montant bien inférieur à celui qui est envisagé aujourd’hui. Le plafonnement n’aurait de sens que s’il apportait une relative insignifiance aux dons eux-mêmes, de telle sorte qu’il ne soit pas nécessaire d’en connaître les auteurs. Ceux-ci seraient, par un plafonnement plus bas des dons, moins à même de réellement influencer la vie politique sur la seule base de leurs contributions. Nous proposons donc de réduire le montant maximal du don par personne à 2 000€. Ainsi, cela réduirait considérablement l’influence des dons provenant des personnes les plus fortunées. Nous sommes conscients que seul un nombre limité de personne a les moyens de donner une telle somme chaque année mais cela va de pair avec le système d’abondement que nous avons proposé qui ne s’appliquerait qu’aux dons inférieur ou égaux à 500€ et qui a pour objectif de favoriser les « petits » dons tout en donnant la possibilité à ceux qui le souhaitent et qui en ont les moyens de donner plus, à condition qu’ils renoncent à l’abondement.

Créer un système d’abondement afin de rapprocher les citoyens des partis politiques en facilitant les dons. À défaut de mettre en place un système de « bons pour la démocratie » propre à rapprocher les citoyens des partis politiques, nous proposons de créer un système d’abondement, tel que celui qui existe en Allemagne, afin de faciliter les dons des citoyens aux partis politiques et candidats de leur choix.

Ce système d’abondement viendrait remplacer le système actuel de réduction d’impôts qui permet aujourd’hui aux donateurs d’obtenir une réduction équivalant à 66 % des sommes versées dans la limite de 20 % du revenu imposable. En prenant exemple sur le modèle allemand, ce système permettrait à un donateur physique, sur le montant total qu’il souhaite allouer à une formation politique, de ne lui transmettre qu’une partie en laissant à l’administration le soin de compléter le versement du don directement auprès du parti en question, plutôt que de rembourser a posteriori au donateur une partie de la somme versée.

Cette simplification du système des dons permettrait d’inciter davantage de citoyens à contribuer en faveur du parti ayant leur préférence politique et réduirait une certaine pesanteur administrative à cet égard. L’abondement présente le double avantage de réduire les délais - dans les pays évoqués, cet abondement est versé sous quelques semaines - et de ne pas faire peser l’incitation fiscale sur le citoyen - en l’espèce, la déduction fiscale est perçue une année plus tard, puisqu’elle suit la déclaration d’impôt annuelle. Nous proposons que ce système d’abondement s’applique uniquement dans la limite d’un don de 500€. Au-delà de ce montant, nous estimons que les donateurs ont des moyens financiers suffisants pour ne pas avoir à bénéficier d’un tel système.

De plus, notre objectif est aussi d’inciter les citoyens les plus fortunés à se limiter à ce montant, et d’encourager les partis à ne plus recourir aux plus gros donateurs mais au

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contraire à essayer d’attirer un plus grand nombre de « petits » dons. Les dons seraient par ailleurs limités à un plafond de 2 000€. Pour que ce système soit attractif, nous proposons de fixer le taux d’abondement à 66%, c’est-à-dire au même taux que la réduction fiscale à laquelle ont droit aujourd’hui les donateurs assujettis à l’impôt sur le revenu. Autrement dit, pour chaque euro de don par une personne physique, l’Etat ajouterait, abonderait, de 0,66 centimes. Pour résumer, pour chaque don réalisé dans la limite de 500€, l’Etat augmenterait cette somme de 66%. Autrement dit un don de 500€ serait « augmenté » par l’Etat de 330€, jusqu’à 830€.

Créer un rescrit électoral afin de simplifier les rapports entre les acteurs politiques et l’administration. Bien que l’encadrement législatif du financement des partis politiques, de leurs droits et de leurs obligations se soit densifié ces trente dernières années, celui-ci, toujours en construction, peut être source d’opacité pour les partis politiques eux-mêmes. Afin de rendre ce cadre plus lisible et transparent, nous proposons de créer un rescrit électoral, sur le modèle du rescrit fiscal. En matière de fiscalité, le contribuable peut questionner l’administration “sur l’interprétation d’un texte fiscal (question de législation), ou sur l’interprétation de [sa] situation de fait au regard du droit fiscal (rescrit général)”27. Ce dispositif assurerait la possibilité d’un dialogue entre les partis et la CNCCFP et permettrait de lever certaines de leurs incertitudes. Ce contact pourrait prendre la forme d’un lien avec des juristes de la CNCCFP chargés de répondre aux interrogations des partis politiques. Les réponses de la CNCCFP feraient autorité et seraient juridiquement opposables au parti ayant soulevé une question, ainsi qu’aux autres partis politiques. Cela constituerait à la fois une source de sécurité et de souplesse pour les acteurs politiques. Le Conseil d’Etat tend d’ailleurs à accorder une reconnaissance grandissante à ce type d’acte administratif dit “de droit souple” émis par les autorités administratives indépendantes28.

Lutter contre la prolifération des micro-partis par l’adoption d’une législation plus précise sur la notion de parti politique. La législation française et plus spécifiquement la loi du 19 janvier 1995 est à l’origine d’une multiplication des partis politiques ces deux dernières décennies : 28 partis étaient enregistrés par la CNCCFP en 1990, contre 381 en 2012. Cette prolifération doit, selon nous, être limitée, puisqu’elle se traduit par une multiplication de micro-partis et par une généralisation de pratiques opportunistes en vue d’obtenir un financement public plutôt que par une réelle vitalité politique. Dans certains cas, les micro-partis sont utilisés comme des moyens de contourner la réglementation en matière de dons. Pour limiter ces pratiques, nous relayons la proposition de René Dosière, ancien député PS de l’Aisne et actuel président du think tank « l’Observatoire de l’éthique publique », qui propose

27 Ministère de l’action et des comptes publics, “Le rescrit fiscal” [en ligne], impots.gouv.fr, [consulté le 26 mars 2019]. Disponible sur : https://www.impots.gouv.fr/portail/professionnel/le-rescrit-fiscal

28 CE Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta International GmbH et autres, n°368082 ; CE Ass., 21 mars 2016, Numéricable, n°390023 ; CE. Ass., 19 juillet 2019, Mme L., n°426389

Références

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