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Submitted on 1 Jan 1924
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La viscosité diélectrique
J. Granier
To cite this version:
J. Granier. La viscosité diélectrique. J. Phys. Radium, 1924, 5 (2), pp.51-58. �10.1051/jphys-
rad:019240050205100�. �jpa-00205134�
LA VISCOSITE DIÉLECTRIQUE,
par M. J. GRANIER.
Faculté des Sciences de Montpellier.
l. Distinction entre les fuites et la viscosité.
-Chargeons un condensateur avec une pile puis déchargeons-le; si nous lui avons fourni une quantité d’électricité ~, il n’en restitue en général qu’une quantité inférieure 91. La quantité q;q’ a donc traversé le conden- sateur sans y avoir été emmaganisée; par définition, le condensateur possède des fuites.
D’autre part, la quantité n’a pas été restituée instantanément; nous dirons que la
charge est en partie (1) résiduelle ou que le condensateur possède de la viscosité..
Pendant la charge de ce condensateur, par suite des fuites, il s’est dissipé en chaleur une
certaine quantité d’énergie proportionnelle au temps. Il y a eu, en outre, pendant les premiers
instants de la mise sous tension, une perte d’énergie supplémentaire due à la nature plus ou
moins résiduelle de la charge emmagasinée c~’ ; toutefois, si l’expérience a duré un certain temps, cette
«perte par viscosité
»est passée à peu près inape1-çue à côté de la perte due
aux fuites, parce que le courant de charge, très intense au début, est rapidement devenu négligeable.
Soumettons maintenant ce condensateur à une tension alternative dont la valeur efficace
soit égale à la valeur de la tension continue précédente.
Il est raisonnable de penser que les pertes dues aux fuites conserveront la mèllle valeur que précédemment, tandis que les pertes par viscosité croîtront dans de grandes proportions puisque le courant résiduel ne tendra plus cette fois vers zéro.
C’est bien ce que l’expérience confirme : Pour une fréquence extrêmement basse, les pertes sont sensiblement les mêmes qu’en courant continu, mais à mesure que la fréquence augmente, les pertes deviennent de plus en plus considérables.
2. Tracé du cycle de viscosité.
-A cause des résidus, la quantité d’électricité
emmagasinée à chaque instant dans le condensateur n’est pas une fonction déterminée de la tension instantanée; elle est plus grande lorsque la tension décroît que lorsque la tension
croît. Si l’on porte en abscisses les valeurs de la tension et en ordonnées les charges corres- pondantes on obtient au bout d’une période une courbe fermée appelée
«cycle de yiscosité».
En principe, pour obtenir un point de ce cycle, il suffit de soumettre le condensateur étudié à une tension alternative pendant un temps suffisamment long puis de le décharger
dans un balistique. Après avoir chaque fois ramené le condensateur dans son état primitif
en lui faisant parcourir un nombre de cycles suffisant, on obtient d’autres points de la
courbe en produisant de nouvelles décharges à d’autres instants de la période.
il est aisé d’imaginer un dispositif mécanique qui effectue automatiquement les COlnmu-
tations nécessaire ; la vraie difficulté, c’est la mesure de la charge restituée par le conden-
sateur.
’Il est si l’on se contente approxiJuation,
acef’ les balistÙjues ordinaire:) les décharges ]JJ’oduites pan de cojîdeîz-
saleurs. La décharge est, en effet, fort longue; on n’en enregistre qu’une partie relativement faible à la première élongation et l’on observe le plus souvent, lorsque les oscillations se sont
amorties, une déviation permanente. Nous devons insister sur ce fait parce qu’il y a là une
(j) Certains auteurs distinguent d’une manière très nette la
«charge instantanée
~>et les
«résidus
».Cette distinction. commode
aupoint de
vuemathématique, n’existe pas physiquement. Lorsque l’on opère
avec
des ondes de plus
enphis courtes, le pouvoir inducteur, qui est égal
aude l’indice de réfraction pour la même fréquence, présente des maxima et des minima
sanwtendre
vers unelimite. ll l n’existe pas plus de pouyoir inducteur instantané que d’indice instantané.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:019240050205100
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cause d’insuccès pour d’anciennes expériences dont les auteurs avaient négligé de choisir convenablement lc galvanomètre balistique.
Les mesures sont encore compliquées par
~tl’inversion du coccrant de décharge », phénomène déjà remarqué en courant continu : Si l’on soumet un condensateur pendant longtemps à une tension négative, puis pendant un temps relativement court à une tension
positive, et qu’enfin on le mette ,en communication permanente avec un galvanomètre, on
constate que le courant de décharge dilninue peu à peu, puis change de signe. C’est la
tension appliquée qui déterminé à la fin le sens du courant.
Cette inversion du courant de décharge s’observe très facilement, lorsque le courant de charge est alternatif, mais seulement pour les portions du cycle où la tension croît en valeur
absolue; elle ne s’observe jamais lorsque la tension décroît en valeur absolue, c’est-à-dire
lorsque, au moment de la décharge, la tension s’est inversée depuis plus d’un quart de période.
3. Enregistrement d’une décharge très lente.
-I’otll’ enregistrer convenable- ment une telle décharge, il faut que le galvanomètre balistique fonctionne en « fluxmètre
parfait », c’est-à-dire que le couple de torsion soit nul et l’amortissement notable. Les fluxmètres industriels ne peuvent pas être employés à cet usage, en particulier à cause de
leur sensibilité insuffisante. J’ai obtenu des résultats à peu près satisfaisants en donnant au
fil de suspension du galvanomètre balistique une longueur considérable et en le shuntant
énergiquement; toutefois, la durée d’oscillation à circuit ouvert ne dépassait pas quelques
minutes, de sorte que le couple de torsion, quoique faible, n’était pas négligeable dans tous
les cas.
J’ai alors été amené, pour annuler rigoureusement l’action du couple de torsion, à maintenir constamment pendant la décharge l’équipage mobile au zéro ; j’ai utilisé pour cela une décharge auxiliaire, égale à celle du cOllrlensateur mais dont je pouvais à volonté
faire varier la vitesse d’écoulement.
En série avec le shunt (fig. ~1~ est disposée une bobine à l’intérieur de laquelle peut
FJ g. 1.
pénétrer un aimant coulissant dans une glissière en bois. Le déplacement de cet aimant
provoque dans la bobine des courants induits qui se ferment à travers le balistique. Pour
faire une mesure on opère de la manière suivante :
On agit d’abord sur l’aimant pour amener le spot au zéro, puis après avoir mis momen-
tanément le galvanomètre balistique en court-circuit pour 1 empêcher de dévier, on retire complètement l’aimant de la bobine, en le faisant glisser sur sa glissière jusqu’à une butée qui définit sa position. On décharge ensuite le condensateur, et en même temps on enfonce
lentement l’aimant de manière à maintenir le spot sensiblement au zéro pendant toute la
durée de la décharge. Enfin, quand celle-ci est terminée, on retire brusquement l’aimant de la bobine et le galvanomètre balistique indique alors une élongation proportionnelle à la quantité d’électricité débitée par le condensateur.
En prenant ces précautions, il est facile de tracer correctement des cycles de viscosité et de mettre en évidence un résultat extrêmement important : Soiis une tens£on
les cycles de viscosité sont cles ellipses.
Cette propriété permet, en particulier, de déterminer facilement l’énergie absorbée par
période. Celle-ci est, on le sait proportionnelle à l’aire du cycle, et il suffirait évidemment
53 de mesurer cette aire au planimètre; mais, puisque le cycle est elliptique, il devient pos- sible de la calculer. Le résultat du calcul est extrêmement simple : la perte d’énergie esE pro-
portionnelle à la tension appliquée et à l’ordonnée à l’origine du cycle.
4. Mesure rapide des pertes totales.
-De ce que les cycles sont des ellipses, on
déduit que la charge eniiiiagasinée par le condensateur est une fonction sinusoïdale du temps ;
elle est déphasée sur la tension d’un certain angle qui a reçu le nom d’ « angle de perte par viscosité
».La charge totale absorbée (fuites comprises) par le condensateur est également sinusoïdale ;
son déphasage sur la tension est supérieur au précédent et peut être appelé
«angle de pertes
totales ».
Uneheureuseconscquence de cette propriété, c’est que l’on peut toujours trouver au moins
un condensateur parfait et une résistance dont l’ensemble soit, pour une fréquence donnée, équivalent au condensateur imparfait étudié. Par suite, il est possible de déterminer les
pertes d’un condensateur par des méthodes de comparaison très sensibles et très rapides qui n’exigent plus le tracé complet du cycle. Il est vrai que ces méthodes ont l’inconvénient de donner en bloc les pertes par viscosité et les pertes dues aux fuites. Ces dernières sont en général négligeables; dans le cas contraire, on aurait évidemment la ressource d’en tenir compte après les avoir mesurées en courant continu. Voici le principe des deux méthodes les plus
intéressantes :
2° Métliode du pont. (Fig. 2).
-Le pont classique destiné à la mesure des condensateurs
Fig.2.
parfaits comporte deux résistances B et Il’, le condensateur à mesurer C, l’étalon C,’’, un téléphone et une source de courant sinusoïdal.
,
’
Si le condensateur C est mauvais, le courant qui le traverse n’est plus en quadrature
avec la tension à ses bornes ; pour rétablir l’équilibre, il faut pouvoir retarder la phase du
courant dans le cÔté au moyen d’une self-inductance ou dans DE, par l’introduction d’une
résistance, ou encore l’avancer dans AE, au moyen d’une capacité.
Pour l’étude de condensateurs de grande capacité, j’ai mis en série avec le condensateur
~C’ une résistance variable î, ; l’angle de perte
arelatif au condensateur C est alors donné par la formule :
Mais, pour les condensateurs de très faible capacité, la résistance r eût été trop consi-
dérable el difficile à réaliser pratiquement. J’ai introduit dans ce cas, en dérivation sur RI,
un condensateur
cde capacité variable; l’angle de perte est dans ces conditions donné par la relation :
Le réglage du pont ainsi constitué est très simple et se borne à la man0153uvre des deux
condensateurs à air C’ et c.
54
2° l1féthode de résonance. (Fig. 3).
-On forme un circuit oscillant avec le condensateur étudié C, une inductance variable L, un ampèremètre A et une bobine B qui permet un cou- plage lâche avec un générateur d’ondes entretenues. On agit sur la bobine L jusqu’à ce que la déviation de l’ampèremètre soit maximum.
On remplace ensuite le condensateur C par un condensateur variable à air C’ en série
avec une résistance variable r; sans toucher à L, on fait varier C’ et r jusqu’à ce que, à la résonance, l’intensité soit la même que dans le premier cas. L’angle de perte du conden-
sateur C est alors fourni par la formule :
5. Résultats expérimentaux. - Les dimensions du cycle cle viscosité dépendent
d’un grand nombre de facteurs dont les plus intéressants paraissent être la fréquence du
courant d’alimentation et l’humidité.
Pour étudier d’une munière aussi complète que possible l’influence delà première de
ces causes, j’ai opéré sur une échelle de fréquences très étendue, depuis 0,0015 s-1 (une période en 10 minutes) jusqu’à 63000000 s-,, (lj,65 m de longueur d’onde).
Naturellement, les divers condensateurs étudiés et les différentes méthodes d4~ mesure
n’étaient utilisables que dans une zone de fréquence, relativement restreinte ; malgré cela
les résultats obtenus sont très concordants.
ln D1.électriques solides.
-a) Plus un condensateur a été construit avec soin et plus
son diélectrique est pur, moins ses pertes sont importantes ; on ne peut assigner à chaque diélectrique un angle de perte déterminé indépendant de l’échantillon étudié.
b) Les pertes dues aux fuites sont, dans les diélectriques solides, bien inférieures aux
pertes par viscosité dès les fréquences industrielles {JO s - 1); elles sont négligeables pour les
fréquences téléphoniques et en haute fréquence.
c) La puissance Il’ dissipée par viscosité croît rapidement avec la fréquence f. La
fonction qui représente cette variation de la manière la plus satisfaisante est de la farine
’
Toutefois, cette loi étant purement empirique, la valeur de *ii ne peut être considérée
comme constante que dans un intervalle pas trop étendu ; en particulier, cette valeur semble croître peu à peu lorsque la fréquence augmente.
_d) D’une manière générale, lorsqu’un diélectrique ne présente en courant continu que des fuites insignifiants (mica, ébonite), la puissance dissipée est relativement faible en
courant alternatif (-1 petit) mais elle est sensiblement proportionnelle à la fréquence (n voisin 1) ; le pouvoir inducteur reste d’ailleurs sensiblement constant.
Au contraire, lorsque les fuites sont notables, la valeur de A est considérable mais celle 1
de n est voisine due - aux fréquences ordinaires; il s’ensuit que ces diélectriques, habituel-
2,
lement considérés comme très médiocres, peuvent devenir relativement en haute fré- quence ; on constate en outre que le pouvoir inducteur varie beaucoup avec la fréquence.
e) Les variations de Il’sont régulières ; il n’y a pas d’effets sélectifs pour certaines fré- quences déterminées.
t) Contrairement à ce qu’avaient indiqué divers auteurs à la suite de considérations
théoriques, l’aire du cycle de viscosité ne tend vers zéro ni quand la fréquence devient très
petite ni quand elle devient très grande, du moins dans les limites étudiées.
55
20 liquides.
-Les pertes par viscosité sont, clans les diélectriqucs liquides.
tout à fait négligeables devant les pertes dues aux fuites pour les fréquences industrielles et
téléphoniques; elles ne commencent à prendre une certaine importance qu’en lmute fré-
iurnce .
,La puissance dissipée par les fuites étant indépendante de la fréquence, il s’ensuit que les liquides sont, à haute fréquence, bien préférables aux solides. Ainsi, pour une fréquence
de 65000000 s-1, l’eau distillée ordinaire, qui est pourtant franchement conductrice en
courant continu, devient sensiblement équivalente à réboni te.
3° Influence de l’humidité.
-Sauf de rares exceptions, les isolants sont hygrométriques
et l’humidité exerce sur leurs pertes une influence considérable, surtout pour les corps poreux.
Après séchage, la viscosité est nettement plus faible : les fuites sont diminuées sensible- ment dans la même proportion.
4° Cas de la qlycéi-iîîe.
-J’ai constaté que la glycérine faisait exception à
toutes les règles précédentes. Son angle de perte, faible pour les fréquences inférieures à 1000 000 s-’ devient considérable à très haute froquence; sa valeur, dans ces conditions, n’est pas influencée par la présence d’impuretés.
1
Fig. 4.
,.
5" È-’xenlples ituîïîériqîies.
-Pour préciser les réultats préccdents, voici quelqu
nombres obtenus pour différents condensateurs.
a) Mauvais condensateur à papier paraffiné :
56
La figure 4 représente les cycles de viscosité relatifs à ce condensateur pour différentes valeurs de la fréquence. La valeur de J’exposant n est voisine de 0,5.
b) Toile huilée :
,L’exposanl n alleint ici la valeur 0,93.
c) Eau distillée ordinaire :
d) Porcelaine poreuse (vase de pile neuf)
Avec I’humiclité du laboratoire :
..En courant continu, pour une décharge de 30 s, capacité 32 m ;u F.
En courant continu, pour une décharge de 2 s, capacité 5 F.
A 900 s-1. Capacilé : 0,33 m u. F. Angle de pertes totales : 68°.
A ~0000 s-’. Capacité : 0, t 1 F. Angle de pertes totales 31 10’.
Après sécha go :
A 900 s-i. Capacité : 0,06 m p, F Angle de pertes totales : 3° 30’.
e) Papier paraffiné (à 900 s _1)
(;. Nature de la viscosité.
-L’expérience conduit à admettre dans les diélectriques
l’existence de deux causes bien distinctes d’absorption :
a) Pour les très courtes longueurs d’onde, la glycérine et quelques corps analogues pré-
sentent une bande d’absorption nettement délhnitée caractéristique de la constitution de 1>1 molécule.
h) Dans tous les autres cas, le coefficient d’absorption ne présente ni maximum ni lnini-
lnum et varie en sens inverse de la fréquence; il n’est pas caractéristique de la nature du
corps étudié et est d’autant plus important que les impuretés sont plus abondantes.
Les différentes théories que l’on a proposées pour expliquer la viscosité diélectrique ne
sont pas toutes d’accord avec ces résultats expérimentaux :
10 Par analogie avec ce qui se passe pour les radiations lumineuses, on a voulu chercher la cause de la viscosité à l’intérieur même de l’atome. Cette lzyhothése est insoutenable ; il
n’est pas vraiselnblable, en effet, d’attribuer la même cause à des effets qui correspondent,
les uns à des longueurs d’oncle de quelques angstroms, les autres à des longueurs d’onde de quelques milliers de kilomètres. Il faudrait pour cela imaginer des électrons spéciaux, et encore
serait-il difficile d’expliquer l’amortissement énorme de leurs mouvements.
Toutes les absorptions dont le siège l’intérieur de l’atoine ne petlVCIltilltéresser que des ondes plus courtes que les ondes hertziennes.
2° Mais, lorsqu’un électron groupe autour de lui un ou plusieurs atomes, l’ensemble ainsi constitué forme, à de la Jllo1écule, un élément de masse notable, susceptible par
conséquent de ii’eiilrer en résonance que pour des oscillations relativement lentes; c’est pré-
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