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Education et intérêt général

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01965211

https://hal-normandie-univ.archives-ouvertes.fr/hal-01965211

Submitted on 18 Jul 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Philippe Bance, Jacques Fournier

To cite this version:

Philippe Bance, Jacques Fournier. Education et intérêt général. 2018, 979-10-240-1186-8. �hal-

01965211�

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Éducation et intérêt général

Sous la direction de Philippe B et Jacques F

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Éducation et intérêt général

Engagé depuis un demi-siècle dans un processus de dé- composition-recomposition, le système éducatif français tra- verse une crise, qu’illustre la dégradation de ses résultats dans les comparaisons internationales.

Sur ce sujet capital pour l’avenir des individus, des entre- prises et des territoires, l’ouvrage apporte une vision complète, ordonnée et stimulante. Plutôt que de se focaliser sur quelques aspects fragmentaires du système ou des réformes, il met en perspective l’ensemble des problèmes essentiels. Fondé sur une analyse rigoureuse et étayé par des données précises, il formule des propositions constructives qui, sur chacun des principaux sujets à l’agenda politique, combinent les exigences de continuité et de renouveau.

La pluralité des points de vue exprimés enrichit l’ouvrage afin d’alimenter la réflexion du citoyen. Toutes les contribu- tions s’inscrivent cependant dans une approche générale com- mune : l’éducation vue comme un bien commun essentiel dont la vocation non marchande est à préserver, la centralité de l’exigence d’égalité.

Cet ouvrage est, après L’action publique dans la crise (2012), L’internalisation des missions d’intérêt général par les organisations publiques (2015), et Quel modèle d’État stratège en France ? (2016), le quatrième réalisé sous l’égide de la commission scientifique du CIRIEC France pour la collection « Économie publique et économie sociale » des PURH. La palette des auteurs est riche d’universitaires reconnus, de responsables institutionnels, d’acteurs du système éducatif et de représentants de la société civile : Denis Adam, Philippe Bance, Elisabeth Bance-Caillou, Didier Bargas, Roland Berthilier, Jean Cassaigne, Angélique Chassy, Fabrice Coquelin, Michel Cosnard, Marc Debène, Marc Douaire, Daniel Filâtre, David Flacher, Frédéric Forest, Christian Forestier, Jacques Fournier, Hugo Harari-Kermadec, Isabelle Harlé, Philippe Hugon, André Hussenet, Aziz Jellab, Jean- Pierre Lavignasse, Félicien Leclair, Igor Martinache, Nathalie Mons, Jean-Marc Monteil, Léonard Moulin, Liliana Moyano, Pascal Petit, Patricia Pol, Bruno Poucet, Bernard Pouliquen, Yannick Prost, Cécilia Rikap, Catherine Robert et l’équipe de l’association l’Anthropologie pour tous, Paul Santelmann, Michèle Sellier, André Tiran et Bernard Toulemonde.

Il lu st ra ti o n d e c o u ve rt u re  : © C er es n a k , C a n S to ck P h o to I n c.

PRESSES UNIVERSITAIRES DE ROUEN ET DU HAVRE

ISSN : 2261-8635

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Dirigée par Philippe Bance, enseignant-chercheur habilité à diriger des recherches de l’université de Rouen, président du conseil scientifique international du CIRIEC, vice-président recherche et président de la com- mission scientifique « Économie publique » du CIRIEC France.

Comité éditorial :

Malika Ahmed Zaïd-Chertouk, professeure à l’université de Tizi Ouzou et direc- trice du laboratoire REDYL, CIRIEC Algérie.

Alain Arnaud, président du CIRIEC France.

Franck Bailly, maître de conférences à l’université de Rouen.

Pierre Bauby, chercheur en sciences politiques.

Luc Bernier, professeur à l’université d’Ottawa et chercheur au CIRIEC Canada.

Marcel Caballero, président d’honneur du CIRIEC France et de l’Institut de coopération sociale internationale ICOSI.

Danièle Demoustier, maître de conférences à la retraite de l’université Pierre- Mendès-France de Grenoble.

Fabienne Fecher, professeure à HEC Liège.

Jacques Fournier, conseiller d’État honoraire, président d’honneur du CIRIEC France, ancien président de Gaz de France, de la SNCF et du CEEP.

Florence Jany-Catrice, professeure à l’université de Lille, directrice du master

« Action publique, institutions et économie sociale et solidaire ».

Hugues Jennequin, maître de conférences à l’université de Rouen, co-directeur du master « Économie et gestion des territoire ».

Jacques Mazier, professeur émérite à l’université de Paris 13.

Thierry Mignauw, ingénieur statisticien (polytechnique et ENSAE), ancien direc- teur général délégué de la SNCF, ancien responsable des transports ferroviaires en Île-de-France.

Nadine Richez-Battesti, maître de conférences habilitée à diriger des recherches de l’université d’Aix-Marseille, membre de la commission scientifique interna- tionale économie sociale du CIRIEC.

Déjà paru dans la collection :

L’action publique dans la crise. Vers un renouveau en France et en Europe ?, Philippe Bance (dir.), 2012.

Public Action in the Crisis. Toward a Renewal in France and in Europe ?, Philippe Bance (dir.), Krystof Haavik (trad.), 2012.

Internalisation des missions d’intérêt général par les organisations publiques. Réali- tés d’aujourd’hui et perspectives, Philippe Bance (dir.), 2015.

Quel modèle d’État stratège en France ?, Philippe Bance (dir.), 2016.

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Éducation et intérêt général

sous la direction de Philippe Bance et Jacques Fournier

Presses universitaires de Rouen et du Havre

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Composition : TypoTEX.

© Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2020 Rue Lavoisier, 76821 Mont-Saint-Aignan Cedex

http://purh.univ-rouen.fr

Collection « Économie publique et économie sociale » ISSN : 2261-8635

ISBN : 979-10-240-1189-9

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Cet ouvrage est le quatrième réalisé depuis 2012 dans la collection

« Économie publique et sociale » des PURH, après L’action publique dans la crise, L’internalisation des missions d’intérêt général par les organisations publiques, Quel modèle d’État stratège en France ?, ces derniers livres étant accessibles en accès libre sur les sites du CIRIEC France (www.ciriec- france.org/ciriec/cms/7125/nos-travaux-scientifiques.dhtml) ou du CIRIEC international (www.ciriec.uliege.be/notre-reseau/sections-nationales/

france/publications/).

L’ouvrage est le produit d’une recherche menée de mai 2017 à mars 2018 par la commission scientifique « Économie publique » du CIRIEC France. Il réunit près de quarante contributeurs, chercheurs reconnus, responsables institutionnels de haut niveau, acteurs importants de la société civile en prise directe avec le monde de l’enseignement et de la recherche, réunis par Philippe Bance et Jacques Fournier. Les profils des contributeurs, leurs compétences avérées, les recherches et/ou missions exercées en matière de pilotage, d’évaluation ou en tant que représentant de parties prenantes de l’éducation apportent un éclairage varié, complémentaire débouchant sur un diagnostic précis et des préconisations fortes sur le système éducatif français et ses mutations.

Des travaux complémentaires réalisés dans le même cadre sur des sys- tèmes éducatifs étrangers par Aïssa Kadri pour l’Algérie, par Javier Garcia Oliva et Helen Hall pour l’Angleterre, par Jean-Marie Fessler pour les États- Unis (université de Stanford) sont programmés pour être publiés concomi- tamment dans les working papers du CIRIEC international (www.ciriec.

uliege.be/publications/wp/).

Philippe Bance et Jacques Fournier

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Ils s’adressent tout d’abord à l’ensemble des membres de la commission scientifique « Économie publique » du CIRIEC France, qui ont collective- ment discuté lors des sept journées de travail de fin décembre 2017 à début février 2018 de chacun des chapitres de l’ouvrage pour en faire évoluer les contenus et les harmoniser.

Le livre a également bénéficié du soutien actif du CIRIEC France, de son président, Alain Arnaud, et de sa secrétaire de bureau, Nicole Guillard, qui a veillé à la bonne organisation des réunions de coordination et de discussion des travaux, d’Arnaud Élie, ingénieur d’études du laboratoire CREAM (Centre de recherche en économie appliquée à la mondialisation) de l’université de Rouen qui a réalisé un soutien logistique et de mise en forme, et enfin de la confédération FO pour l’accueil des séminaires à Paris.

Il convient de remercier tout particulièrement Thierry Mignauw, qui a suivi l’ensemble des travaux pour apporter un regard extérieur au monde de l’enseignement et de la recherche, très utile pour en évaluer la portée analytique.

Nous nous devons enfin d’évoquer ici la mémoire et de saluer le courage de Philippe Hugon, dont la contribution au présent ouvrage aura été l’une des dernières œuvres. Que Michel Vernières, qui a assuré le suivi définitif de son texte, soit lui aussi remercié.

Philippe Bance et Jacques Fournier

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L’éducation est fondamentale dans la société d’aujourd’hui. Elle est bien sûr d’abord l’œuvre de la famille dans laquelle l’enfant apparaît et du milieu dans lequel il fait ses premiers pas. Elle est enrichie par les rencontres, les engagements, les expériences, qu’il aura tout au long de son existence. Mais la collectivité ne peut s’en désintéresser. Elle doit en organiser le cadre, en fournir les moyens, veiller à ses résultats. Elle doit surtout, plus que partout ailleurs, poursuivre en ce domaine un objectif d’égalité des chances que le laisser-faire compromet.

C’est à la relation entre éducation, intérêt général et action publique qu’est consacré cet ouvrage. Sur quels fondements théoriques est-il légi- time d’établir cette relation ? Pourquoi s’interroger sur la traduction qu’elle trouve en France aujourd’hui ? Par quelle approche ce nouvel ouvrage aborde-t-il le sujet ? C’est à ces trois questions liminaires que l’on voudrait essayer de répondre dans cette courte introduction.

1. L’éducation, un bien commun essentiel pour le développement humain et sociétal

Prenant acte de la montée en puissance de l’intervention publique de- puis la seconde-guerre mondiale dans le cadre de régimes d’État provi- dence, la théorie économique dominante, et en particulier la théorie dite des biens collectifs

1

, y justifie l’action de l’État à partir de la notion de bien public. La production publique ou sa réalisation sous le contrôle des autorités s’y trouve théoriquement fondée par la défaillance des marchés, qui ne permettent pas de produire ou du moins en quantité suffisante des biens publics, et notamment par l’impossibilité d’amener les individus à contribuer à leur financement pour atteindre un niveau de production optimale

2

. Remédier à la sous-production de biens publics revient dans cette perspective à faire prendre en charge ces biens par l’autorité publique pour qu’elle les finance par des prélèvements obligatoires et permette à la collectivité de bénéficier par cette production des externalités écono- miques positives qui en résultent (l’accroissement du bien-être social par les bénéfices qu’octroie à tous cette activité).

1. Voir Paul A. Samuelson, « The Pure Theory of Public Expenditure », The Review of Economics and Statistics, vol. 36, n

o

4, novembre 1954, p. 387-389.

2. Cela renvoie ici aux critères théoriques de la théorie des biens collectifs de non-rivalité

ou de non-exclusion des individus quant à l’accès aux biens qui ne permet pas aux firmes

d’en retirer rétribution et donc d’offrir le bien.

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Mais l’éducation ne répond pas aux critères de non exclusion (elle peut être refusée à qui ne paie pas) et de non rivalité (son utilisation par les uns peut compromettre son accès par d’autres) qui caractérisent le « bien pu- blic pur ». Cela a conduit de nombreux théoriciens de l’analyse dominante à justifier, notamment de l’après-guerre aux années 1980, la prestation publique par des considérations qui reposent sur des critères éthiques plutôt que techniques. Pour des raisons d’équité, il convient dès lors pour eux de ne pas empêcher les apprenants d’accéder à la formation pour cause d’insuffisante capacité contributive aux frais de scolarité. La garan- tie d’accès appelle dès lors le financement public

3

. Mais le consensus à cet égard n’existe pas pour l’ensemble du cursus de formation. S’il est manifestement très large pour l’enseignement primaire, il disparaît pour les niveaux supérieurs d’éducation, conduisant des auteurs de l’analyse dominante à préconiser la remise en cause du principe de gratuité et du financement public pour laisser place au marché. La couverture des frais de scolarité par les individus directement bénéficiaires des prestations fournies est préconisée par ceux qui, se plaçant dans la lignée de la théorie du capital humain, estiment que le calcul économique d’individus ration- nels qui fondent leurs comportements sur un raisonnement en termes de coûts d’opportunité conduit à l’allocation optimale des ressources

4

.

Les théories des biens publics ou de capital humain restent, malgré leur large reconnaissance académique, foncièrement restrictives, car bornées par leurs fondements individualistes. Cela conduit dans cet ouvrage à élargir la perspective en considérant l’éducation comme un bien commun essentiel pour le développement humain et sociétal. C’est en effet parce que l’éducation est un bien essentiel que la plupart des pays ont garanti à leurs enfants, depuis 100 ou 150 ans, l’accès universel à l’éducation.

On a ici la manifestation d’un consensus sur la nécessité d’assurer un accès égal à tous à l’éducation, quelle que soit la condition matérielle des familles. Pour autant, les modalités d’intervention et de financement publics sont variées d’un pays à l’autre. La diversité des formes d’action publique dans le domaine de l’éducation caractérise des construits sociaux ancrés sur des histoires et des systèmes de représentation territorialisés.

En d’autres termes, l’éducation est un bien essentiel qu’il convient de déployer, d’adapter aux contextes nationaux pour répondre aux besoins des populations. Plusieurs facteurs justifient cette reconnaissance.

L’éducation contribue tout d’abord au développement individuel de la personne. La réalisation de cet objectif passe par l’acquisition de connais- sances qui permettent à l’individu de comprendre le monde dans lequel il

3. Voir Barbara Daviet, « Repenser le principe d’éducation comme bien public », Recherche et prospective en éducation. Réflexions thématiques, n

o

17, juillet 2016, http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002453/245306f.pdf.

4. Voir Gary S. Becker, Human Capital: A Theoretical and Empirical Analysis with Special

Reference in Education, Chicago, The University of Chicago Press, 1964.

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se trouve, de s’y exprimer et d’avoir accès à la culture (au sens le plus large du terme). L’éducation permet l’acquisition et la maîtrise de la langue, le développement de l’esprit logique et scientifique, des connaissances his- toriques, géographiques, scientifiques, technologiques, etc. Elle apporte aussi aux filles et garçons la connaissance, la maîtrise et le développe- ment du corps et l’éveil de la sensibilité artistique par le contact avec le monde des arts. La question n’est pas donc seulement celle de l’accu- mulation des connaissances, mais, comme l’avaient déjà noté Juvénal et Montaigne, celle de la formation des esprits et des corps. L’acquisition progressive d’une capacité critique, d’une indépendance d’esprit est de plus une condition de la compréhension du monde et de l’émancipation individuelle.

En second lieu, l’éducation prépare à une vie dans une société en mutation permanente et de plus en plus rapide. Elle forme les membres de la communauté à la vie en groupe et à l’exercice de la citoyenneté.

Elle contribue aux objectifs de cohésion sociale tels par exemple : une vision partagée de la vie en société, l’intégration, l’égalité des chances entre les individus, la lutte contre les inégalités, la correction des disparités territoriales, l’accès à la culture…

S’y ajoute la dimension économique. L’éducation permet ou devrait permettre à l’individu de s’insérer, de se former ou de se reconvertir pro- fessionnellement tout au long de sa vie, et de contribuer ainsi au dévelop- pement de l’activité économique. La formation contribue à l’intégration sociale par l’accès à l’emploi. C’est un outil de lutte contre le chômage et d’adaptation aux évolutions des métiers dans un environnement écono- mique de plus en plus rapidement changeant. L’enseignement des langues étrangères, la maîtrise du numérique y participent fortement. Un système éducatif performant et formant aux métiers d’aujourd’hui, mais aussi de demain améliore la compétitivité de l’économie, dans tous ses secteurs d’activité, qu’ils soient marchands ou non marchands.

L’éducation est enfin source d’attractivité des territoires. Le niveau d’édu- cation atteint par la population et la qualité de la formation contribuent au développement des territoires et à leur rayonnement dans le monde.

Dans l’économie de la connaissance d’aujourd’hui et de demain, l’ensei- gnement supérieur joue un rôle crucial

5

. Le rayonnement territorial est porté par la recherche, par le développement d’un savoir scientifique qui irrigue l’activité économique. Les coopérations universitaires en lien avec les écosystèmes territoriaux sont ainsi d’une très grande importance. Il en est de même de la promotion de la culture et de la langue à l’étranger,

5. L’Europe s’est ainsi fixée, en 2000 dans le cadre de la stratégie dite de Lisbonne,

comme objectif de devenir « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la

plus dynamique du monde » (Conseil européen des 23 et 24 mars, Conclusions de la

présidence, http://www.europarl.europa.eu/summits/lis1_fr.htm).

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de l’attractivité auprès des étudiants internationaux, qui sont sources de fortes retombées positives aux plans économique, culturel, politique.

Ces caractéristiques conduisent l’UNESCO à considérer l’éducation comme un « bien commun global » qu’il convient aujourd’hui de repenser pour le mettre en phase avec les aspirations de la société civile

6

. Cela suppose d’y impliquer les autorités publiques, mais aussi les différentes parties prenantes de la société. Cette conception humaniste et sociétale place l’ensemble des acteurs de la société civile au centre des dispositifs d’élaboration des stratégies éducatives nationales. Elle invite à conduire la réflexion sur la politique éducative à mener dans la France d’aujourd’hui.

2. La politique éducative française : le besoin de l’évaluer et de la repenser à l’aune d’objectifs de développement durable

Si, depuis l’école de Jules Ferry, la société française a toujours attaché, à juste titre, une importance première à l’éducation nationale, elle est saisie aujourd’hui d’un doute sur la qualité et les performances du système éducatif national. C’est en particulier le cas depuis que les comparaisons internationales émanant des études PISA ont mis tout d’abord en exergue un classement assez médiocre de la France parmi les pays de l’OCDE, puis un glissement à la baisse au fil du temps. L’attention du pays s’en trouve fortement polarisée sur les diagnostics à porter sur le système éducatif, sur la pertinence des politiques publiques et des réformes mises en œuvre au cours des dernières décennies. Le contexte dans lequel s’inscrit l’ouvrage est celui de la récurrence de réformes et d’un fort volontarisme pour en initier de nouvelles, porteuses d’avenir.

Le sujet « éducation » aura ainsi été fortement présent dans l’agenda politique de la présente décennie, avec le vote en 2013 de la « loi de re- fondation de l’école » portée par Vincent Peillon et les mesures annoncées depuis 2017 par Jean-Michel Blanquer en vue d’instaurer ce qu’il appelle

« l’école de la confiance ».

Les attentes sociétales vis-à-vis du système éducatif sont grandes. Comme dans d’autres domaines d’intervention, le modèle d’action publique en matière d’éducation est caractérisé en France par une forte présence de l’État central. Des inflexions se sont cependant produites durant les der- nières décennies qui cherchent à introduire plus de déconcentration, de

6. Voir UNESCO, Repenser l’éducation. Vers un bien public global ?, 2015, http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002326/232696f.pdf ; et Rita Locatelli,

« L’éducation comme bien public et bien commun : remodeler la gouvernance de l’éducation dans un contexte en mutation », Recherche et prospective en éducation.

Réflexions thématiques, n

o

22, février 2018, http://unesdoc.unesco.org/images/0026/

002616/261614f.pdf.

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décentralisation, d’autonomie des établissements. L’analyse rétrospective montre également que les politiques éducatives s’inscrivent en France dans une certaine continuité malgré les alternances politiques. De nou- velles orientations se sont dessinées tel l’objectif de Lionel Jospin inscrit dans la loi d’orientation de 1989 de « placer l’élève au centre du sys- tème éducatif » qui n’a au demeurant donné lieu qu’à une concrétisation limitée

7

.

Les transformations à l’œuvre peuvent apparaître dans l’ensemble lentes et inachevées malgré la récurrence des réformes. Cela rend nécessaires une réelle évaluation des évolutions en cours, et la formulation d’un diag- nostic d’ensemble sur les perspectives d’amélioration. L’interrogation est grande sur la capacité du système français à se réformer efficacement, à mener des réformes institutionnelles fortes qui répondent aux enjeux du développement durable, à répondre aux attentes de la société d’aujour- d’hui et de celle de demain. Dans les processus à l’œuvre, la permanence des traits fondamentaux et des principes fondateurs du modèle français s’en trouve posée.

Vues avec le recul qui s’impose en pareil domaine trois évolutions sont fortement préoccupantes, comme le montre le contenu de ce livre :

– le creusement des inégalités, tant sociales que territoriales, qui se cumulent dans le cadre d’un processus qui paraît avoir tous les contours de l’inexorabilité ;

– le déploiement de la nouvelle gestion publique et d’une conception marchande impulsée par l’analyse économique dominante, qui s’est exprimé tout particulièrement dans l’enseignement supérieur, mais qui est présent désormais à tous les étages du système ;

– les interrogations, les controverses, les remises en cause qui se manifestent sur le thème de la laïcité autour duquel l’école publique française s’est historiquement construite.

C’est donc à titre principal la capacité de mener des réformes qui im- pliquent réellement l’ensemble des parties prenantes autour d’une vision partagée et porteuse de développement durable qui se trouve posée dans ce livre.

7. Voir Agnès Van Zanten (dir.), « Les politiques éducatives entre le dire et le faire »,Sciences

humaines, n

o

153, octobre 2014, https://www.scienceshumaines.com/les-politiques-

educatives-entre-le-dire-et-le-faire_fr_4363.html.

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3. Un ouvrage qui s’inscrit dans la tradition et la démarche du CIRIEC d’étudier les modalités de mise en œuvre et de promotion de l’intérêt général

Cet ouvrage est le quatrième de la collection « Économie publique et économie sociale », publiée par le CIRIEC France aux Presses universi- taires de Rouen et du Havre (PURH). Comme les précédents il a pour objet d’analyser l’action publique, le rôle des acteurs et des organisations dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un intérêt général conçu en tant que construit social. On y retrouvera les mêmes caractéristiques, exigence de rigueur scientifique, mise en perspective points de vue variés, référence à des valeurs qui sont souvent partagées, mais qui nécessitent également d’être discutées dans leur pertinence et modalités d’expression. L’ouvrage n’en reste pas moins ancré sur la vision commune d’une recherche de diagnostics et de solutions qui permettent de faire progresser la connais- sance et les processus de mise en œuvre de l’action publique. Et, comme dans les autres ouvrages de la collection, le thème d’étude est traité dans sa dimension socio-économique.

Les auteurs sont très divers. Il s’agit d’enseignants-chercheurs en éco- nomie, droit, gestion, sociologie, sciences de l’éducation, de l’information, et psychologie, mais aussi, et souvent conjointement à leurs compétences académiques, de praticiens du service public et de l’administration de l’éducation nationale, d’acteurs du système éducatif dont les personnalités sont reconnues. Ils ont accepté de confronter leurs analyses pendant six journées de séminaire de discussion de ce travail collectif qui s’est déroulé sur une année. Les aspects proprement pédagogiques et les programmes des différents enseignements sont nécessairement évoqués, mais ils ne constituent pas la matière du livre, dont le fil rouge est la référence à la notion d’intérêt général.

L’ouvrage pose sur ces bases, à travers les 31 chapitres qui s’y trouvent réunis, un ensemble de questions fondamentales.

Comment les missions du service public de l’éducation sont-elles conçues, définies, exercées ?

Quels sont les principaux traits du système éducatif en France ? Quels rapports entretient-il avec les forces vives du pays ?

Quelles sont les principales orientations de la politique de la politique d’éducation et comment a-t-elle évolué ?

Quel jugement peut-on porter sur les réformes en cours ?

Quels sont les résultats obtenus, en matière de correction des inégalités de départ, de préparation à la vie sociale et professionnelle, de contribution au rayonnement de notre pays dans le monde ?

Comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays sur ces

différents points ?

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Comment l’enseignement supérieur se place-t-il dans une concurrence internationale de plus en plus vive et s’oriente-t-on vers une marchandi- sation du système éducatif ?

On en trouvera ci-après le fruit, un ouvrage imposant, érudit, actuel, dont l’ambition est d’apporter à ses lecteurs, dans ses cinq parties, un ensemble d’informations et de réflexions leur permettant de mieux appré- hender, dans toutes ses dimensions, un sujet essentiel pour le devenir des individus et de la société française.

La première partie délimite le cadre général, les fondements du système français, ses étages et ses réseaux, la politique de l’éducation et les moda- lités d’évaluation de ses résultats.

La deuxième partie traite des problèmes d’organisation et de fonction- nement, de la formation et de la carrière des enseignants. Elle donne la parole aux différents acteurs qui, à l’intérieur du système éducatif ou à sa frontière, cherchent à influer sur son évolution.

Les troisième et quatrième parties sont consacrées respectivement aux aspects sociaux de l’éducation, autour du thème central de l’égalité, et à ses aspects économiques, dans ses relations avec l’appareil productif.

La cinquième partie, enfin, se concentre sur l’enseignement supérieur et la recherche.

À la fin de chaque partie, des tableaux présentent, sur la base des données de l’OCDE, des éléments de comparaisons internationales.

Trois contributions qui sont dédiées à des expériences étrangères (an- glaise, américaine et algérienne)

8

complètent cet ouvrage et sont mises en ligne en accès libre sur le site international du CIRIEC dans le cadre de sa collection de Working Papers.

Les points de vue exprimés dans cet ouvrage collectif en font la richesse : les auteurs développent chacun leur pensée propre, n’hésitent pas à faire part de leurs convictions, avec un degré d’engagement plus ou moins appuyé. Ils s’inscrivent cependant tous dans les mêmes orientations gé- nérales : le lien à établir avec obstination et persévérance entre l’écono- mique et le social ; l’objectif central d’égalité, qui s’impose dans le domaine de l’éducation plus que partout ailleurs ; la volonté de construire une école qui, loin de s’inscrire dans une logique de diffusion de l’orthodoxie néolibérale, entend donner à chacun les moyens de penser librement et d’apporter une contribution autonome à la vie collective.

Philippe Bance et Jacques Fournier

8. http://www.ciriec.uliege.be/publications/wp/.

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LES POLITIQUES

DE L’ÉDUCATION EN FRANCE :

ORIGINE ET ORIENTATIONS

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de l’ouvrage tentent d’en délimiter les contours.

Les deux premières contributions portent sur les fondements institu- tionnels en se complétant l’une l’autre.

Le chapitre d’André Tiran et de Jean Cassaigne, intitulé « Les racines de l’intérêt général et sa mise en œuvre dans le domaine éducatif », combine les approches d’un historien de la pensée économique et d’un praticien du droit public. Les auteurs reviennent d’abord sur l’évolution qui, du physiocrate Lemercier de La Rivière, de Rousseau et Condorcet à Léon Bourgeois en passant par Saint-Simon, a progressivement fait émerger la notion d’intérêt général et l’a placée à la base de l’action à mener dans le domaine de l’éducation. Ils précisent ensuite le cheminement institutionnel qui, depuis la III

e

République a conduit à la mise en place du service public de l’éducation nationale, dont ils rappellent et commentent les principes fondateurs : droit à l’éducation et égalité des chances, gratuité et obligation scolaire, laïcité. Ils circonscrivent les problèmes que pose aujourd’hui leur mise en œuvre, dans le contexte européen et face à la poussée du néo-libéralisme, mais aussi du fait de l’émergence de nouvelles aspirations sociales.

C’est plus spécifiquement au principe de laïcité qu’est consacrée la contribution d’Élisabeth Bance-Caillou, personnel de direction en lycée.

Elle montre dans son chapitre « Le principe de laïcité et son application dans l’école », pourquoi, dans les années 1990, suite à des problèmes liés au port de signes religieux, il est devenu nécessaire de réaffirmer les valeurs de la laïcité par l’introduction à l’école de l’enseignement du fait religieux. Celui-ci devait faire l’objet d’un enseignement interdisciplinaire, mais il est actuellement dispensé dans les cours d’histoire-géographie. La faiblesse des horaires qui lui sont consacrés et le manque d’adéquation des manuels avec les programmes n’ont cependant pas permis d’atteindre l’objectif d’améliorer ainsi le mieux vivre ensemble. La loi de la refon- dation de l’école (2013) a instauré une charte de la laïcité affichée dans tous les établissements scolaires dans le but de faire valoir cette valeur fondamentale de la République. Malheureusement, le séparatisme social nuit à l’égalité de traitement au détriment notamment des élèves d’origines les plus modestes et il est aujourd’hui essentiel de réaffirmer les valeurs de la laïcité : la tolérance et le vivre ensemble.

Les deux chapitres suivants analysent la structuration progressive du

système scolaire français et les choix politiques récents relatifs aux efforts

à mener en faveur de son premier degré.

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Jacques Fournier, conseiller d’État honoraire, décrit dans « Les deux étages du système éducatif. École du socle et Éducation différenciée », l’évolution qui a conduit à passer progressivement de la coexistence de trois filières précocement séparées (fin d’études, primaire supérieur, se- condaire) à la superposition de deux étages, celui d’une école de base com- mune à tous les enfants jusqu’en fin de troisième, et celui des formations qui lui font suite. Cette évolution a été plus lente en France que dans de nombreux pays étrangers et n’est pas achevée. L’école du socle n’est pas encore installée dans toutes ses dimensions et elle n’a, jusqu’à présent, que très partiellement rempli sa fonction d’égalisation des chances. Au niveau de l’éducation différenciée, et tout au long de la séquence bac – 3-bac + 3, qui relève aujourd’hui de deux ministères différents, de nombreux problèmes se posent (articulation des formations générales et profession- nelles, mécanismes d’orientation et de sélection) dont il n’est pas sûr que les réformes en cours suffisent à les résoudre.

Christian Forestier, ancien recteur et administrateur du CNAM, étudie ensuite l’évolution récente de la politique de l’éducation dans le chapitre

« De la loi Peillon aux orientations du présent quinquennat : la priorité à l’école primaire ». Il constate que, pour la première fois lors de la campagne présidentielle de 2012, est apparue dans le programme du candidat élu la volonté de faire de l’école primaire sa priorité en matière de politique scolaire. Jusqu’alors les politiques avaient en effet tendance à exprimer d’autres priorités, notamment celles du collège. La priorité du primaire a été reprise en 2017 par l’actuel président de la République. Il faut s’interroger sur ses motifs : la reconnaissance de l’existence d’un échec lourd, survenu au cours des vingt dernières années et démontré par les comparaisons internationales, dans le cours de la scolarité obligatoire. Il faut ensuite analyser les premières décisions et annonces et s’interroger sur leur pertinence. À ce problème majeur de l’école française, s’ajoute un second fléau, celui du déterminisme social qui la caractérise. C’est en fonction de ces deux problèmes, qui sont intimement liés, que l’auteur formule un pronostic qui reste prudent, mais qui se révèle en définitive plutôt confiant sur ses chances de réussite.

Dans les deux chapitres qui suivent sont traitées des questions contro- versées : celles de la coexistence public-privé dans le secteur éducatif et des contenus d’enseignement.

Bruno Poucet, universitaire historien de l’éducation, analyse les déter-

minants actuels de l’alternative du public et du privé dans l’enseigne-

ment. Il estime, dans son chapitre « L’alternative public/privé : dualisme

ou service public pluraliste ? », que poser cette alternative en termes de

concurrence est une idée à la fois vraie et fausse. Elle est fausse dans

l’enseignement scolaire où la concurrence se situe entre l’ensemble des

établissements, qu’ils soient privés ou publics. Si les établissements privés

sont d’origine confessionnelle, ils ne peuvent plus, depuis la loi Debré,

choisir leurs élèves en fonction de critères religieux. En revanche, n’étant

pas soumis à la carte scolaire, un grand nombre d’entre eux sont l’objet

(24)

d’un choix en raison de critères sociaux. Mais il en va de même pour cer- tains établissements publics, là où la population du district est homogène socialement. Les établissements hors contrat, peu nombreux, cumulent les deux écarts. Elle est vraie, en revanche, dans l’enseignement supé- rieur. 18 % des étudiants sont dans des établissements privés, notamment dans les filières commerciales et d’ingénieurs. Néanmoins, la collation des grades, monopole d’État, et les exigences de la recherche suscitent le rapprochement.

La contribution d’Isabelle Harlé, universitaire spécialiste des savoirs scolaires, porte sur la question spécifique des contenus d’enseignement dans un chapitre intitulé « Enseigner hors discipline ? Enjeux et limites ».

Elle y montre que la question s’inscrit dans un contexte d’évolution vers une logique d’enseignement curriculaire. Elle s’intéresse aux éducations à…, aux dispositifs interdisciplinaires et indique que ces contenus d’en- seignement sont pensés en réaction à des savoirs disciplinaires jugés cloi- sonnés ; ils ne relèvent pas nécessairement de savoirs académiques de référence, répondent à des demandes sociales, introduisent les notions de valeurs et de compétences et supposent de nouvelles modalités pédago- giques. Elle y précise ainsi les caractéristiques d’un programme d’ensei- gnement curriculaire et comment on peut « fabriquer de l’enseignable » hors discipline. Au-delà de la dimension purement didactique, elle exa- mine les ressorts explicatifs relevant des identités disciplinaires et de la forme scolaire. Le point de vigilance concerne cependant le rapport à la difficulté scolaire. Les dispositifs ont en effet été pensés comme permettant de redonner du sens aux contenus d’enseignement, mais risquent pour- tant de mettre en difficulté des élèves qui n’identifient plus les contenus de savoir.

Les deux derniers chapitres de cette partie portent enfin sur la question très actuelle de l’évaluation des systèmes scolaire et universitaire et de leurs résultats. Ils émanent l’un et l’autre de personnalités aujourd’hui en charge de ces questions.

Nathalie Mons, sociologue, présidente du CNESCO (Conseil national

d’évaluation du système scolaire), constate, dans « Les enjeux scientifiques

et démocratiques d’une évaluation indépendante des systèmes scolaires :

cas français et comparaisons internationales », que les politiques et les

outils d’évaluation se sont massivement développés dans le secteur de

l’Éducation depuis les années 1990. La France n’est pas restée en marge

de ce mouvement généralisé à l’ensemble des pays de l’OCDE. Mais si

le paysage de l’évaluation en France est riche d’acteurs et d’instruments

variés, il est aussi très fortement balkanisé, dominé par les productions

internes au ministère de l’Éducation et diffuse peu ses résultats dans la

communauté éducative et la société civile. Face à des attentes fortes,

professionnelles et citoyennes, en lien avec des impératifs démocratiques

de reddition des comptes et d’amélioration des services éducatifs, la

création récente du CNESCO en 2014 trace la voie d’un développement

d’une évaluation scientifique et indépendante. Mais des développements

(25)

sont encore nécessaires pour construire une politique d’évaluation qui serve autant la communauté éducative que le citoyen et donc l’intérêt général.

Le chapitre de Michel Cosnard, président du HCERES (Haut conseil de

l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), « L’assurance

qualité dans l’enseignement supérieur et la recherche : le HCERES, un

partenaire de progrès », rappelle que le choix politique de création de

cet organe a accompagné l’engagement de la France dans le processus

de Bologne, qui pose l’assurance qualité comme l’un des facteurs clés

de succès de la construction de l’espace européen de l’enseignement

supérieur. Il précise que le dispositif d’évaluation porté par le HCERES a

démontré ses capacités d’adaptation aux besoins des entités évaluées et

que la stratégie du Haut conseil poursuit un objectif essentiel : promouvoir

et accompagner l’amélioration continue de la qualité de l’enseignement

supérieur et de la recherche au service de ses usagers. Fort de nouvelles

compétences en matière d’analyse quantitative et d’intégrité scientifique,

le HCERES souhaite à présent renforcer sa présence dans les débats et

réflexions publics pour participer plus encore à la progression de la qualité

de l’enseignement supérieur et de la recherche en France.

(26)

Les racines de l’intérêt général

et sa mise en œuvre dans le domaine éducatif

André Tiran et Jean Cassaigne

Les expressions d’intérêt général, de service public, d’instruction pu- blique ont en partie disparu du débat public, en particulier dans les mé- dias, mais aussi dans les multiples essais publiés. Pour autant derrière l’agitation superficielle, les petites phrases, les polémiques provoquées qui encombrent le débat d’idées, ces expressions représentent le sous- bassement de notre société. Revenir sur le sens qu’elles ont aujourd’hui, leur modernité, ce qui peut apparaître comme leur archaïsme, mais qui représente justement l’avenir, est une nécessité. La notion d’intérêt gé- néral est, aujourd’hui, autant un concept du droit qu’un thème de débat (Crétois, 2017). Elle est censée désigner l’ordre public, l’intérêt du peuple ou bien la priorité des décisions administratives sur les intérêts privés, les droits individuels et les contrats entre particuliers. L’intérêt général, neutre et impartial censé exprimer celui du peuple tout entier, a pu être porté tant par la tradition libérale que par la tradition égalitariste ou la tradition républicaine. Une partie de la pensée socialiste au xix

e

siècle s’est interrogée pour savoir si l’intérêt général est celui du peuple ou celui de l’institution. Derrière chacune des conceptualisations, on trouve une conception de l’homme et de ses droits, ainsi qu’un projet de société. Cette notion constitue le nœud conceptuel qui est l’objet même de l’État mo- derne, de son droit, son nouvel horizon et sa nouvelle légitimité (Conseil d’État, 1998).

On adoptera successivement, dans cette contribution consacrée aux fondements du système éducatif français, la démarche de l’historien de la pensée économique et sociale et celle du praticien du droit public.

Comment s’est progressivement dégagée, de Jean-Jacques Rousseau à

Léon Bourgeois, la conception française de l’intérêt général, qui sous-

tend l’action publique dans le domaine de l’éducation comme ailleurs ?

Comment s’est construit, quels principes sous-tendent, quels problèmes

rencontre aujourd’hui, le service public de l’éducation ?

(27)

1. La conception française de l’intérêt général 1.1. Les prémisses physiocratiques

« L’Intérêt général

1

» est théorisé pour la première fois en France en 1770 par le physiocrate Pierre-Paul Lemercier de La Rivière, en conformité avec

« l’ordre naturel ». Il dégage un intérêt général comme simple manifesta- tion de l’intérêt des membres de la société qui veulent maximiser leurs gains individuels. Chez lui, l’intérêt des individus réside dans la garantie et l’accroissement de leurs gains. L’intérêt général se rapporte aux nécessités qui visent l’accroissement et la préservation de la capacité des individus à prospérer. Il y a donc une convergence de l’intérêt de chaque individu au plan de l’ensemble de la société (par agrégation des gains individuels) et de l’intérêt général. Le rôle de l’instruction est crucial chez les physio- crates, sans être toutefois relié à la notion d’intérêt général comme élément constitutif de celui-ci.

1.2. Rousseau : intérêt commun et volonté générale

La deuxième source est celle de Rousseau (1762) qui utilise la notion de bien commun. Les deux notions de bien commun et d’intérêt géné- ral ne sont pas tout à fait équivalentes (Penigaud, 2017) : la dimension spirituelle de la notion de bien commun, telle que la doctrine sociale de l’Église notamment l’a cristallisée, se distingue de la notion séculari- sée d’un intérêt général dont il est admis, depuis les Lumières qu’il est issu de choix démocratiques. D’un côté il y a la révélation, de l’autre un

« contrat social ». Rousseau ne parle jamais d’« intérêt général » ; à une exception près, pour désigner un intérêt qui ne serait en réalité « plus celui de personne » (Penigaud, 2017). On fait cependant de Rousseau l’une des grandes sources du républicanisme français et l’inventeur du concept po- litique de « volonté générale », organe de l’intérêt général (Conseil d’État, 1998). Chez Rousseau, il y a volonté générale dès lors que des individus ont en commun quelque chose qui les unit en dépit de leurs différences et de leurs différends. Si la volonté générale a formellement pour objet le bien général (auquel chaque citoyen aspire dans son propre intérêt), pour Rousseau (1959-1995, t. III, p. 438), l’interprétation des moyens d’y parvenir reste constamment ouverte à la révision. Autrement dit, la volonté générale ne présuppose aucune conception particulière du bien commun.

Elle désigne plus fondamentalement la capacité d’un collectif à formuler

1. Après avoir connu des formulations diverses depuis l’antiquité : conception platoni-

cienne transcendante de l’intérêt supérieur de la cité, aristotélicienne, puis conception

chrétienne, voir Rangeon, 1986, p. 192-193.

(28)

une revendication ou une décision politiquement orientée à partir d’un intérêt qui lui est propre (Penigaud, 2017). Rousseau se distingue peut- être autant des conceptions républicaines que des conceptions libérales de l’intérêt général. Si la volonté générale a formellement pour objet le bien général, l’interprétation des moyens d’y parvenir reste constamment ouverte à la révision.

Chez Rousseau le concept d’intérêt commun est l’intérêt particulier d’un peuple. La loi indique au citoyen l’objet d’intérêt commun dans la détermination duquel son propre intérêt est engagé. Rousseau (Du Contrat social, 1959-1995, t. III, p. 379) déclare « Quand je dis que l’objet de la loi est toujours général, j’entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites ». Le principe d’une loi, c’est qu’elle s’applique uniformément à tous les citoyens : elle a pour objet le tout et « le tout moins une partie n’est point le tout » (ibid., p. 373). Il n’y a donc pas de base individuelle sur laquelle « l’intérêt général » pourrait être calculé. La volonté est générale, l’intérêt est commun. Contre l’intérêt pensé sous l’espèce de l’intérêt privé (c’est-à-dire l’intérêt de possession, l’usufruit d’un bien privatisable), Rousseau fait valoir qu’il existe des intérêts communs à tous les membres de l’État, qu’il s’agit d’identifier et d’apprécier à travers la délibération et le vote des lois. L’ouvrage De l’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques de Lemercier de La Rivière (1767), bréviaire politique de la doctrine physiocratique, s’oppose frontalement au Contrat social de Rousseau et sera critiqué par lui.

La question de l’éducation est très présente chez Rousseau bien qu’elle ne soit pas directement reliée au contrat social ni à la question de l’intérêt commun. Toutefois il faut lui faire ici une place dans la mesure où sa conception est devenue la base de beaucoup d’approches pédagogiques tout en étant marquée par l’obsession de Rousseau de la dégradation de l’homme en société. Pour Rousseau si l’homme ne cultive pas ses facultés, il est aussi grossier qu’une bête. Mais s’il les cultive dans le mauvais sens, c’est pire encore. La question est donc de savoir comment on peut sortir de l’état de nature sans tomber dans la dépendance, l’oppression, l’envie, la convoitise, la tromperie, le mensonge, l’hypocrisie et les préjugés.

1.3. Condorcet : citoyenneté et instruction

La troisième source est celle de Condorcet, l’instituteur de la citoyenneté républicaine (Coutel, 1999). Pour lui, il n’est plus possible de se rassu- rer derrière des idoles et des mythes. Les questions qu’il se pose sont : comment éviter le recours à toute transcendance (divinité, prophète) ? Comment instituer le citoyen éclairé parmi les républicains ?

Il rappelle d’abord qu’instituer c’est fonder, mais aussi instruire. Insti- tuer la citoyenneté, c’est à la fois établir un lien politique dans le présent, mais aussi se demander comment en parler à la génération qui vient.

C’est pourquoi la tradition républicaine, à la suite de Condorcet, fait de

(29)

la République « l’institutrice du peuple ». Mais cela n’est possible que si le peuple est effectivement instruit. On peut donc instituer la citoyenneté républicaine dès lors qu’on en indique les limites et la perfectibilité et qu’on l’accompagne d’une théorie de l’École comme lieu de la transmis- sion. Condorcet résume ainsi sa conception : « Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger » (Condorcet, 1792, p. 93).

Pour Condorcet, l’instruction publique, s’opposant au préceptorat privé, est gratuite au nom de l’égalité. C’est à l’École de former ce jugement critique des enfants pour que, respectueux des lois, ils s’efforcent plus tard de les amender ; il conclut : « Il faut qu’en aimant les lois on sache les juger ». (Condorcet, 1792, p. 111). De cette citoyenneté républicaine on oublie que l’exercice doit être permanent et non réservé à quelques- uns d’où l’extrême ambiguïté de l’expression « élitisme républicain » qui aujourd’hui tend à signifier concentrer le savoir et le pouvoir entre les mains de quelques-uns. Ces dérives expliquent la crise de l’idée de « vertu politique » : il devient difficile de se sacrifier pour l’intérêt général. Si l’ins- truction n’est plus répandue de fait, les institutions républicaines sont fragilisées.

Le gouvernement républicain définit « l’homme » comme « un animal raisonnable », né pour bien juger et délibérer de concert avec ses conci- toyens. De Condorcet à Guizot et de Duruy à Ferry, l’école a été pensée en partie contre l’Église tout en lui empruntant beaucoup. On attendait de l’instruction par l’École qu’elle installe le règne des Lumières dans les esprits, qu’elle accomplisse pacifiquement et culturellement le projet de 1789 et qu’elle forme les citoyens dont la République a besoin. Condor- cet a été le théoricien par excellence de l’instruction publique. Ses Cinq mémoires sur l’instruction publique (1792) ont inspiré à bien des égards les réformes de la III

e

République, instaurant une instruction laïque, gratuite et obligatoire. Les mots ici sont importants : instruction n’est pas édu- cation, et la différence entre ces deux notions fut au cœur du débat qui opposa Condorcet à Robespierre et aux montagnards qui voulaient que l’on inculquât la vertu et le zèle patriotique. Pour Condorcet, le citoyen doit être instruit et en même temps institué, c’est-à-dire formé à exercer son jugement et son esprit critique.

1.4. Saint-Simon : la dette sociale

La quatrième source historique de l’intérêt général est celle des saint-

simoniens. Pour Claude-Henri de Saint-Simon dans son Catéchisme des

industriels (2012, t. IV, p. 2964), les droits des individus dépendent entière-

ment de leur fonction sociale dans le système industriel qui converge dans

une coopération universelle. Dans L’Industrie (1816-1817), Saint-Simon

écrit : « L’industrie est une ; tous ses membres sont unis par les intérêts

généraux de la production » (2012, t. IV, p. 1582). Parmi les industriels, on

(30)

retrouve tous les travailleurs, dont les conditions d’émancipation sociale sont le fruit de leur concours à la production des richesses des nations.

L’intérêt général assumé par l’État exprime les exigences générales de la production et de la distribution optimale des ressources dans tout le corps de la société. Toutefois Saint-Simon réintègre la dimension indis- solublement sociale de l’individu en introduisant le concept de « dette sociale » : parce qu’aucun individu ne se fait tout seul, nul ne peut être pleinement propriétaire de ce qu’il a avant d’avoir payé sa dette à la société représentée par l’État. Pour lui, personne ne serait-ce qu’il est et n’aurait ce qu’il a sans être inséré dans un système social dont il est solidaire, terme forgé dans sa modernité par un proche du saint-simonisme, Pierre Leroux.

L’individu contracte donc une dette envers la société qu’il doit acquitter par l’impôt et par des mécanismes de redistribution faisant peser après coup sur les individus des charges qui relèvent de l’avantage qu’ils ont tiré de la vie en société. Saint Simon considère la société comme une totalité organisée, dont les membres dépendent les uns des autres pour accomplir les opérations les plus élémentaires. Il n’y a chez lui aucune primauté de l’individu. Car dans une société organisée, l’égoïsme ne permet pas aux intérêts particuliers de déboucher spontanément sur l’intérêt général. La vie sociale devient elle-même une valeur, une source de satisfactions pour chacun des producteurs associés.

1.5. Léon Bourgeois et l’approche en termes de solidarité

L’approche de Léon Bourgeois (Bourgeois, 1906 ; Audier, 2010 ; Peillon, 2018) permet d’articuler la thèse basée sur les droits et la protection des individus avec la thèse fondée sur la promotion d’intérêts sociaux irréductibles aux intérêts individuels. L’intérêt général incarné par l’État vise alors à réinscrire l’individu dans les exigences et les obligations civiques. « L’individu isolé n’existe pas », répète inlassablement Bourgeois, contre le dogme libéral de l’antériorité de l’individu sur l’organisation sociale.

Il s’agit de penser la possibilité d’une harmonie des intérêts orchestrée par l’État, mais celui-ci par opposition à celui de Saint-Simon, est plus un État redistributeur, un État social qui prendrait en charge les finalités générales de la société.

Pour Léon Bourgeois, il y a bien des droits de l’homme, comme individu.

Toutefois les individus sont façonnés dans leur être par une vie sociale

dont ils bénéficient et à laquelle ils sont redevables, ils contractent une

dette à l’égard de la société dans laquelle ils vivent. Cette dette de chacun

envers la totalité sociale peut être considérée comme l’expression de

l’intérêt général, celle de la solidarité, c’est-à-dire d’un intérêt irréductible

à celui de l’individu isolé. Interdépendants et solidaires, les hommes

sont porteurs d’une dette les uns envers les autres, ainsi qu’envers les

générations qui les ont précédés et envers celles qui leur succéderont. Mais

(31)

cette dette ne saurait être identique, puisque tous ne jouissent pas des mêmes avantages ni des mêmes positions.

Les intérêts non égoïstes sont possibles, sans être altruistes, ils ont leur fondement dans la vie sociale. Ils ne se limitent pas aux intérêts individuels qui se manifestent dans le marché. Si individualisme il y a, il ne saurait être qu’institutionnel. L’État ne se constitue alors plus seulement en représentant des individus, mais en représentant de la société elle- même. Ce mouvement fonde l’émergence de l’école du service public et, en son sein, celle de la notion d’intérêt général. Il ne s’agit pas seulement de permettre la cohabitation pacifique des individus, mais leur collaboration (Bourgeois, 1906).

Les services de l’État, le juge, les services publics agissent en référence à l’intérêt général. Pourtant celui-ci n’est pas défini, il évolue en fonction des besoins sociaux à satisfaire et des nouveaux enjeux, comme l’émergence de la question écologique. On peut dire aussi que l’essence même du débat politique consiste à débattre de l’intérêt général et des décisions propres à le faire prévaloir. Dans la conception française de l’intérêt général, celui-ci est l’expression de la volonté générale, mais les décisions se réfèrent le plus souvent à des valeurs d’ordre supérieur (valeurs républicaines, droits fondamentaux).

Il s’agit alors moins de forger des compétences socialement utiles que de transmettre des valeurs nouvelles : celles de la raison, du progrès, de la République et de la nation. Dans ce modèle éducatif, les enseignants, notamment les maîtres d’école, étaient définis par leur vocation, leur identification aux valeurs de l’école, bien plus que par leur profession.

Cette « théologie » républicaine et laïque a fait l’école française. Elle a aussi forgé des oppositions : culture contre marché, intégration nationale contre marché, solidarité contre égoïsme du marché, vocation libératrice de l’école contre le marché (Dubet, 2004). Ces oppositions illustrent le clivage qui sépare deux visions de la démocratie : d’un côté, celle d’une démocratie de l’individu, qui tend à réduire l’espace public à la garantie de la coexistence entre les intérêts distincts, et parfois conflictuels ; de l’autre, une conception proche de la tradition républicaine française, qui fait appel à la capacité des humains à transcender leurs appartenances.

2. De l’Intérêt général au service public de l’éducation 2.1. Le cheminement institutionnel

C’est dans le prolongement de l’évolution des idées dont les points forts

viennent d’être rappelés, que va s’élaborer, à partir de la fin du xix

e

siècle,

la théorie française du service public, à la base de laquelle s’inscrit la notion

d’intérêt général. Le service public est couramment défini comme « une

activité d’intérêt général prise en charge par les pouvoirs publics ». Ce

(32)

concept va, avec Léon Duguit, s’imposer comme la clé de voûte de l’édifice français du droit administratif.

Comme le souligne le Conseil d’État dans l’étude qu’il consacre à ce sujet dans son rapport public 1999, le droit français a fait clairement le choix d’une conception volontariste de l’intérêt général. Celui-ci n’est pas la simple agrégation des intérêts particuliers. Il les dépasse et il se concrétise dans la loi, « expression de la volonté générale », ainsi que la définit l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Le service public assure la mise en œuvre par la collectivité des exigences de l’intérêt général. Les « lois de Rolland », égalité, continuité, mutabilité, tracent le cadre dans lequel il fonctionne et, au fur et à mesure que s’étend le champ des interventions publiques, il va recouvrir une gamme de plus en plus large d’activités d’intérêt général.

Il va y avoir convergence, à partir de la fin du xix

e

siècle, entre l’affirma- tion de cette théorie juridique du service public et la construction sur le terrain d’un grand service public de l’Éducation nationale.

Napoléon avait fondé l’université comme une congrégation laïque diri- gée par un grand maître. L’instruction publique s’est développée tout au long du xix

e

siècle (lois Guizot en 1833, Falloux en 1850, Duruy en 1867), mais elle n’a pas touché la totalité de la population et elle est restée sous influence religieuse.

C’est seulement sous la III

e

République, avec les grandes lois de Jules Ferry de 1881 et 1882 instaurant l’obligation scolaire et la gratuité de l’enseignement primaire, que commence à se mettre en place le service public de l’Éducation nationale, tel que nous le connaissons aujourd’hui.

L’enseignement primaire accueille désormais l’ensemble de la popula- tion. Il se laïcise (loi Goblet qui en 1886 organise le remplacement progres- sif des congréganistes par des instituteurs laïques). Il va bientôt ouvrir à ses élèves le prolongement du primaire supérieur.

L’enseignement secondaire, qui avait été ouvert aux jeunes filles par une loi de 1880 votée sur la proposition de Camille Sée), est réorganisé par la loi de 1902, avec deux cycles successifs, de quatre puis de trois ans, et deux sections parallèles, classique et moderne.

Un enseignement technique apparaît avec la loi Astier, en 1919.

Comme le relève Antoine Prost dans une étude consacrée à l’histoire du système éducatif français au cours des deux derniers siècles (Prost, 2004) « À l’origine l’enseignement français était constitué de deux réseaux distincts. Son histoire est celle de leur unification ».

Ce thème de l’unification va être au centre des débats sur l’éducation pendant les quarante années qui suivent, à la fin de la III

e

République et au début de la IV

e

. Il sera mis en avant à plusieurs reprises :

– par les propositions d’une « université nouvelle » que présentent en

deux volumes, publiés en 1918 et 1919, les « compagnons », groupe

d’enseignants réunis par la guerre dont ils viennent de sortir ;

(33)

– par le projet de réforme des enseignements des premier et second degrés que le ministre de l’Éducation nationale du Front populaire, Jean Zay, fait approuver par le conseil des ministres en 1937 ; – par le plan Langevin-Wallon, du nom des deux présidents successifs,

tous deux savants reconnus, qui se succéderont, de 1944 à 1947, à la tête de la commission d’étude pour la réforme de l’enseignement constituée à la libération

2

.

Aucune de ces tentatives n’aboutira cependant et il faudra attendre la V

e

République pour que commence à se mettre en place une école du socle, réunissant depuis le cours préparatoire de l’école primaire jusqu’à la troisième des collèges tous les enfants d’une même génération (voir ci-dessous le chap. 3).

2.2. Les principes généraux de l’éducation

Dans la panoplie des services publics français, l’éducation est un service non marchand, dont les prestations sont gratuites ou quasi gratuites.

Il est, à la frontière entre les services de souveraineté (ordre public, défense, affaires extérieures) et les services à caractère socio-économique (santé, logement, environnement, aménagement du territoire), l’un des plus importants, tant par l’étendue de la population qu’il dessert, que par le volume des ressources humaines et financières qui lui sont consacrées et l’importance de la contribution qu’il apporte au développement national sous toutes ses formes.

Le sommaire du code de l’éducation couvre à lui seul 35 pages du journal officiel. On ne se réfèrera ici qu’au livre premier de sa première partie, intitulé « principes généraux de l’éducation ».

2.3. Droit à l’éducation et égalité devant l’éducation

« La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction à la formation professionnelle et à la culture » (préambule de la constitution de 1946 auquel se réfère celui de la constitution de 1958).

Sur cette base, l’article L111-1 du code dispose que « l’éducation est la première priorité nationale ». Il précise la portée que doit avoir pour chacun le droit à l’éducation (développer sa personnalité, élever son ni- veau de formation initiale et continue, s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, exercer sa citoyenneté). Il fixe les obligations assignées au service public de l’éducation (contribuer à l’égalité des chances, lutter

2. Ces trois projets sont décrits dans Decaunes, 2009, p. 255-258.

(34)

contre les inégalités sociales et territoriales, reconnaître que tous les en- fants partagent la capacité d’apprendre et de progresser, veiller à l’inclu- sion scolaire de tous les enfants et à la mixité sociale des publics scolarisés).

Il énonce les valeurs qu’il doit faire acquérir aux élèves (égale dignité des êtres humains, liberté de conscience, laïcité) ou observer lui-même dans son organisation (participation des parents, coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative). Il autorise enfin les actions desti- nées à compenser les difficultés ou handicaps de certaines populations (aides attribuées aux élèves et étudiants selon leurs ressources et leur mérite, répartition des moyens tenant compte des différences de situation, renforcement de l’encadrement des élèves dans certaines zones).

Le principe d’égalité est au centre de l’ensemble de ces dispositions, dont le contenu illustre les difficultés que rencontre sa mise en œuvre. Le législateur a eu manifestement le souci de prendre en compte toutes les sources possibles d’inégalité et de dresser la liste des mesures susceptibles d’y remédier. Mais l’égalité restera toujours un objectif à atteindre et non un résultat obtenu, tant sont grandes, dans le domaine de l’éducation plus que partout ailleurs, les tensions entre un intérêt général auquel chacun peut apporter une adhésion de principe et des intérêts particuliers qui, dans le cadre que leur offrent les structures sociales et territoriales du pays, poussent à la différenciation et à la sélection et utilisent ou détournent à leur profit les moyens et les procédures mis en place par les pouvoirs publics.

Tâche de Sisyphe, salutaire, toujours à reprendre, qui ne pourra jamais être parfaite.

2.4. Obligation scolaire et gratuité

« L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État » (préambule de la constitution, suite du texte cité plus haut).

Le principe de gratuité et l’obligation scolaire sont liés.

La gratuité de l’enseignement a été une patiente conquête, un idéal

et un combat dans la construction de « l’école de la République ». C’est

dire si ce thème reste un symbole puissant, intimement associé à la

démocratisation de l’enseignement. Le mouvement, porté notamment par

la Ligue de l’enseignement créée en 1866 autour de Jean Macé, a trouvé un

écho favorable auprès de Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique,

partisan de la gratuité autant par principe démocratique que dans le souci

de développer l’instruction. Celui-ci fait voter une loi qui autorise les

municipalités à lever une imposition spéciale pour instituer la gratuité

générale dans les écoles (loi du 10 avril 1867). C’est la loi du 16 juin 1881

qui décrétera la gratuité absolue de l’enseignement primaire public. Elle

sera étendue aux classes maternelles et enfantines par la loi du 30 octobre

1896. En revanche, dans l’enseignement secondaire, la progression de la

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gratuité se heurtera longtemps à une forte résistance. Le gouvernement de Vichy supprimera la gratuité des classes de second cycle des lycées en 1941.

Dans ce secteur, le principe de gratuité n’est solidement installé que depuis la Libération.

Le principe de gratuité ne s’applique que partiellement à l’enseignement supérieur où l’on peut s’interroger sur les évolutions susceptibles de se produire (voir ci-dessous le chap. 28). Sa portée est limitée par le fait que les classes sociales supérieures, mais aussi intermédiaires tendent de plus en plus à placer leurs enfants pour le 1

er

et le 2

e

cycle du second degré en école privée qui comporte toujours des frais additionnels parfois importants (note de la Fondation Jean-Jaurès). Il faut y ajouter le développement massif des cours privés d’études du soir après l’école.

L’obligation scolaire a été instituée par la loi du 28 mars 1882. Elle matérialise le droit à l’instruction de tous les enfants français ou étrangers résidant sur le territoire national (quelle que soit pour ces derniers la situa- tion de leurs parents au regard des lois sur le séjour). Elle constitue pour les familles un devoir dont la méconnaissance les expose à des sanctions.

Les familles peuvent cependant assurer elles-mêmes l’instruction de leurs enfants, sous un régime de déclaration contrôlée, qui semble n’être que très rarement utilisé.

L’obligation scolaire s’appliquait initialement aux enfants de 6 à 13 ans.

La limite supérieure sera successivement portée à 14 ans en 1936 et à 16 ans en 1959 (réforme Berthoin). La décision a été prise en 2018 de ramener la limite inférieure à 3 ans. La question d’un éventuel nouvel allongement se pose en amont comme en aval.

En amont, la scolarité à trois ans est déjà quasi totale et la réforme en cours ne fera pour l’essentiel que consacrer une situation acquise.

Beaucoup de parents et d’éducateurs soulignent l’intérêt, au moins pour la partie la plus défavorisée de la population, que présente une scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans et ils déplorent les réductions budgétaires qui ont conduit au cours des dernières années à limiter leur accueil.

En aval, l’extension jusqu’à l’âge de 18 ans est souvent réclamée. Là encore elle ne ferait pour l’essentiel que consacrer une situation acquise.

Mais, à condition de s’insérer dans une organisation judicieuse des cursus, elle pourrait s’avérer utile pour limiter le nombre des « décrocheurs ».

2.5. Liberté de l’enseignement et laïcité

Le préambule de la constitution ne pose le principe de laïcité que pour l’enseignement public. Dans le même temps l’article L 151-1 du code de l’éducation dispose que « L’État proclame et respecte la liberté de l’ensei- gnement et en garantit l’exercice aux établissements privés régulièrement ouverts ».

Ces dispositions forment le cadre dans lequel sont traitées aujourd’hui

les deux questions brûlantes qui ont alimenté pendant des décennies la

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