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Risque suicidaire chez l’enfant et l’adolescent et attitudes médicales face à ce risque

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Academic year: 2022

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2012 © Les Entretiens de Bichat,

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Les Entretiens de Bichat 14 sept. 2012

Salle 341 14 h – 15 h 30

Résumé

La publication du rapport de Boris Cyrulnik (2011) a attiré l’attention sur un phénomène choquant et méconnu: le sui- cide des enfants Malgré l’émoi que suscitent les cas rapportés de suicide d’enfants, Boris Cyrulnik souligne l’apparente indif- férence des pouvoirs publics à ce phénomène de société. Les décès par suicide chez les enfants sont difficiles à comptabili- ser et les données épidémiologiques en minorent le nombre.

Bien qu’il n’existe pas en France d’observatoire permettant de connaître la fréquence du suicide chez les enfants, le suicide chez les 5-14 ans représenterait 3,8 % des causes de décès en 2008. Les tentatives de suicide réalisées par les enfants, corollaires malheureux des suicides, sont, elles aussi, très mal connues. En France et dans le monde, la prévalence et les caractéristiques des tentatives de suicide chez les enfants sont peu étudiées. L’absence de travaux de recherche est drama- tique lorsque l’on sait que, depuis de nombreuses années, les politiques de prévention du suicide chez les adolescents ou les adultes, se sont appuyées sur des efforts considérables pour comprendre les facteurs de risque suicidaire. Pourtant, la fré- quence des tentatives de suicide chez les enfants semble non négligeable et pourrait être estimé à 0,5-0,7 % des enfants.

Ces chiffres, bien qu’approximatifs, soulignent l’importance des enjeux.

La politique de prévention du suicide chez les enfants néces- site également le développement d’unités de soins spécialisés.

Si de nombreuses structures d’accueil spécialisées destinées aux adolescents ou aux adultes ayant réalisé une tentative de suicide ont été créées ces dernières années, il n’existe pas à notre connaissance en France, de telles structures permettant d’accueillir de jeunes enfants. Cela est d’autant plus domma- geable que les modalités suicidaires chez les enfants semblent assez distinctes de celles des adolescents et des adultes. Les enfants emploient des moyens suicidaires violents (pendaison, strangulation, défenestration) contrastant avec un désir suici- daire, souvent peu intense. Chez les adolescents, la volonté de mourir est souvent plus marquée, mais conduit à des gestes suicidaires moins violents. Rien ne nous permet d’expliquer

ces différences, et toute affirmation paraît spéculative. Notons également que, dans la majorité des cas, la tentative de sui- cide de l’enfant était déclenchée par un simple conflit. Ainsi, l’association entre la violence des passages à l’acte, leur sou- daineté et la faible mentalisation rapportée par les patients, souligne la gravité des gestes suicidaires chez les enfants. Les délais de prise en charge en pédopsychiatrie se sont consi- dérément allongés ces dernières années – souvent plusieurs mois - constituant un obstacle supplémentaire. Pour atténuer cela, des consultations d’accueil et d’orientation sans rendez- vous ont été créées (c’est le cas dans notre hôpital) mais elles ne permettent ni d’assurer le suivi de ces patients ni de déve- lopper des programmes thérapeutiques spécifiques.

Enfin, le développement d’une politique d’information sys- tématique constitue une des étapes importantes de la pré- vention du suicide. La mauvaise compréhension des facteurs qui sous-tendent les passages à l’acte suicidaire ne doit pas être un frein à l’information. En France, des campagnes de communication destinées aux adolescents et jeunes adultes ainsi qu’aux professionnels qui les encadrent tentent de faire diminuer la prévalence du suicide. Cependant, rien ne semble destiné aux enfants, ni aux enseignants des classes primaires, le plus souvent démunis devant les souffrances morales de leurs élèves. Pouvoir parler du suicide aux plus jeunes, c’est aussi leur permettre d’évoquer leurs difficultés, de sortir de leur isolement et d’envisager différemment l’avenir. Il existe un terrible tabou laissant à penser que seuls les adolescents et les adultes pourraient avoir un désir de mort.

Finalement, le développement d’une véritable politique de pré- vention du risque suicidaire chez l’enfant est indispensable. Elle devra pour cela s’appuyer sur la mise en place de programmes de recherche, de soin et d’information, spécifiquement dédiés aux enfants. Cette table ronde a pour objectif de faire un état des lieux sur l’épidémiologie, les facteurs de risque, l’évaluation et les stratégies thérapeutiques des enfants suicidaires.

mots-clés Suicide, enfant, traitement, prise en charge

Risque suicidaire chez l’enfant et l’adolescent et attitudes médicales face à ce risque

Modérateur : R. Delorme*

Participants : R. Delorme*, C. Stordeur*, M. Fouillet***

* Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris Cedex 19, France, email : coline.stordeur@wanadoo.fr

** ASM 13, Centre Philippe Paumelle, 11, rue Albert Bayet, 75013 Paris

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triques de l’hôpital Robert Debré, parmi les plus importantes en Europe. Nous avons porté un intérêt particulier aux tentatives de suicide réalisées par des enfants de moins de 12 ans.

méthodes

Les enfants et adolescents suicidants qui se sont présentés aux urgences à l’hôpital Robert Debré (Paris) ont été inclus rétrospec- tivement entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2010, soit 232 patients ayant réalisé 249 tentatives de suicide. Tous ont été évalués par un pédopsychiatre. Les données ont été recueillies rétrospectivement, à partir des dossiers des patients en passant en revue les observations du psychiatre, l’observation de l’urgen- tiste et le(s) compte-rendu(s) d’hospitalisation le cas échéant.

Rappelons que la létalité évalue la dangerosité du moyen utilisé tandis que l’intentionnalité évalue le désir de mort du suicidant.

Résultats

Données sociodémographiques

Nos patients sont âgés de 8 à 17 ans. La figure 1 détaille la répartition par sexe et par âge de cette population de suici- dants. La moyenne d’âge est de 13,7 + / -1,5 ans. 5,6 % sont des enfants de moins de 12 ans avec un sex ratio de 1 garçon pour 1 fille dans cette tranche d’âge. Chez les adolescents de 13 ans et plus, on compte 1 garçon pour 4 filles. Seuls 38,4 % des jeunes suicidants vivent avec leurs deux parents. L’immense majorité de ces jeunes (87,3 %) est scolarisée dans une classe ordinaire de l’Éducation Nationale. Cependant, 9,9 % d’entre eux ne sont pas scolarisés.

Description des tentatives de suicide

Dans notre étude, 89,6 % des tentatives de suicide sont liées à des intoxications médicamenteuses volontaires. Les médi- caments les plus souvent responsables sont les psychotropes (49 %) et les antalgiques (45,8 %). Il nous semble important de souligner que le paracétamol est impliqué dans 39,5 % des AttItuDE méDIcAlE FAcE Au RIsQuE suIcIDAIRE

cHEZ l’ENFANt C. Stordeur

Introduction

Les tentatives de suicide (TS) sont fréquentes chez les adolescents mais plus rares chez les très jeunes enfants. Le suicide représente la quatrième cause de mortalité dans le monde chez les 10-24 ans (6 % des décès dans cette tranche d’âge) (1). Il n’existe pas de définition consensuelle de la tentative de suicide. Dans la lit- térature anglo-saxonne, le terme « deliberate self-harm » est fréquemment employé, il englobe aussi bien les tentatives de sui- cide que les automutilations. Selon l’ANAES, une tentative de sui- cide est une conduite ayant pour but de se donner la mort sans y aboutir. Pour l’OMS, la tentative de suicide désigne tout acte délibéré, visant à accomplir un geste de violence sur sa propre personne (ex: phlébotomie, précipitation, pendaison, arme à feu, intoxication au gaz) ou à ingérer une substance toxique ou des médicaments à une dose supérieure à la dose reconnue comme thérapeutique. Pour cet article, nous avons choisi de retenir cette définition en excluant les cas d’automutilations (blessures auto infligées et répétées sans intentionnalité suicidaire), choisissant de nous focaliser exclusivement sur les tentatives de suicide.

Le caractère intolérable des décès par suicide chez les enfants et les adolescents entraîne périodiquement une médiatisation importante comme ce fut le cas au début de l’année 2011 avec 3 décès par suicide chez des 9-12 ans. La publication du rapport de B. Cyrulnik (2) a mis en lumière la réalité des tentatives de suicide chez les enfants. Cependant, les études chez les enfants sont peu nombreuses, et le plus souvent réalisées en dehors de l’Europe. Aussi, nous avons eu pour objectif d’explorer la préva- lence et les caractéristiques cliniques des enfants âgés de moins de 18 ans se présentant suite à une TS, aux Urgences Pédia-

Résumé

Les tentatives de suicide (TS) sont relativement communes chez les enfants et les adolescents, et graves puisque le sui- cide représente la 4ème cause de mortalité dans le monde.

Cependant, les études chez les enfants sont peu nom- breuses, et le plus souvent réalisées en dehors de l’Europe.

Aussi, l’objectif de notre étude était d’explorer la prévalence et les caractéristiques cliniques des suicidants âgés de moins de 18 ans se présentant aux urgences pédiatriques, en s’in- téressant tout particulièrement au moins de 12 ans. Chez les enfants de moins de 12 ans, les tentatives de suicide sont caractérisées par une plus grande létalité, une moindre intentionnalité, une plus grande diversité des moyens utili- sés : les intoxications médicamenteuses volontaires ne sont pas majoritaires dans cette tranche d’âge.

mots-clés

Tentative de suicide, psychiatrie, enfant, adolescent, fac- teurs de risques, traitement, prévention

Figure 1 : Répartition des effectifs par sexe et par âge Garçons Filles

nombre de sujets

âge (en années)

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7,2  %, neuroleptiques 7,2  %, anxiolytiques 2,8  %, autres 3,6 %). Lors des 30 derniers jours, 27,7 % des sujets avait déjà consulté un médecin pour un motif psychiatrique, 6,8 % avait déjà été hospitalisé pour un motif psychiatrique, 12,9 % avait pris des psychotropes (neuroleptiques 6,8 %, antidépresseurs 4,6 %, anxiolytiques 2,0 %, autres 3,6 %).

Prise en charge au décours de la TS

Plus de la moitié des suicidants (56,6 %) ont été hospitalisés plusieurs jours (plus de 48 h). 38,2 % des suicidants ont été hospitalisés uniquement aux lits portes (durée d’hospitalisation comprise entre 12 et 24 h le plus souvent, parfois entre 24 et 48 h). 5,2 % des suicidants n’ont pas été hospitalisés mais ont été adressés vers un(e) psychologue et/ou un(e) pédopsychiatre pour une prise en charge ambulatoire. 4,8 % sont sortis contre avis médical dans les 48 premières heures à la demande de leur(s) parent(s) ou de leur représentant légal.

Comparaison des tentatives de suicide en fonction de l’âge Comme le montrent la Figure 2, les intoxications médica- menteuses volontaires représentent l’écrasante majorité des tentatives de suicide à partir de 12 ans (plus de 90 % des ten- tatives chez les 12 ans et plus) et non chez les moins de 12 ans (37,5 %). De manière surprenante, les tentatives de suicide à létalité élevée sont majoritaires chez les enfants de moins de 11 ans. Cependant, la détermination à mourir et les tentatives de suicide d’intentionnalité élevée n’apparaissent qu’à partir de l’âge de 12 ans. Ce type de tentatives de suicide ne représente jamais plus de 30 % des tentatives de suicide quel que soit l’âge.

À partir de 11 ans, les suicidants avec une intentionnalité suici- daire moyenne sont majoritaires.

TS. Les moyens utilisés sont détaillés dans le tableau I. Un quart des tentatives de suicide (24,1 %) présente une létalité élevée, un peu plus d’un tiers (36,5 %) une létalité modérée et près de 40 % une létalité faible ou nulle. Approximativement un quart des patients ayant réalisé une tentative de suicide (24,1 %) avait une forte intentionnalité suicidaire, 59 % avaient une intention- nalité modérée et 16,9% une intentionnalité faible. La majorité des enfants et adolescents suicidaires sont donc ambivalents quant à leur désir de mort. La majorité (71,1 %) sont des primo suicidants, 15,5 % effectuent leur 2nde tentative, 8,6 % la 3ème, 3 % la 4ème et 1,7 % en sont à la 5ème ou plus. Treize patients ont réalisé plus d’une tentative de suicide sur la période étudiée (2007-2010) et sont passés plus d’une fois aux urgences du CHU Robert Debré pour ce motif, soit 5,6 % de l’effectif. 88 % des récidives sont survenues dans les 6 mois suivant le premier geste avec un pic (2/3) lors du troisième et du quatrième mois suivant la TS. Le facteur précipitant le plus fréquent est la dispute avec l’un des deux parents (49 % des cas).

Tableau 1 : Moyens utilisés lors de la tentative de suicide

Moyen utilisé % (n=)

intoxication médicamenteuse volontaire

(tous types confondus) 89,6 (223)

intoxication médicamenteuse volontaire aux

analgésiques, antipyrétiques et antirhumatismaux 45,8 (114) intoxication médicamenteuse volontaire

à d’autres médicaments 23,7 (59)

Tentative de suicide avec prise d’alcool associée 3,6 (9) Auto-intoxication par des produits chimiques

et substances nocives 2,8 (7)

Lésion auto infligée par pendaison et strangulation 2,8 (7) Lésion auto infligée par noyade 0,4 (1) Lésion auto infligée par l’utilisation d’objet tranchant 5,6 (14)

Lésion auto infligée par saut dans le vide 1,6 (4) Antécédents somatiques et psychiatriques au jour de l’évaluation pour TS

Sur le plan somatique, 5,6 % des suicidants ont une maladie invalidante chronique (diabète, épilepsie, obésité morbide…).

Le diagnostic psychiatrique le plus fréquent le jour de l’évalua- tion est l’épisode dépressif majeur (22,5 %), les troubles du comportement externalisés (trouble déficit attentionnel hype- ractivité, trouble oppositionnel avec provocation, trouble des conduites), les addictions et les troubles anxieux sont également fréquents. Cependant, pour près de 40 % d’entre eux, on ne retrouve pas de troubles psychiatriques.

Au cours de leur vie et avant leur TS, 60,2 % des sujets avait déjà consulté un médecin pour un motif psychiatrique, 21,3 % avait déjà été hospitalisé pour un motif psychiatrique, 15,3 % avait déjà pris des médicaments psychotropes (antidépresseurs

Autres modes de tentative de suicide Intoxication médicamenteuse volontaire

Figure 2 : Effectifs par âge et par mode de tentative de suicide nombre de sujets

âge (en années)

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Au cours du dernier mois, 12,9 % des patients inclus dans notre étude ont pris un traitement psychotrope dont 4,8 % un antidé- presseur. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Dela- mare et al. (4). Les suicidants semblent donc avoir des difficultés à solliciter de l’aide non seulement dans le cercle familial mais également auprès des professionnels.

Dans notre étude, 22,5 % des suicidants présentent un épisode dépressif majeur. Il s’agit du diagnostic le plus fréquemment retrouvé, comme dans d’autres études dont celle de Delamare et al. (4). Les troubles du comportement externalisés, les addic- tions et les troubles anxieux sont également fréquents. Souli- gnons cependant que 39,2 % des suicidants ne présentent pas de trouble psychiatrique de l’axe 1. Le rôle des stress psychoso- ciaux apparaît donc comme majeur dans l’apparition de com- portements suicidaires, même s’il existe également des formes sub-syndromiques de troubles psychiatriques.

5,6 % des sujets inclus dans notre étude présentent une maladie somatique invalidante chronique (diabète de type 1, obésité…).

D’autres études ont montré que certaines pathologies soma- tiques ainsi que la douleur constituaient des facteurs de risque de TS.

Tous les suicidants se présentant aux urgences ont systémati- quement bénéficié d’une évaluation sur le plan psychiatrique.

94,8 % des suicidants ont été hospitalisés à leur sortie du service d’accueil des urgences et ce taux est plus élevé que dans toutes les études dont nous avons eu connaissance, mais notons que seulement 56,6 % ont été hospitalisés plus de 48 h.

Concernant la tentative de suicide en elle-même, nous consta- tons que les intoxications médicamenteuses volontaires ne sont nettement majoritaires qu’à partir de l’âge de 12 ans. De même, c’est à cet âge-là qu’apparaissent les tentatives de suicide avec intentionnalité élevée. A contrario, les TS à létalité élevée sont majoritaires chez les moins de 11 ans. Toutes ces données sug- gèrent des mécanismes différents, en fonction de l’âge, dans la genèse du passage à l’acte suicidaire.

Les tentatives de suicide en population pédiatrique sont fré- quentes [chez les 12-18 ans, 8,3 % des filles et 6,9 % des gar- çons ont déjà effectué une tentative de suicide (5)], récurrentes et graves. En effet, les tentatives de suicide représentent 0,4 % des motifs de recours aux soins aux urgences chez les 8-17 ans dans notre étude et 0,6 % chez les 11-15 ans. La récidive est fréquente, surtout en présence de troubles psychiatriques associés. 1 à 2 % se suicident dans l’année, 10 à 25 % réa- lisent une nouvelle tentative de suicide dans l’année, près de la moitié récidive dans les 10 ans qui suivent. Dans notre étude, on constate que 5,6 % des patients récidivent et 88 % de ces récidives surviennent dans les 6 mois après la TS index, dont 2/3 durant le troisième et quatrième mois. Le suicide est la 4ème cause de mortalité dans le monde chez les 10-24 ans (1). Enfin, chez les moins de 12 ans, les tentatives de suicide sont caracté- risées par une plus grande létalité, une moindre intentionnalité, une plus grande diversité des moyens utilisés : les intoxications médicamenteuses volontaires ne sont pas majoritaires dans cette tranche d’âge. Les tentatives de suicide dans cette tranche Discussion

Toutes les études dont nous avons eu connaissance dont celle de Hawton et al. (3) montrent que chez les adolescents, les filles réalisent davantage de TS que les garçons. Chez les moins de 13 ans, nous retrouvons 34,2 % de garçons et 65,8 % de filles, soit 1 garçon pour 2 filles, tandis que Delamare et al. (4) retrou- vaient dans cette même tranche d’âge 42,7 % de garçons et 58,3 % de filles.

L’éclatement de la cellule familiale est un phénomène extrême- ment fréquent chez nos jeunes suicidants puisque seuls 38,4 % d’entre eux vivent avec leurs deux parents. D’autres études avaient déjà constaté, à l’époque, que moins de la moitié des patients inclus dans leur étude vivait avec leurs deux parents. La relation problématique des jeunes avec leur scolarité semble être un facteur prédictif du risque de TS. Près de 10 % de nos jeunes patients ne sont pas scolarisés contre 1 à 2 % dans la popula- tion générale française. 1/3 a des résultats scolaires en baisse, 1/3 présente un refus scolaire et 11,2 % ont été exclus de leur établissement de manière temporaire ou définitive. Delamare et al. (4) constataient une chute récente des résultats scolaires chez 39 % des suicidants de moins de 13 ans. Hawton et al. (3), notamment, rapportaient des difficultés avec le travail scolaire pour un tiers des suicidants de leur étude.

Dans notre étude, la prévalence des TS par intoxication médi- camenteuse volontaire (89,6  %) est assez similaire à celle retrouvée dans des études antérieures (3). Les familles de médi- caments les plus souvent responsables sont d’une part les psy- chotropes, hypnotiques, sédatifs et antiépileptiques (49 % des TS) et d’autres part, les analgésiques, antipyrétiques et anti- rhumatismaux (45,8 % des TS). Il nous semble important de souligner que le paracétamol est impliqué dans 39,5 % des TS. Or, cette molécule peut en cas de surdosage induire une insuffisance hépatique voire une hépatite fulminante dans les cas les plus graves. Cet antalgique antipyrétique, en vente libre, conditionné par boîte de huit grammes, est présent dans toutes les pharmacies familiales et bien souvent à portée des enfants et des adolescents, y compris de ceux ayant réalisé récemment une tentative de suicide. Il en est de même des psychotropes, et notamment des benzodiazépines, souvent prescrits à leurs parents et laissés à la vue de tous à la maison. Un travail d’édu- cation et de prévention auprès des familles afin de rendre moins accessibles ces traitements nous semble nécessaires, à fortiori dans le cadre de la prévention secondaire. Cette simple pré- caution peut s’avérer très efficace notamment pour prévenir les intoxications médicales volontaires très impulsives, fréquentes dans cette population pédiatrique.

La dispute avec l’un des parents est de très loin le facteur précipi- tant le plus souvent retrouvé. Elle est présentée comme respon- sable du passage à l’acte dans la moitié des cas et s’est produite au cours des six derniers mois dans les deux tiers des cas. Nos résultats viennent renforcer ceux d’autres études soulignant la fréquence des problèmes relationnels intrafamiliaux dans cette population (3). L’ensemble de ces données suggère l’importance d’un travail avec les familles dans ce contexte.

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lA PRéVENtIoN Du suIcIDE À l’ADolEscENcE M. Fouillet

Le suicide est la 1re cause de mortalité des 25-34 ans et la 2ème chez les 15-24 ans (accidents et tumeurs).

La sous-estimation admise du phénomène est de 20 % (accident maquillé, arrêt cardiorespiratoire suite à une pendaison etc.).

Les TS représentent dix fois plus que les suicides et sont principa- lement les IMV (psychotropes, paracétamol, et alcool). Le suicide est à majorité masculine alors que les tentatives sont plutôt pour les filles. Les moyens utilisés pour le suicide sont violents chez les 15-24 : utilisation de la pendaison et de l’arme à feu (75 % des H et 40 % des F).

Deux pics sont constatés lors de la préadolescence et de la post adolescence.

Quelques éléments descriptifs confirment une surreprésentation du milieu rural et une association avec la situation de grande précarité, la déscolarisation précoce, la perturbation familiale, l’isolement relationnel, la perte des liens interpersonnels. Ces éléments descriptifs sont comparables pour les suicidants et les suicidés.

La banalisation des difficultés favorise les récidives souvent plus graves : 40 % des suicidés avaient déjà effectué une TS dans les 12 mois (75 % parmi ceux-ci n’avaient pas été hospitalisés notamment).

Dans 2 à 3 cas sur 10 le geste confirme le début d’un trouble psy- chiatrique donc le geste suicidaire peut s’inscrire dans un proces- sus d’adolescence mais pas toujours dans une pathologie avérée.

Les différences entre filles et garçons confirment que les suici- dants masculins sont plus à risques car avec des difficultés sco- laires (gestes plus graves et conduites à risques pus importantes) et moins de possibilité de se revaloriser narcissiquement.

Par contre les formules du « casser », violence hétéro, « se cas- ser » chez les filles (fugues échecs scolaires « évanouissement » de la personne) sont une modalité plus classique.

Le recours à l’action est pour tout le monde le produit de l’acti- vité psychique, mais l’agir si présent chez les adolescents prends une place cette période de difficulté de mentalisation avec le rôle important du corps dans son développement. Agir en soi n’a pas de dimension pathologique mais souligne les difficultés de l’interface entre le contenant psychique et corporel (à la fois cible et moyen).

Cette prédisposition aux conduites agies comme échappement à la pensée entraîne un risque addictif réel à cet âge.

Le contenu psychique dans son exploration doit faire la dif- férence entre une idéation suicidaire et une pensée morbide nécessaire à cet âge de deuil ou de la rêverie imaginaire (idées d’obsèques). L’idéation suicidaire ne pense pas, concentrations d’idées noires : perte de capacité de pensée avec déliaisons et ralentissement ou/agir majeur

La coïncidence avec des éléments de perte d’estime de soi, et la perte des liens doit être recherchée dans une approche de la balance narcissico objectale.

d’âge sont certes moins fréquentes, mais sûrement davantage sous diagnostiquées, que chez les plus grands.

limites

Notre étude se heurte à un problème de représentativité. En effet, de nombreux enfants et adolescents suicidants ne sont pas adressés à l’hôpital. Ainsi, l’étude doit réfléchir uniquement à la population adressée à l’hôpital. De plus, elle concerne la population du nord-est de Paris et du nord-est de la petite cou- ronne. Il s’agit donc d’une population urbaine. Nous avons là un biais de recrutement et donc des difficultés d’extrapolation.

L’évaluation rétrospective constitue également une limite, ainsi que l’absence d’évaluation psychiatrique standardisée : K-SADS ou autre instrument de screening. Il en va de même concernant les facteurs environnementaux. Nous sommes ainsi confrontés à un biais de sous déclaration. Enfin, l’absence de groupe contrôle rend plus difficile les conclusions concernant certains facteurs de risque environnementaux.

conclusion

En conclusion, nos résultats apportent à une meilleure connais- sance de la suicidologie en population pédiatrique française et actualisent les résultats des études antérieures (3,4). Cela pourra à terme contribuer ainsi à la prévention des comportements sui- cidaires et à une meilleure prise en charge des enfants et ado- lescents suicidants.

L’instauration d’une véritable politique de prévention du suicide chez les enfants et les pré pubères est indispensable en France (6). Par ailleurs, aux urgences, il nous paraît important d’améliorer la prise en charge avec un recueil d’informations standardisé. Pour les jeunes suicidants, la recherche systématique des facteurs de risque est indispensable. Egalement, elle devra inclure une éva- luation systématique de la dépression, en plus de l’évaluation somatique.

RéFéRENcEs

1 - Patton GC, Coffey C, Sawyer SM, Viner RM, Haller DM, Bose K, Vos T, Fergu- son J, Mathers CD. Global patterns of mortality in young people: a systematic analysis of population health data. Lancet. 2009 Sep 12;374(9693):881-92.

2 - Cyrulnik B. Quand un enfant se donne la mort. Ed. Odile Jacob. 2011.

3 - Hawton K, Fagg J, Simkin S. Deliberate self-poisoning and self-injury in children and adolescents under 16 years of age in Oxford, 1976-1993. Br J Psychiatry. 1996 Aug;169(2):202-8.

4 - Delamare C., Martin C., Blanchon Y.-C. Tentatives de suicide chez l’enfant de moins de 13 ans. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence. 55 (2007) 41–51.

5 - Tournemire R. Suicides et tentatives de suicide à l’adolescence. « Données épidémiologiques: comment s’y retrouver ?” Archives de Pédiatrie. 2010 Aug;17(8):1202-9.

6 - Stordeur C, Mercier J-C, Mouren M-C, Delorme R. Développer une politique de prévention du suicide chez les enfants les plus jeunes. Le Monde.fr 02/01/2012.

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promotion de la santé en faveur des élèves assurent une obser- vation majeure dans le milieu scolaire et garantissent souvent le maintien de la scolarité.

Le rôle essentiel du médecin de famille : une étude longi- tudinale avait montré que 70 % des suicidés avaient vu leur MG dans le mois précédent l’acte. Les plaintes somatiques fréquentes conduisent naturellement à la consultation avec le médecin généraliste.

Le dépistage transversal en pratique généraliste : toute rencontre avec un adolescent est à ce titre une occasion de balayage, le principe du questionnaire devient une aide avec des avantages.

Quelques règles de consultations originales pour les adolescents :

• Accompagné par les parents mais adolescent seul en consultations.

• Pas de rapport détaillé aux parents : importance du rappel du secret médical.

• Rôle de la prescription, facilitateur de l’échange, ni complice ni séducteur, ni reproche.

• Place de la psychothérapie : exprimer la souffrance est déjà une démarche thérapeutique. Éviter une forme de sacralisa- tion de la psychothérapie et un médecin de qualité avec une empathie est un excellent thérapeute.

• Problème du temps des MG : fractionnement possible.

• Le passage vers un thérapeute habitué aux adolescents  : expliquer et ne pas faire figurer l’abandon. Le risque de l’ado- lescent serait de maintenir ses plaintes somatiques pour ne pas quitter son médecin.

Quelques règles devant une tentative de suicide :

L’hospitalisation est indispensable devant un geste suicidaire : sinon pour nous il ne s’est rien passé.

L’orientation aux urgences pour les troubles somatiques : com- préhension des urgentistes avec le psy de liaison : idéalement entretien mixte avec le somaticien et le psy.

Il convient d’éviter les sorties CAM et/ou les fugues de l’hôpital (excellent indicateur de la qualité du travail de liaison).

Le recours aux NTIC : L’Internet est en même temps un lieu ouvert et isolé car on est seul. Il est ainsi un assez bon compro- mis pour les enjeux narcissiques et relationnels des adolescents.

Les études confirment que l’Internet est très utilisé et non subs- titué et pour les adolescents présente l’intérêt de proposer des réponses rapides et moins de frustrations.

L’évocation spontanée de ses idées mais rationnalisées et sur- tout associée au rétrécissement du champ de la conscience et sa concentration en idées morbides avec des troubles compor- tementaux, restriction des relations, isolement, conduites de ruptures (fugues, absentéisme, ivresse, recours aux stups). Les troubles et symptômes fonctionnels (prévalence du corps maux de tête, spasmophilie, maux de ventre etc.) permettent de servir de base d’appel pour une question sur le psychisme.

Le passage à l’acte suicidaire ne doit donc jamais être banalisé dans son devenir potentiel de récidive ou de recours addictif : indicateur de gravité. L’autre danger de la banalisation est de focaliser sur l’acte fait en apparence pour être repéré mais sous- estime le grand désarroi de la demi-heure avant les secours où les effets des médicaments apparaissent et que décrivent très bien les suicidants.

Les possibilités de prévention concernent déjà les possibilités d’accès aux soins des adolescents. Les adolescents ont recours fréquemment aux soins notamment en milieu scolaire par la fré- quentation de l’infirmerie. Les enjeux de médiation corporelle permettent une approche plus aisée dans le registre somatique.

Par contre les adolescents évitent souvent les lieux trop mar- qués par la maladie mentale et supportent très mal les struc- tures indifférenciées mélangées avec des personnes âgées, des enfants etc. Les approches en psychiatrie de secteur ou intersec- teur sont souvent compliquées.

Par contre les premières demandes sont souvent liées aux pro- blèmes physiques (accidents, dentition, problème de vue ou de peau, fatigue, demande contraception) et doivent être aussi écoutées potentiellement comme une possible souffrance psy- chique. L’association soma-psychique souligne l’importance des passerelles transdisciplinaires.

De plus, les adolescents en difficultés, restant des adolescents, se rendent rarement où on les attend dans une forme d’oppo- sition transgressive.

Alors comment repérer une souffrance à une période de la vie où le mal être est quasi constitutif processus adolescent.

Quelques signes majeurs :

• Coexistence de propos morbides et d’un repli relationnel.

• Attaques des potentialités des adolescents, de ce qui est bien chez l’adolescent.

• Désinsertion scolaire.

Comment faire et quels acteurs ? La prévention primo secon- daire du suicide n’est pas une chasse gardée et concerne plu- sieurs intervenants dans le champ de la santé et de la vie de l’adolescent.

Les parents seuls  : toujours en échecs car  :  «  dis-nous on t’écoute » ne marche pas. Les adolescents ne peuvent pas atta- quer leurs parents sur le mode d’une discussion, modèle trop adulte. L’adolescent hésite à évoquer sa souffrance pour épar- gner ses parents.

Le rôle essentiel de la médecine scolaire : les services de

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