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Apprentissages et gouvernance territoriale : quelles relations ? Le cas des CTE à la Réunion

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Apprentissages et gouvernance territoriale : quelles

relations ? Le cas des CTE à la Réunion

Eduardo Chia, Marc Piraux, Michel Dulcire

To cite this version:

Eduardo Chia, Marc Piraux, Michel Dulcire. Apprentissages et gouvernance territoriale : quelles relations ? Le cas des CTE à la Réunion. 47. Congrès joint de l’ERSA et de l’ASRDLF, Aug 2007, Paris, France. �hal-02758526�

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Congrès joint de l'ERSA (European Regional Science Association, 47ème

Congrès) et de l'ASRDLF (Association de Science Régionale de Langue

Française, XLIVème Congrès)

PARIS - 29 Août - 2 Septembre 2007

Développement Durable et Gouvernance des Territoires

Session spéciale

Concepts et outils de gouvernance territoriale

--- ---

Apprentissages et gouvernance territoriale : quelles

relations ?

Le cas des CTE à la Réunion

Eduardo Chia1, Marc Piraux2, Michel Dulcire2

Résumé :

Les relations, tensions entre apprentissage et gouvernance sont nombreuses et complexes. En étudiant les apprentissages produits par la mise en place des CTE puis les CAD à l’Ile de la Réunion nous pensons contribuer aux travaux sur la gouvernance territoriale en particulier ceux qui s’intéressent à sa définition ou à sa délimitation. Nos résultats, issus des entretiens avec les acteurs du développement rural en particulier les techniciens des organisations de développement, montrent que les apprentissages ont été nombreux tant au niveau individuel que collectif, entre conseillers et agriculteurs et entre conseillers d’organismes différents et surtout des apprentissages organisationnels. La gouvernance, en tant que mode de coordination nouveau entre des acteurs avec des intérêts et logiques différentes, nécessite des dispositifs et outils d’apprentissage nouveaux mais le processus de gouvernance est aussi à l’origine des nouveaux apprentissages. Ce qui témoigne que la gouvernance est bien un processus.

Mots clefs : apprentissage, gouvernance, CAD (Contrat agriculture durable), dispositifs,

territoire, Réunion

1 INRA-SAD / CIRAD, chia@supaagro.inra.fr - eduardo.chia@cirad.fr 2

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Introduction

La gestion du territoire est aujourd’hui considérée comme un processus complexe, de nature sociotechnique et organisationnelle. Il convient dès lors d’associer un grand nombre d’acteurs aux décisions et à la mise en place des actions. Dans le domaine agricole et rural et dans un objectif de promotion de la participation, les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs divers, tels que la CDOA ou l’Agenda21.

Les sciences sociales ont pour leur part développé depuis longtemps des recherches sur les modes de coordination entre les acteurs, les systèmes de régulation mais elles se sont peu intéressées à la gouvernance territoriale en tant que processus de coproduction (entre acteurs privées et publics) des actions, des objectifs, de règles au sein d’un territoire. Or depuis quelques années, la « gouvernance » est devenue le symbole d’une nouvelle façon de gérer les relations entre les pouvoirs publics (élus) et la population. Une première impression, issue de nos observations dans le monde agricole et rural, est que ces nouveaux processus d’ajustement entre des règlements et des besoins locaux, de coordination entre les logiques de l’État et celles des populations résultent de « bricolages », d’hybridations, de tâtonnements qui s’avèrent riches d’enseignement pour des chercheurs s’intéressant au développement rural et au fonctionnement des organisations.

Nous proposons dans cette communication de participer aux débats, aux efforts de définition et de délimitation de ce qu’il convient d’appeler la « gouvernance » en analysant les relations, les tensions qui entretient l’apprentissage et la gouvernance ; elles sont nombreuses et

complexes. Nous étudierons principalement les outils, les dispositifs3 que les acteurs utilisent

et/ou fabriquent dans des nouvelles situations pour assurer la gestion des territoires. C’est donc à travers la question d’apprentissage que nous comptons participer au débat sur la gouvernance.

Suite à la mise en place de la LOA (Loi d’Orientation Agricole) en 1999, nous avons en effet

conduit dans le cadre d’un projet de recherche4 des enquêtes auprès d’agriculteurs, de

fonctionnaires du ministère de l’agriculture, de salariés d’organismes professionnels (Chambre d’Agriculture, CNASEA, Centre de Gestion, SAFER… ) dans l’Ile de La Réunion, sur la façon dont ils ont participé à la traduction et à la mise en place des CTE puis des CAD (Piraux et al., 2005). Ce cas est particulièrement intéressant car ces nouveaux outils rompaient avec les règles précédentes en proposant aux acteurs agricoles et ruraux de nouveaux référentiels et de nouvelles méthodologies d’action. La multifonctionnalité de l’agriculture renvoie en effet à son insertion territoriale (id.) et suppose de nouvelles relations entre les acteurs locaux.

Après avoir précisé ce que nous entendons par apprentissage, nous présenterons la méthodologie de travail puis nos principaux résultats. Nous conclurons ensuite sur les relations entre apprentissage et gouvernance.

3

Outils de gestion sont des traductions des informations (sous diverses formes : tableau de bord, critères,…) permettant aux acteurs d’argumenter une décision. L’instrument, un peu plus générale, combinaison des critères, tableau… et des modèles de raisonnements et une visée (Moisdon ). Les outils de gestion sont les instruments de la rationalisation. La finalité des outils de gestion « consiste à aider un acteur ou un groupe d’acteur à raisonner sur les fonctionnements dans lesquels leurs actions s’inscrivent, et à anticiper leurs évolutions possibles ». Le dispositif est encore plus général, de l’ordre de l’agencement des outils, instruments, des règles, des hommes…

4

(4)

Les apprentissages : positionnement théorique

Les recherches sur l’apprentissage au niveau d’organisation n’ont cessé de se développer depuis qu’Argyris et Schön (1996) ont publié leur ouvrage sur l’apprentissage organisationnel. Nous ne dérogerons donc pas à faire référence à leurs travaux. Leur principal objectif était de constituer une théorie de l’intervention (ou de la Recherche-Action) dans les organisations en vue de les transformer, d’accompagner le changement. Leur principale hypothèse postule que pour que les organisations se transforment, il faut que ses membres modifient leurs comportements donc qu’ils apprennent : c'est-à-dire incorporer de nouvelles connaissances et savoirs, techniques et mécanismes. Les apprentissages peuvent être mobilisés pour participer au changement ou pour le bloquer : ce sont les fameuses routines défensives que développent les membres d’une organisation lorsqu’ils n’ont pas participé à la définition des objectifs ou encore si la mise en place du changement entraîne des incertitudes et des modifications dans leurs référentiels. On pourrait dire que lorsque les changements proposés ne correspondent pas à la représentation que les acteurs se font des objectifs poursuivis et de leur participation (place et rôle dans) aux changements, ils vont bloquer les processus par des réactions parfois simples comme par exemple, ne pas rendre le dossier à temps, ne pas signer les dossiers… Argyris et Schön ont montré qu’il existe deux types d’apprentissage dans les organisations. Le premier, en simple boucle, s’effectue lorsque les membres développent un apprentissage opérationnel qui leur permette de modifier la stratégie de l’action. L’apprentissage en double boucle permet quant à lui, de modifier non seulement

la stratégie mais aussi les « valeurs » (objectifs, paradigme…) qui la sous-tendent5.

L’apprentissage organisationnel se définit donc comme un processus qui permet aux acteurs de l’organisation d’acquérir de nouvelles connaissances nécessaires à leur participation (contribution) aux activités productives, relationnelles et organisationnelles. Il s’agit de connaissances et de savoir-faire nouveaux. Bien que dans le langage commun on utilise de façon indistincte connaissance et savoir-faire, il existe des différences importantes qu’il convient de préciser. Une connaissance serait (est) liée à l’individu alors que le savoir l’est au collectif c'est-à-dire à sa construction et à sa légitimité par un groupe d’acteurs, « …la connaissance est vue comme un processus se développant dans et par l’expérience. La connaissance-état à un instant donné fait corps avec l’individu. Un savoir est défini comme un ensemble d’énoncés visant à exprimer sous forme de représentations communicables la

connaissance-état qui, elle, est intérieure à des sujets » (Avenier 2007)6. Ainsi en ce qui

concerne l’analyse de l’apprentissage, nous privilégions l’observation, l’identification de

connaissances(-état)7 dont la nature serait individuelle ou collective, mais aussi de type

technique ou gestionnaire (cf. tableau 1 pour un cas agricole). Une connaissance gestionnaire correspond aux connaissances mobilisées par les acteurs afin de traiter des questions, phénomènes, problèmes de choix relationnels et organisationnels, mais aussi d’orientation (planification) ou de stratégie.

5 Ils vont modifier la théorie d’action en cours dans l’organisation 6

Voir l’excellent ouvrage d’Avenier M.J., Schmitt Ch. (sous la direction), 2007. La construction de savoirs pour l’action, L’Harmattan. Où huit chercheurs en sciences de gestion et sciences de l’éducation se sont réunis pour confronter leurs points de vue (travaux) sur les connaissances actionnables et la connaissance d’action.

7 La connaissance-état pourrait être assimilée à une pratique, façon concrète d’accomplir une activité, une tâche

(5)

Tableau 1 : Sources d’apprentissage selon l’origine du processus

NATURE

Individuel Collective Technique Système technique, itinéraires techniques…

Références techniques, normes de production, choix des variétés…

TYPE

Gestionnaire Système de production. Système famille exploitation, relationnel… Dispositifs de concertation au niveau local, régional. Outils de diagnostic et de contrôle… Le Bas (1993), identifiait deux dimensions (ou nature) dans l’apprentissage, l’une individuelle et l’autre collective. Pour lui, « L’apprentissage est un processus d’acquisition de connaissance. Il peut être défini plus généralement comme un processus d’accumulation, de mémorisation, et concerne avant tout les hommes dans leurs activités sociales et, en particulier, dans leur activité économique. S’il est indubitablement un phénomène dont l’agent individuel est le support, il s’incruste (encastre) également dans l’organisation, c'est-à-dire dans les formes institutionnelles que prennent les rapports économiques et sociaux des agents ».

Ainsi l’expression des « entreprises apprenantes » ne nous semble pas appropriée. Nous pensons effectivement que l’apprentissage est avant tout individuel. Seuls les individus, et non l’organisation elle même, apprennent, au sein dune organisation et pour régler des questions d’organisation. Par ailleurs, un des principes fondateurs de la systémique nous autorise à dire que la somme des apprentissages ne correspond pas à l’apprentissage organisationnel.

Nous avons structuré notre travail à partir de trois hypothèses issues de l’observation de terrain :

1) les organisations doivent favoriser les « apprentissages8 » pour (re)penser les

changements des pratiques et favoriser les innovations techniques et organisationnelles 2) la capacité à « apprendre » des agents détermine la capacité à « changer » des acteurs et des organisations. Hatchuel (1994) affirme que « l’apprentissage collectif, ce n’est pas seulement un régime de coordination entre acteurs déjà là, c’est aussi le processus de formation des acteurs »,

3) L’apprentissage est un composant important de la gouvernance. Des apprentissages sont nécessaires pour faire émerger et/ou faire fonctionner de nouvelles formes de coordination et de décisions des acteurs au niveau local, ce que nous avons défini comme la gouvernance.

Theys (2003) en essayant de définir la notion de gouvernance, s’est interrogé sur celle de gouvernabilité (au sens de ce qui est gouvernable). Il écrit « Si la notion de “gouvernance” concerne plutôt les outils et le processus de l’action collective, celle de “gouvernabilité” met l’accent sur la spécificité des situations et sur la probabilité, face ces situations spécifiques,

8 Hatchuel (1994) parle aussi des apprentissages croisés nécessaire à un régime de conception (des innovations

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plus au moins complexes, de trouver des solutions à la fois efficaces et acceptables. Certaines situations sont intrinsèquement ou politiquement gérables ; d’autres ne le sont pas – ou peuvent l’être qu’au prix de difficultés et des efforts considérables ».

La gouvernance serait dans se sens proche de l’innovation organisationnelle (David, 1999), considérée en tant que processus. Elle serait le produit des alliances, d’hybridation, de bricolage tant des objets techniques, que des acteurs et des situations.

Une approche compréhensive pour étudier les apprentissages.

À la Réunion, les premières analyses des entretiens compréhensifs conduits auprès des acteurs concernés par la mise en place des CAD, nous ont fait identifier la question des apprentissages comment étant centrale pour mieux organiser les dispositifs et les relations entre les acteurs. Nous avons voulu étudier de façon plus précise la nature, le type des apprentissages et leurs conséquences sur les coordinations entre acteurs. Suivant une démarche de Recherche-Action (Chia, 2005), nous avons proposé à nos partenaires du développement de l’Ile de La Réunion d’organiser une réunion de travail sur cette thématique. Une vingtaine de personnes impliquées dans la mise en œuvre des CTE et CAD ont été interviewées pour la préparer au niveau des organisations d’appui et d’encadrement : Chambre d’Agriculture (responsables zones ouest, sud et est) ; service environnement ; service Charte de développement, responsable filière canne, quelques techniciens, élus chambre à la CDOA) ; CERFA ; Coopvanille ; Écologie Réunion (association de défense de l’environnement) ; CNASEA (service instruction des dossiers) ; APR (Association pour la Promotion en milieu rural) ; CGPER (Confédération générale des petits exploitants réunionnais). Les entretiens se sont fait suivant le guide centré sur les changements des pratiques et les apprentissages. Nous avons utilisé, par ailleurs, les données des travaux plus anciens sur la mise en place de CTE (Piraux, Bonnal, Guilluy 2002) réalisés en 2002 et 2003,

et ceux relatifs à l’analyse de l’évolution des pratiques des agriculteurs, obtenus en 20039

(Pangolin, 2004 ; Piraux et Pangolin, 2004).

L’objectif de cette restitution était double : améliorer notre compréhension des apprentissages à l’œuvre ; définir collectivement les types et la nature des apprentissages. En effet, l’une des difficultés rencontrée lorsqu’on conduit des entretiens individuels sur les pratiques et les représentations est d’avoir accès au modèle de justification des acteurs et pas au modèle d’action (Argyris et al., 1999). Or c’est à partir des changements et la façon dont ces changements se sont opérés que nous pouvons identifier les types d’apprentissage et leur nature. Le travail réalisé pendant la restitution avec les participants (groupes de travail) nous a permis aussi d’identifier la dimension collective des apprentissages.

Afin d’analyser les apprentissages produits lors de la mise en place des CTE et des CAD à la Réunion, nous avons élaboré une grille de d’analyse de changement des pratiques. Les changements de pratiques vont dépendre des représentations que les acteurs se font de leur métier et des contextes d’action.

9Ces résultats correspondent a une enquête réalisée auprès des techniciens de la Chambre d’Agriculture et de 45

agriculteurs en 2003. Ce sont avant tout les perceptions des personnes interrogées qui ont été valorisées. Aucun suivi des pratiques n’a donc été envisagé, et pourtant la campagne 2003-2004 représentait la première année de mise en pratique du CTE pour une part non négligeable des exploitants signataires,.

(7)

La mise en place de la LOA (CTE et CAD) sera d’autant plus rapide et efficace qu’elle est « proche » des représentations des acteurs et que le contexte d’action est favorable.

Figure 1 : Grille d’analyse des changements des pratiques des agriculteurs et conseillers

Les questions auxquelles on désirait répondre était les suivantes : quels changements des pratiques en matière de développement agricole les CTE puis les CAD ont induits, quels apprentissage ont-ils été favorisés et quelles leçons tirer en terme d’action pour le développement agricole et rural ?

Le travail mené nous a permis d’identifier des apprentissages de type différent (cf. tableau 2) :

i) technique : environnemental,

paillage, AGEA…) ;

ii) organisationnel : nouvelles organisations locales ou territoriales, nouvelles règles, travail renouvelé au sein de la CDOA ;

iii) social ou relationnel : création de nouvelles façons de se coordonner entre conseillers, agriculteurs, politiques ; émergence de nouvelles dynamiques dans les organisations professionnelles ; amélioration de la coordination entre les services de l’État et la profession.

Ces apprentissages sont de type individuel (agriculteurs, conseillers), mais aussi de type collectif (organisations, groupes…). Ils se produisent à partir de supports, dispositifs divers comme les journées de formation, les commissions, les groupes de travail, les comités, la CDOA elle-même, par exemple. Ces apprentissages et ses dispositifs préfigurent un nouveau système de gouvernance local.

Tableau 2 : Supports et situation des nouveaux apprentissages selon le type et la nature

Nature

Typ

e

Individuel

Agriculteur Techniciens

Collectif

Agriculteur Techniciens Technique Raisonnements herbicides, fertilisation… AGEA Comptabilité Cartographie Environnement Achats … AGEA Cahier Parcellaire Relationnel Travail avec d’autres agriculteurs et membres de la famille Techniques d’animation Techniques de communication Réunions Travail en commun de définition MAE Conseillers Animation de groupe Organisationnelle Parcellaire Travail Commercial Planification du travail Gestion de Réseau Planification collective de certaines tâches (CUMA…)

Partager des tâches (SUAGER, ENV.) … LOA CTE CAD Contexte d’Action Représen-tations du métier Prati-ques

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En suivant les résultats présentés dans le tableau 2, on peut constater que les CTE et CAD ont favorisé des apprentissages de nature et de type très variés. Les agriculteurs se sont donc construits de nouvelles références et de nouvelles pratiques gestionnaires Celles-ci peuvent être mis en relation avec la dimension organisationnelle de l’apprentissage individuel : une action technique peut déboucher sur une meilleure gestion du parcellaire par exemple.

En ce qui concerne les techniciens, l’apprentissage a porté sur les techniques d’animation de groupe, d’analyse du fonctionnement global des exploitations agricoles, nécessaire au montage des CTE car il fallait non seulement veiller à être en cohérence avec un projet local mais surtout avec un projet individuel de l’exploitant.

Une analyse des pratiques techniques et de développement

Les traductions (Callon et al 2001) multiples auxquels les acteurs doivent procéder se font progressivement et sans remettre en cause la totalité des repères. Les pratiques de développement, c’est-à-dire la façon concrète dont ils exercent leur métier, correspondent à la façon dont les acteurs combinent, hybrident, bricolent les outils, les instruments, les relations, les savoir-faire et les connaissances pour réaliser une action ou pour se coordonner. Nous allons analyser le cheminement et la nature des apprentissages à partir de l’exemple du CAD Canne.

Figure 3 :Processus de fabrication des CTE et CAD

Figure 4 : élaboration du CAD « Canne »

Ces deux figures illustrent le cheminement des dossiers CTE et CAD et les relations qui s’établissent entre les différents acteurs ainsi que les situations créés. Les conseillers doivent réaliser un premier travail qui consiste à déterminer des zones favorables à la signature des CTE/CAD. Ils doivent donc mobiliser des connaissances et des savoirs techniques sur la zone, mais aussi sociaux (type d’agriculteurs). Ce travail se fait au sein des institutions. Dans le cas présent c’est au sein de la SAFER, en chargé du conseil auprès des exploitants caniers. Ainsi les conseillers SAFER ont dû échanger, partager des informations, etc. ils sont aussi appris. Ils doivent ensuite proposer des formations aux agriculteurs sur la LOA et les tenants et aboutissant des CTE et CAD. Ils doivent faire une démarche individuelle pour convaincre les agriculteurs de participer. Signalons que le nombre de formations et le nombre d’agriculteurs ayant participé constituent un indicateur du travail accompli par le conseiller. La formation est à la fois un lieu et une situation d’apprentissage croisé (Hatchuel, 1994) et multiple.

Formation/sensibilisation des agriculteurs Préparation du dossier Conseillers / Agriculteurs Formation de 5 jours

CAD, LOA, environnement

Conseiller / Agriculteur Approche Globale Diagnostic environnemental Négociation/Médiation/Traduction Ecouter/modéliser/… Elaboration SUAGER Service environnement Responsable Dossier Finalisation Conseiller/ordinateur/dossier

Pré commission Cnasea/ Daf Visite agriculteur

CDOA

Responsable filière Responsable/dossier Conseiller/dossier Cadre commun

Travail de synthèse Argumentation

Agriculteur/ Conseiller/ Cnasea

AGEA Analyse de cohérence Projet/mesures Pré-instruction Phase Administrative Phase terrain Pré-Commission interne Contrats Réception Diagnostic CDOA Pré-Commission DAF

(9)

Les CTE ont eu un impact important sur les pratiques techniques (Piraux et Pangolin, 2004). Ils ont engendré des évolutions positives sur l’adoption de diverses techniques. Ainsi 82 % des exploitants qui pratiquaient un désherbage tardif ont abandonné cette pratique au profit d’un désherbage en pré-levée ou en post-levée précoce. Parmi les exploitants interrogés, 77% de ceux qui avaient choisi la mesure « désherbage raisonné » sur toute leur surface ne réalisaient pas cette pratique auparavant. Les 2/3 des exploitants qui ne pratiquaient pas le fractionnement de fertilisation au fur et à mesure de la coupe l’ont adopté alors que cette mesure n’était pas obligatoire dans le CTE : une mise en pratique sans trop de difficultés. Malgré la pénibilité importante de l’opération d’épaillage, le CTE a permis d’en développer la pratique ; les résidus ont été conservés systématiquement aux champs, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes lors des replantations.

Figure 5 : Ce que les agriculteurs ont appris

Le CTE a conduit également à modifier l’organisation des travaux, notamment lors de la campagne de coupe, et à rationaliser la gestion globale de la sole cannière en définissant un parcellaire (qui a provoqué

une meilleure planification des

replantations). Ceux qui n’ont pu adopter les pratiques pour lesquelles ils s’étaient engagés ont invoqué des problèmes de trésorerie ou de gestion du temps de travail. Mais le CTE a aussi parfois été l’occasion de financer des pratiques déjà existantes. Finalement, l’outil semble avoir accéléré la mise en place de

techniques déjà vulgarisées par les

techniciens mais dont l’adoption restait faible.

Cette amélioration résulte de divers éléments : l’incitation financière ; meilleure formation du public cible; conseils rapprochés et formations des techniciens de la Chambre d’Agriculture (qui ont permis l’appréhension du fonctionnement global de l’exploitation et donc des freins à l’adoption des techniques). Il faudrait bien entendu pouvoir étudier sur le terrain l’application effective des mesures à plus long terme. Pour beaucoup, la subvention apportée par le CTE a permis un apport de trésorerie déterminant pour la réalisation des pratiques techniques aux moments opportuns.

Des changements se sont aussi opérés au niveau des pratiques d’intervention des techniciens. Un certain nombre de changements ont été identifiés, en terme :

1. d’outils et de méthodes : réalisation d’un diagnostic agri-environnemental de

l’exploitation, raisonnement technique plus approprié à partir d’une approche globale des exploitations permettant une meilleure appréhension des facteurs d’adoption des techniques, conseil de synthèse, travail en collectif (animation), utilisation d’outils informatiques ;

2. d’organisation du travail : le CTE a donné, d’après les entretiens avec certains

techniciens, du sens à leur travail (mise en place d’un projet et donc objectifs de l’intervention mieux définis avec l’agriculteur, indicateurs de suivis mis en place) ;

technique relationnel

planification

Organiser le parcellaire Raisonner les herbicides Paillage Fonctionnement global Cahier parcellaire Communiquer Formaliser un projet Contractualiser Entraide Communiquer

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3. de référentiels renouvelés (permis à partir de la tenue de cahier de suivi et des relevés des surfaces notamment).

Ces changements ne sont toutefois pas sans poser un certain nombre de problème, notamment d’identité, sur lesquels nous reviendrons.

La mise en place des CTE et CAD s’est aussi traduite par de nouvelles relations entre les différents groupes d’acteurs : l’analyse de leur intensité permet d’éclairer les mécanismes mis en jeu et d’identifier des dysfonctionnements. Nous avons ici distingué 5 groupes d’acteurs : les techniciens, les agriculteurs signataires, les organisations professionnelles (Chambre, coopératives,…), les institutions d’encadrement (DAF, Cnasea), et « autres » (représentants de la société civile, organismes d’aménagement, ONF, Médecine et Inspection du travail). On notera en particulier (Chia et al. 2005) :

- L’amélioration de l’entraide entre les techniciens de la Chambre.

- Le renouvellement des relations entre techniciens et agriculteurs : les

différentes phases de la construction du projet CTE ou CAD, menée en commun, ont renforcé la confiance.

- Le développement de relations entre agriculteurs (mise en place de groupes

d’entraide notamment).

- Le développement des relations de plusieurs acteurs avec le Cnasea.

- L’apparition de nouveaux acteurs non initialement prévus faites à la demande

des techniciens au cours de montage des dossiers : Médecine et Inspection du travail, ONF.

- Le faible développement des relations des acteurs du monde rural avec les

organisations de la société civile que la LOA a introduit en CDOA (ici deux associations de défense de l’environnement).

- La dégradation des relations de certains membres de la Chambre avec la DAF,

dont les critères de qualité des dossiers sont mal compris.

- Les faibles impacts sur les structures des institutions hormis pour le CNASEA,

qui a vu la création de ses deux services.

Les champs de préoccupations principaux des acteurs10, qu’ils soient éléments d’accord, de

désaccord ou bien manquants, ont été exprimés par les trois groupes de travail11 :

- L’évolution de la nature, des méthodes et des conditions de travail : les points de

vue des groupes de techniciens et ceux du groupe « d’institutionnels » diffèrent parfois notablement. Quand les premiers soulignent leurs insatisfactions quant à la qualité de leurs nouvelles conditions de travail, (souvent exprimées sur un mode plutôt défensif, voire négatif, qualifiant parfois leur travail de « technicien de bureau », les institutions préfèrent souligner l’acquisition de méthodes nouvelles par les techniciens, même si ces derniers reconnaissent l’intérêt de l’approche globale des exploitations.

- Les changements relationnels sont avérés mais l’intensification des relations entre

techniciens est quant à elle contestée par les institutions.

10 Dans le cadre des deux journées présentées en introduction

11 Attention, ces résultats s’appuient sur les accords ou désaccords avec le diagnostic antérieurement présenté, et

(11)

- Le manque de critères et d’indicateurs d’évaluation. Les techniciens insistent sur le manque d’outils, ou de leur maîtrise insuffisante, pour orienter leur travail : diagnostic d’une situation, mesure des impacts de la mise en place des CAD sur les exploitations agricoles et leur environnement, adéquation d’une MAE à une situation donnée.

- Enfin, les techniciens de la Chambre estiment que le manque de moyens humains,

matériels, mais aussi le manque de réorganisation des services afin de mieux gérer la « nouvelle donne », pénalisent la qualité de leur travail quotidien.

Tableau 3 : synthèse des travaux des groupes de travail lors de l’atelier

Groupe 1 Groupe 2 (groupe

« institutionnel ») Groupe 3 Points d’accords Organisation du travail des techniciens * Autre visions de l’exploitation agricole AGEA Qualité du suivi

Pression sur les techniciens Changement des pratiques des agriculteurs

Apport de trésorerie Partenariat renouvelé Temps suivis hors CAD TCDL de bureau Confiance retrouvée Complexité CAD AGEA

Collecte de référence facilitée Problème de suivis Points de désaccords Amélioration du travail du technicien Critères d’évaluation manquent

Amélioration des relations Mesures investissements non discutées

Trésorerie avant tout Amélioration des relations entre les techniciens

Impacts environnementaux et choix des enjeux

Importance de nombre de signatures

Animation de groupe Relation entre organisme / DAF

Évolution des pratiques des agriculteurs pas évidente Planification du travail du technicien non améliorée Technicien et exigences changeantes

Manque

Validation des nouvelles mesures Critères d’évaluation avant et après Évaluation du suivi Rôle de la DAF Changements collatéraux Changements dans l’utilisation des méthodes Représentation des agriculteurs changée Territoire et référentiel agri-raisonné

Pression des agriculteurs Changement fréquent de dispositifs financiers Pas de technicien chambre en pré-commssion Positionnement des institutions à harmoniser – critères Motivation financière uniquement Manque de moyen

Difficulté dans les exigences comptables dans les DAE Partie investissement occultée Action hors métier technicien

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CAD pour… ? Agriculture respectueuse de l’environnement Revenu / projet Pratiques non-marchandes AGEA Agriculture raisonnée Agriculture Durable Nouvelle organisation développement agricole Image de l’agriculture dans la société

Réconcilier l’agriculture avec l’environnement

Réconcilier l’agriculture avec la société Vivabilité et durabilité de l’exploitation Quels apprentissages ? Projet / stratégie Formation communication Environnement et production Encadrement à harmoniser Objectif par territoire Espace de réflexion,

d’évaluation et d’orientation Formation pédagogique Améliorer la connaissance pour les MAE

Indicateur de réussite

Communication /formation Moyens humains et financiers Faire prendre conscience à l’agriculteur

Remettre la CDOA dans son rôle

Meilleure connaissance de notre environnement AGEA, Approche Globale des Exploitations Agricoles

Un certain nombre de techniciens (au sein même ou en dehors de la Chambre) considère que le processus de mise en œuvre des CTE et CAD a été trop rapide, il est à l’origine d’une pression trop forte sur eux quant au nombre de CAD à réaliser. Par ailleurs, il semble que les agriculteurs n’ont pas tous fait évoluer leurs pratiques dans le sens du contrat qu’ils avaient signé. Il faut bien reconnaître qu’il existe de grosses différences entre les pratiques observées et le « modèle optimal » qui permettrait de favoriser systématiquement les apprentissages (Chia et al. 2005). Quoi qu’il en soit l’outil est considéré par certains comme trop complexe, et demande à être simplifié ou renforcé par des ressources humaines complémentaires.

Une des fonctions principales des CAD est (serait), pour la majorité des participants, les CA, d’appuyer une meilleure prise en compte de l’environnement par l’activité de production agricole, ou encore de favoriser la fabrication de biens non marchands. Mais cette reconnaissance ne doit pas affecter le revenu de l’exploitant. Enfin, au-delà, un dernier groupe revendique que le CAD serve d’abord à garantir le revenu de l’agriculteur. Cette affirmation ne signifie pas une négation de l’importance de la gestion environnementale, mais plutôt la réticence (voire l’incompréhension) de certains à ne plus appuyer exclusivement (sur les plans techniques et financiers) la production cannière. Le groupe institutionnel a par contre mis l’accent sur le rôle de l’outil dans le renouvellement des démarches individuelles ou collectives.

Cette prise de conscience est naissante : elle nécessite de définir des enjeux environnementaux dans les opérations de développement, et de les traduire de manière concrète au niveau de l’exploitation et du projet de l’exploitant.

Les objectifs fixés au CAD apparaissent assez différenciés et interpellent dès lors les stratégies cohérentes à développer pour y répondre. Les apprentissages nécessaires n’ont toutefois pas été ou peu partagés, c'est à dire qu’ils n’ont pas encore permis de créer un langage ou des projets communs. Les apprentissages nécessaires nommés pour répondre à ces exigences relèvent de : la communication : dialogue, faire savoir, formation auprès des techniciens et agriculteurs afin de construire des projets et des stratégies cohérentes ; la création d’espaces de débat, de dialogue, de confrontation (comme la CDOA) afin d’harmoniser notamment les méthodes de travail ou les critères d’évaluation des dossiers. Dès lors, le sens à donner au métier d’agriculteur et des conseillers n’a pas encore fait l’objet d’un réel débat. La CDOA est en effet reconnue avant tout comme une instance de discussion technique. Pour exemple, certains pensent que ce sont les productions les « moins multifonctionnelles » (élevage, fruit et maraîchage) qui devraient bénéficier des CAD car

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c’est là que des marges de progrès en terme environnemental sont importantes à réaliser. Il faudrait dès lors renforcer les capacités de réflexion collective à l’échelle départementale.

Retour sur les apprentissages

Les CTE/CAD sont des outils dont se sont emparés rapidement les acteurs du développement agricole, et qui font l’objet d’intenses débats. A partir des constats qui ont été posés, nous formulons un certain nombre de recommandations qui nous paraissent utiles pour la poursuite de la mise en place des CAD.

La redéfinition des métiers d’agriculteur et conseiller

L’ensemble des participants considère que la mise en place des CTE et le CAD a créé une nouvelle dynamique dans le milieu agricole. Les CAD sont à l’origine d’une évolution des pratiques des agriculteurs et de celles des techniciens dont les logiques d’intervention ont été modifiées (approche globale, diagnostic agri-environnement, suivi, etc.). L’évolution de ces pratiques augure d’un changement dans les différents métiers. On assiste ainsi à une « professionnalisation » chez certains agriculteurs qui s’illustre par l’amélioration de la qualité des suivis parcellaires (par la tenue d’un cahier parcellaire), par un raisonnement et une meilleure planification des interventions techniques, par une appréhension du fonctionnement global des exploitations qui permet une meilleure prise en compte de l'environnement. Le métier de conseiller de la Chambre d’agriculture a aussi fortement évolué d’un conseil technique, orienté canne à sucre, vers un conseil à l'exploitation, un conseil de « synthèse » qui modifie profondément l’organisation de son travail et sa finalité.

Il faut dès lors considérer que si l’on veut modifier les pratiques des agriculteurs, il faut nécessairement faire évoluer les pratiques de développement, qui sont la façon concrète d’exercer les métiers c’est-à-dire la manière dont les acteurs combinent les outils, les instruments, les méthodologies, les relations, afin de réaliser les différentes actions de développement. Mais d’une manière tout aussi unanime, un certain nombre d’insatisfactions subsistent chez les techniciens, conséquences des bouleversements dans leur métier qui s’est accompagné d’un renforcement notoire des tâches de bureau. Ceci est à l’origine d’un malaise auquel il sera nécessaire de répondre. D’autres questionnements subsistent sur la réelle évolution des pratiques des exploitants. Dès lors, un travail important devrait consister à préciser cette (re)définition des métiers de conseiller et d’agriculteur en identifiant les dispositifs adéquats (les lieux, les types d’acteur) pour y parvenir.

Accompagner cette redéfinition des métiers par une nouvelle organisation du développement agricole, par une communication et une formation renforcées

Les participants à l’atelier considèrent que l’un des principaux manques dans le processus CAD est lié à un défaut de communication et de formation pour accompagner l’évolution constatée des métiers. Il est nécessaire de faire comprendre aux agriculteurs que le CAD constitue un outil innovant puisque les aides sont accordées en fonction des « façons de produire » - des pratiques - et non sur les quantités produites. Il est dès lors important de

centrer le message aux agriculteurs non seulement sur l’aide financière (de trésorerie12), mais

aussi sur la dimension environnementale du CAD et sur l’importance du contrat.

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En termes pratiques, les différents champs de formation cités sont : les enjeux environnementaux, l’analyse des pratiques des agriculteurs et leur évolution, l’approche projet (l’AGEA semblant bien appropriée). En outre, aborder les interrelations entre ces thématiques est primordial, quelques règles de communication, qui sont à la base d’un travail sur l’amélioration des pratiques, devraient aussi être abordées.

Enfin, un effort particulier devrait être réalisé à destination des élus, notamment ceux qui participent aux différentes commissions, afin de les sensibiliser sur les nouvelles exigences des métiers et des CAD.

Par des choix stratégiques et par la définition d’un système d’évaluation approprié

Les discussions et les travaux de groupe expriment qu’il apparaît nécessaire de réfléchir à l’évaluation. Nous pensons que dans la situation de gestion qu’ont créée les CAD, il convient de réfléchir à un système d’évaluation global plutôt de faire appel à des critères isolés. L’évaluation fait en effet partie de tout processus de gestion ou de gouvernance. Elle doit être considérée comme un instrument de planification et d’orientation, et non comme outil de censure. Dès lors, l’évaluation doit préalablement construire les objectifs stratégiques clairement identifiés et hiérarchisés qui seront amenés à structurer la mise en place des CAD. Au regard des résultats des travaux de groupe, les objectifs fixés au CAD sont en effet assez différenciés entre approches économique et environnementale, et interpellent sur les stratégies cohérentes à développer. La définition de ces objectifs devrait permettre, en fonction des enveloppes financières disponibles : 1) de prioriser les interventions selon des publics particuliers ou des zones fragiles concernées par des enjeux (environnementaux ou autres) spécifiques qui permettrait une concentration des CAD ; 2) de définir les modalités d'accompagnement des agriculteurs hors CAD, compte tenu du temps consacré aux signataires.

L’évaluation doit s’appliquer à différents domaines :

- à la qualité des dossiers dont découlent les critères d’acceptation ou rejet des

CAD proposés en pré-commission ;

- au travail des techniciens dont les tâches ne sont plus les mêmes, ce qui renvoie

à la nécessité d’en avoir bien défini les contours. Ils s’inquiètent, en effet, de la méconnaissance des critères d’évaluation de leurs nouvelles fonctions et craignent de se voir pénalisés ;

- au contrôle des agriculteurs signataires.

Un autre principe qu’il convient de souligner est la nécessaire participation de l’ensemble des institutions à la définition collective des critères, règles, moments d’évaluation etc. Dans le cas contraire, chaque institution développe son propre système d’évaluation et chaque individu privilégie les critères sur lesquels il se sent jugé. Ainsi, par exemple, un conseiller cherchera à satisfaire le nombre des dossiers s’il pense être (ou est effectivement) jugé sur le nombre. Il privilégiera la « qualité » s’il est explicitement jugé sur ce critère. Le risque est de voir apparaître des systèmes d’évaluation incohérents entre eux. Ces préoccupations se réfèrent à l’adéquation entre le système d’évaluation actuel, qui hérite des situations passées, et un système pertinent qui prendrait en compte les nouvelles fonctions assignées à l’agriculture et aux nouveaux métiers.

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Par une évolution organisationnelle des institutions

Le choix de ces objectifs doit résulter d’un débat organisé à l’échelle locale. Mais les dispositifs dont le rôle a été renforcé par la LOA, tels que la CDOA, ne constituent pas de lieux de débat et de controverses pour élaborer des stratégies communes. La CDOA est en effet reconnue comme une instance de discussion technique et non comme une véritable commission d’orientation agricole. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’on ne peut pas discuter de tout dans tous les lieux. Les acteurs doivent donc s’organiser, fixer les modes de coopération et de coordination, les règles qui leur permettent de se faire représenter dans les différentes instances où sont discutées les questions relatives aux CAD.

Des apprentissages qui n’attendent qu’à être consolidés !

Les organisations n’ont pas favorisé les apprentissages identifiés comme nécessaires aux changements en cours. Les apprentissages identifiés n’ont pas été ou peu partagés, c'est à dire qu’ils n’ont pas encore permis de créer un langage ou des projets communs. Ainsi le sens à donner aux métiers d’agriculteur et de conseiller n’a pas encore fait l’objet d’un réel débat. Dès lors, face aux changements et aux nouvelles nécessités (dialogue, communication, etc.) les organisations professionnelles ont reproduit les mêmes structures et ont continué à organiser leurs activités par filière. La recherche de cohérences sur les dossiers a toutefois été à l’origine de nouvelles relations entre les services de la Chambre d’Agriculture, des liens qui restent à renforcer.

Conclusion : apprentissages et gouvernance ?

Avec la nouvelle forme d’intervention mise en œuvre au travers du CTE puis du CAD, la LOA a rendu les questions du développement rural et agricole encore plus complexes, car elle accorde des aides non pas en fonction des quantités produites mais en fonction des « façons de produire », des pratiques. Ce bouleversement nécessite de la part de l’ensemble des acteurs du monde agricole et rural, en particulier des conseillers et agriculteurs, de (re)définir leur métier, leurs outils, leurs pratiques. Le processus de développement rural relève en effet des interactions entre des aspects techniques, sociaux, économiques et organisationnels. Cette complexité nous amène à ne plus penser, envisager, imaginer des solutions d’un seul point de vue technique.

Nous voudrions surtout insister sur le fait que la participation des acteurs à la définition des actions locales, à l’élaboration de règles et dispositifs ne va pas de soi et ne se décrète pas. Il est en effet nécessaire de renforcer voire de créer de nouveaux dispositifs afin de favoriser les apprentissages en double boucle entre les acteurs (privés et publics), et de construire un langage commun, nécessaire à l’élaboration d’un projet commun !

La question de la gouvernance nous conduit à avoir un regard nouveau sur la gestion des territoires et du développement rural, les relations entre les acteurs agricoles et non-agricoles, et celles entre les pouvoirs publics et les agriculteurs.

L’analyse des apprentissages à l’occasion de la définition et la mise en place des CTE puis des CAD montre que les acteurs élaborent des nouvelles connaissances et savoirs qui vont leur permettre de mettre en place un système de gouvernance souple et flexible où bricolage et hybridation continueront à être des mécanismes d’adaptation. La gouvernance est donc un processus adaptatif où l’apprentissage représente le principal ingrédient de son bon fonctionnement.

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Figure

Tableau 1 : Sources d’apprentissage selon l’origine du processus  NATURE  Individuel  Collective  Technique  Système technique,  itinéraires techniques…
Figure 1 : Grille d’analyse des changements des pratiques des agriculteurs et conseillers
Figure  3 :Processus  de  fabrication  des  CTE et CAD
Figure 5 : Ce que les agriculteurs ont  appris
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Références

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