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Entre travail et plaisir, quelles pratiques de lecture pour les étudiants en classes préparatoires littéraires ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A

u principe de cette recherche était l'idée que le passage par la classe préparatoire littéraire jouait – comme peuvent le faire d'autres expériences – un rôle important dans l'histoire de lecteur. En effet, pour répondre à de nouvelles exigences de tra-vail (quantité plus importante et nouveaux types d'exercices, horizon du concours), les étudiants acquièrent de nouvelles façons de lire et de sélectionner leurs lectures.

Nous nous attarderons ici sur la question de la catégorisation des lectures entre « travail » et « plaisir » ; les étudiants de CPGE lit-téraires, issus majoritairement de milieux économiquement et culturellement favorisés ont déjà construit avant leur entrée dans cette for-mation un certain rapport à la lecture, certes alimenté par leurs lectures scolaires, mais également axé sur la recherche de plaisir et de divertissement.

La découverte de nouveaux types d’ouvrages (essais notamment) et de nouvelles approches des textes littéraires (basées sur un analyse poussée et la lecture de théorie littéraire), associée à un travail scolaire rythmé par des objectifs à court et long terme, modifie-t-il le rapport à la lecture qu’ils avaient construit auparavant ?

Méthodologie

Cette recherche se base sur entretiens semi-directifs réalisés auprès d’étudiants d’hypokhâgne et de khâgne de Paris et de ré-gion parisienne, ainsi qu’auprès d’anciens étudiants de moins de 35 ans (en fin d’études ou début de carrière) afin de considérer l’im-pact de la CPGE sur leurs pratiques de lec-ture sur le moyen terme.

Les bibliographies distribuées en début de 1ere année servent également de base de comparaison des prescriptions et discours sur la lecture produits par les enseignants.

Morgane Maridet

morgane.maridet@univ-paris3.fr

Doctorante contractuelle en sociologie Sous la direction de B. Péquignot

Université de la Sorbonne Nouvelle—Paris 3 ED 267

Laboratoire de rattachement : Cerlis—Pôle lien social et culturalisation

Chargée de cours en sociologie à l’Université de la Sorbonne Nouvelle—Paris 3

Entre travail et plaisir, quelles expériences de lecture pour

les étudiants en classes préparatoires littéraires ?

Q

ui sont les khâgneux ?

Tous les enquêtés, certes dans des mesures différentes, retra-cent dans les entretiens leur histoire de lecteur, qui commence assez tôt, dès l’acquisition de la lecture à l’école. Cependant, nombreux sont ceux qui font remonter leurs premiers souvenirs de lecteurs aux histoires lues par les parents, « comme [pour] beaucoup d’enfants avant de dormir ».

Les sollicitations lectorales sont assez importantes, de façon plus ou moins explicite (discours sur l’importance de la lecture et contrôle, livres offerts, fréquentation de bibliothèques…), l’individu a souvent évolué dans environnement lectoral assez riche (présence de livres dans la maison, bibliothèque à soi…) et les pa-rents sont en général lecteurs (dans leur majorité ils sont perçus comme de grands lecteurs).

Si on s’intéresse à la représentation de la lecture avant la CPGE, elle est davantage axée sur une lecture « plaisir », de loisir, qui s’oriente davantage vers les romans. La lecture est de plus globalement bien présente dans la vie des enquê-tés, que ce soit dans leurs souvenirs d’enfance, dans la cons-truction de leurs appartenances ou au quotidien. Cependant, si leur attachement à la lecture reste constant, leur pratique l’est moins (inflexion des lectures au collège—lycée pour certains). Sans grande surprise, ces lecteurs sont bons voire très bons élèves, entretenant souvent un bon rapport avec l’école et leurs enseignants, notamment dans les matières littéraires. Leur orientation en prépa leur apparaît parfois comme une « évidence », bien qu’un certain nombre d’entre eux ait eu con-naissance de la formation par leurs professeurs. Leur orienta-tion est avant tout un choix (sauf un cas, la prépa n’est pas choisie par défaut), guidé par l’attrait pour les matières litté-raires, la volonté de ne pas se spécialiser, et le cadre péda-gogique.

Q

uels lecteurs sont les khâgneux ?

Pour tous, l’entrée en hypokhâgne implique un chan-gement dans les pratiques de lectures, ne serait-ce que par la « découverte » de nouveaux types d’ou-vrages (essais littéraires, historiques, géographiques) et par l’augmentation du volume de ces lectures.

Leurs lectures, durant ces années, sont essentielle-ment basées sur les prescriptions des professeurs : bibliographies, conseils, consignes plus ou moins expli-cites, etc., en lien avec le programme du concours. Ces nombreuses prescriptions sont parfois vécues comme un « formatage » ou un « gavage », mais souvent, les enquêtés insistent sur les « découvertes » qu’elles leurs permettent.

Cependant, les lectures « personnelles » ne sont que rarement supprimées. Elles sont de 2 sortes : lectures « déconnectées » (polars, mangas, maga-zines…), souvent réservées à des temps précis (vacances), et lectures en lien avec les cours, lec-tures « rentables » qui peuvent ou non être perçues comme telles. Il s’agit ici essentiellement d’auteurs dits « classiques », de littérature, notamment française, avec quelques incursions en littérature étrangère (russe ou américaine).

Même si les enquêtés remarquent la difficulté à garder des lectures « pour soi », et parfois « l’asphyxie » de celles-ci, les lectures prescrites, bien que liées au tra-vail demandé, peuvent aussi être vécues comme des lectures plaisir. La notion même de plaisir de la lec-ture tend à changer, avec une valorisation du plaisir de la « découverte », de l’apprentissage et de la cons-truction d’une culture générale.

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our les étudiants des classes préparatoires littéraires, déjà familiers du livre et attirés par l’étude des domaines littéraires, l’entrée en CPGE constituent rarement une rupture nette dans leurs pratiques de lecture. Cependant, celles-ci évoluent : avant lecteurs par plaisir, ils se voient alors lecteurs contraints. Mais il ne faut pas oublier que pour la grande majorité, cette formation a été choisie avant tout par intérêt et attrait pour les disciplines étudiées. La frontière entre travail et plaisir n’est pas si évidente, et il naît, plus ou moins aisément, une certaine perméabilité entre les 2 catégories. Celle-ci est elle durable ? Ces façons de lire favorisent-elles la cohésion d’un groupe particulier ?

Colloque Textes - Formes - Lectures en Europe (18e - 21e siècles) Le Mans, 22-24 Mai 2013

Classes préparatoires ?

Les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont des filières accessibles après le baccalauréat, qui « ont pour fonction d'accroître le niveau des connaissances des bacheliers dans différents champs discipli-naires de manière à les rendre aptes à suivre une formation en grande école dans les fi-lières littéraires, économiques et commer-ciales et scientifiques » (Ministère de l’Ensei-gnement Supérieur et de la Recherche). Cette formation, dispensée en grande majorité dans des lycées, dure en général 2 ou 3 ans. Il s’agit ici uniquement des CPGE littéraires, également nommées « hypokhâgnes » et « khâgnes », qui préparent au concours de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon et d’Ulm, permettant également depuis 2011 l’accès à d’autres écoles (commerce, journalisme, IEP, traduction…).

Ces filières sont souvent dites « d’élite » en raison de leurs objectifs (intégration d’une grande école) et de leur méthodes pédago-giques : « Ce qui distingue les classes prépa-ratoires de toutes les autres institutions d’en-seignement supérieur, c’est avant tout le sys-tème des moyens institutionnels, incitations, contraintes et contrôles, qui concourent à ré-duire toute l’existence de ceux que l’on ap-pelle encore, ici, des « élèves » (par opposi-tion aux « étudiants ») à une succession inin-terrompue d’activité scolaires intensives, ri-goureusement réglées et contrôlées tant dans l e u r m o m e n t q u e d a n s l e u r rythme » (Bourdieu, 1989). Im ag e yes yo uk ha gne. can al bl o g. co m Le Mond e, 0 4/ 02 /1 2

Références

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