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PRO FRIBOURG

Juin 1984 INFORMATIONS Trimestriel N° 61

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Sommaire

p. 3 20 ans et toutes ses dents:

4 1962 Le point de départ: L'affaire de la rue des Bouchers 6 1964 Annonçant la couleur: Le lancement de Pro Fribourg 8 1965 Des illusions tôt envolées: le projet Maison des Jeunes 10 1966 Le premier conflit: l'usine à gaz

12 1968 La parole aux habitants: l'enquête-participation de 1'Auge

14 1969 L'ouverture sur l'extérieur: Civitas Nostra

16 Congrès de Fribourg: Faire des habitants les artisans de leur quartier

20 1971 L'urbanisme à la dérive: L'affaire Eurotel 22 1976 Contribution à une mémoire collective: la revue 24 1984 Conclusion

25 Fribourg malade de l'urbanisme (suite)

28 Du rôle et du fonctionnement de la Commission d'urbanisme 30 Circulation: ça roule mais ça ne tourne pas rond

31 Belluard: deuxième édition.

32 En bref

33 Berne dit non au projet du Klösterli

Crédit photographique : Eliane Laubschert Fribourg en p. 9, 11 et 31.

Leo Hilber, Fribourg en p. 5.

Imprimerie Saint-Paul, Fribourg. Tirage : 3'800 exemplaires SOS VILLAREPOS - SOS VILLAREPOS - SOS VILLAREPOS - SOS VILLAREPOS Le sort de l'église de Villarepos se jouera au moment de la sor¬

tie de ce cahier. Au cas où une solution apaisante intervient, Pro Fribourg participera, par un cahier spécial, au mouvement de solidarité pour le sauvetage de l'ancienne église. Des dons, avec mention "pour Villarepos" peuvent déjà être versés à notre CCP 17-6883. Villarepos: s'unir pour restaurer non pour démolir J

PRO FRIBOURG Secrétariat : Staïden 14, 1700 Fribourg

Cotisation :

Ordinaire: 24 fr. ; de soutien 36 fr. avec l'édition de langue allemande (deux numé¬

ros par an) supplément 8 fr. Tarif réduit:

16 fr. (étudiants, apprentis, 3

e

âge)

(3)

3

20 ans et toutes ses dents!

Ce cahier marque les 20 ans de Pro Fribourg : il n'a pas la pré¬

tention de dresser un bilan et, encore moins, de tresser de com¬

plaisantes couronnes... car il suffit de regarder autour de nous, pour savoir qu'il n'y a pas tant de quoi pavoiser. Des maisons à la dérive de la Neuveville à l'église massacrée de Villarepos, on n'a guère à se faire des illusions. Nous devons continuer à monter bonne garde, à montrer les dents.

Notre mouvement a toujours sa raison d'être. Et s'il a acquis au cours des ans un profil marqué, anguleux même pour certains, ce¬

la s'explique par les difficultés rencontrées, les expériences accumulées. C'est pourquoi ce cahier retrace des épisodes qui ont conditionné l'orientation de Pro Fribourg : une manière aussi de rappeler que tout est toujours à recommencer.

C'est donc à la recherche d'un fil conducteur que nous vous invi¬

tons à parcourir ce cahier : quel est-il ? Celui d'une action ci¬

vique qui s'est, par la force des choses, spécialisée, de la pro¬

tection de la Vieille Ville à l'urbanisme, l'environnement et la culture.

Avec, à des moments critiques, une affirmation plus large, comme pour le suffrage féminin ou l'initiative "être solidaires" : nul¬

lement accidentelle, à dire vrai, mais pour promouvoir une socié¬

té plus humaine. Dans ce sens, la publication d'une contribution de Robert Caillot au congrès de Ci vitas Nostra à Fribourg en 1969 est un hommage à la dimension humaniste de celui qui nous avait guidé lors de l'enquête-participation du quartier de l'Auge.

Nous marquons une étape et nous vous invitons à engager le dialo¬

gue avec nous, amis lecteurs, pour, ensemble, essayer de faire mieux par la suite. Et, à l'automne, nous tiendrons une assemblée générale commémorative où nous parlerons surtout de l'avenir.

PRO FRIBOURG

En couverture : un regard neuf sur notre ville, dessin de Nils

Buruitz, artiste sud-africain, paru en 1968 dans Pro Fribourg.

(4)

-g /"* ^ Le point de départ

1 yOZ L'affaire de la rue des Bouchers

1959 : L'administration cantonale est à l'étroit (elle le sera tou¬

jours...) et ses bureaux sont dispersés.

Quoi de plus simple que de prolonger la Chancellerie de la rue des Bouchers par une barre horizontale de verre et de béton jusqu'au débouché du Pont Zähringen ? D'autant plus que les anciens immeubles à cet emplacement ont été rachetés - et ne sont plus entretenus - par une administration prévoyante.

Prévoyante ? Pas tout à fait : elle n'a pas tenu compte de ces fâ¬

cheux "esthètes", du Heimatschutz à Gonzague de Reynold, qui ne par¬

venant pas à vaincre l'obstination officielle, font appel au Conseil fédéral. Lequel délègue à Fribourg, le 17 octobre 1962, deux de ses membres pour convaincre les dirigeants cantonaux que la Vieille Ville de Fribourg fait aussi partie du patrimoine national, pour le moins.

Pénible moment de vérité. Du jour au lendemain, le Conseil d'Etat renonce à son projet. Il se rabattra par la suite sur l'avenue de Rome où il construira la Tour des Finances. (Laquelle, soit dit en passant, est aujourd'hui trop exigue et va recevoir son prolongement).

Quelques Fribourgeois et amis de Fribourg ont suivi toute l'affaire de l'extérieur en ayant parfaitement conscience de son enjeu : si la rue des Bouchers "tombait", ce serait tout un équilibre qui serait rompu, en substituant déjà à la dominante verticale des maisons médié¬

vales une dominante horizontale, mais plus encore, en donnant le champ libre à une fonction bureaucratique envahissante.

Ils font surtout le constat qu'il est extrêmement dangereux d'interve¬

nir à la dernière extrémité, quand un projet est déjà fortement enga¬

gé, car on risque de ne livrer que de futiles combats d'arriëre-garde, l'affaire de la rue des Bouchers n'étant que l'exception qui confirme la règle.

La nécessité s'imposait donc de créer un mouvement, non pas passéiste,

mais porteur d'idées de notre temps, s'appuyant sur un programme à

long terme. Dès le début de 1963, les études préparatoires étaient

engagées : ce sera le début de PRO FRIBOURG.

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L'affaire de la rue des Bouchers, avec l'abandon du projet de Nouvelle Chancellerie, n'était pas terminée pour autant. Il fallait trouver pour ces immeubles à l'abandon une nouvelle affectation, un nouveau maître d'oeuvre, quasiment un mécène.

Une aide substantielle de la Confédération était promise (elle se mon¬

tera au taux record de 60 % !) et le "mécène" tant attendu apparaissait déjà à l'horizon : la toute puissante CIBA bâloise qui, créant son cen¬

tre de recherches de Marly, trouvait là une occasion de se profiler élé¬

gamment, grâce aux fonds de sa caisse de retraite du personnel.

En somme, les conditions idéales étaient réunies pour une réalisation exemplaire. Mais la Commune, par ses exigences, allait compromettre la simple restauration pour une démolition-reconstruction. Il fallait, se¬

lon elle, élargir la rue, ce qui impliquait de reculer les façades, donc de les reconstruire en retrait, obligeant à reprendre jusqu'aux fondations. La Commission fédérale des monuments historiques, incompé¬

tente dans les questions d'urbanisme, allait céder à ces exigences et adopter une solution à arcades, solution dite "réversible" (!) selon son président... D'où ce pastiche à la sauce "bernoise".

AUJOURD'HUI : Avec le recul, on ne peut que constater que les mêmes cau¬

ses produisent les mêmes effets. On peut certes donner de nouvelles fonctions aux bâtiments anciens, encore faut-il qu'elles soient compati¬

bles avec les quartiers anciens : pas trop envahissantes au détriment

des logements Quant aux conceptions des Monuments historiques, elles

restent précisément historicisantes, dans l'ignorance quasi générale et

superbe des questions d'urbanisme, d'où conflit latent avec Pro Fribourg.

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Annonçant la couleur:

Le lancement de Pro Fribourg

Créer un mouvement, c'était d'abord le penser. Nous devions pour cela nous informer, bien étudier les réalités locales, nous documenter, nous appuyer sur des exemples à l'extérieur. Ainsi ä Lyon, où la Re¬

naissance du Vieux Lyon était au départ une émanation de la Jeune Chambre économique. Cette phase préparatoire s'étendit sur plus d'une année, permettant à une petite équipe de se former, de se roder en sortant déjà une étude préliminaire sur le quartier de l'Auge et un Plan d'organisation du mouvement, où les grandes lignes de l'action future étaient clairement tracées :

Objectif premier : faire connaître, mettre en valeur la Vieille Ville.

De façon à promouvoir une notion d'ensemble, de "paysage historique"

lié à un site. En visant à préserver un cadre de vie plus qu'un décor.

Cela dans un premier temps, car :

"Nous allons d'abord orienter notre action vers la préservation et la mise en valeur de ce qui existe, mais à la longue il est bien évident que nous ne pourrons pas sauvegarder la Cité ancienne sans nous occu¬

per des problèmes d'urbanisme qui se posent dans une ville en expan¬

sion. ... ce sera là une des tâches les plus ardues que (nous) devrons aborder. Dès le départ, nous devrons présenter la défense de la Ville ancienne dans le contexte du Fribourg de demain."

En commençant par "mettre constamment l'accent sur l'aspect humain des problèmes que le mouvement devra aborder et, à cet effet, en entrepre¬

nant une étude sur les conditions de logement en Basse-Ville ainsi que sur les mouvements de population..." pour "revaloriser le caractère résidentiel des vieux quartiers en encourageant l'assainissement des maisons"... "visant par là en premier lieu à améliorer les conditions de vie de la population d'origine... de façon à éviter son exode"...

En ayant conscience des embûches futures : "Notre mouvement peut être ainsi appelé à s'occuper de questions qui touchent au domaine politi¬

que : il ne saurait cependant se politiser mais il devra par contre démontrer le caractère civique de son action."

Le 11 avril 1964, PRO FRIBOURG pouvait enfin apparaître au grand jour.

1964

(7)

7

Un projet audacieux voit le jour Au soir du 11 avril, nous savions que la première étape était gagnée.

Plus de cent personnes s'étaient réunies en ce samedi après-midi, le départ était donné d'une route qui serait longue, nous le savions.

Gonzague de Reynold avait apporté sa caution chaleureuse, nous invi¬

tant à ouvrir les fenêtres, à entrer dans un système de relations. Et déjà, l'envoyé du Vieux-Lyon, Régis Neyret, annonçait la création à Fribourg, le 2 mai, d'une fédération des quartiers historiques.

Une soixantaine d'articles dans la presse suisse marquaient le lance¬

ment de notre mouvement. Le "Journal de Genève", titrant "L'exemple vient de Fribourg", concluait: "Du point de vue de la critique, il faut saluer son programme comme une conquête, espérons-le, décisive, parce qu'il exprime enfin une prise de conscience collective de l'ar¬

chitecture mineure, des ensembles et des parcours urbains non condi¬

tionnés par les "monuments". Ce qui n'était hier encore qu'un postu¬

lat des historiens de l'art va passer dans l'expérience commune. La défense purement sentimentale des centres historiques, mal ou non in¬

formée des questions essentielles, les solutions folkloriques, les pastiches plus ou moins roublards, en un mot l'inculture qui distin¬

gue tant de mouvements de protection des quartiers anciens et qui est la seule cause de leur peu d'audience et d'efficacité, - sont désor¬

mais sans excuse." (André Corboz).

Quant à Marc Waeber, dans 1'"Indicateur", il donnait le mot de la fin:

"Pro Fribourg, moi je crois de plus en plus, c'est une institution à laquelle il faut s'intéresser. Peut-être qu'elle travaillera beaucoup et qu'elle n'arrivera à rien. Ou bien qu'elle arrivera à quelque cho¬

se. C'est pas important de savoir si ça réussira. Faut faire."

AUJOUD'HUI : Eh bien, c'est fait et toujours à faire î Pro Fribourg a passé des 250 membres du début à plus- de 2'000 et a les moyens de se faire entendre. Mais la Vieille Ville, théoriquement protégée, est de plus en plus vouée au pastiche, alors que la Commune n'a toujours pas de politique du logement. (Voir la rangée de maisons de la Neuveville - le mauvais coup de SIBRA - qui vient de lui passer sous le nez).

Et Fribourg est l'une des villes de Suisse dont l'urbanisme reste le

plus mal géré.

(8)

Des illusions tôt envolées:

Le projet de Maison des Jeunes

Une aubaine pas croyable. L'une des demeures les plus anciennes, les plus significatives et les plus vastes du Vieux Fribourg, la Maison Techtermann, à l'extrémité de la Grand'Rue, est en vente. Les Soeurs qui la quittent l'offrent au prix de 150'000 Frs. C'est donné, en comparaison de la non moins belle Maison Vicarino, la future Maison bourgeoisiale, qui vient d'être cédée pour 600'000 Frs.

Alors l'équipe de Pro Fribourg se met à rêver et à imaginer de faire revivre cette demeure, un véritable palais : immense, plus de 6000m3 au noyau gothique, enrichi d'apports jusqu'au 18e siècle. De grandes salles d'apparat, au décor intact de cheminées, de plafonds sculptés, de fresques Renaissance.

Pourquoi ne pas en faire une maison ouverte, à la façon de ces Mai¬

sons françaises des Jeunes et de la Culture, ou des expériences alors en cours à Genève, Lausanne ou Neuchâtel ? Une maison lieu de rencon¬

tres, d'échanges, de stimulation, aux activités multiples. Faire la démonstration d'une réalisation exemplaire à laquelle les pouvoirs publics et l'initiative privée seraient étroitement associés...

Nous étions bien naifs. Et les jeunes du Fribourg d'alors avec nous : enthousiasmés d'emblée par l'idée. Nous nous souvenons d'une assem¬

blée d'information où tout semblait possible, où les idées fusaient., sous le regard morne des quelques notables présents. Que de démarches tentées, que de réunions tenues, que d'adhésions sans suite reçues..

("Mais voyons, sur le plan de la culture, il y a tout ce qu'il faut à Fribourg").

Nous obstinant quand même (une telle occasion ne se renouvellera pas de sitôt). Nous heurtant à l'inertie des bureaucrates communaux et à l'indifférence du Conseil Communal (laissant notre demande d'appui sans réponse alors que, dans le même temps, la Municipalité de Genève nous accordait un don de l'OOO Frs !). Gonzague de Reynold, à 80 ans passés avait été visiter avec nous la Maison des Jeunes de Baden, lo¬

gée dans l'ancienne Grenette, et soutenait notre projet. Les édiles locaux, eux, n'avaient rien vu, ne voulaient rien savoir. Et la Mai¬

son Techtermann fut vendue au Deutsch-Freiburg qui n'en fit rien sinon le refiler à l'un de ses membres... Ah, ces politiciens sans élan et sans imagination ! Nous avions au moins compris.

1965

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L'idée, bien sûr, on n'allait pas l'abandonner. Ce qu'on ne pouvait faire en grand à l'échelle de la ville, on allait le commencer en petit dans le quartier de l'Auge. Les quelques milliers de francs récoltés allaient permettre, avec les jeunes de la Basse, d'aménager les caves de l'immeuble Samaritaine 7 sous le nom de Löchli. Ce tra¬

vail bénévole fut soutenu spontanément par les habitants du quartier.

L'équipe travaillant le samedi était invitée à tour de rôle dans une famille: sans façons autour d'une grosse platée de choucroute.

Le relais allait bientôt être pris par l'Association pour les mai¬

sons de jeunes. Un essai avorté au Botzet, parce que trop gênant pour les voisins aboutira après bien des péripéties à la Vannerie, demain peut-être au Grand Werkhof...

Pro Fribourg continuera à se soucier d'action culturelle mais l'ac¬

cent sera désormais mis ailleurs.

Une anecdote : Deux ou trois ans après l'échec de notre projet à la Maison Techtermann, le secrétaire de Pro Fribourg était abordé par un Conseiller Communal : "Dîtes, vous ne connaîtriez pas une maison à vendre à la Grand'Rue ? Notre administration cherche des locaux."

Il II

AUJOURD'HUI : L'eau a coulé sous les ponts. Les grands projets de prestige de la Commune ont été à leur tour à vau-l'eau. On s'est maintenant orienté vers des réalisations plus modestes, décentrali¬

sées, plus proches de gens, avec le souci de tirer parti de bâtiments existants. Mieux vaut tard que jamais et si tout cela manque encore de cohérence, des espoirs sont permis. Pro Fribourg n'aura pas été le moteur d'une animation culturelle nouvelle : il aura pris un tour plus combattif. A qui la faute ?

Et la Maison Techtermann ? Après des années de sommeil, elle se res¬

taure et finira bien par s'entrouvrir au public. On pourra alors me¬

surer l'occasion manquée.

(10)

^ ^ f f Le premier conflit:

1966 L'usine à gaz

L'ancienne usine à gaz de Fribourg, aujourd'hui on ne la démolirait plus, on en ferait l'attraction d'un musée industriel. En 1966, l'idée n'était pas encore à la mode. Les installations vétustés é- tant à bout de course, il fallait les remplacer. N'était-ce pas l'occasion de bien étudier le problème et d'opter pour une solution d'avenir ? Précisément, l'utilisation du gaz naturel se développait avec la découverte des gisements en Hollande et un réseau gazier s'étendant à l'ensemble du plateau suisse prenait naissance au dé¬

part de Bale.

Pro Fribourg voyait là l'occasion d'assainir la Planche inférieure en faisant disparaître une verrue. L'usine étant si malencontreuse¬

ment située au coeur de la Vieille Ville parce que, avant le système du gazomètre, il fallait être placé au point le plus bas pour alimen¬

ter un réseau. Cela ne se justifiait évidemment plus, d'autant que le charbon devait encore être amené de la gare par une sorte de tom¬

bereau tiré par un tracteur... Le folklore, quoi.

Il y avait malheureusement le poids des habitudes prises. Et l'idée bizarre de conserver à l'usine à gaz son "autonomie", quand bien mê¬

me avec le projet communal de cracking de l'essence, on dépendrait à l'évidence de sources extérieures pour son approvisionnement.

Là où les choses se gâtèrent vraiment, c'est quand le Conseil Commu¬

nal sortit son rapport sur la question. Pro Fribourg en vérifia tou¬

tes les données, constata qu'elles étaient en partie fausses, ou in- actuelles, que n'étaient pas envisagées les possibilités d'introduire à grande échelle le chauffage au gaz par des tarifs préférentiels

(une solution adéquate pour les anciens immeubles en Vieille Ville oû l'installation d'une citerne à mazout est très coûteuse et suppri¬

me nombre de caves), et qu'enfin, seuls les besoins de la Commune étaient pris en compte, en omettant l'intérêt qu'il y aurait à ali¬

menter au passage d'autres localités et zones industrielles (à Morat, Courtepin et en périphérie).

Une dure polémique s'engageait. En pure perte. Le vote du Conseil gé¬

néral, alors simple chambre d'enregistrement, était acquis d'avance.

Le débat escamoté.

(11)

Donc, une bataille perdue d'avance. Mais combien révélatrice. Nous n'étions pas seuls à défendre une solution alternative d'avenir.

Quelques Conseillers généraux courageux s'opposèrent au choix com¬

munal : un Nicolas de Week défendant son quartier de la Neuveville, un Ferdinand Masset connaissant son dossier. Dans l'ambiance de l'époque, ils ne faisaient pas le poids face aux arguments massues de l'autorité : "à chaque génération suffit sa peine" ... "Faites à moindre frais, vous serez beaucoup plus à l'aise pour changer plus tard", "le gaz de chauffage sera toujours un produit de luxe"

et autres fortes pensées.

Pendant plus de dix ans encore, nous allions garder ce gazomètre incongru, conserver notre retard, nous charger d'une dépense de 2 millions qui ne sera en fait jamais amortie, en tous cas pas par les ventes de gaz...

AUJOURD'HUI : On a heureusement abandonné cette politique de clo¬

cher et l'on s'est raccordé au gaz naturel. Mais en matière d'équi¬

pements, d'aménagement, la ville de Fribourg a toujours une peine

extrême à concevoir large, à la mesure de l'agglomération, de la

région. Pour notre mouvement, ce premier conflit nous aura permis

de démontrer que la sauvegarde de la Vieille Ville passait par des

mesures concrètes d'ordre économique.

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La parole aux habitants:

L'enquête-participation de l'Auge

Si un projet nous tenait à coeur, c'était bien celui-là : l'enquête- participation figurait dans notre programme de lancement. Et Marc Waeber, encore lui, la résumait en ces termes :

"Ils viennent de faire, les gars de Pro Fribourg, une chose absolument ahurissante. Pour savoir de quoi les habitants ont besoin, comment ils aimeraient que les choses soient, ils ont préparé un questionnaire.

Mais. Ils ont dit aux gens : c'est vous qui allez poser les questions auxquelles vous aimeriez répondre. Moi, je trouve ça admirable. J'aime pas qu'on me pose des questions. Et quand je dois répondre à des trucs pour le recensement fédéral - par exemple : êtes vous catholique chré¬

tien ou catholique romain ? Qu'est-ce que j'en sais - moi, ça me fati¬

gue. Mais quand je peux préparer moi-même les questions auxquelles je dois répondre, alors là, ça m'intéresse."

Dans son principe, cela résumait bien cette enquête : elle n'était pas le fait de spécialistes se penchant sur la réalité, elle était le fait des intéressés eux-mêmes, dans la réalité vécue. Inutile donc de poser des questions qui ne sont pas comprises ou mal perçues. La méthode nous venait de l'Institut Economie & Humanisme de Lyon et avait été appliquée dans la Côte vaudoise. Cette démarche participative allait mobiliser toutes nos énergies : six mois de travail déjà pour mettre au point le questionnaire avec les habitants. Au total, trois ans d'ef¬

forts jusqu'à la publication des résultats, dépouillés encore par les habitants. Au total, 176 foyers du quartier de l'Auge participèrent à l'enquête, soit le tiers de la population.

Bien entendu, l'idéal aurait été de pouvoir mener une telle enquête parallèlement dans d'autres quartiers de la ville pour pouvoir établir des comparaisons, sur les conditions de vie mais aussi sur la manière dont les habitants percevaient leur quartier et y étaient plus ou moins bien intégrés.

Cette enquête-participation est donc restée unique. Dommage, quand on pense que ses résultats furent acceptés largement par la population, parce que c'était "leur" enquête, au contraire de tant de sondages et de consultations plus ou moins orientés ou manipulés.

1968

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13

L'enquête-participation a été pour notre mouvement l'approche directe de la réalité : en contact avec les habitants du quartier de l'Auge, ce que nous avons retiré de cette expérience, ce n'étaient pas des chiffres, des pourcentages, mais bien la vie, les joies, les souffrances, les soucis et les espérances des gens.

En 1968, les conditions de vie en l'Auge étaient souvent difficiles, les logements surpeuplés et de l'avis même des habitants, 60 % d'entre eux avaient besoin d'être rénovés. De fait, 56 % des logements n'avaient ni bains ni douches et 30 % n'avaient pas de WC à l'intérieur. Depuis lors, ces conditions se sont nettement améliorées, mais à quel prix ? Une per¬

sonne âgée nous écrivait en cours d'enquête : "Assurément, ce n'est ni une joie ni une consolation pour la classe pauvre si tout doit être réno¬

vé dans la vieille ville, car qui devra payer cela si ce n'est le loyer des pauvres. La vieille ville est belle et bonne, là on peut y habiter selon la manière de toujours, particulièrement les vieilles gens."

Cette enquête démontrait des lacunes, des besoins. Les habitants, tout attachés qu'ils étaient à leur quartier, se sentaient quelque peu oubliés, délaissés par le haut de la ville, par ces Messieurs. L'Auge était encore le quartier populaire par excellence (72 % d'ouvriers en 1965, contre 44 % pour l'ensemble de la ville). La caractéristique de quartier alémanique était encore très forte (49 % de langue allemande contre 27 % pour la ville). Ces différences se sont depuis atténuées.

Le but d'information de l'enquête a certainement été atteint, mais ces résultats sont restés limités. L'isolement du quartier a certes été rompu, le minibus, demandé alors par 80 % des habitants, a fait depuis ses preu¬

ves. Mais l'évolution du quartier a été plus dictée par la loi du marché que par l'action de la collectivité.

AUJOURD'HUI : Avec les habitants, nous avions mis le doigt sur la réalité.

Nous avons attendu, espéré des autorités la mise en pratique d'une politi¬

que du logement et d'une mise en valeur des espaces publics. Tout s'est fait au compte-goutte ou tardivement. Les restaurations lourdes et au coup par coup par l'intermédiaire exclusif des "Logements populaires" n'ont pas été à la mesure des besoins. La création d'une "Coopérative des habitants"

est intervenue au moment où la spéculation régnait en maître. Et c'est

seulement cette année que la décision de rendre la plus grande partie du

quartier piétonnier devrait être appliquée.

(14)

L'ouverture sur l'extérieur:

La fédération Civitas nostra

L'ouverture sur l'extérieur a été dès le début une caractéristique de notre mouvement. Nous nous étions appuyés sur l'expérience d'autrui, particulière¬

ment celle des Lyonnais, avant même de lancer notre action. Aussi, tout na¬

turellement, 15 jours après être apparus au grand jour, nous tenions à Fri- bourg l'assemblée constitutive de CIVITAS NOSTRA, conçue au départ comme une fédération interrégionale de groupements suisses romands, valdotains et rhô- ne-alpins, véritablement entre voisins. Ce qui était aussi, de la part de nos amis français, une saine réaction contre le centralisme parisien.

Les premières années de CIVITAS NOSTRA furent fécondes : nous avions mutuel¬

lement tout à apprendre, à expérimenter. La mise en valeur des quartiers an¬

ciens était d'actualité et la cause n'était ni entendue ni gagnée d'avance.

Les centres historiques étaient délaissés, oubliés : tous les fonds publics étaient drainés par l'urbanisation périphérique. Certaines villes (Metz, Bruxelles) faisaient table rase de leurs quartiers anciens, alors que d'au¬

tres faisaient largement la part du feu, ainsi Lyon qui voulait détruire sa rue Mercière.

CIVITAS NOSTRA était alors porteuse d'idées novatrices, en rétablissant le lien entre le contenant et le contenu, en dépassant la vision esthétisante pour affirmer que "les hommes passent avant les pierres", ce qui était loin d'être une évidence.

Après 1968, la fédération étend le dialogue à d'autres interlocuteurs par des congrès annuels internationaux sur des thèmes touchant les centres his¬

toriques : tout d'abord à Fribourg "Les quartiers anciens, pour quoi faire?"

puis, en 1970, à Dole "Les quartiers anciens, pour qui?", à Sion en 1971 :

"Le tourisme, pour ou contre les centres historiques?", à Charlieu en 1972 un "Civitascope" sur les moyens audio-visuels au service des quartiers an¬

ciens; à Metz en 1973 sur "L'environnement au coeur de la ville" ; à Lyon en 1974 : "Dix ans de restaurations" faisant le bilan de l'évolution des quartiers anciens et des perspectives qui s'offraient à eux, à l'occasion de l'Année européenne du patrimoine architectural.

Certes, à ce moment là, on assiste déjà à un déplacement de l'intérêt du public : les quartiers anciens, on a pris conscience de leur valeur même s'ils ne sont pas "sauvés" pour autant. En fait, dans la plupart des villes européennes, des mesures de protection ont été prises, mais ce sont aussi les milieux immobiliers qui s'intéressent désormais à l'habitat ancien de qualité. On assiste dès lors à une reconquête des quartiers anciens par les milieux aisés. En 1975, à nouveau à Fribourg, le thème du congrès de CIVITAS NOSTRA s'en ressent : "Démocratiser l'urbanisme des centres-villes"...

1969

(15)

15

C'est par les habitants de l'Auge, ceux-là mêmes qui venaient de faire leur enquête-participation, que furent reçus les participants au premier congrès de Ci vitas Nostra à Fribourg. Les repas pris dans les bistrots du coin, le spectacle au Théâtre au Stalden, la raclette servie par les jeunes de l'Auge dans les caves de la Samaritaine, suivie d'un bal sur le pont de bois, c'é¬

tait le prolongement dans la vie réelle des travaux de la rencontre. Les scientifiques faisant écho aux préoccupations des habitants : L'idéal de certains est de bloquer toute évolution, de mettre les quartiers anciens en état d'hibernation, mais c'est les conduire à la ruine économique. D'ailleurs est-ce possible ? D'autres proposent des solutions tout aussi catastrophiques comme le pastiche (ruine de la substance même de la ville) et la ville-musée

(ruine sociologique). A l'historien de 1'architecture, André Corboz, que nous citons, répondait le sociologue Robert Caillot (voir pages suivantes).

Une telle manifestation eut un large écho à l'extérieur (car, comme toujours, aucun représentant de l'Edilitë locale ne s'était donné la peine de suivre les travaux...) et une centaine d'articles de presse en élargirent le cercle.

AUJOUD'HUI : CIVITAS NOSTRA fut pour nous, au départ, cette fenêtre ouverte, cet air du large vivifiant et stimulant. Placés à Fribourg sur une frontière linguistique, il était dans notre nature de vouloir élargir les horizons de la fédération, dès lors que nous en assumions la présidence et en assurions le secrétariat. Mais c'était compter sans les oeillères de nos amis français limités à leur francophonie, si bien que la fédération "internationale" se restreignit à 1

1

axe Paris-Beyrouth ( ) en passant par la Suisse exclusive¬

ment romande ...et qu'elle en est morte. Pro Fribourg a, depuis, développé

son réseau naturel de solidarités avec les luxembourgeois, bruxellois, les

initiatives de travailleurs de la Ruhr, ou ceux de Copenhague (là où il se

passe vraiment quelque chose). Une solidarité qui s'est exprimée spectaculai-

rement lors du "Forum des habitants" de 1981.

(16)

Le message d'«Economie et Humanisme» au Congrès de Fribourg:

Faire des habitants

les artisans de leur quartier

Les quartiers anciens sont-ils encore un cadre de vie possible ? Peuvent-ils aider à l'épanouissement de l'homme ? A ces questions, le Congrès a répondu oui. Mais je voudrais, avant d'exprimer les raisons de cette réponse, rappe¬

ler les leçons de vingt-cinq années d'expérience. Je mène effet depuis vingt- cinq ans des études d'aménagement du territoire mais - je le dis pour les ar¬

chitectes - au sens le plus total du terme. Il ne s'agit pas simplement d'ur¬

banisme, mais tout autant de développement économique ou social.

Il faut bien comprendre en effet que les problèmes ne sont jamais juxtaposés, mais interdépendants, surtout quand il s'agit de problèmes humains. Et par conséquent, qu'on ne saurait en aucun cas les étudier séparément, en considé¬

rant par exemple d'un côté les immeubles, et de l'autre la population de ces immeubles. Ce qui est important, c'est l'interaction entre ces problèmes : il faut considérer l'homme-habitant, ou l'immeuble-habité, ou le quartier- habité. C'est donc moins, expérience faite, l'équipe d'étude qui doit être pluri-disciplinaire, que la méthode d'approche des problèmes qui doit être inter-disciplinaire.

La population parfois véhémente...

En outre, on ne résoud pas des problèmes où les hommes sont impliqués sans leur collaboration. Ceci non pas pour des motifs "sentimentaux", mais parce que, scientifiquement, tous les problèmes sociaux ont deux dimensions : une dimension externe, perçue de l'extérieur, qui se mesure (la densité de popula¬

tion, la qualité de l'habitat, etc.), et une dimension vécue de l'intérieur, qui, elle, ne se mesure pas, ne peut pas se mesurer. Les problèmes vécus d'une population ont autant d'importance que ceux que nous mesurons. Une équi¬

pe pluri-disciplinaire de spécialistes (un démographe, un sociologue, un éco¬

nomiste, un architecte, un urbaniste...) ne suffit absolument pas, car ces spécialistes, quelles que soient leurs techniques, sont à l'extérieur du pro¬

blème. Or la dimension intérieure du problème, cette dimension "charitable", est une dimension scientifique nécessaire : on ne peut pas résoudre un pro¬

blème des hommes, si l'on tient les gens concernés à l'extérieur du problème que 1'on étudie.

Par conséquent, il est indispensable d'associer, dans ce genre d'étude, con¬

jointement les intéressés, et les autorités communales qui doivent, elles aussi, participer à l'enquête puisqu'elles auront à prendre des décisions dans le cadre de l'aménagement du quartier. Il faudrait enfin y associer ce que j'appelerai des "catalyseurs", qui ne sont ni juge ni partie et qui peu¬

vent, entre la municipalité (qui a ses responsabilités de municipalité) et la population (qui exprime ses besoins, mais parfois avec véhémence) poser le problème de façon différente : et notamment trouver des solutions neutres, non pas soumises à un "légalisme" strict. Il ne s'agit pas de contester la loi, mais il y a une diversité de cas extraordinaire: à chaque situation cor¬

respond sa spécificité de solution de sorte qu'il n'existe pas de solution

générale.

(17)

17

par Robert Caillot

Pourquoi cet attachement ?

Ce n'est un mystère pour personne que les quartiers anciens sont habités es¬

sentiellement par des milieux populaires moins fortunés : les immeubles de ces quartiers ne disposent pas, pour un grand nombre, des éléments de confort

(chauffage collectif, W.C., salle de bains notamment) que l'on trouve dans les immeubles de quartiers neufs.

- les rues sont en général étroites, rendant la circulation et le stationne¬

ment des automobiles difficiles, et l'ensoleillement souvent déficient si les immeubles dépassent, comme dans le Vieux-Lyon, trois étages.

- ce manque d'ensoleillement entraîne souvent, surtout aux niveaux inférieurs, une humidité importante, si le climat est humide, si ces quartiers anciens occupent des parties basses et, a fortiori, sont en bordure de cours d'eaux, comme l'Auge à Fribourg, le Vieux-Lyon, Annecy.

Toutes ces raisons : inconfort des logements, absence de parking, faible en¬

soleillement, font que les milieux aisés ont fui ces quartiers, jadis cons¬

truits par eux.

Mais il est significatif que ceux qui habitent ces quartiers n'ont pas telle¬

ment envie de les quitter (sauf lorsque, comme dans certains immeubles du Vieux-Lyon, la cupidité a amené; au siècle dernier, certains propriétaires à faire des appartements dans ce qui n'était auparavant que de grandes pièces).

Il arrive même que ceux qui les ont quittés le regrettent. Pourquoi cet atta¬

chement ?

1. Parce que ces quartiers, même lorsqu'ils sont très peuplés, sont consti¬

tués de petits immeubles ayant chacun leur personnalité, qui constituent au¬

tant de cellules autonomes abritant un nombre restreint de familles. Cette structure a le double avantage, sur le plan psycho-social, de morceler orga¬

niquement (et non artificiellement par des murs incorporés) les masses humai¬

nes, et de permettre ainsi des contacts spontanés au sein de petits groupes.

2. Parce que ces contacts élémentaires spontanés sont, sur le plan culturel, biologiquement nécessaires aux familles qui habitent ces quartiers. Il est important, en effet, de prendre conscience de ce qui différencie radicalement la culture populaire de la culture dite "bourgeoise" et qu'il serait plus exact de qualifier d'"intellectuelle": la culture du peuple (des manuels) s'acquiert par ces échanges entre "professionnels" manuels dans un vocabulai¬

re essentiellement concret et un langage très imagé. La culture dite bour¬

geoise est, au contraire, une culture à base de lectures plus que d'échanges, ou, quand il y a échange, il s'agit d

1

échanges d '"idées". Le manuel pour se cultiver a besoin d'échanger son expérience-avec l'expérience des autres : les contacts, les dialogues lui sont indispensables. L'intellectuel n'a be¬

soin que de livres pour se cultiver : il a plus besoin des idées des autres

que de leur expérience.

(18)

3. Il s'ensuit qu'il y a comme une "harmonie" entre, d'une part

- les vieux quartiers dont les matériaux (la pierre des murs, le bois des poutres et boiseries) sont des matières premières, l'architecture (voûtes et volutes, nervures) s'inspirent de la nature, les conceptions urbanisti- ques sont plus organiques que fonctionnelles

- et les modes de langage, d'expression, de culture, tout pétris de concret des familles populaires qui les habitent et s'y plaisent et, d'autre part, entre

- les quartiers neufs, dont les matériaux (le béton, le fer, les matières plastiques) sont des produits transformés, l'architecture (formes rectili- gnes) s'inspire des calculs de rentabilité, les conceptions urbanistiques s'efforçant, à travers le fonctionnel, de reconstituer, sans y parvenir, la "vie" (l'anatomie n'est pas la biologie),

- et les modes de langage, d'expression, de culture, tout pétris de concepts rationnels et abstraits des familles bourgeoises qui les habitent ET qui s 'y plaisent.

Ce ne sont pas les habitants qui donnent au quartier son âme Et de fait, tout romantisme mis à part, il faut bien reconnaître qu'en rai¬

son de l'agencement organique des îlots dans les quartiers anciens, des im¬

meubles dans les îlots, des logements dans les immeubles (milieux sociaux superposés), des pièces dans les logements, ces quartiers ont vraiment une

"âme". Et que, en raison de l'agencement fonctionnel de tous ces éléments, les quartiers neufs ont une "rationalité", mais n'ont pas d'âme.

J'ai souvent entendu dire, par des architectes parlant des grands ensembles:

"C'est la population qu'on y mettra qui va leur donner une âme". Ce n'est pas vrai. Je répète qu'il n'y a pas déconnexion entre l'habitat et la popu¬

lation, c'est une seule et même chose. Le quartier, ce n'est pas simplement les hommes qui le font, et qui en font l'âme, c'est son organisation même qui fait qu'il est humain, humanisé, qui fait qu'il y une âme.

C'est dire que une fois rénovés (en rendant à la pierre et au bois leur té¬

moignage de matières vivantes), assainis (en créant des espaces libres dans les rues étroites, par démolition de certains habitats de mauvaise qualité) leurs logements équipés des éléments de confort moderne (grâce à la partici¬

pation des pouvoirs publics ou des collectivités), les quartiers anciens constituent un cadre de vie idéal pour l'épanouissement des familles popu¬

laires, et une leçon de choses riche d'enseignements pour les autres.

Mais comment faire pour que cette population, ordinairement de type populai¬

re, puisse rester dans son quartier, tout en rénovant ce quartier ? L'expé¬

rience me fait dire : ne pensons pas toujours aux moyens riches, mais pen¬

sons aux moyens pauvres. Je donne à ce terme pauvre non pas le sens péjoratif

de pauvreté et de misère, mais - là encore - de participation des pauvres à

la rénovation de leurs quartiers.

(19)

Epanouir la solidarité et apprendre la générosité

Dans ces milieux, on est volontiers très communautaire; on trouve dans ces quartiers une atmosphère de solidarité que l'on trouve rarement dans les quartiers dits "bourgeois". Et je crois qu'il ne faut pas ignorer cette so¬

lidarité, mais savoir en tenir compte et l'utiliser de la manière suivante:

constituer, dans les vieux quartiers, des coopératives, des groupements d'artisans du bâtiment qui pourraient fort bien prendre en charge une partie de la rénovation. On peut aussi choisir des artisans (qui ne demandent que cela, j'en ai fait plusieurs fois l'expérience) comme moniteurs des gens, des familles qui veulent elles-mêmes essayer de réparer leur appartement, voire leur immeuble lorsque c'est possible. Ce sont des manuels, ne l'ou¬

blions pas. Nous avons souvent des réflexes d'intellectuels, en prétendant qu'il n'est pas possible à la population d'entreprendre de telles répara¬

tions, parce que nous ne le pourrions pas. Mais eux le sauraient, parce qu' ils sont manuels. Et il leur suffirait d'une aide technique pour prendre en mains toute une partie de la rénovation de leurs habitats.

Il y a encore d'autres solutions : je pense aux "PACT" français, à ces com¬

munautés de lutte et d'action contre les taudis, animés par les jeunes.

(Pensons à l'effort qu'ont fait les jeunes de l'Auge, à Fribourg, pour réno¬

ver et concevoir ce qui sera bientôt leur centre de loisirs). Il y a possi¬

bilité de réunir les jeunes d'un quartier, et les jeunes d'autres quartiers:

c'est là tout l'avantage du rôle culturel, vraiment culturel celui-là, ensei¬

gnant l'entraide, l'amour de l'autre : les jeunes s'entraidant de quartier à quartier; ou les jeunes aidant les personnes âgées qui n'ont pas les moyens d'entreprendre seules la rénovation de leur habitat.

On sait bien que ce qui coûte le plus cher, c'est la main-d'oeuvre. Et que, par conséquent, si l'on a la possibilité d'avoir beaucoup de main-d'oeuvre bénévole, animée par la solidarité et la générosité, ce sont là des possibi¬

lités insoupçonnées de résoudre l'amélioration des habitats, en évitant d'a¬

voir à "transplanter" les gens contre leur gré.

Vus sous cet angle, les quartiers anciens ne sont pas seulement un bijou cul¬

turel à conserver pour tous, et à faire visiter par les touristes. Ils sont surtout - et je rejoins sans doute les revendications des jeunes - l'habitat harmonieux d'une population autochtone, ayant sa culture et vivant dans son quartier.

Robert Caillot Et le congrès de conclure : "Toute intervention doit être précédée d'un inven¬

taire du réel concernant aussi bien les hommes que les pierres ou les con¬

traintes économiques.. Cet inventaire sera dressé conjointement par tous les intéressés... Pour éviter l'éviction de la population résidente, il importe d'utiliser les moyens les moins onéreux possibles, mis en oeuvre par la popu¬

lation. .. «

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_g L'urbanisme à la dérive:

1971 L'affaire Eurotel

L'affaire EUROTEL allait nous donner l'occasion de démontrer l'absence de politique d'urbanisme à Fribourg. Rien n'est, en fait, plus difficile que de sensibiliser l'opinion aux questions d'aménagement. Les plans, les projets n'étant "lisibles" qu'aux spécialistes qui, généralement, se gardent bien de les rendre "clairs".

Un hôtel-tour de 19 étages dont la masse représente quatre fois celle du clocher de Saint-Nicolas, cela au moins c'est frappant. Nous savions bien, dès le départ, en engageant cette lutte, qu'elle était perdue d'a¬

vance, car nous n'avions pas de moyens légaux pour nous y opposer. Mais nous pouvions faire de ce cas d'espèce, un exemple.

Les services communaux prétendaient imperturbablement qu'un plan d'amé¬

nagement existait bel et bien et "qu'il était appliqué normalement et régulièrement depuis plus de douze ans". Contre l'évidence, car, dans la pratique, il n'en était rien. C'était encore et toujours : "Construire d'abord, planifier ensuite..." avec toutes ces conséquences aberrantes qui font de notre centre-ville un tohu-bohu de constructions disparates.

Le journaliste Jean Steinauer écrivait alors : "Nul ne sait dans cette anarchie à quoi va ressembler dans les années qui viennent le centre de Fribourg : une gare, une poste, quelques banques et des autos, mais quelle vie ?".

Dès 1971, la vigoureuse campagne engagée contre le projet EUROTEL allait mettre le doigt sur des irrégularités : quelques hommes politiques qui achètent au bon moment et au bon endroit des terrains aux Grand'PIaces ; un projet financier qui fait la part belle à l'anonymat et à la fuite des capitaux ; des allégations fausses pour tourner les arrêtés contre la surchauffe. Tout cela connu et couvert par les autorités locales.

Il ne nous restait plus qu'un recours : dénoncer ces irrégularités au Conseil Fédéral, ce qui nous valut, avec une lettre de remerciements du Chef du Département de l'Economie publique, un arrêté bloquant la cons¬

truction de 1'EUROTEL jusqu'à fin 1974. C'est tout ce que nous pouvions faire.

La Commune finalement gagnante, mais sévèrement étrillée, allait comme- tre une dernière gaffe en remettant à l'enquête le projet ...pendant une période de fermeture des bureaux (du 30 décembre au 8 janvier). La ba¬

taille était définitivement perdue, mais la démonstration était faite.

(21)

21

Cette carence de l'aménagement avait tout de même incité la Commune a uti¬

liser des remèdes inappropriés : le recours à des plans de circulation dus en 1960 au professeur Leibbrand et en 1965 au bureau Schindelholz & Dénériaz (voir Pro Fribourg No 42). Ces études fragmentaires ne s'appuyant pas sur des inventaires précis, se traduisaient par des solutions brutales et irréa¬

lisables de quasi-autoroute à travers la Vieille Ville dans le premier plan et d'une route expresse éventrant le quartier du Gambach dans le second.

En cette année 1971, en pleine "surchauffe", on vit encore une menace se préciser sur le quartier d'Alt, où un gros projet immobilier de centre com¬

mercial aurait amené la destruction de 80 logements et entraîné à plus long terme la ruine complète du quartier.

L'Eurotel n'était de son côté que le début de tout un écheveau à dévider.

Quand ses promoteurs lancèrent les souscriptions à fin 1974, ils présentè¬

rent dans leurs prospectus la maquette d'un "théâtre" attenant à leur tour et dont il était dit que "la ville elle-même allait le construire". Alors même que ce projet n'avait encore jamais été rendu public...

A la même époque, la Commune se décidait enfin à confier le plan d'aménage¬

ment à un bureau spécialisé de Lausanne et à créer, par la même occasion une "commission de consultation" qui tiendra sa première réunion le 24 mai 1975. La Commune semblait alors s'engager dans la voie d'une participation des habitants et tous les espoirs nous semblaient permis.

Au fil de ces projets menaçants et destructeurs (Alt, Gambach), notre mouve¬

ment était intervenu résolument hors des limites de la Vieille Ville, afin de promouvoir une réelle politique d'aménagement. Dès 1972, nous avions lan¬

cé un appel à la réflexion et au dialogue et nous présentions (Pro Fribourg No 15) une esquisse de solution alternative à la route expresse par une voie sur le tracé du chemin de fer avec une proposition d'un parking de 1000 places sur l'aire de la Gare. Le plan d'aménagement allait-il innover dans le sens de telles solutions alternatives ou retomber dans les ornières des plans de circulation précédents? La question était alors encore ouverte.

AUJOURD'HUI : La commission du plan d'aménagement s'est avérée entre temps un alibi à la participation des habitants. Le plan d'aménagement, aussi pro¬

metteur qu'il était au vu de son concept et de ses inventaires, est effecti¬

vement retombé dans les anciennes ornières de la bureaucratie communale. Pas

encore sous toit, il fait déjà figure de document historique, étant à la fois

dépassé et inapplicable dans la pratique (parking du Bourg, pont de la Poya?)

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Contribution à une mémoire collective:

La revue Pro Fribourg

La revue, sous sa présentation et son titre actuels, a vu le jour en novem¬

bre 1965. Elle n'avait, les premières années, qu'une parution irrégulière, un nombre de pages réduit et une diffusion modeste, étant le support d'un mouvement qui se cherchait encore et dont l'effectif - autour des 600 mem¬

bres, limitait les possibilités.

La sortie de cahiers spéciaux, bien illustrés, tels que l'enquête-parti ci- pation en 1969, l'inventaire de la rue d'Or en 1973 et le bilan de dix ans de restaurations l'année suivante, allaient stimuler l'intérêt pour une revue allant s'affirmant. Si bien qu'au début 1976, le cap des mille mem¬

bres étant franchi, un pas décisif pouvait suivre, celui d'une parution régulière trimestrielle, un pari que nous avons réussi à tenir jusqu'à ce jour, on ne sait plus très bien comment...

Une revue qui, à certains moments, mobilisait toutes nos énergies, pouvait paraître de ce fait un but en soi. Elle n'aura été qu'une tâche prioritai¬

re, aboutissement de tout un travail assez obscur de recherches et de docu¬

mentation. Elle a donné à notre mouvement un moyen d'information totale¬

ment indépendant, libre de toutes pressions, nous permettant à la fois de mener une tâche systématique d'inventaire (voir le tableau ci-contre), d'entreprendre des actions directes et d'offrir de plus en plus un support aux initiatives de citoyens de notre ville.

C'est ainsi que, débordant parfois de son cadre habituel, notre mouvement a pris parti pour des causes à nos yeux essentielles, souvent en soutien d'autres groupements : le suffrage féminin en 1969, l'initiative "S.eau.S"

contre les gravières au fil de l'eau en 1975, l'initiative "être solidai¬

res" en 1981 et, finalement, le lancement du référendum contre le parking du Bourg, l'an dernier.

Après un timide essai en 1976/77, l'édition en langue allemande "Pro Freiburg" a été, dès 1980, un apport décisif dans la vie d'un mouvement qui, à Fribourg/Freiburg, se devait d'être bilingue. Préparant maintenant son dixième cahier, l'équipe rédactionnelle alémanique a créé une formule originale et engage résolument le dialogue avec les groupements de la Sin- gine et du Moratois. Ses cahiers spéciaux : "Misshandelte Heimat" No IV de Tété 81 sur les destructions du patrimoine en milieu rural ; "Murten: Eine Schlacht ohne Ende ? Denkmalpflege in Theorie und Praxis" No VI de l'été 82, par Elisabeth Castellani-Stürze!, étude critique des méthodes de res¬

tauration; "Wir Kinder wollen spielen" No 9 de l'hiver 83/84 sur les pla¬

ces de jeux, sont des réalisations d'une qualité supérieure à la moyenne de nos cahiers en langue française.

1976

(23)

23

1. Des enquêtes et des études :

No 9 1/69 L'enquête-participation de l'Auge : Un quartier s'exprime.

22 6/74 Bilan de dix ans de restaurations (dans le quartier de l'Auge) 25 3/75 Civitas Nostra : Dix ans de restaurations (bilan collectif) 30 9/76 Le système urbain par Jacques Vicari

37 6/78 Le quartier d'Alt II : un ensemble humain (enquête) 44 3/80 Vieille Ville : restaurer, pourquoi ? comment ? 46 9/80 L'auto submerge la ville

50 9/81 Fribourg restaure

57 6/83 De l'habitat populaire au logement social

60 3/84 Réflexion sur l'urbanisation et le gaspillage du sol 2. . Des propositions urbanistiques :

NO 15 6/72 Pour une conception du centre-ville 41 6/79 L'alternative 79

3. . Un inventaire systématique, quartier par quartier : No 20 12/73 L'inventaire de la rue d'Or

28 3/76 Les toits de la Vieille Ville 33 6/77 Pérolles - avenue de la Gare 34 9/77 La rue des Forgerons

35 12/77 Un ensemble 1900 : le quartier d'Alt 36 3/78 Le Stalden et la Samaritaine 38 9/78 La rue de Romont

39 12/78 Le quartier de la Neuveville 40 3/79 Fribourg 1900

42 9/79 La rue de Morat 43 12/79 La place Notre-Dame 45 6/80 La vallée du Gottéron 47 12/80 Les abords de la Cathédrale 51 12/81 La rue Abbé-Bovet

52 2/82 La rue de Lausanne 54 9/82 Le quartier de Gambach I 55 12/82 Le quartier de Gambach II 4 . L' action culturelle :

NO 6 10/67 Vie culturelle I (enquête) 7 4/68 Vie culturelle II (résultats) 32 3/77 Vers un dégel culturel ? 49 6/81 Théâtre : le débat enfin ouvert

53 6/82 Politique culturelle : nouvelles perspectives ?

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En conclusion:

Ces diverses "étapes" aideront à comprendre le cheminement de Pro Fribourg:

Le tour d'horizon ainsi fait n'est pas exhaustif, il néglige à dessein les luttes de ces dernières années, du projet de théâtre aux Grand'Places à la bataille du parking du Bourg. Ces faits récents sont encore dans toutes les mémoires.

Nous pouvons nous demander si, vingt ans après, notre mouvement a rempli son rôle, celui que lui assignait un programme exigeant et de longue haleine.

Nous avons contribué à faire connaître la Vieille Ville, mais les intérêts suscités n'étaient pas tous désintéressés. Nous avons assisté à une dérive sans toujours être en mesure de promouvoir des solutions.

Nous avons contribué à la prise de conscience que la ville est le domaine de tous, et que son aménagement ne peut être laissé aux seuls spécialistes, mais doit être - devrait être - l'expression d'une volonté collective et démocratique. Nous sommes encore loin de compte. Nous avons pu quelques fois empêcher le pire, mais sans pouvoir faire triompher le mieux.

Nous avons tenu vingt ans. Notre travail d'équipe a connu des moments de tension, de lassitude, de crise. Des compagnons nous ont quitté, parce que leur vie changeait de direction, ou parce qu'ils n'étaient plus en accord avec les options prises. Mais toujours la relève s'est effectuée, et notre équipe est en grande partie renouvelée, et enrichie maintenant par un ap¬

port alémanique très vivifiant.

En avril 1968, notre bulletin publiait ces réflexions: "Dans le travail en équipe, le critère n'est pas le degré de formation intellectuelle. Nous ne nous réunissons pas pour devenir plus "savants", mais pour devenir plus humbles, plus ouverts aux hommes et à la vie. Alors, entre ceux qui croient, à plus ou moins juste raison, dominer les problèmes, et ceux qui les vivent, ce sont souvent les premiers qui ont le plus à recevoir. Il faut donc se¬

couer avec vigueur ces préjugés que donnent une situation, une origine ou une formation: il faut établir en nous une véritable échelle des valeurs.

Il s'agit d'apporter une "mentalité nouvelle" au sein de nos groupes d'a¬

bord, dans notre action extérieure ensuite."

"Cette action extérieure, comment la concevoir ?"

"Dans le respect des personnes: il faut bâtir sur ce qui existe, avec les matériaux réunis autour de nous. Il faut se garder des vues de l'esprit. Il n'y a pas tant d'éclairs de génie à attendre que la volonté patiente de cha¬

cun d'entre nous d'être à sa juste place, prenant ses responsabilités dans la cité."

"Tâche longue et difficile certes, mais notre confiance doit croître à mesu¬

re que s'éveille le sens de nos responsabilités

Aujourd'hui comme hier. G.B.

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25

Fribourg malade de l'urbanisme:

Faute de dialogue: la polémique

Notre dernier cahier intitulé "Fribourg malade de l'urbanisme"

a soulevé un tollé dans les cercles qui ont pour vocation de monopoliser la vie politique fribourgeoise.

Le ton de nos commentaires étaient vifs mais nous soulevions des questions actuelles qui attendent depuis trop longtemps des réponses.

Les réactions entrecroisées des bulletins politiques "FR 7" et de 1'"Indépendant" étaient curieusement à l'unisson : "la coupe est pleine", "Arrêtez de démolir notre ville", "la maladie de la polémique", "il se permet de trahir le secret des délibéra¬

tions, en flagrant délit", le tout culminant dans un communi¬

qué du comité du PDC-Ville, criant au viol du susdit secret ! Une fois de plus, il faut constater que ces cercles s'indignent pour ne pas avoir à répondre sur le fond.

Ils pourraient faire l'économie de leur coup de sang, en fai¬

sant preuve d'un peu de mémoire. Car une partie des changements, des correctifs demandés, suggérés dans notre dernier cahier, fi¬

gurent de longue date dans les programmes de ces partis politi¬

ques .

Ainsi, en 1966 (!) le PDC avait les objectifs suivants :

"Faire de la Vieille Ville des quartiers vivants par une politi¬

que d'amélioration de l'habitat et d'assainissement des loge¬

ments." (voir ce qui vient de se passer à la Neuveville...)

"Résoudre les grands problèmes édilitaires : plan d'aménagement général, règlement sur les constructions, circulation, etc."

(rien n'est résolu)

"Adapter les structures politiques au développement de la ville par l'institution de la permanence intégrale au Conseil Communal, par la révalorisation des compétences du Conseil général."

De leur côté, les radicaux surenchérissaient en demandant "un accroissement des compétences du Conseil général et l'introduc¬

tion du référendum communal en matière financière et fiscale."

En 1984, pour ces derniers points, c'est chose faite, mais au nom de son parti, Me Boivin affirme que "cette nouveauté (le ré¬

férendum) introduit un élément passionnel" et que "le Conseil général est devenu une tribune politique que des démagogues uti¬

lisent pour critiquer l'autorité"...

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Un éditorial de La Liberté remettait les choses en place

La Ville-Ubu Au coin, M. Bourgarel, avec un

bonnet d'âne! A vrai dire, quel lamentable spectacle I

L'éditorialiste de « Pro Fribourg » appelle un chat un chat et une gabe¬

gie une gabegie. Il dénonce l'inco¬

hérence de l'urbanisme en ville de Fribourg. Il met le doigt sur une plaie qui suppure au vu et au su de nombre de gens. Il révélé, au passa¬

ge, quelques plaisantes anomalies.

Il conclut qu'il faut améliorer le sys¬

tème, le réformer si l'on ne veut pas que se perpétue, à tous les niveaux, un blocage nuisible à l'ensemble de la communauté urbaine.

Il

On peut partager les opinions de l'auteur ou, au contraire, les désap¬

prouver. Il ne fait qu'user de sa liberté d'expression. On pourrait se donner au moins la peine de le lire avec soin, de réfuter, au besoin ses arguments et de répondre, en tout cas, avec précision à des faits révé¬

lés dans son bouillant article.

Le Conseil communal se conten¬

te, pour l'instant, d'une notule de trois lignes au bas de son communi¬

qué hebdomadaire. «Il prend acte du ton totalement négatif» de l'arti¬

cle. C'est tout. C'estpeu.

L'autorité communale a trouvé un avocat : le Parti démocrate-chré- tien de la ville. En quatre points, le PDC met sous la plume de M. Bour¬

garel des propos qu'il n'a effective¬

ment pas écrits ; lui conteste le droit à la parole sous le prétexte qu'une de tes coreligionnaires politiques siège à l'Exécutif communal ; l'ac¬

cuse, enfin, de violer un prétendu secret des délibérations, grief que l'on serait bien en peine d'étayer.

Il faudrait aller au fond des cho¬

ses. Car c'est bien là qu'il s'agira, une fois, de plonger; et sans trop attendre. On préfère jouer les ver¬

tueuses indignations, mimer les majestés offensées et offrir ce piè¬

tre sketch à un parterre de cita¬

dins.

Il n'est pas nécessaire de fouiller des dossiers confidentiels pour sa¬

voir qu'à Fribourg l'urbanisme est du mâme système que si le Père Ubu l'avait conçu lui-même.

La personne du syndic et des conseillers communaux n'est pas, ici, en cause. Qu'ils travaillent dix à douze heures par Jour, comme le prétendait le directeur des sports devant une assemblée de quartier ; qu'ils.se dévouent au service de la communauté, qu'ils mettent aussi, parfois, de la compétence dans les tâches qui leur sont confiées par les électeurs est affaire d'apprécia¬

tions variées. Chacun a, là-dessus, son opinion.

En revanche, les avis sont unani¬

mes pour déplorer les lenteurs, les méandres, les chausse-trappes d'une bureaucratie démoralisante.

Tous ceux qui veulent construire ou participer, d'une manière ou d'une autre, à l'aménagement de leur cité en sont découragés.

L'enchevêtrement des services, les querelles de prestige politicien¬

nes, la dilution des responsabilités forment une chaîne de handicaps.

Les meilleures des bonnes volontés s'épuisent parce que les structures politiques et administratives para¬

lysent leur action.

Neuf conseillers communaux pour une ville de 32 000 habitants ne sont-ils pas trop nombreux? La bigarrure de leurs statuts- plein temps pour les uns, activité acces¬

soire pour les autres - est-elle encore justifiée?

Telles sont, finalement, les questions à poser. Tel est le débat qu'il faut oser ouvrir. Cela suppose, évidemment, que l'on respecte la libre expression de toutes les opi¬

nions.

Il ne serait, pour commencer, pas inutile que le Conseil communal se pénètre de cette simple vérité :

« Les Gouvernements ne savent pas le mal qu'ils se font en se réservant le privilège exclusif de parier et d'écrire sur leurs propres actes : on ne croit rien de ce qu'affirme une autorité qui ne permet pas qu'on lui réponde».

Benjamin Constant l'écrivait. En

1814et non point... en 1700. F.G.

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Après cette mise au point de La Liberté, le Conseil Communal, prudemment, s'est tu. Mais l'un de ses membres, en avocat qu'il est, se tait plus bruyamment que les autres. Voilà ce que cela donne dans 1'"Indépendant" du 19 avril dernier :

Editorial

Presse en déprime Ouille... Ouille... F.G. n'est pas

content, mais alors pas du tout : le Conseil communal refuse la polémique et garde le silence I Toute l'affaire est mentionnée dans un éditorial Intitulé «la Vil¬

le Ubu», par lequel F.G. se plaint amèrement que l'on attente à la liberté d'expression. Cela peut paraître paradoxal, mais il est certain que le fait de se taire pourra provoquer un sentiment de frustration intense chez l'au¬

teur polémiste, tel G.B. de Pro F.

enfourchant son dada priféré et ses thèmes favoris que sont

« l'urbanisme » et les « incapa¬

bles » qui nous gouvernent.

F.G., donc, aurait souhaité re¬

cevoir un communiqué du Con¬

seil communal qui prenne posi¬

tion, sur les dogmes bourgaré- liens, en les réfutant si besoin.

Le rédacteur en chef de notre canard déchaîné provincial omet de mentionner, en pure modes¬

tie, qu'il est passé maître dans l'art d'accommoder les commu¬

niqués, les triturant, les phago¬

cytant, les ruminant, pour les servir tout chaud et nappés du fumet du scandale, à des lec¬

teurs pantelants.

Il n'empêche que F.G. a rai¬

son. La liberté d'expression est

en danger si les tâtes à claques de service, les vedettes du «bé- bette-show communal», refusent d'endosser leurs responsabili¬

tés. Si les princes de ce monde se prennent pour des martyrs, et qu'ils le deviennent vraiment, on ne pourra plus écrire un seul commentaire sur leurs erreurs et leurs faux pas, tant parce qu'il est indécent de tirer sur des am¬

bulances que parce qu'il est dif¬

ficile de dupliquer lorsqu'il n'y a pas de réplique.

Si le Conseil communal per¬

siste, la presse de Fribourg ris¬

que de se trouver confrontée i des problèmes d'emplois tris délicats. Que feront tous les mi¬

gnons stagiaires qui hantent la rédaction de notre quotidien pré¬

féré, s'ils n'ont plus d'os pour aiguiser leurs tendres quenot¬

tes ?

La situation est donc tragique et nous pensons qu'il convient de suppléer à la subite carence du Conseil communal; relançons le débat de haut niveau entamé de façon si brillante par G.B.

de Pro F., et répondons-lui, de façon concise certes, mais point gratuite : Bourgarel, à la pou¬

belle.

Pierre BOIVIN On reconnaît à Me Boivin un certain talent de fantaisiste : hélas, il ne le pratique que trois jours par an, le reste du temps, il gère les finances de la Ville.

L'inverse serait préférable.

Références