Compte rendu de congre`s
Aure´lie Broussois
CHRU Nancy, 29, avenue de lattre de Tassigny, 54035 Nancy, France
<a.broussois@chru-nancy.fr>
La re´silience en oncologie
Les Rencontres de la cance´rologie franc¸aise, Paris, 26 et 27 novembre 2019
L
ors des Rencontres de la cance´rologie fran- c¸aise (RCFr) 2019, s’est de´roule´ un atelier en session spe´ciale sur la re´silience en oncologie.L’intervenant, M. Serban Ionescu, est psychiatre et psychologue, professeur e´me´rite de psychopatho- logie a` l’universite´ Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et a`
l’universite´ du Que´bec a` Trois-Rivie`res. Il est membre correspondant de l’Acade´mie de me´decine de Roumanie et l’auteur de tre`s nombreux ouvrages, notamment sur les me´canismes de de´fense et la re´silience.
La re´silience vient de «resilio » qui signifie rebondir. Cette notion est de´ja` de´crite dans l’antiquite´.
Se´ne`que explique que «tous les hommes ne sont pas vulne´rables de la meˆme fac¸on ; aussi faut-il connaıˆtre son point faible pour le prote´ger davantage».
Aujourd’hui, la re´silience est entre´e dans le langage courant et est employe´e dans des domaines tre`s diffe´rents, dont l’oncologie.
La premie`re recherche importante sur la re´silience a lieu en 1955[1]. Elle a e´te´ conduite sur l’ıˆle de Kauai, a` Hawaı¨, par Emily Werner, professeur de de´velop- pement de la personne et psychologue pour enfants a`
l’universite´ de Californie. La population investigue´e concernait 700 enfants, ne´s en 1955. Le suivi a e´te´
re´alise´ sur une pe´riode de 30 ans. Sur ces 700 enfants, 200 vivaient dans des situations dites difficiles, notamment familiales, et e´taient conside´re´s a` haut risque de pre´senter des proble`mes psychologiques ou sociaux. A` l’inverse des repre´sentations de l’e´poque, environ un tiers de ces enfants ont montre´ une
capacite´ a` ne pas reproduire les sche´mas environne- mentaux et sont devenus des adultes « compe´tents»,
« suˆrs d’eux-meˆmes » et «attentionne´s». Une hypo- the`se de facteurs de protection a ainsi e´te´ pose´e.
En 2004, la recherche de Helgesonet al.[2]a tente´
de comprendre quels sont les pre´dicteurs des trajectoires d’e´volution du fonctionnement mental de 4 a` 55 mois apre`s le diagnostic de cancer du sein.
Les pre´dicteurs retrouve´s sont au nombre de trois : les ressources sociales : soutien social (e´motion- nel, informationnel et instrumental) et interactions sociales ne´gatives, etc. ;
les ressources personnelles : estime de soi, image corporelle, controˆle personnel de la maladie, incertitude concernant la maladie, etc. ;
les be´ne´fices secondaires de la maladie : dans certains cas, vivre des e´ve´nements traumatisants peut avoir une influence positive et entraıˆner la cre´ation de nouvelles choses, une image du monde qui se modifie, etc.
Force est de constater que certaines femmes maintiennent un haut niveau de comportement mental alors que des sous-groupes expriment une e´volution tre`s basse corre´le´e a` un fonctionnement tre`s bas e´galement.
La re´silience a de multiples de´finitions ; jusqu’a`
225 en langue anglaise. Toutes reprennent deux de´nominateurs communs : il faut un e´ve´nement traumatisant, comme l’annonce diagnostique, et la pre´sence d’un fonctionnement « en sante´ », d’une
« adaptation positive » malgre´ le traumatisme.
Il existe un consensus pour dire que la re´silience est la re´sultante d’un ensemble de facteurs qui
Tire´s a` part : A. Broussois
BulletinInfirmierdu Cancer 10 Vol.20-n81-2020
doi:10.1684/bic.2020.102
interagissent [3]. Ces facteurs peuvent eˆtre de protection (tableau 1) ou de risque s’ils n’existent pas et inte´ressent la sphe`re individuelle, familiale et environnementale.
La re´silience se construit, se baˆtit. Si enfant, l’institutrice nous re´pe`te que nous sommes nuls, cela peut avoir une re´percussion sur l’estime de soi.
Depuis 25 ans, des programmes de de´veloppement de la re´silience se cre´ent. La re´silience naturelle est celle construite par l’individu lui-meˆme. La re´silience assiste´e est appuye´e par des spe´cialistes en sante´
mentale et se base sur les qualite´s, les composantes des personnes, leurs ressources pour de´velopper leur re´silience.
Ces programmes peuvent prendre diffe´rentes formes, comme par exemple la cre´ation d’un binoˆme femme nouvellement diagnostique´e pour son cancer du sein et femme gue´rie[4]. La femme gue´rie devient patiente ressource, avec un roˆle de mentor. Elle connaıˆt les aspects pratiques et psychologiques du ve´cu de la maladie, mais cela entraıˆne parfois une re´activation des angoisses chez le mentor, avec une peur de la re´cidive par exemple.
On retrouve aussi des programmes a` destination de me`res d’enfants ayant rec¸u un diagnostic de cancer (IDEAS[5]). Ces programmes proposent une se´quence de re´solution du proble`me :
identifier le proble`me ;
de´terminer les options possibles ;
e´valuer ces options, choisir la meilleure ; agir ;
« see if it worked» (voir si cela a fonctionne´).
Les instruments pour e´valuer les capacite´s de re´silience d’une personne sont multiples. Ce sont des e´chelles qui permettent d’e´valuer dans quelle mesure une personne dispose de facteurs de protection face a` une situation.
Il n’est pas possible d’eˆtre re´silient a` vie.
Cependant, si les e´ve´nements sont espace´s, s’ils entraıˆnent une re´flexion sur ce que l’on a ve´cu lors de ces traumatismes, il peut alors eˆtre possible de faire preuve de re´silience face a` plusieurs e´preuves durant la vie.
Le mode`le anglo-saxon d’e´ducation montre que le fait d’eˆtre en contact avec des petites doses de difficulte´s dans la vie permet l’acquisition de la capacite´ de re´silience. Lorsque les e´ve´nements sont longs et traumatisants, le niveau de re´silience est le plus haut.
Il faut donc comprendre les me´canismes qui se mettent en jeu lors des traumatismes, renforcer les facteurs protecteurs que nous nous connaissons et permettre d’en de´velopper de nouveaux.
Liens d’inte´reˆts : l’auteur de´clare ne pas avoir de lien d’inte´reˆt.
& Re´fe´rences
1.Werner EE, Smith RS.Overcoming the odds: high risk children from birth to adulthood [Internet]. Ithaca: Cornell University Press. 289 p. https://eric.ed.gov/?id=ED344979
2.Helgeson VS, Snyder P, Seltman H. Psychological and physical adjustment to breast cancer over 4 years: identifying distinct trajectories of change.Health Psychol2004 ; 23(1) : 3-15.
3.Sisto A, Vicinanza F, Campanozzi LL, Ricci G, Tartaglini D, Tambone V. Towards a transversal definition of psychological resilience: a literature review.Medicina (Mex)2019 ; 55(11) : 745.
4.Loprinzi CE, Prasad K, Schroeder DR, Sood A. Stress mana- gement and resilience training (SMART) program to decrease stress and enhance resilience among breast cancer survivors: a pilot randomized clinical trial.Clin Breast Cancer2011 ; 11(6) : 364-8.
5.Sahler OJZ, Dolgin MJ, Phipps S,et al. Specificity of problem- solving skills training in mothers of children newly diagnosed with cancer: results of a multisite randomized clinical trial.J Clin Oncol2013 ; 31(10) : 1329-35.
Tableau 1. Facteurs concourant a` la re´silience.
Facteurs de protection
Individuels Estime de soi, autonomie personnelle, cre´ativite´, humour, e´laboration de projets, e´motions positives, etc.
Familiaux Soutien familial, ambiance familiale chaleureuse, personnes ressources, etc.
Environnementaux Existence de ressources me´dicales et psychologiques, recours a` des spe´cialistes en sante´ mentale, etc.
BulletinInfirmierdu Cancer 11 Vol.20-n81-2020