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RACONTI À U CRUCIVÌA DI I CULTURI Contes corses à la croisée des cultures

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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ANGE-LAURENT BINDI RINATU COTI

PAUL DALMAS-ALFONSI CLAUDE FRANCESCHI

GHJUVAN GHJASEPPIU FRANCHI

RACONTI À U CRUCIVÌA DI I CULTURI

Contes corses à la croisée des cultures

Éditions Maïa

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Découvrez notre catalogue sur : https://editions-maia.com

Un grand merci à tous les participants de simply- crowd.com qui ont permis à ce livre de voir le jour :

ASSOCIATION AMALGAME MARIANGHJULA ANTONETTI-

ORSONI GUIDU BENIGNI ANGE-LAURENT BINDI

NADETA CARITA ISABELLE-RACHEL CASTA

MICHEL CASTA JOSETTE DALL’AVA

ALINE FRATTINI MATTHIEU FRANCESCHI

PAUL GANDON

ISABELLE LATOUR JOSEPH LUCCA MICHEL LUCIANI

MICHEL-EDOUARD NIGAGLIONI JULES-FRANÇOIS PAOLI

ROBERT RAFFAELLI ROSE-MARIE REGNAULT

ANÉLIA RENERIC PIERRE RICARD OLIVIA RIOLACCI JEAN ERASME SANTI

LUCIA SANTUCCI

© Éditions Maïa

Nos livres sont éthiques et durables : économes en papier et en encre, ils sont conçus et imprimés en France.

Tous droits de traduction, de reproduction ou d’adaptation interdits pour tous pays.

ISBN 978-2-37916-853-6 Dépôt légal : novembre 2021

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« Raconti »

Ce recueil, qui n’est pas exhaustif, se compose de trois séries d’ou- vrages, se répartissant ainsi :

– 1. Les Contes : « Raconti à u crucivìa di i culturi / Contes corses à la croisée des cultures ».

– 2. Stalbatoghji et récits de vie…

– 3. Thématiques diverses…

De nombreux contributeurs ont apporté et apportent encore leurs témoignages, leurs connaissances, faisant ainsi du connu et de l’inédit une œuvre commune : un’òpara/un’uparata. À l’instar de nos anciens qui se réunissaient pour des actions communes, construction d’une bâtisse, ven- danges, tonte des brebis ou des chèvres, fenaison, aide dans le cas d’une famille dans le besoin, etc.

C’est donc toute la tradition culturelle corse qui anime ce travail commun autour du patrimoine oral. Des contes, des légendes, des récits, la Corse n’en manque pas. Comme d’autres peuples de par le monde, les Corses aiment dire, parler, raconter, transmettre ce qu’ils sont à travers le fil d’une histoire. Cette histoire est la leur, car elle est issue de leur terre, mais aussi, à ce titre, participe-t-elle de l’histoire du monde. L’histoire de l’homme qui se raconte.

Ce recueil, venu de tous, est à tous. Il est un hommage vivant du patri- moine immatériel d’une île qui n’oublie rien de ce qu’elle a été, de ce qu’elle est, de ce qu’elle entend devenir.

C’est par le récit, moment éphémère d’une vie, que l’homme accède à l’éternel, pour reprendre la pensée du philosophe Wladimir Jankélévitch.

Rinatu Coti

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- 4 - Collaborent au travail collectif :

Albertini Anne-Marie, Albertini Jean, Anthérieu Josiane, Antonetti- Orsoni Anghjula Maria, Association Petre Scritte, Barboni Isabelle, Bartoli Claudie, Belgodere Louis, Benedetti Ghjuvanni, Benetti Dominique, Benigni Christian, Benigni Guidu, Bernard Gérard, Bindi Ange-Laurent, Bindi Isabelle, Bru Josiane, Carita Nadeta, Casta Isabelle, Casta Jean-Michel (Président de la S. S. H.N de La Corse), Casta Michel, Castellani-Albertini Ursu Diu, Castel- lani Carlu, Champier Corinne (Adecec), Chiodetti Augustin, Classes secondes et premières corsophones Lycée Vincensini Bastia 2018-2019 professeur J.Albertini, Collesta Pascal, Coti Rinatu, Dalmas-Alfonsi Paul, Desideri Fran- cesca, Desideri Lucie, Di Meglio Alain, Dominati Simon, Ducret Françoise (médiathèque de Castagniccia, Penta di Casinca), Esteves Véro, Fabbri Fré- deric (site Moyen-Âge Passion), Favre Georges, Ferrara François, Ferrari Rose (Médiathèque de Biguglia), Flori André, Franceschi Claude, France- schi Matthieu, Franchi Ghjuvan Ghjaseppiu, Frattini Aline, Galardelli Kelly (Bibliothèque de Propriano), Galvan Alvarez Eva Maria, Geronimi Josette, Giacobbi Paul, Grimaldi Patrick, Grinda Alain, Guerrini Dominique, Guerrini Jean-Etienne, Joisten Alice, Jureckzek Marcel, Leandri Marie-Michelle, Len- ziani Hubert, Leonardi-Rioni Andrée, Leonardi Gérard, Lorenzi Nicole, Luc- chetti Philippe, Luciani Jean-François (Bibliothèque patrimoniale, Bastia), Magdeleine Jacques, Magnan Pascal, Marsily Jean-Pierre, Massiani Santu, Massiani-Notini Maddalena, Medori Henri, Mezzadri Ange-Mathieu, Miceli Erick (Doctoran en histoire moderne), Mosconi Jean-Marc, Mourrut Anne (Bibliothèque Argeles-Gazost), Muraccioli Marie-Hélène (Bibliothèque cen- trale Bastia), Nigaglioni Michel-Edouard, Nigoghossian Myriam, Paoli Jacques (Adecec), Peraldi-Grimaldi Brigitte, Abbé Peretti Antoine, Piazza Linda (Biblio- thèque patrimoniale, Bastia), Pietri Evelyne, Pizzuto Hélène (Bibliothèque Ste Lucie Porto-Vecchio), Polverelli Françoise (Médiathèque Petreto Bicchisano), Poder Pascale (Bibliothèque Ste Lucie Porto-Vecchio), Poli Patricia, Raffael- li-Franceschi Amélie, Raffaelli Marc, Raffaelli Patricia, Retali Antoine, Ricard Pierre, Ricard-Boattin Sylvana, Rossi Michel (Maire de Ville de Petrabugno), Revue Études Corses (N°20, 1983), Santucci Lucia, Simonpoli Paul, Stefani Georgette, Taddei Dominique, Tomeï Michel, Venturi-Pieretti Lina, Vecchio- li Pierre, Vivarelli Jean (association « Omi è lochi »), Zerlini Gilles.

Nous exprimons notre gratitude à celles et ceux qui nous ont précédés et ont su avec constance et fidélité œuvrer à la défense et à l’illustration de la langue, de la littérature et de la culture corses :

Fabiani-Antonelli Antoine, Notini Ghjannettu, Pieretti-Fornali Adèle, Rossi François, Rotilj-Forcioli Maddalena, Stefanelli Marcedda, Stromboni Jean Baptise.

Issi parsoni, Corsi di lingua materna nustrana, l’avemu cunnisciuti è semu eredi di a so sapienza tramandàtuci è spartimu cun eddi u so amori di u locu, di u pòpulu et di a storia cumuna.

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Avec l’aimable autorisation de : Éditions Imago : 7 rue Suger 75 006, Paris.

D’octobre Éditions, Lieu-dit Aghiola, 20213 Sorbo-Ocagnano.

Éditions Cantar Lou Paîs, 302 chemin du Plan aux Grottes – 06530. St Cézaire sur Siagne.

Éditions A Fior di Carta, hameau Casanova, 20228 Barrettali.

Éditions Gisserot/Éditions Gisserot Diffusion, 5 rue de l’Abbé Fleury 22800 Quintin, ZAE de Saint-Eloy 29800 Plouédern.

Éditions Lacour-Ollé, 25 bd Amiral Courbet 30000 Nîmes.

Éditions Baie des Anges, boulevard Lauvette, 06 300 Nice.

Journal « U Tàravu ».

Revue « Études Corses » (No 20,1983).

Revue « A Cronica », Association Petre Scritte, San Angelo, rue docteur Morucci, 20 200 Bastia

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Ange-Laurent Bindi, décembre 2020 Il était une fois

… Oran, mars 2014, festival international du conte : « Le conte à la croisée des cultures ». Surprise énorme pour nos conteurs corses, Amélie Raf- faelli et Claude Franceschi, lorsque leur collègue Togolais raconte sur scène une histoire traditionnelle de son pays, histoire qui ressemble au conte corse qu’ils avaient prévu de proposer au public juste après !

L’idée de l’ouvrage que voici naissait alors progressivement. Les contes de chez nous sont mis en correspondance avec ceux du monde entier, tout en veillant aux particularités, non pas infimes, mais secondaires eu égard à nos préoccupations.

Comment cela se pouvait-il ? Était-ce dû à la définition plutôt succincte sinon imprécise du conte ? Ou encore parce que les sources en sont si variées que toute tentative de les distinguer, leur trouver quelque chose de commun serait illusoire ? Inévitablement, en raison des trente-huit mille contes recen- sés de par le monde. Vite dits, les dictionnaires indiquent sobrement qu’il s’agit d’un récit court d’histoires imaginaires et invraisemblables, populaires, à l’expression orale depuis la plus lointaine Antiquité, ensuite écrite depuis la fin du Moyen Âge, sans que celle d’origine, orale, des campagnes, largement prédominante, disparaisse entre-temps. Cette expression a connu une perte d’intérêt depuis le début du siècle dernier puis un regain, fort lent, sous les deux formules, souvent de manière nostalgique à partir des années 70.

À défaut de définition, c’est sa nature, comme la conception, for- melles qui prévaudraient : voisinant la fable, le récit, et même la nouvelle. Ou encore, sur un autre versant, la chose inimaginable, le farfelu, le folklorique (au sens déprécié désormais), le grotesque pour amuser les niais, tous ceux à l’esprit d’enfant. Il en est ainsi dans les dictionnaires, y compris des langues étrangères. Quant à l’Encyclopaedia Britannica, 1987, par exemple, toujours en l’absence de définition, ce sont des citations d’auteurs et autres emplois et acceptions qu’on trouve. Sans plus.

Il est en tout cas question d’une forme culturelle et littéraire. Cepen- dant, la problématique demeure : comment le conte peut-il venir de si loin

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dans le temps ? Et si bien répandu sur toute la planète, pour concerner des peuples si éloignés géographiquement et même culturellement, traversant les civilisations ? De surcroît avec des expressions quasi identiques, d’une même trame en tout cas ? Le conte a une vie, comme tout, et il a été revu et corrigé, avec les oublis et effacements inévitablement, assurant par là une certaine pérennité et une diffusion plus large au final, son seul moyen, qui sait ! C’est précisément ce qui s’observe avec ceux qui, dans leur pays, ont été à l’origine de cette évolution, Perrault, les frères Grimm, Andersen, les incontournables.

Au point de les voir, aujourd’hui, figurer en bonne place, la première, souvent ensemble, dans des études et des analyses, y compris les magazines et les revues spécialisés, auxquels « monstres » s’agrègent des auteurs contempo- rains. Des sources enrichies considérablement par les Propp (morphologie), Bettelheim (psychanalyse enfantine), sans oublier les perspectives ouvertes par Lewis Carroll (Alice) dans un autre rayon, pour ne citer qu’eux. Une obser- vation : les romanciers les plus fameux, Anatole France, Giono, Marcel Aymé (Le Passe-Muraille), Conrad, Dickens, sans oublier Maupassant, Borges, ont écrit des contes qu’ils ont tenu à désigner ainsi. Fort longs, s’apparentant, à première vue, à des romans, en contradiction de la définition et de la formule retenues à notre ouvrage, à savoir l’expression orale ou écrite et courte, mieux, s’en prévalant davantage encore avec des chapitres, épisodes, parties, séries et volumes ! Balzac, avec ses Contes Drolatiques dans la langue du 16e siècle, plus de quatre cents, illisibles dès leur parution, les annonce en disant qu’il s’agit pour lui de son œuvre la plus importante… On signalera, sans plus, Les Mille et une Nuits, dont un écho des plus faible est ici donné. La longueur comme la complexité ou l’unité du conte, justement, qu’en penser avec Massignon enregistrant, dans le Niolo, au début des années cinquante, une évocation de plus de quatre-vingt-dix minutes ?

Ce rappel s’imposait pour dire quelle est la formule des contes retenue.

La collecte initiale, tout de même sélective, des textes, par Claude France- schi, étant de plus de cinq cents. Les choix définitifs ont eu à tenir compte des droits d’auteurs réservés. Il s’agit là du conte dans sa facture la plus ancienne : le décor est planté en quelques mots, quelques lignes, deux ou trois ; un événement survient et trouble la fausse quiétude de la vie familiale, souvent ; les héros, les protagonistes se voient attribuer une mission, pour cela un rôle et une qualité seule et unique, d’un bloc. Car il n’y a pas de com- position complexe. C’est du moins ce qu’on pourrait penser. Sauf que le texte est plus riche que l’on n’imagine. De fait, les éléments narrés ne peuvent conduire qu’à des tentatives d’explications, de tous ordres, qui historique- ment, sociologiquement, psychologiquement ont évolué considérablement, on s’en doute, mais parlent tout autant puissamment de nos jours ! Mystère.

Et cela se vérifie sous la forme, le style, d’un seul passage, parfois une phrase.

On voit combien on est alors loin du roman. Ici, dans nos contes, c’est l’orga- nisation de l’exposé, dans sa structure apparente, à l’éclat narratif sans pareil qui a prévalu. Une merveille. Littérairement principalement, avec Ortoli par

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exemple. À l’esprit toujours, la similitude fondamentale n’est pas un obstacle à l’extrême diversité des textes. Et inversement.

En réalité, davantage que cela, le conte lors de sa livraison-réception est la matière d’une vie, changeant, évoluant, se répandant à un moment, sa production dira-t-on, davantage que l’expression d’une langue ou d’une terre. Il va plus loin, jusqu’au-delà de ce qui se dit, s’exprime sous quelque forme, s’entend et se comprend de maintes façons : s’adressant à chacun de nous dans sa propre histoire, son mental, sa voie, il suffit de voir comment et si vite, dès ce qui est perçu communément – les faits, les réparties, les leçons – chacun « abandonne » aussitôt le discours pour retenir ce qui lui parle encore, intimement et si peu au regard de ses semblables.

D’où le choix de proposer, à la suite de certains textes, des ébauches de point de vue, sous un angle, pour des repères toujours plus variés, en gros des indications, des entrées, afin seulement d’agrémenter la lecture théma- tique proposée, sans plus. Le lecteur aura soin de les dépasser d’entrée. Des tableaux de composition établis par Brigitte Peraldi-Grimaldi et Pascale Poder ont paru de circonstance.

Faut-il souligner combien la femme est si peu l’égale de l’homme, sinon très jeune, très belle, pour être un objet de convoitise ou de possession, mais, en tant que tel secondairement, et l’enfant, quant à lui, est évoqué de manière inférieure ou subordonnée, ce qui n’est valable que très partielle- ment. N’en est-il pas ainsi ?

Le conte corse. Il s’est voulu en correspondance avec ceux du monde entier. Ce qui se lit, avec Ortoli, Appinzapalu (Domenico Carlotti), Filippi, Sal- vadori, Massignon, Geronimi à la beauté linguistique inégalable, Franchi si authentique et multiple comme personne, et d’autres encore. Si leur dimen- sion et leur portée peuvent lors d’une première lecture échapper, il n’en est pas de même s’agissant de l’âme d’un peuple universel, qui se perçoit d’em- blée.

Avec les contes d’ailleurs, c’est un ensemble d’une même ampleur, poétique, dans un souci d’enrichissement continu, mutuel et partagé qui se voudrait proposé nouvellement.

Une belle formule pour la sympathie du texte, comme son discerne- ment, celle de Bruno Bettelheim : « le texte (conte) guide la compréhension du lecteur ».

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Paul Dalmas-Alfonsi, 9 juillet 2021 La piste des récits, la volonté de dire.

La vigueur des propos et des associations.

« Il y a un filet d’eau qui descend de la Spelunca. Dans le creux de rocher où les moutons boivent, quand tout est tranquille ces matins-ci, et que je n’ai pas remué sur la pierre, un serpent vient boire. Trois fois je l’ai revu. Je n’en ai pas parlé au berger, de même que je ne parle pas du berger au serpent. » Henri THOMAS (Le promontoire, Paris, Gallimard, 1961)

Entreprendre une narration ? Il convient, pour s’y engager, les règles d’un dispositif que déterminent des usages, des circonstances appropriées et des personnes à qui transmettre – pour la sauvegarde des liens. Dans ce croisement d’éléments, joue le temps long des savoir-faire, où s’informent les sentiments, se poursuivent des certitudes et des permanences de langue.

Parler, ne pas parler : entre risque, toujours, et détermination.

Ou sinon le silence gagne (puisqu’il est constant, en amorce – expert en son travail d’estompe, puis d’effacement radical). Solutions de continuité pour les ensembles trop fragiles, sonnés par qui les brutalise et déprécie leurs qualités ; les mets en marge et les dénie.

Les mots se coincent dans la gorge, dans la perte de leurs fonctions.

Leurs territoires se diluent avec des marquages affaiblis. La parole n’a plus sa place. Blessures et failles, effets d’oubli. L’identité s’érode et part.

Y faire retour est complexe – parce que le mutisme est tenace. Il entame la volonté, hiérarchise, instille le doute. Il aliène tout répertoire. Et à telle dépossession, l’insulaire a payé tribut.

La question peut paraître simple : « Racontez-moi donc des histoires.

Une au moins : ce sera la vôtre » – elle vous servira de « devise », et signal de définition. Le récit vous amène au monde, vous aide à y tenir le coup. S’il se rompt, vous êtes en danger. À se poursuivre, il vous protège, vous établit et vous assure. Il dit qui vous êtes et vous lie.

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Fin XIXe, courant XXe, des noms s’imposent au silence : Jean-Baptiste Frédéric Ortoli (pour un recueil qui a fait date – 1883 – d’autant plus qu’en domaine corse, rien d’équivalent n’existait) ; Julie Filippi (contribuant, pour l’île – à compter de 1894 et jusque vers 1910, à la respectable Revue des Traditions populaires, avec un penchant marqué pour les faits de magie, les sorcières et le diable – un folklore d’étrangeté) ; Martinu Appinzapalu (don Domenicu Carlotti),

tout pétri de l’habileté de conteurs et conteuses experts. Pour sa part, il les a transmis en langue corse (les précédents cités écrivaient en français).

Geneviève Massignon, ethnologue attentive, à l’œuvre incontournable, dont le recueil majeur de contes et récits est paru en 1963 (si le français domine, et des plus largement, l’attention est portée aux termes insulaires exacts).

Quelques autres, encore, seraient à évoquer. Mais, même établie bout à bout, une telle litanie de noms, dans le cas corse, n’est pas des plus dévelop- pées (un signe de précarité qui touche par son évidence). Par leurs ouvrages et recueils, leurs articles et contributions, ils ont fait mission décisive. Ils ont limité l’érosion du patrimoine oral existant. Ils l’ont entendu et noté, l’ont situé dans sa valeur.

De la sauvegarde au partage, un geste est là, qui se poursuit. Par l’ex- périence d’aujourd’hui, on est dans la boucle, en chemin : on peut lire et trouver sa place, et empêcher que tout se perde. U racontu, sujet central : l’œuvre présente qui débute engrange des mots pour la suite – et des modes de narration au cœur de menaces constantes. Elle est un acte de présence, de partage et d’assiduité. Et de dignité culturelle. Et de mémoire à garantir.

Éléments nouveaux de collecte, pages héritées dans des familles, dos- siers personnels conservés in qualchi scagnu d’occasion, réveils de l’univers du conte, rappels de légendes et de rites, elle est répertoire et projet. Elle implique et elle associe. Richesses et ressources de langue, organisation du propos, vocabulaire, effets de style : elle travaille à suturer.

Fola, stalvatoghju, intrecciu, racontu ou sturiella… Du très court, du développé, du complexe ou du très direct, des digressions, des personnages, des effets de suspens, de rythme. Selon les moments, les talents, l’âge des auditeurs, les circonstances de la vie et la teneur des situations.

Récits du proche et du lointain – quand les faits de proximité gardent leur charge de mystère – l’expérience est là qui l’illustre. Il convient d’y être attentif et capable de s’étonner. Et pour faire pièce à l’amnésie, un récit peut être lancé. Juste un récit pour commencer ?

Le tout premier, ouvrant le jeu. Il peut enclencher l’expérience. D’autres suivront, faisant réseaux. Dite la vostra, chì la meia hè detta… Rappels de moments dans l’écoute, échos de parcours où l’on « dit », mots de rêves qui se décryptent, mots des rencontres et des échanges. Et mots du plus profond de soi qui s’accordent à celui des autres – en réplique, en différencié – parce que la trame est collective.

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Raconter. Tenir. Rendre compte… Fixer, ici, n’est pas figer (même si ce volet s’impose). Grâce à ces pages qui résistent, on peut s’inscrire – et s’ins- taller – dans une mémoire effective. Elle est « longue » (complexe et pro- fonde). Elle existe, un peu moins fragile.

Fola, stalvatoghju, intrecciu, racontu ou sturiella… Dans l’ouvrage qui se présente, nulle ambition de les bloquer, de les sanctifier « patrimoine ».

Non, le texte passe et repasse, vit pour son compte. Il est ouvert. On en fait du moins le pari.

Obstacles à affronter, crainte ou pas. Chausse-trappes à déjouer.

Conseils à suivre, impératifs, ou à prendre avec précaution. Les énigmes et péripéties s’inscrivent dans leur expérience et façonnent les caractères d’un patrimoine partagé : il aide aux sentiments communs et soutient les identi- tés. Les mots pèsent « leur poids d’action » – comme l’a dit Yvonne Verdier.

Mais « dans ces sociétés où la parole compte » : pas de soi sans celui des autres – il convient de le répéter. Une affiliation garantie veut des racines et un ailleurs, ce qui raffermit le dialogue et renforce ce que l’on est.

Et l’art des parleurs fait merveille. Pour l’illustrer – place à un maître –, citons Martinu Appinzapalu :

« L’attracchiu ammantava di scuru u pianu di Marana, tra Golu e Bevincu, dui viaghjadori scalonu di a calescia chi filava versu Bastia e si pian- tonu a l’usteria di ziu Mattione, una casetta bianchiccia, nantu u stradone, sottu a Lucciana. »

Il s’agit de la première phrase de : A volpa pagherà. Stalbatoghju di Marana (1930). Avec un tel début, on ne peut qu’aller de l’avant. La chasse au trésor est ouverte, pacte légendaire établi. On ne peut que poursuivre, en accord.

Fola, stalvatoghju, intrecciu, racontu ou sturiella : êtres fantasques ou réalistes, monstres divers et inventifs, cauchemars ou signaux lors de rêves propices, usagers de l’entre-deux mondes, éléments de superstitions, géo- graphies magiques et légendes locales – dont des traits se retrouvent à l’autre bout du monde. Énergie, humour, émotions, frissons de peur ou d’inquié- tude. De séquence en séquence, de motif en motif, la narration l’emporte.

Pour peu qu’on lui accorde suffisamment d’espace (force – respect – recon- naissance), la parole guide et conseille, elle console, signale, interdit. Elle est forte. Elle certifie.

Recueils anciens ; recueils classiques ; principes de comparaison ; rappels récents des souvenirs, des mystères et des compétences. La mémoire retrouve ses marques. Elle se rassemble au présent et s’ajuste pour sa survie.

Par cette activation d’un fait d’identité, le temps parvient à se renouer et réenchante le propos.

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