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Au commencement était le rite : l'archéologie face aux rites funéraires anciens

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Au commencement était le rite : l'archéologie face aux rites funéraires anciens

GALLAY, Alain

GALLAY, Alain. Au commencement était le rite : l'archéologie face aux rites funéraires anciens.

In: Delécraz, C. ; Crettaz, B. La mort à vivre : petit manuel des rites mortuaires : Musée d'ethnographie, Annexe de Conches, Genève : exposition du 28 octobre 1999 au 16 avril 2000. Genève : Musée d'ethnographie, 1999.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:94260

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AU COMMENCEMENT ÉTA IT LE RITE:

L'ARCHÉOLOGUE FACE AUX RITES FUNÉRAIRES ANCIENS

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Vingt-cinq siècles d'histoire dans le bassin lémanique (4700 - 2100 av. J.-C.)

La sépulture: phénomène social total

La sépulture est pour l'archéologue, selon l'expression de Marcel Mauss, un "fait social total". Elle cris- tallise en effet tous les aspects technologiques, économiques, écologiques, sociologiques et idéologiques d'une société.

En ce sens, il s'agit d'un moyen d'approche exceptionnel des sociétés disparues. Elle est également un témoin privilégié de l'histoire.

Les méthodes d'études des sépultures se sont beaucoup affinées ces dernières années avec le développe- ment de:

-la possibilité de dater au carbone 14 le collagène des os et, désormais, la matière minérale 1nême,

- la taphonomie, étude minutieuse de la position des ossements dans l'espace funéraire et des altérations subies par la matière osseuse après l'enfouissement permettant de retracer l'histoire de la sépulture depuis le dépôt du (des) corps(s) jusqu'à la découverte par l'archéologue, -la paléoanthropologie, détermination de l'âge et du sexe des inhumés, analyse des caractéris- tiques métriques et épigénétiques des ossements permettant de tester l'homogénéité biologique des populations inhumées, sinon les liens familiaux eux-mêmes,

-l'analyse de la composition chimique de l'os permettant d'approcher la nature du régime alimentaire (étude du rapport strontium/calcium),

-l'ethnoarchéologie qui tente de maîtriser l'utilisation des références ethnographiques dans l'interprétation fonctionnelle des vestiges archéologiques.

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L'espace: les vivants et les morts

l'habitat et Le cimetière

Les relations symboliques entre les vivants et les morts se marquent en premier lieu dans l'intégration ou la non-intégration des sépultures dans l'habitat. Dans les premières phases du Néolithique, les sépultures sont disposées au sein del' espace habité, puis on assiste à l'installation de véritables cimetières séparés des agglomérations, une situation qui prévaut dans le Néolithique lémanique dès le début du cinquième mil- lénaire, à l'exception des nouveaux-nés, qui n'ont pas encore acquis de statut social et sont enterrés dans les habitations.

En Valais, l'habitat ·répond à des contraintes topographiques strictes (cônes d'alluvions et sommets de col- lines), alors que les cimetières peuvent occuper des positions beaucoup plus variées. Dans le bassin léma- nique, les habitats sont établis sur le rivage lacustre, alors que les cimetières sont situés dans l'immédiat arrière-pays.

L'architecture funéraire

L'architecture funéraire est un élément important de l'identité ethnique. Ainsi, les tombes dites de type Chamblandes, constituées d'un coffre en dalles de pierre, permettent d'identifier une province culturelle proprement alpine englobant le bassin lémanique, le Valais, le val d'Aoste, les vallées de l'Orco et de la Doire baltée, ainsi que la Tarentaise et la Maurienne. Ces diverses régions communiquent entre elles faci- lement par les cols du Grand-Saint-Bernard, du Petit-Saint-Bernard, de la Vanoise et de la région du Mont-Cenis, alors que les communications vers l'ouest avec la zone du sillon alpin restent beaucoup plus difficiles.

L'architecture funéraire permet également de mettre en évidence certains aspects de la solidarité sociale.

La construction des plus anciennes tombes Chamblandes est parfaitement réalisable dans un contexte familial restreint. Celle des grands dolmens de la fin du Néolithique implique par contre la collaboration de plusieurs familles, ne serait-ce qu'au niveau de la main-d'œuvre nécessaire au transport des lourdes dalles de pierre.

Taphonomie: individus et espaces funéraires

Un espace funéraire peut regrouper un ou plusieurs individus. La période considérée voit le passage de sépultures individuelles à des sépultures collectives pouvant abriter plusieurs dizaines d'individus.

Le quatrième millénaire est caractérisé par des sépultures doubles ou multiples (jusqu'à dix individus).

L'analyse fine de la position des ossements montre qu'il s'agit le plus souvent d'inhumations successives dans un dispositif repérable en surface du sol (os des premiers individus inhumés perturbés par le dépôt des corps les plus récents, présence de structures de réduction). Certaines sépultures doubles présentant un individu central et un individu "satellite" sont par contre plus troublantes et pourraient révéler la pra- tique du sacrifice du conjoint.

Les sépultures multiples abritent plusieurs individus, tous sexes confondus, ainsi que des enfants et des adolescents. Dans certains cimetières, les tombes peuvent contenir un nombre égal d'hommes et de femmes pouvant parler en faveur de regroupements familiaux.

Taphonomie: positions des corps

La position du corps au moment de l'inhumation est également un élément marquant de l'identité

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culturelle de la sépulture. Le rituel Chamblandes est caractérisé par la dominance de l'inhumation en position contractée sur le côté gauche, cous sexes et âges confondus. Certe position peut être donnée natu- rellement au corps avant que la rigidité cadavérique n'apparaisse. Elle implique par contre la présence de liens (ou d'une enveloppe souple) si le dépôt du corps intervient après un certain délai.

Le fonctionnement: la sépulture, un système dynamique

Le "recrutement" de fa sépulture

On pense actuellement que les sépultures retrouvées ne correspondent qu'à une fraction de la population concernée qui avait droit à un traitement privilégié. Certe interprétation peut être discutée pour les périodes les plus anciennes où l'on est en présence d'une société socialement peu différenciée. Cela paraît par contre beaucoup plus vraisemblable pour les grandes sépultures dolméniques de la fin du Néolithique qui devaient être réservées à une petite fraction de la société. Mais alors, quel traitement pour les indivi- dus dont on ne retrouve pas les restes?

Dynamique de l'espace funéraire

Toute sépulture a une histoire dont le contenu est souvent anecdotique (perturbation par les animaux fouisseurs, destruction des ossements par les agents physicochimiques, affaissement des os du squelette sous l'effet du relâchement des liens ligamentaires, etc.). Dans certains cas pourtant, notamment lorsqu'il s'agit de sépultures collectives, cette histoire peut révéler certains comportements face à la mort. Lors du dépôt de nouveaux corps, les vivants ont souvent peu d'égard pour les vestiges du squelette pose-crânien, mais portent en revanche une attention particulière à la préservation des crânes qui sont soigneusement rangés dans des zones à l'abri de perturbations éventuelles.

Le mobilier

On admet volontiers que les mobiliers funéraires permettent d'aborder la question des différenciations sociales existant au sein d'une société. La question n'est en réalité pas si simple.

Le mobilier signale d'abord, au même titre que l'architecture funéraire, une culture particulière. La pau- vreté du matériel découvert dans les tombes de type Chamblandes rend malheureusement cette identifi- cation difficile. La situation est plus favorable pour la fin du Néolithique où les mobiliers permettent d'identifier clairement les appartenances culturelles des populations concernées: contacts renouvelés avec le Midi méditerranéen au début du Néolithique final, arrivée probable de nouvelles populations origi- naires d'Europe centrale à l'extrême fin du Néolithique.

Les sépultures de type Chamblandes paraissent néanmoins être en relation avec des communautés spé- cialisées dans l'exploitation des roches vertes des affleurements dits de schistes lustrés. Si les jadeitites néo- lithiques du Plateau suisse semble essentiellement provenir des moraines de l 'Aar, les éclogites et les omphacites sont des matériaux importés du cœur des Alpes dont les sites d'exploitation, d'après les pros- pections effectuées, se trouvent notamment en zone géologique piémontaise interne, sur le versant sud du Cervin et dans le val d'Aoste.

Il est intéressant de noter à ce propos que la seule région des Alpes occidentales où l'on rencontre égale- ment des cistes de type Chamblandes est la région de Gênes, où l'on situe un second centre d'exploita- tion des éclogites de la zone piémontaise interne.

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Les relations entre diversité et richesse des mobiliers funéraires et structures sociales sont beaucoup plus complexes, car des tombes faiblement dotées ne signifient pas obligatoirement population pauvre et éga- litaire.

Dans le cas qui nous concerne, les sépultures les plus anciennes se caractérisent par une quasi-absence de dotation funéraire et signalent probablement une société socialement peu différenciée.

Des biens que l'on peut qualifier de "biens de prestiges" apparaissent cependant dès le quatrième millé- naire, au moment où l'on assiste à un certaine collectivisation des tombes. Il s'agit notamment de haches de pierres vertes et de pectoraux en défenses de sangliers (portés par les femmes). Il est probable que cette mutation est en relation avec le développement du commerce des haches d'origine alpine constaté à cette époque.

Les poignards en silex importés des ateliers de Touraine ou du Vercors, présents aux côté des hommes inhumés dans les dolmens de la fin du Néolithique, renvoient par contre à la riche iconographie des stèles anthropomorphes alpines témoignant de la présence de chefferies guerrières.

L'utilisation des références ethnographiques

L'archéologue ne peut se passer de références ethnographiques pour interpréter les vestiges qu'il découvre.

Dans le cas présent, ces références "externes" concernent deux questions essentielles:

1. l'écologie et l'occupation progressive

du

territoire par les communautés agricoles. Comment

expliquer la colonisation progressive des diverses niches écologiques du massif alpin par les populations d'agriculteurs qui nous ont, entre autres vestiges, laissé de très nombreux cimetières disséminés sur le ter- ritoire concerné?

2. l'évolution sociale des sociétés. Est-il possible de proposer un modèle évolutif de la société néolithique permettant d'expliquer le passage d'un stade ancien caractérisé par des combes individuelles à un stade récent où se développent de grandes combes collectives mégalithiques associées à des stèles anthropo- morphes monumentales?

Pour un modèle dynamique du développement des premières sociétés agricoles

L'ethnologue Marshal Sahlins insiste sur les tendances centrifuges des sociétés fondées sur un mode de production domestique. Les sociétés agricoles dont le système de production est fondé sur les structures lignagères (l'économique se moule dans les structures familiales) présentent donc une tendance à l'ex- pansion géographique, phénomène renforcé par la croissance démographique propre à ce type de socié- té. Le développement historique de celles sociétés se décompose schématiquement en quatre étapes:

1. Phase pionnière

Les principes de segmentation l'emportent sur les principes de réunion (formule S>R). De nombreux groupes familiaux quittent leurs villages d'origine pour fonder de nouveaux établissements. Cette phase peut être associée à la première colonisation des terres les plus fertiles de l'Europe.

2. Phase néopionnière

Ce phénomène peut se répéter lorsque, dans une seconde étape, de nouvelles niches écologiques sont maî- trisées. Cette phase concerne des régions marginales moins favorables à l'agriculture comme les Alpes.

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3. Phase de stabilisation

Les principes de segmentation s'équilibrent avec les principes de réunion (formule S=R). Les migrations familiales s'effectuent essentiellement entre des villages déjà existants. Toutes les terres étant occupées, l'enracinement dans les terroirs se renforce et la compétition entre les groupes se développe.

4. Phase de croissance

Les principes de réunion l'emportent sur les principes de segmentation (formule R>S). La société a ten- dance a se hiérarchiser. Ce modèle peut s'appliquer au développement écologique et social du Néolithique du bassin Lémanique et du Valais.

Mégafithisme et cheffèries

Cinterprétation du développement du mégalithisme dans le haut bassin Rhodanien est en étroite relation avec la question de l'émergence des sociétés dites de rangs et des premières sociétés de classes.

Sociétés de rangs

C'est à partir d'exemples mélanésiens que l'ethnologue Maurice Godelier propose de distinguer:

Les systèmes à Grands Hommes où le pouvoir est, soit mérité (grands guerriers, chamans), soit, excep- tionnellement, hérité (maîtres des initiations) et où la parenté repose sur l'échange direct de "soeurs"

(regroupement classificatoire des femmes considérées comme les plus proches parentes de l'homme). Ces sociétés ne connaissent pas les échanges économiques et rituels compétitifs dans lesquels le partenaire doit retourner le don consenti, augmenté de façon plus ou moins considérable. Ici, il faut céder des richesses pour obtenir une épouse dans un contexte où coexistent guerre et échanges compétitifs.

Les systèmes de rangs stricto sensu où l'ascension du leader dans la hiérarchie sociale suit une échelle de grades strictement formalisée dont le parcours dépend de la richesse et de la capacité redistributive du postulant.

Autant que nous puissions en juger, seuls les deux derniers systèmes sont associés à l'érection de méga- lithes, tombes monumentales ou menhirs plus ou moins anthropomorphes.

Sociétés de classes

Des sociétés de classes érigeant des mégalithes se rencontrent en Indonésie, en Polynésie, en Afrique et à Madagascar. Dans tous les cas, la société est divisée en un certain nombre de classes hiérarchisées plus ou moins imperméables entre elles, comprenant notamment une classe supérieure aristocratique et parfois une classe inférieure d'esclaves et de captifs de guerre. La transmission du pouvoir aristocratique est géné- ralement héréditaire; elle peut s'opérer par ordre de séniorité (de fils aîné à fils cadets), mécanisme per- mettant une certaine alternance du pouvoir dans les divers dans (Fidji) ou par ordre de primogéniture à travers les fils aînés de chaque génération (Tahiti, île de Pâques), règle favorisant l'émergence d'une caste royale isolée. Dans certains cas, un système de hiérarchie de grades peut exister à l'intérieur de la classe aristocratique, comme à Nias (Indonésie), ou de la classe des gens du commun, comme à Sumatra.

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Les références ethnographiques collectées témoignent de la variété des situations dans lesquelles se déve- loppent des constructions funéraires mégalithiques. Nous pouvons néanmoins nous demander si une cer- taine cohérence peut être dégagée des exemples réunis. Malgré la présence de certaines régularités, la réponse que nous pouvons donner à cette interrogation reste très nuancée.

Sur le plan so~ial, toutes les sociétés concernées ont une organisation fondée sur la parenté. Le dévelop- pement du mégalithisme semble lié à des cultures dans lesquelles se renforcent les inégalités, notamment aux sociétés de rangs et à certaines sociétés de classes. On notera pourtant que nous n'avons pas trouvé de pratiques mégalithiques dans les sociétés mélanésiennes à Grands Hommes. Le mégalithisme peut être compris comme une expression du renforcement de la compétition et l'un des signes des inégalités de plus en plus importantes affectant la société. Il est souvent lié sur le plan économique à diverses formes d'échanges compétitifs. L'érection d'une statuaire mégalithique est associée à la notion de prestige, même dans les sociétés où la transmission des prérogatives est héréditaire. Dans cette perspective, la statuaire est fréquemment l'objet de déprédations volontaires qui témoignent des rivalités survenant pour le contrôle du pouvoir. On soulignera également la fréquence des sacrifices de captifs de guerre, notamment dans les sociétés de classes.

Sur le plan idéologique, les figurations anthropomorphes mégalithiques sont rarement des divinités repré- sentatives d'un panthéon. On peut les considérer comme l'expression de la sacralisation de personnages réels ayant acquis, d'une façon ou d'une autre, une position privilégiée dans la société. La statuaire acquiert de ce fait une certaine ambiguïté puisqu'elle représente à la fois un personnage terrestre et une entité spirituelle de caractère sacré dotée d'une permanence temporelle comparable à celle d'une divini- té, situation propre aux multiples variantes du culte des ancêtres. Sous cette forme, la statuaire est donc fréquemment associée au culte des morts et donc à des rituels funéraires.

En définitive, la statuaire accompagnant le phénomène mégalithique est moins l'expression d'un contex- te technoéconomique particulier que celle des distances sociales qui se creusent au sein de certaines socié- tés dont l'organisation sociale reste encore essentiellement fondée sur la parenté. Elle est moins le reflet d'une idéologie religieuse particulière que celui des compétitions animant certaines composantes du corps social.

Le temps intégrateur: une histoire des rites funéraires du haut bassin rhodanien

L'établissement d'une chronologie fine des découvertes est le préalable indispensable à toute restitution de l'évolution et de l'histoire des sociétés passées. Dans le cas des sépultures néolithiques lémaniques, l'abondance des découvertes et les importantes séries de datations obtenues depuis plusieurs années, notamment sur le collagène des os humains, permettent une approche particulièrement pertinente de ces quest10ns.

Période pionnière (6000-4900 av. j.-C.)

En Valais, les sites de Sion-Planta (508 m) et Sion-Tourbillon (580 m) révèlent un Néolithique issu d'Italie du Nord. On peut le considérer déjà comme caractéristique d'un front néopionnier.

Sur le Rhône moyen, le Néolithique ancien originaire des centres du Midi est localisé dans la vallée du Rhône ou ses proches environs, mais aussi à l'intérieur du massif alpin.

Le rituel funéraire de cette période est encore inconnu.

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Période néopionnière (4900-4300 av. }.-C)

Le rituel funéraire réunit essentiellement des sépultures individuelles en pos1t10n contractée dans des petits caissons construits en dalles de pierres.

1. Phase 1 (4900-4500 av. J.-C.).

Ces sépultures apparaissent en Valais central dans la première moitié du cinquième millénaire en relation avec le front néopionnier. Les pratiques rituelles de cette période paraissent homogènes et témoignent encore d'une société au sein de laquelle les inégalités restent très limitées. Les sites de Sion-Ritz et Sion- Collines fournissent deux nécropoles de 15 et 25 tombes en cistes. Le coffre fonéraire, de quatre à six dalles, est implanté dans une fosse profonde, puis recouvert d'une dalle; un bourrage de blocs ou de terre cale le dispositif. Le corps est déposé sur le côté gauche, membres repliés. L'inhumation double ne touche dans une premier temps que des tombes associant un adulte à un ou deux enfants ou des enfants. À l'ex- ception de quelques architectures en coffres de bois, l'impression qui ressort de ces cimetières est l'ho- mogénéité. l'orientation des tombes au nord-est ou à l'est, le groupement en petites nécropoles et la très faible dotation en mobilier sont autant d'arguments pour parler d'une égalité devant la mort. Le mobi- lier comprend uniquement une série de bracelets réalisés dans des valves de coquilles marines ou confec- tionnés au moyen de deux lames d'émail provenant de défenses de sangliers.

2. Phase 2 (4500-4300 av. J.-C.)

Le rituel funéraire s'étend au bassin lémanique à partir de 4500 av. J.-C., région où les tombes en pleine terre dominent nettement. On opposera ainsi les nécropoles d'Allaman (tombes en fosse) et Lausanne- Vidy (2/3 de tombes en fosses et 1/3 de tombes en dalles) et les nécropoles valaisannes de Collombey- Barmaz I et II, Sion-Sous le Scex avec une dominance très nette des tombes en dalles. Cette opposition régionale se reflète également dans les mobiliers funéraires, plus abondants et plus diversifiés dans le bas- sin lémanique.

Période de stabilisation (4300-3200 av. j.-C.)

Cette période voit l'apogées des cistes de type Chamblandes.

1. Phase 1 (4300-4000 av. J.-C.).

Dans le bassin lémanique, une première hiérarchisation de la société est perceptible pour la période 4300- 4000 av. J.-C. Une série de manifestations font état de distinctions entre les individus. D'abord assez dis- crètes, elles touchent les dotations en mobilier et le type d'inhumation.

A Lausanne-Vidy, l'inhumation simple est accompagnée dans certains cas de tombes doubles dans les- quelles une personnage est placé au centre de l'architecture. Le second individu est déposé sur l'un des bords de la tombe, lorsqu'il s'agit d'une inhumation simultanée, ou déplacé lorsque le dépôt des corps est successif. Ces inhumations peuvent prendre place dans des coffres de bois ou, le plus souvent, dans des tombes en cistes et rappellent les tombes contemporaines de la Drôme. Les-~dépôts d'objets concernent soit des outils ou des armes en pierre polie, haches à talon pointu, haches-marteaux, associées à des adultes, soit des ensembles plus imposants comportant de la céramique, des pointes de flèches et des parures composées de dents perforées, de coquilles méditerranéennes ou de perles en pierre.

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2. Phase 2 (4000-3200 av. J.-C.).

À la phase suivante, entre 4000 et 3200 av.

J

.-C., architectures et pratiques funéraires n'apparaissent pas fondamentalement changées. Deux aspects indiquent toutefois une tendance à la "collectivisation" des sépultures. Le' nombre d'individus inhumés dans les cistes augmente sensiblement. Trois à quatre corps peuvent être disposés dans la même sépulture, avec toutes les variations possibles en ce qui concerne les modes de dépôt. La présence fréquente d'un homme, d'une femme et d'un ou plusieurs enfants démontre que ces petits caveaux ont très vraisemblablement un caractère familial. Il existe des cas d'inhumations successives, de trois à cinq corps, sans remaniement évident du contenu de la tombe.

Certaines sépultures sont utilisées pendant de plus longues périodes, avec la constitution de deux ou trois niveaux d'inhumation. Dans ces cas, on assiste à des prélèvements touchant les crânes ou les grands os des membres.

Ces gestes peuvent être considérés comme rituels ou, plus vraisemblablement, comme liés à la gestion de l'espace funéraire interne. Enfin, un troisième type de dépôt se caractérise par la réalisation de réductions:

des os viennent prendre place dans une petite fosse creusée à l'intérieur de la ciste, avant de nouvelles inhumations. Toutes ces pratiques témoignent d'une volonté nouvelle de regrouper les individus dans un même espace funéraire.

Carchitecture traduit très faiblement cette évolution des pratiques funéraires. On constate que les coffres de dalles sont utilisés de façon exclusive, aussi bien en Valais que sur les bords du Léman. Ils sont mieux construits, souvent formés de quatre dalles bien agencées. Les quelques stratigraphies disponibles mon- trent que le coffre n'est plus implanté dans une fosse profonde, mais que les dalles de couverture étaient visibles en surface du sol. Toutes ces observations démontrent que, à l'inverse de la phase précédente, la ciste est désormais conçue pour être ouverte à plusieurs reprises.

Le mobilier est essentiellement représenté par la parure. Le pectoral en défenses de sangliers est un des rares objets encore déposé dans les sépultures, soit au fond de la tombe à Pully-Chamblandes, soit sur les individus inhumés à Corseaux-en Seyton, près de Vevey. Sa valeur symbolique peut être démontrée du fait du nombre de sangliers nécessaires à sa confection, et du fait de son dépôt dans des inhumations doubles à personnage central.

Dans le bassin lémanique, la continuité entre les deux phases s'inscrit également dans la durée de fré- quentation des nécropoles. On mentionnera ici le site de Lausanne-Vidy, dont la durée de fréquentation peut être fixée au millénaire (4500-3300 av. J.-C.) et où l'on assiste à l'apparition des architectures visibles en surface du sol. Au delà du passage des tombes en pleine terre aux cistes en dalles, une continuité se retrouve pour certains objets, comme le pectoral en défenses de sangliers, qui couvre toute la séquence d'utilisation des cistes.

En Valais, la situation apparaît différente, puisqu'on a la preuve que certains ensembles sont abandonnés très tôt, dès la seconde moitié du cinquième millénaire, comme pour la nécropole de Sion-Ritz.

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Les inhumations multiples ou collectives en cistes ne sont connues par ailleurs que par des fouilles anciennes (Sion, Montorge, Corbassières) ou par des sauvetages très limités en surface (Saint-Léonard-les Bâtiments), si bien qu'il est difficile de préciser si la situation est identique.

Un aspect relatif à la géographie valaisanne semble témoigner alors de l'extension de nouveaux fronts pionniers, tout d'abord dans le Valais central, en limite de l'étage montagnard pendant l'intervalle 4300- 4000 av. J.-C (tombe en fosse du Château de la Soie à Savièse), puis, pendant l'intervalle 4000-3200 av.

J.-C dans les vallées latérales où l'on trouve de petits cimetières liés à des habitats comme Sembrancher et Villette dans le val de Bagnes, alors que les sépultures multiples ou collectives se concentrent dans la seule plaine du Rhône, à Sion-Montorge et peut-être aussi à Corbassières.

Beaucoup des arguments évoqués pour cette seconde phase tendent à démontrer que les grandes nécro- poles ne sont pas forcément des sites liés à un seul habitat, mais qu'ils doivent être envisagés comme des sites centraux dans lesquels une partie seulement de la population est inhumée: adultes ou enfants ayant peut-être une position sociale ou un statut particulier donnant accès à la nécropole. On aurait ainsi des cimetières regroupant des pratiques funéraires complexes et, dans les vallées latérales, des ensembles péri- phériques plus petits liés aux habitats et conservant la pratique de l'inhumation individuelle.

Des tombes de type Chamblandes se retrouvent dans d'autres vallées de la partie septentrionale des Alpes occidentales.

- La vallée d'Aoste a livré six nécropoles situées soit au niveau de la plaine, soit sur des replats dominant la vallée. Il s'agit de Monjovet (5 cistes), Sarre (3 cistes), Saint-Nicolas (2 cistes), Villeneuve (25 cistes) et Vollein (grande nécropole associée au seul habitat néolithique connu de la vallée).

- Une première nécropole avec tombes en cisres à inhumations individuelles a été découverte dans le val de Suse à Chiomonte-La Madalena. Elle est située à proximité d'un habitat daté de 3900-3500 av. J.-C.

environ.

-En Tarentaise, la nécropole de type Chamblandes d'Aime, datée d'environ 3500 av. J.-C., comprend des tombes individuelles et une sépulture à trois individus.

Phase de croissance (Néolithique final (3200-2200 av. j.-C.)

Dans le domaine des pratiques funéraires, la spécificité de cette phase de hiérarchisation tient à trois phé- nomènes:

- construction d'architectures érigées en surface du sol nécessitant la mobilisation d'un groupe humain plus important,

- individus inhumés plus nombreux dépassant un recrutement de type familial, - association des stèles anthropomorphes au contexte funéraire.

La nécropole du Petit-Chasseur à Sion est caractéristique de cette évolution.

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Phase 1.

La séquence chronologique commence avec la construction des dolmens no 12 et no 6, deux dolmens à soubassement triangulaire. La chambre rectangulaire est prolongée par deux antennes, son accès est assu- ré par une er;itrée latérale. La chambre est entourée d'un soubassement triangulaire, sorte de podium constitué de pierres soigneusement assemblées. La masse de pierres du soubassement du dolmen no 12, le plus ancien des deux, indique que la chambre devait être partiellement enfouie. Dans le cas du dolmen no 6, plus récent, la chambre est nettement dégagée.

Le dolmen no 12, rapidement abandonné après l'arrachage des dalles qui constituaient la chambre, conte- nait un minimum de 90 individus, déposés sur le dos, têtes orientées au sud ou au nord, les bras et les jambes faiblement repliés. Les corps n'ont probablement pas été déplacés volontairement, car le désordre qui règne à l'intérieur de la chambre est plus vraisemblablement le fait des passages répétés accompagnant de nouvelles inhumations. Seuls les crânes font l'objet d'un rangement et peut-être d'un empilement for- mant un véritable mur contre la dalle sud du monument, à l'intérieur de l'espace funéraire.

Phase 2.

Les dolmens à antennes de type Petit-Chasseur apparaissent avec la civilisation de la Céramique campa- niforme, vers 2450 av.

J.-C.

Ils dérivent probablement de la forme précédente, mais le soubassement tri- angulaire est abandonné, la chambre est construite selon les mêmes principes, avec des antennes à l'avant du monument et une entrée latérale. C'est à cette époque qu'intervient la construction du dolmen no 11, également employé pour des inhumations, dont certaines peut-être en position assise.

Phase 3.

Avec le Campaniforme, la chambre funéraire du dolmen no 6 est vidangée de son contenu pour y amé- nager de nouvelles sépultures. Les crânes des anciennes sépultures sont déposés à l'extérieur, le long du podium triangulaire.

Phase 4.

Enfin un troisième type, les cistes de type Petit-Chasseur, sont des coffres mégalithiques de plus petites dimensions, construits en surface du sol, avec ou sans antennes, mais dépourvus d'entrée.

Le site du Petit-Chasseur est avant tout connu par les découvertes de stèles gravées figurant des person- nages symbolisés (visibles au Musée archéologique de la Majorie à Sion).

Un premier type ne comporte que des figurations dont la tête est faiblement dégagée. Elles portent des représentations de poignards à lame triangulaire ou de spirales en cuivre. Le second type correspond à l'occupation campaniforme et se caractérise par des têtes bien dégagées dont le nez est marqué par une arête rectangulaire. Elles sont décorées de motifs géométriques, de figurations d'arc et de flèches. Ces stèles sont érigées devant les monuments, comme en témoignent les traces de fossés à l'avant du dolmen no 6. Elles sont dressées pendant des durées assez courtes, avant d'être brisées et réutilisées dans la construction des coffres.

Deux interprétations, peut-être complémentaires, peuvent expliquer la présence de stèles dressées et réem- ployées dans la construction des monuments. La première consiste à reconnaître dans ces figurations des personnages de haut rang, des ancêtres ou des divinités tutélaires dont les effigies sont dressées devant les monuments. Ces stèles ne gardaient leur pleine signification que pendant un temps assez court, puisqu'on les retrouve rapidement dans la construction des monuments, cassées et en position de réemploi.

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La seconde consiste à voir dans ces manifestations l'expression d'une idéologie complexe propre à l'en- semble des figurations du monde alpin et dans laquelle le soleil tient une place prépondérante.

La nécropole du Petit-Chasseur témoigne vers 3200 av. J.-C. d'un nouveau pas dans l'évolution de la société en cours de hiérarchisation; une situation qui pourrait témoigner, soit d'une société de rangs au sens strict, dans laquelle le parcours du pouvoir suit une échelle strictement déterminée, soit déjà d'une société de classes. La nécropole du Petit-Chasseur est certainement un site central regroupant les activités rituelles de plusieurs communautés du Valais central. Il est en revanche difficile de savoir, en l'état actuel des recherches, comment les fronts pionniers des vallées latérales évoluent au cours de cette période.

Avec la nécropole du Petit-Chasseur s'achèvent vingt cinq siècles d'évolution des rituels funéraires à tra- vers lesquels l'archéologue perçoit un développement significatif des premières sociétés agricoles alpines.

Dès la fin du troisième millénaire avant J.-C., l'introduction de la métallurgie du bronze va entraîner de profondes mutations dans la société. Les rituels funéraires anciens sont désormais abandonnés et l'on va à nouveau inhumer en tombes individuelles, les défunts étant déposés le plus souvent en position allon- gée sur le dos et accompagnés de bijoux et d'armes de métal. Nous sommes désormais dans un autre monde.

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L~m:in ?1:11ne du Rhone

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:iv. 1.c. Phase de croissance R>S R>S S=R CJmpaniforme St~!è de Lutr': Petit-Chasseur

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.\îéolithique final

.+000-3200 av. J.C. Phase de stabilisJtion S=R S=R S>R

Néolithique moyen II

Pully-Chamblandes Corbassières Sem brancher

Corseaux Montorge Villettes

Lausanne- Vidv Sion-Sous le Scex

.+300--WOO av. J.C. Phase de stabilisation S=R S=R S>R Néolithique moyen I

Lausanne-Vidy Saint LéonJrd La Soie Brig-Glis

Sion-Sous le Scex

~500-4300 av. J.C. Phase néopionnière S>R S>R Néolithique moyen I

Lausanne-Vidy Sion-Sous le Scex Collombey-Bannaz .+700-4500 av. J.C. PhJse néopionni~re S>R S>R

Néolithique moyen I •)

Sion-Ritz Sion-Collines

Tableau 2. Développement général des rites funér:1ires néolithiques du haut b:1ssin Rhodanien et principales nécropoles. S>R : communautés agricoles en exp:1ns1on territoriale. S=R: communautés agricoles en état d'équilibre. S>R: commun:1utés agricoles en phase de hiérarchisation.

Références

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