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Le pasteur. Témoin de la vérité?

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Le pasteur. Témoin de la vérité?

ASKANI, Hans-Christoph

ASKANI, Hans-Christoph. Le pasteur. Témoin de la vérité? Etudes Théologiques et Religieuses , 2010, vol. 85, no. 4, p. 519-524

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30451

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ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES 85' année 2010/4- P. 519 à 524

TÉMOIN ?

Le pasteur répond dans son travail et dans sa vocation à de multiples défis.

Quel est le fondement de ce travail, quel est le sens de cette vocation ? Hans-Christoph ASKAN/" cherche une réponse à ces questions en interprétant le concept de « témoignage ».

«Une vérité qui engage »1Les organisateurs de ces Assises ont eu le courage de formuler un grand sujet, un sujet qui ne craint pas le défi de l'ouverture et de l'échange.

Un« grand sujet» ai-je dit; n'est-il pas terriblement grand?« Une vérité ... », et nous y participons : « ... qui nous engage ».

Le mot qui sera au centre de ma communication est aussi un grand mot : témoin. Qui parmi nous - nous autres pasteurs - dira de lui-même, quand on lui pose la question:« Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie?» ou« Quel est ton métier ? », qui parmi nous dira alors : «Moi, je suis témoin. »Mon métier, c'est cela: témoigner, rendre témoignage.

Cela serait quand même assez« fort de café».

Mais les organisateurs ont été courageux, ils ont mis la question sur la table : que faisons-nous, nous autres pasteurs, dans notre vie, dans notre métier? Y a- t-il là quelque chose qui nous engage ? Et, si oui, de quoi s'agit-il ?

Nous allons donc essayer de comprendre cet engagement, nous allons essayer de comprendre ce que signifie témoigner.

' Hans-Christoph AsKANI est professeur ordinaire de théologie systématique à la Faculté autonome de théologie protestante de l'Université de Genève.

1 Cet article a été donné comme conférence aux Assises de la Société Pastorale Suisse, à Bâle, le 21 janvier 2009. Ces Assises avaient pour sujet : « Une vérité qui nous engage 1 Verbindliche Wahrheit ». Le caractère oral de mon intervention est maintenu. Je remercie madame Julie Paik qui a relu le texte.

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HANS-CHRISTOPH ASKAN! ETR

I

Il y a maintes d'aborder ce sujet. Je voudrais l'aborder de manière assez personnelle en posant deux questions. Pourquoi sommes- nous devenus pasteurs ? (2) Pourquoi y a-t-il des gens viennent toujours entendre (ou peut-être même écouter) nos prédications?

1. Pour quelle raison devient-on pasteur ?

Il peut y avoir mille raisons : à cause de nos expériences à l'école du dimanche ; à cause d'un pasteur nous a impressionné ; à cause du groupe des jeunes ; à cause d'un intérêt pour des questions existentielles et théologiques, etc.

Chacun a ses raisons. Je me demande pourtant s'il a pas quelque chose en arrière-fond de tout cela que partagent les diverses motivations personnelles ? Je me risque à une hypothèse : on devient on est devenu pasteur, à cause d'un décalage, grâce à un décalage- et en faveur de lui. Quel décalage?

quelle fissure ? Décalage entre ce que le monde est, et ce pourrait être; entre ce est (sa réalité banale, décevante et perturbante) et sa vérité. Nous n'étions pas, nous ne sommes pas contents, du monde tel

est ; pas contents du contentement que le monde a de lui-même

s'il était tout ce être) ; pas contents non du rrH~ClJmenterneJll que le monde a de lui-même (comme si, dans tous les cas, il était perdu ... ).

sommes-nous donc devenus pasteurs (on aurait pu choisir un métier commode) ? À cause d'un surplus. Nous croyons à ce surplus ; nous voudrions apporter chose au monde. donc ? Au moins le message de ce surplus, d'un horizon autre et ouvert. L'annonce que ce monde n'est pas seulement cela. Au moins un mot casse

du monde en lui-même. Une un mot contre la clôture. Mais d'où vient

sa à

nn,-.rt,,,. aux autres ? Laissons pour l'instant ces

te1mes clés : uv..,cuu;e;'"',

vers la deuxième

2. encore entendre nos ?

calendrier montrant les beaux

~Ann·~,• être une mais nous sommes

? Serait-ce à cause de nos 520

2010/4 LE PASTEUR. TÉMOIN DE LA VÉRJTÉ ?

mêmes ? Mais ces

intéressantes ? Sont-elles d'informations parlent-elles de chose d'utile ? Cela fait-il

les entendre? J'avoue que je n'en suis pas sûr à cent pour cent.

bien même quelqu'un serait un amateur de prêches, n'en trouverait-il pas dans les bibliothèques (et librairies) sont cent fois intéressantes : des prédications d'un saint Augustin, d'un Maître Eckhart, d'un Martin Luther, d'un Jean Calvin, d'un Karl Rahner, d'un Karl Barth, etc. ?

Pour dire la vérité, je pense qu'il n'y a presque aucune raison de venir entendre (aujourd'hui encore) une prédication. L'habitude ? Peut-être (et pourquoi pas d'ailleurs !). Et peut-être (cela paraît sûrement paradoxal, mais cela pourrait être une piste) ce que nous venons : son inutilité. Un mot n'est pas fait pour tel ou tel but, un mot en décalage, un mot libre, et cherche tout simplement notre oreille, notre cœur. Un mot en marge, presque de « », ai-je dit. Un mot vient d'ailleurs.

Quel est l'avantage, le« plus »d'une prédication actuelle, prononcée par le pasteur de notre paroisse et qui, selon toute probabilité, est moins bonne, moins intéressante que telle prédication disons d'un Paul Tillich, d'un John Newman, d'un Dietrich Bonhoeffer? Pas facile à dire ; peut-être seulement cela: elle est dite maintenant, ce jour-là où je viens au culte. Elle est préparée exprès, elle est, si j'ose dire, dite entre le prédicateur et moi. Entre sa raison d'être- l'évangile et notre écoute, elle devient événement. Elle n'entre pas dans le cadre de nos contextes, de nos attentes, de notre quotidienneté ; elle nous surprend, non forcément à cause de son contenu, mais à cause de son avène- ment, à cause de l'interruption qu'elle opère, qu'elle apporte.

Retenons aussi pour notre deuxième question quelques mots clés : (encore).

Nous nous intéressons au au au « métier», à vie du comme témoin. Nous n'avons pas voulu commencer avec des réflexions hautement ; nous avons commencé avec notre propre : ce que nous sommes en tant que et ce que nous sommes

Est-ce que ce que nous venons de a chose à voir avec le ?

au monde tel

n'est pas Pour

'"'~"''vm.u, deux moments : (1) il faut que

(4)

HANS-CHRISTOPH ASKANl ETR

il faut que ce dont nous nous

Dans un témoignage nous disons d'une certaine manière plus que ce que nous pouvons dire. N'est-ce pas étrange ? Si. En effet, il y a une différence entre le mot de l'agent d'une assurance vieillesse et le mot d'un pasteur, pour ainsi dire d'un « agent de l'évangile». On reproche de temps en temps aux pasteurs et aux prêtres qu'entre leur agir et leur parler il y a une différence, un décalage : « S'ils disaient au moins ce qui correspond à leur comportement ! Alors ils seraient crédibles. Leurs discours seraient authentiques. Mais cette distance entre discours et actions, entre parole et comportement. .. ! »

Or- et je m'adresse ici à nous-mêmes, les pasteurs, et à nous-mêmes, les paroissiens -, pourrions-nous vraiment souhaiter cela ? La réduction de la parole à sa comparabilité avec la réalité ? L'accommodation de la parole, même celle de la prédication, à notre pratique, à la mesure de notre comportement, à notre mesure ? Un monde, le monde, notre monde - et aucun mot, aucune parole qui ne le dépasserait ! Ce monde ne vaut-il pas la peine qu'une parole lui soit dite qui vient à lui, vers lui, et non seulement de lui ? Un mot qui sort de son contexte (celui du monde), qui rompt avec ses évidences. Un mot qui va, pour ainsi dire, plus loin. Et qui vient de plus loin.

Témoigner, cela signifie prendre sur soi une parole excède nos posses- sions, nos dispositions, nos besoins de sécurité. Un « surplus » ai-je dit, un déca- lage, un ailleurs. Les paroles viennent toujours d'ailleurs. On ne les maîtrise jamais complètement. On peut appeler cela leur dimension poétique, on peut aussi appe- ler cela leur dimension évangélique. Être pasteur veut dire avoir une fois senti, goûté cette dimension (qui nous inquiète, qui nous engage, qui nous promet), et ne plus jamais pouvoir l'oublier. Il faut donc en parler, il faut donc en témoigner.

III

Il n'est pas possible de pousser ici la réflexion plus loin. Je voudrais pour résumer ce qui vient d'être indiqué- formuler quelques thèses concernant le pasteur comme témoin. Elles seront forcément dites dans un style condensé.

1. Le métier du pasteur est une contradiction, une contradiction vivante. C'est un métier comme tant d'autres y gagne sa vie, on vit avec lui au quotidien, on nourrit sa famille, on se réjouit des vacances, on est ravi du succès, on se plaint de la de travail. .. ), c'est un beau métier; et d'un autre côté c'est

tout autre chose un un engagement.

2. cet en tant que

témoin entre dans cet un engagement a la spécificité de ne jamais arriver à sa fin. Le pasteur s'engage donc dans une affaire le dépasse.

522

2010/4 LE PASTEUR. TÉMOIN DE LA VÉRITÉ 0

3. Cette

mètres de ce «le monde», son

enrermem<:~ni, son contentement, son Dasein.

sort des para-

sa son

4. La du le témoignage apporte au monde ce que le monde n'aurait pas pu s'apporter, s'attribuer lui-même: un

autre-que-le-monde. Non pas seulement la puissance, mais aussi le

non pas seulement le succès, mais aussi la pitié, la faiblesse ; non pas seulement la force, la santé, mais aussi l'ébranlement, la peur, la maladie, la mort ; non pas seulement le passé et le présent, mais aussi 1' avenir ; non pas seulement l'enfermement en soi-même, mais aussi l'interruption, l'excès, le mot, les mots - leur force fragile.

5. Témoigner est ainsi une action et en même temps un événement d'ouverture à l'altérité. Je réponds à autrui. L'autre me dépasse toujours, fait éclater le cercle, les cercles qui sont les miens. Le témoignage ne comble pas l'abîme qui s'ouvre là où je sors de mon égo-centrisme (et de ma solitude).

Mais il ne le fuit pas non plus. Il se situe dans cet abîme, dans cet entre-deux, pour prendre sur lui ce qui ne sera jamais suffisamment porté, réglé.

6. Ainsi le témoignage, en tant que parole de l'excès et de l'insuffisance, de l'audace et du tremblement, de ma personne et de ce qui la dépasse, est touché par cette altérité particulière (ou exemplaire) qui est est l'avenir, est la mort, qui est Dieu.

7. J'ai mis en proximité, parenté, ou mieux, affinité: autrui, la mort, Dieu.

Est-ce un hasard, une trouvaille ? Ou se pourrait-il que justement, en relation avec la parole, la mort et Dieu se rapprochent ? Et que vice versa, face à la mort, Dieu et la parole se rapprochent? En d'autres termes, est-ce un hasard si les pasteurs ont un mot à dire, ou sont supposés avoir un mot à dire face à la mort?« Avoir un mot à dire», ai-je dit. Non ! Peut-être : avoir à avoir un mot à dire (avoir le devoir d'avoir un mot à dire). L'origine de ce mot se prolonge donc vers l'infini. Etc' est là, au sein de cette origine toujours plus lointaine, au sein de cette tâche nous dépasse, à ce lieu précis où la mort, Dieu et la parole se rencontrent, se« touchent», c'est là que le témoignage a sa place et c'est là que le témoignage est le excessif. Ce mot dit qu'il ne dire. Comment pourrait-il autrement parler face à la mort ? Comment pour- rait-il autrement être parole de vie ?

IV

Non pour clore le cercle de ma réflexion ne sera pas revenons sur les questions laissées en suspens dans la Nous y avons parlé d'un mot qui « casse l' enfermement du monde » et nous nous sommes

(5)

HANS-CHRISTOPH ASKANI ETR demandés d'où vient ce mot? nous garantit sa ? D'où vient l'autorisation de prendre ici la parole et de aux autres ?

1. Commençons par la deuxième de ces questions. Et avouons d'emblée : au sujet d'une telle parole, il n'y a pas de garantie. On pourrait même dire que si la garantie y était, le témoignage serait pas. Cela serait de la pure trans- mission d'une information pour laquelle on n'aurait pas besoin de quelqu'un qui s'engage, qui se sait engagé, qui prend sur lui une parole plus puissante ou plus faible, qui dit plus que ce qu'il peut dire, parce qu'il est appelé lui-même par la parole qu'il va dire, parce qu'il est entré dans l'espace ouvert, ouvert par cette parole de surplus, de contradiction, de création, de poésie, de promesse.

Aucune garantie, donc le pur arbitraire? Non. La simple opposition entre la garantie et l'arbitraire ne comprendra jamais la spécificité du témoignage. On doit y penser une zone, ou plutôt une dimension -peut-être même un événement - intermédiaires : ni arbitraire ni garantie, mais revendication, défi, appel, promesse d'un côté, et de l'autre, prise de parole, engagement, réponse. Un engagement qui dépasse - à la mesure de l'appel du surplus, de l'excès - ses propres limites, et une réponse qui n'est pas la fin, la mort du questionnement, mais sa prolongation, son mouvement sur un chemin qui s'ouvre avec nos pas et dont nous percevons ainsi (et seulement ainsi) qu'il nous veut et qu'il nous donne en même temps. Donne quoi ? Donne le temps du témoignage ; ou - la même chose en d'autres termes-nous donne (à nous-mêmes)- et au« monde».

2. D'où vient cette parole ? Nous ne saurons pas indiquer son point de départ qui, dans son autorité, sa fixité, sa stabilité, satisferait évidemment nos besoins de sécurité, mais qui calmerait, endormirait, étoufferait la dynamique, le mouvement de cette parole.

Un texte inspiré, la révélation, Dieu lui-même, seraient des réponses possi- bles. Elles comportent, à divers degrés, des moments de vérité. Mais nous ne pouvons pas - en tant que témoins - isoler un point de départ de la parole qui nous met sur la route sans fin du témoignage, sans prendre cette route et sans découvrir que c'est toujours sur elle- en la prenant que l'origine de cette parole se donne comme une origine, comme une origine qui ne se situe pas derrière nous, mais devant nous. Non pas dans le passé, mais dans l'avenir.

Cette parole vient d'autrui, et pas de nous, mais sans nous cette altérité ne serait pas. On pourrait exemplifier cette structure surprenante en regardant la dimension métaphorique du langage qui ouvre au sein du langage même un horizon inattendu et jamais épuisé de son parler.

3. Et la dernière- ou première- question : d'où vient cette parole? Elle nous vient d'un entre-deux, entre nous qui nous engageons, et elle-même qui nous engage, qui nous parle et nous demande.

Hans-Christoph ASKANI

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