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LES GRANDES EPOQUES NORMANDES
LA FRONDE EN NORMANDIE
Raymond BAZIN
LES GRANDES ÉPOQUES NORMANDES
La Fronde
EN
Normandie
OUVRAGE HISTORIQUE
DIEPPE
O^ l'****KS *IMERIE DIEPPOISE
^«w
..&r
Directeur:SA.DEQUrM
194,Grande-Rue
1903
***% M
BiBlïOTHtCA
fM>
DC
1905
Avertissement de l'Auteur
La Fronde
est une époque très intéressante de lHistoire de France; à celte lutte fameuse de la reineAnne
d'Autriche etdu
cardinal Mazarincontre les Parlements et quelques princes belliqueux, de nombreusesvillesnormandes
ont été mêlées et leurs habilants y ont joué un certain rôle, ainsi que lesmembres du
Parlement deNormandie.Aussi, ai-je essayé de rassembler dans iouvrage qui va suivre, tous lesévénements qui se sont suc- cédé dans notre province, en les reliant toute/ois à ceux dont Paris fut le théâtre, lors de celte époque troublée de notre histoire nalionale, etje lesaigrou- pés sous ce titre :
La Fronde
enNormand
ieCesten appuyant
mon
travail sur desdocuments puisés à bonne source, sur les témoignages d'écri- vainsdu
temps, sur les Mémoires qui montrent que laXormandie
ajoué un rôle important pendant laFronde, queje lesoumets au jugement dupublic.
Mon
but, en écrivant cet ouvrage, a été surtout dictépar ledésir de mettre en lumièref en les loca--
6—
Usant, lesfaits qui ontjeté
un
certain éclatsur notre province.S
ai voulu les réunir en un seul faisceau et doterainsi
ma
chèreNormandie
d'un ouvrage historiquepouvantquelque peu intéresserses fds, et plusfacile à consulter que lorsque lesfaitssontpour ainsi dire perdus dans un livre d'histoire générale.
Mon
butest-il atteint ? Cest ce que jedemande
à tous ceuxquivoudrontbiens intéresseràmon
œuvre en lisant cetouvrage.Raymond BAZIN.
-^H^—
La Fronde en Normandie
CHAPITRE PREMIER
Avènement de Louis XIV — La misère
enNormandie — Les impôts — Retour
en arrièreLa mort
de "Richelieu et celle deLouis XIII —
Le Cardinal Mazarin — Le Parlement
deNormandie.
Le
jeune roi LouisXIV
n'avait pas encore cinq ans. lorsqu'il fut appelé.le 14Mai
1643. à succéder sur le trône deFrance.au
roiLouis XIII.son père.sous la régence de sa mère.
Anne
d'Autriche.Les guerres
du
règne précédent avaient coûté cherau
pays dont leshabitants étaientécrasés par les impôts : dans ses Mémoires. Paul de Gondi.cardinal de Retz, fait
un
tableau peu séduis des «provinces abandonnées à la rapine des surin- tendants, abattues et assoupies sous lapesanteur de leursmaux
».En
ce qui concernait laNormandie,
dontnous
allons avoir à étudier l'histoirependant la période~
8—
de la Fronde,
Gondi
disait la vérité, car cette pro- vince souffraitde la façon dont étaient perçus lesimpôts qu'on y prélevait sanscesse.
Les financiers acquéraient
du Gouvernement,
en versantau
Trésorun
prixconvenu, les impôts dontla province était frappée, ce qu'on appelait mettreles taillesenparti, etceshommes employaien
talors des agents
nommés
pareux,qu'ils chargeaient d'en opérerlerecouvrement
et qui s'acquittaient de leur ingrate mission avec duretéet insolence.La
taille, d'aprèsles plaintes des Etats de Nor-mandie (Novembre
1643) était recueilliedu
côté d'Alençon, d'Orbec, de Lisieux :«
Par
desCompagnies
desoldais, trainant après«
eux
la désolation en tons lieux; faisant an peu-ce pie plus de
mal
qu'ilnen
eutreçu detroupes enne-« mies. Ces soldats rançonnant à discrétion les
« habitants, contraints, la plupart, d'abandonner
« leurs demeures ; rompant, brûlant les portes des
« maisons,
démâçonnant
les granges, battant les« blés, les vendantà vilprix, ainsi que lespailles à
«
demi
battues, chargées encore de partie de leur« grain, brûlant lescharrueset les charrettes, saisis-
se sant les chevaux, enlevant tous les bestiaux d'un
« village, qui, réunis en un seultroupeau etparqués
« tous ensemble, étaient ensuite vendusen détail. » Il
nous
fauttaireun
retouren arrièrepour
en- chaîner à cetexposé de la situation de laFrance
àl'avènement de Louis XIV,l'histoirede laFronde
parlementaire.—
9—
Déjà, sous le règne de Louis XIII, dont le car- dinal de Richelieu, son premier Minisire, était
véritablement le roi de France, des troubles avaient eu lieu en
Normandie
à l'occasion de laperception des impôts ; à Caen, Vire, Sainl-Lô Mortain, Avranches,
Cou
lances, Baveux, Ponl- l'Evèque, Lisieux,dans
la plupartdes villes de laBasse-Normandie,
la révolte des Nu-Pieds jetait la terreur.Des mesures
furent prises à cetteépoque dans
les villes et les
campagnes pour
réprimer lesmou- vements
populaires : le chancelierSéguier vint enNormandie
sur l'ordredu
roi; partout, eurent lieu des exemplesdu
ressentiment de Louis XIII et de son ministre contreles séditieux, dont lesmaisons
furent brûlées ; des villages entiers furent rasés, les habitants furentcondamnés
à la potence, d'au- tres envoyésaux
galères, d'autres encore punis par le fouet !Le Parlement
deNormandie, soupçonné
de sou- tenir les révoltés, fut interdit etsesmembres rem-
placésprovisoirement par quinze conseillersdu Parlement
de Paris.Pourtant en Janvier 1641, le roi rendit
un
édit qui rétablissait le Parlement deNormandie,
mais qui le rendait semestre, c'est-à-dire le partageait endeux
parties, désignéespour
siéger alternative-ment pendant
six mois.Cetéditcontenait des raisonstelles
que
celles-ci:i
Avant
cela, les procej estaient tellement tenus.
—
10—
« en longueur
dans
ceParlement
qu'il se passoit« plusieurs années à la poursuite et sollicitations
« d'iceux. Les vacationsdetrois
mois
et plus,que
« prenoit ce parlement, par
chacun
an, diverlis-« soient
grandement
de la justice tant civileque
« criminelle et
consommoienl
letemps
et les biensce de no3 subjeclz».
Le
roi ordonnaitdonc que
« leParlement
de«
Rouen
seroit, dorénavant, tenu et exercé par<c
deux
séances etouverturessemestres,desixmois
((
chacune
».Gomme
lesmembres
de l'ancienParlement
n'étaient pas en
nombre
suffisantpour
assurer le servicependant
lesdeux
semestres, l'édit créait des charges nouvelles de présidents, conseillers, substituts, notaires, huissiers, ce qui rapportait dessommes
assez considérablesau
Trésor, toutes cescharges étantvendues aux
plus offrants.Le Parlement
deNormandie
fut rétabli à ces conditions humiliantespour
sesmembres
etRichelieu répondit
aux
présidents Bretel de Gre- monville et Bigot de Monville, qui venaient à Parispour
réclamercontrecesréformes:«Quoi que
« vous puissiez faire
ou
proposer, le semestre aurace lieu. »
On
notifia égalementau Parlement
de Parisenun
lit dejustice (février 1641)une
déclarationoù
ilétait exposé
que
« les Parlements n'ayant été«établis
que pour
rendre lajustice, il leur étoit« fait défense expresse de prendre connoissance
— li-
ft d'aucunes des affaires qui peuvent concerner
« l'Etat, administration,
gouvernement
d'iceluy, cque
le roy réservoit à sa personne et à celle des« roys ses successeurs ».
L'inamovibilité des offices étant
supprimée
par cet édit, Louis XIII déclaraitque
t la création,« la substitution et la suppression des chargesne
« dépendaient
que
de luyseul, estoientun
effet de« sa puissance ».
Ce
futun coup
terrible portéau
prestige des Parlements deFrance
; pourtant,celui deRouen
protestait encore et
malgré
les derniers efforts des députés, l'édit fut enregistré «du
très exprèscommandement du
roy ».L'édit de création
du
semestre avait détaché leComté d'Eu
de la juridictiondu Parlement
de Paris disantque
«quant
àla juridiction,leComté d'Eu
ressortiraitdorénavant auParlement
deNor- mandie
» ;mais
leParlement
de Paris protesta à son tour et les seize commissaires parisiens ayantfait
une
réserveau
sujet de celte clause, obtinrent de la faire rapporter par le roi.Richelieu
mourut
le 3décembre
1642,sansavoir rienchangé
à l'étatdu
Parlement deNormandie
qui réclamait avec persistance la révocationdu
semestre et bientôt les anciens conseillers, étant rentrés en tondions, travaillèrent à faire réduireleplus possible les charges créées par L'Edit de janvier 1641.
Vne
querelle éclata bientôt entre les anciens-
12—
conseillerset les
nouveaux
et il y eutdans Rouen
desbatailles suscitéesparleur rivalité;des scènes scandaleuses sepassèrent
au
Palais le 4Mai
1G43, entre les conseillers qui se menacèrent, s'inju- rièrentetselivrèrent entreeux
à des voies de fait.Peu
dejours après,lamort
deLouisXIIIajournapour une
nouvelle période, diverses réformes ré- clamées par les anciens conseillers et principale-ment
le rétablissement,en son ancienne forme,du Parlement
deNormandie.
La
créationdu
semestre avaitdonc
étéune
source de troublesdans
toute la province, sous le règne qui venait définir;elledevaitêtre,souslaminorité de Louis XIV, la cause de faitsbeaucoup
plus graves encore.Les scènes qui s'étaient déroulées
dans Rouen
et avaient eu leur répercussion jusqu'au seindu Parlement
deNormandie,
avaientexcitél'indigna- tion de la Cour; LouisXIIImourant, ordonna
l'in-terdictionde six des conseillers qui s'étaient le
plus signalés
au moment
de ces troubles ; ces magistrats, assignés ensuite à Paris, devant le Conseil, réussirent à se faire écouler etfurent réin- tégrésdans
l'exercice de leursfonctions.Lesprésidents de Grémonville et de Criqueville
recommencèrent
alors leurs négociationspour
la révocationdu
semestre, ce quiamena une nou-
velle querelle entre les anciens et les
nouveaux
conseillers.
Le
cardinal Mazarin, qui succédait à Richelieu-
13-
comme
premierministre, reçut les doléances des magistratsnormands
dont l'innocence était évi- dente; aussi, répondit-ilau
président Fardoil, qui soutenait la cause desnouveaux
conseillers, en répétantque
«. lesemestre estoit l'ouvrage de jeu lecardinal de Richelieu » et croyait par ce
moyen
triompher de
Mazarin
: Je ne considère, répondit cedernier, ce qui a esté faict par feuMonsieur
lecardinal, qu'autant
que
cela convientaux
intérest de sa Majesté.Henri II,
duc
de Longueville,gouverneur
deNormandie,
soutenait aussi le parti des anciens dont la voix prévalut bientôt ; lesemestrefut sup-primé
par l'éditdu
17 Octobre 1643, eton donna
pourjustifiercettemesure, autant de
bonnes
raisonsque
Richelieu en avait trouvépour
établir le se- mestre.Le duc
de Longueville apportant àRouen
cet édit, fut reçu par les anciens conseillers avec des démonstrations dela joie la plus vive.Comme
il fallaitle prévoir, laCour
fut bientôt harceléeparlesréclamationsdesnouveaux
conseil- lers qui s'étaient jointsaux
traitants, lesquels es"comptaient sur les besoins d'argent
du
Gouverne- ment;laCour
rétablitlesemestre en septembre1645.Les anciens conseillers protestèrent avec indi- gnation contre celte nouvelle mesure,
mais
ilsfurent obligés de s'inclineretsept
nouveaux
offices de conseillers furent créés, avec l'approbationdu
duc
de Longueville, qui, par l'irrésolution de son-
14-
caractère,
mécontenta
les anciens après avoir faitaboutir en leur faveur les réclamations précé- dentes.
Aussi, en 1647, le
Parlement
deNormandie, mé-
contentdes éditsroyaux
et le peuple écrasé parles impôts,accueillirent-ilsavec
une
froideurmar- quée
levoyagedu
jeune roi et de la reine régentedans
leur province.Dans
lesMémoires
deMadame
deMolteville,on
peut lire ce qui suit :«
La
reine vint àDieppe dans
le dessein d'aller« à
Rouen
;mais
notre province fut si insensible« à l'honneur
que
le roi lui faisait, etparticulière-ce
ment
la ville deRouen,
qu'elle évita, avec tout« le soin possible, de la recevoir.
La
reine, de son« côté, fît
semblant
d'appréhender les tracas etce l'importunité de cette visite et des
harangues
« qu'il auraitfallu entendre ;elle résolut
donc
de« s'enretourner par
Gournay,
Gisorset Pontoise».Les registresde THôtel-de-Villede
Rouen,
5 août 1647, portentque
lareine régenteAnne
d'Autriche, vexée des dispositionspeu
enthousiasmesdela pro- vincenormande,
avait dit « qu'elle n'y venoit pointpour
gauler lespommes
deNormandie
».Pourtant, le Parlement et les échevins se ren- dirent à Dieppe, afin de saluerleroi et la régente et les engagerà venir à
Rouen.
Cette réception fut attristée par lamort
subitedu
premier président deFaucon
de Frainville.Mazarin
reçutégalementles
hommages
deséchevins rouennais.—
15—
Au
cours de la tenue de leurs semestres, les an- cienscontinuèrent à prolester contre le rétablisse-ment
de cettemesure
et leduc
de Longueville qui avait tentéde reconquérir les magistrats précé-demment abandonnés
par lui, faillit se les alié-ner toutàtait,en essayant de leurfaire
donner
des avantages insignifiants, qui soulevèrent de nou- velles récriminations.A
la fin del'année 1647, LouisXIV
étanttombé dangereusement
malade, la régentes'étaitquelque peu
retournéedu
côtédu Parlement
de Paris, qui pouvaitau
besoinappuyer
son autorité ; mais, lorsquele roi setrouva hors de danger,on
tintau
palaisun
lit de justiceoù
furent enregistrés denouveaux
éditsfiscaux destinés àcombler
lesvidesdu
trésor.Le Parlement
protesta trèshaut et parla de la misèredu
peuple et de ses souffrances ; il fit tant de bruit,remua
si bien l'opinion populaire que, d'après les Mémoires de la duchesse deNemours
« le peuple en venant jusqu'àl'adoration
pour
lui,« se
montra
prêt à tout fairepour
soutenir ses« magistrats,
devenus pour
lui des défenseurs et« des pères ».
Le
peuple prit fait et causepour
le Parlement ;la capitale et plusieurs provinces se révoltèrent contre l'autorité de la
Cour
; laFronde
allaitcommencer.
CHAPITRE
IICommencement de
laFronde parlementaire —
Le Parlement de Normandie demande des réformes — Troubles dans
Paris.— La Cour
quitte la Capitale.
Le
13Mai
1643, leParlement
deParis renditun
arrêt appelé «arrêt d'union » parlequel il se liait
avec le
Grand
Conseil, laChambre
des Comptes et laCour
des aides et contractait avec cesCours
sou- verainesune
alliance contre laCour
; les députés envoyés par cesdiverses assemblées à laChambre
de Saint-Louis, voulant
donner
des loisau
pays et gouvernerleroyaume,
avaient élaboréun
projet de Constitution.La
reine cassad'abordcet«acted'union»,mais
les magistrats, n'ayant pas tenucompte
de cet acte d'autorité de lapart dela régente, celle-ci céda.Les Parlements
du royaume
s'émurent à la voixdu Parlement
dePariset celuideNormandie
délé-gua
plusieurs de sesmembres,
qui s'efforcèrent d'intéresser leurs collègues à la révocationdu
semestre ; les
membres du Parlement
de Paris, députésaux
réunions de laChambre
de Saint-—
17—
Louis, délibérèrent sur cette brûlante question et déclarèrent
que
« l'establissementanciendesCom-
« pagnies souveraines ne pourroitêtre changé,
ny
« altéré, soit par
augmentation
d'officiers et des« chambres, establissement de semestre,
ou
par«
démembrement du
ressort des ditescompagnies
«
pour
en créeret establirde nouvelles. »A Rouen,
lesanciens qui siégeaient précisément à lamême
date, s'associèrentaux
plaintesdu Parlement
de Paris, et ne parlèrent plusque
d'abus à combattre et de loisnouvelles.Le duc
de Longueville,gouverneur
de Nor- mandie, qui étaitau début
de cette lutte,du
parti de la Cour, fit tous ses effortspour modérer
les ardeurs desconseillers, leur promit toutes sortes d'améliorations etpour
le peuple, mille soulage-ments
àsesmaux
:« Croyez » disait-il «
que
sa Majestévous
accor-« deratoutes les grâces qui sont en sa puissance.
« Je feray sçavoir
au
roycombien
laCompagnie
«a souffert,et
employeroy
toutmon
pouvoirpour
« la faire remettre à son ancien lustre.
Que
la«
Compagnie
fasseau
roylesremonstrancesqu'ellece croira nécessoires, jeles appuyeroy.
Y
allant par« cesvoyes de respects, c'est osierà ceulx qui en
« vouldraient
empescher
l'effect, toutmoyen
de« pouvoir nuire ! ! »
En un
mot, le roy voulait bienque
les parle-ments
formulassentdes prières,fissent desremon-
trances,
mais
nerendissent pas d'édits; les allures—
18—
frondeuses
du Parlement
de Paris tournèrent la têteaux membres du Parlement
deNormandie,
qui firent des enquêtessur tous lesabus
suscep- tibles d'être réformés ; les anciens, s'apercevant qu'on essayaitde lesjouer encore et de gagnerdu
temps, sefâchèrent tout àfait; pourtant les décla- rations royales, qui donnaientune
satisfaction relativeaux
réclamationsdu
peuple, en dimi-nuant
les impôts, avaient été accueilliesenNor- mandie
avec des transports dejoie.A Alençon
« plusieursparticuliers et habitantz« aprèsavoir tesmoigné leur joyedes diminutions
« des impôts, portées parles déclarations royales
« et arrestde vérifications
du
Parlement,au
lieu« de retourner chez
eux
continuer l'exercice de« leurs professions,etprier
Dieu pour
laprospérité«
du
roy, estoientvenus
à tel excedz, qu'ilz s'as-« sembloient journellement
au
sondu tambour
(( et des cloches, portant des
marmousetz dans
« lesrues,et
nuitamment
avecscandalleetrumeur,
« cassant les vitresetfaisant désordre ». ^Registre secret
du
parlement, 8 août 1648.)On
connaît lestroublesdont Parisfut le théâtre les 25et26août1648; le présidentde Blancmesnil,les conseillers Broussel et
Charton
avaient été arrêtés à l'issue d'un TeDeam
1 chanté à Notre-Dame,
à l'occasion de la victoire de Lens,rem-
portéeparle prince deCondé
; l'émotionpopu-
laire était à son
comble
et les bourgeois récla-maient
lamise
en liberté des prisonniers ; les-
19-
journées des barricades sont
une
des phases lesplus fameuses de cette partie de l'histoire de la
Fronde.
Mathieu
Mole, présidentdu
Parlement, traversa Paris suivi de ses conseillers,au
milieu desme-
naces, des quolibets et des injures
du
peuplepour
aller exposer à la reine mère, lasituation grave dans laquelle setrouvait la
Cour
et lui faire con- naître la fureur populaire qui accusait Mazarin de tous lesmaux
dont souffrait le pays.La
reine refusa d'abord d'écouler les avisdu
Parlement, puiselleconsentit,après bien des hési- tations, àdonner
la libertéaux
prisonniers.Dans
lanuitdu
5au
6Janvier 1649, lejeune roi, la reinerégente et toutelaCour
sortirent de Paris, à quatre heuresdu
matin,pour
se rendreau
château de Saint-Germain.Parisétait
au
pouvoir des mécontents etdans
toutes les rueson
chantait ce refrain :Un
vent de fronde S'estlevé cematin Je croisqu'ilgronde Contre leMazarinLe
8 Janvier, leParlement
de Paris rendaitun
arrêt par lequel le cardinal
Mazarin
était déclaréennemi du
roi et de l'Etat, perturbateurdu
repos public et il étaitenjoint à tous lessujetsdu
roi delui courir sus !
La
guerre était déclarée entre leParlement
et la Cour.CHAPITRE
IIIAvis de quelques auteurs sur
laFronde Origine de
cemot
Curieux
portraitde
laReine
Dans
YHistoire de France d'Ozanneaux,on
peutlire cettephrase :
« Il faut
avouer
qu'uneprincesse espagnole àla« tête des affaires, avec
un
italienpour
premier« ministre, était
peu
faitpour
développer ence
France
le sentiment de la nationalité, et qu'ily
« avait
une
apparence de patriotismedans
la lutte«
que
leParlement
de Paris venait d'entrepren-« dre. »
Par
contredans
VHistoire de France pendant la minorité de LouisXIV,
de Chéruel, livre 111,on
lit:
«
La Fronde
a,pendant
cinq ans, troublé la« France,
allumé
des guerres civiles, couvert le« pays de ruines et de misères, et
compromis
« toutes les conquêtes et la gloire des cinq pre-
« mières années de laminorité de Louis
XIV.Tour
«à toursoutenue parle
Parlement
etparlesprinces,« elle a toujours été
une
coalition d'intérêts et—
21—
« d'intrigues, qui se couvraient
du
prétextedu
« bien public. »
Dans
son Histoire de la Fronde, lemarquis
de Saint-Aulaire estfavorable à la fronde parlemen- tairedans
laquelle il croit trouver «un
premier essai degouvernement
constitutionnel»M.
Feuillet,dans un
ouvrage : Misère au temps de la Fronde, dépeint la déplorable situation dela
France
àcette époque.Comme on
levoit, tous les auteurs ne sont pas d'accordau
sujet de la Fronde.Ce
futBachaumont,
écrivain satirique, né à Paris en 1624, qui inventa, dit-on, cenom
de Fronde, et baptisa de la sorte cette guerre civile.Cet écrivain,
du
reste,participa par ses satires et seschansons, àla luttecontrelecardinal Mazarin.Bachaumont
ayantremarqué que
leParlement
qui se laissacalmer
parleduc
d'Orléans, recom- mençait sesattaques en l'absence de ce prince, lecompara aux
enfants qui se battaientdans
les fossés des fortifications et fuyaient à l'approchedu
lieutenant civil, puis reprenaient leurs jeuxquand
il avait le dostourné.Le
cardinal de Retz,Paul de Gondi,donne dans
ses Mémoires
un
curieux portrait de la reine ré- gente,Anne
d'Autriche, dont la personnalité—
22—
domine
toutecette histoiredelaFronde
jusqu'à la majoritédu
roi :«
La
reine », écrivait-il « avoit plusque
per-«
sonne que
j'aiejamais vu, de cettesorte d'esprit« qui luiétoit nécessaire
pour
ne pas paroitre sotte« à
ceux
quine
la connaissoient pas. Elle avoit« plus d'aigreur
que
de hauteur, plus dehauteur
«
que
de grandeur, plus demanière que
defond,« plusd'inapplication à l'argent
que
de libéralité,« plus de libéralité
que
d'intérêt, plus d'intérêts«
que
de désintéressement, plus d'attachement«
que
de passion, plus de duretéque
de fierté,« plus de
mémoire
des injuresque
des bienfaits,« plus d'intention
que
de piété, plusd'opiniâtreté«
que
de fermeté etplus d'incapacitéque
de toutcece
que
dessus. »Le
portrait n'est pas flatteur,mais
ilnous
asemblé
qu'il étaitintéressant à reproduire, car ilémane
d'uncontemporain
de laFronde
et tout ensupposant
qu'il futun peu
forcé, il restecomme
le refletde l'état des esprits lors de cette
époque
troublée.CHAPITRE IV
Les grandes
figuresde
laFronde
: Portraitsdu duc
etde
laduchesse de
Longueville,du prince de Condé
etdu prince de
Conti,extraits desmémoires du
cardinalde Retz —
L'alliance desprinces
etdu Parlement — Départ du duc de Longueville pour
laNormandie —
Craintesde Mazarin.
On
trouve également,dans
lesMémoiresdu
cardi- nal deRetz, les portraits deshéros principaux delaFronde normande
; ils ont leur placemarquée dans
cette histoire etyajoutentune
note piquante;les voici
dans
toute leursaveur :Portrait de la
duchesse de Longueville
«
Madame
de Longueville a naturellement bien«
du
fond d'esprit,mais
elle a encore plusle fin etI le tour. Sa capacité, qui n'a pas été aidée par sa
(( paresse, n'est pas allée jusqu'aux affaires dans
« lesquelles la haine contre M. le Prince l'a portée
« et
dans
lesquelles la galanterie l'a maintenue.« Elle avait
une
langueur dans les manières qui<( touchait plus
que
lebrillant decellesmêmes
qui« étaientplus belles. Elle en avoit
une même
dans—
24—
« l'esprit, qui avoit sescharmes,parcequ'elle avoit
« desréveils
lumineux
etsurprenants. Elle eût eu«
peu
de défautssilagalanteriene luieneûtdonné
«
beaucoup. Comme
sa passionl'obligea a ne met-« tre la politique qu'ensecond
dans
sa conduite,« d'héroïne d'un
grand
parti, elleen devintl'aven-« turière.
La
grâce arétabli ceque
lemonde
nece lui pouvoit rendre ».
Portrait
du duc de Longueville
«
M.
de Longueville avoit, avec lebeau nom
« d'Orléans, de la vivacité, de l'agrément, de la
« dépense, de lalibéralité, de lajustice, de lava-
« leur, de lagrandeur, et il ne fut jamais
qu'un
a
homme
médiocre, parcequ'il eut toujours des« idées qui furentinfiniment au-dessus de sa ca-
« pacité.
Avec
la grande qualité et les grands des-« seins, l'on n'estjamais
compté pour
rien;quand
«
on
ne les soutient pas, l'on n'est pascompté
«
pour beaucoup
; et c'estcequifaitlemédiocre
».Portrait
du prince de
Conti« J'oubliois presque
M.
le prince de Conti, ce« qui est
un bon
signepour un
chefde parti. Je« necrois pas
vous
le pouvoirmieux
dépeindre,« qu'en
vous
disantque
ce chef de parti étoitun
«zéro, qui ne multiplioit
que
parcequ'il étoit« prince desang. Voilà
pour
le public.Pour
ce« qui étoit
du
particulier, laméchanceté
faisoit en« lui ce
que
lafaiblesse faisoit enM.
leduc
d'Or--
25-
« léans.Elle inondoit toutes les autres qualités,
« qui n'étoient d'ailleurs
que
médiocres et toutes« semées de faiblesse. »
Portrait
du prince de Condé
« M. le prince est né capitaine, ce qui n'est ja-
«
mais
arrivé qu'à lui, à César et à Spinola. Il a« égalé le premier ; il a passé le second. L'intrépi-
« dite est l'un des
moindres
traits de soncaractère.«
La
nature lui avoitfait l'esprit aussigrand que
« le cœur.
La
fortune, en ledonnant
àun
siècle« de guerre, a laissé
au
second toute son étendue.«
La
naissance,,ou
plutôt l'éducation,dans une
«
maison
attachée etsoumise au
Cabinet, adonné
« desbornestrop étroites
au
premier.L'un
ne lui« a pasinspiré d'assez
bonne
heure les grandes et« généreuses
maximes,
qui sontcelles qui font et« qui formentce
que
l'on appelle l'esprit de suite.« Il n'apas eu le
temps
de les prendrepour
lui-«
même,
parcequ'il aété prévenu, dès sa jeunesse,« parla chute
imprévue
des grandes affaires, et« par l'habitude
au
bonheur.Ce
défaut a fait« qu'avec l'âme
du monde
lamoins
méchante, il« a foit des injustices ; qu'avec le
cœur
d'Alexan-« dre, il n'a pas été exempt,
non
plusque
lui, de< foiblesse ; qu'avec
un
esprit merveilleux, il est«
tombé dans
desimprudences
; qu'ayant toutes« les qualités de François de Guise,il n'a passervi
« l'Etat, de certaines occasions, aussi bien qu'il le
« devoit ; et qu'ayant toutes celles de Henri
du
—
26—
«
même nom,
il n'a paspoussé la factionou
il le« pouvoit ; il n'a
pu
remplir son mérite, c'estun
«défaut ;
mais
il est rare,mais
il est beau. »Lorsque
laCour
alla s'installeràSaint-Germain
la duchesse de Longueville (Anne-Geneviève de
Bourdon
Condé) qui était lasœur
ainéedu grand Condé
etdu
prince de Conti, restaà Paris,ou
son mari, leduc
de Longueville,gouverneur
deNor- mandie
et son jeune frère Conti, vinrent le re- joindre.Lesparisiens pleins d'espéranceset...d'illusions organisèrent leur
armée
; le 11 janvier 1649, le prince de Conti étaitproclamé
généralissime desarmées
parisiennes, lesducs
d'Elbeufet deBouil- lon, lemaréchal
de laMotte étaientnommés
gé- néraux.Le duc
de Longueville qui devaitse rendrebien- tôt enNormandie,
ne pritaucun commandement;
d'autres nobles, le
duc
de Luynes, lemarquis
de Vitry et leduc
de Beaufortsurnommé
" leroi deshalles", le
marquis
de Noirmoutiers, le prince de Marcillac, plustard,duc
de la Rochefoucauld, se joignirentau
Parlement.«
Le Parlement
étaittout,faisaittoutdans
Paris, ordonnait la fortification des faubourgs, défendait sous peine dela viede se déguiserpour
quitter la capitale», dit Henri Martin,dans
son Histoire de France,tome XV,
pages316 et 317.—
27-
«
Le gouvernement
de l'aristocratiede robe était constitué defait, leprince généralissime (de Conti) se déclaranthautement soumis aux
ordresdu
Parlement.» (Journaldu
Parlement).L'armée
parlementaire prit possession de l'arse- nalet le 12Janvier 1649,du Tremblay, gouverneur
de la Bastille, capitulait devantles injonctionsdu duc
d'Elbeuf qui avait fait braquer sur la forte- resse plusieurs pièces decanon
; legouverneur
de la Bastilleétait alors remplacé par leconseiller Broussel, trèspopulaire, qui prenaitcomme
lieu- tenantun
de sesfils,La
Louvière.La
joiedesfrondeurs était à soncomble
et leduc
de Longuevillequipartaitpour
laNormandie,
faisait
annoncer
qu'il en reviendrait bientôt à la tête denombreuses
troupespour
délivrer Paris ; lesParisiens comptaient aussi sur l'armée deTu-
renne, qui faisait causecommune
avec les fron- deurs et dontla défection servaità entretenir leurs illusions.Le
18Janvier leParlement
de Paris invita les autresParlements et les villes, à faire causecom- mune
avec lui ;leParlement
deRouen donna
son adhésion et bientôt les nouvelles deNormandie
turent aussi satisfaisantes
pour
les frondeurs.Dès
le 15 Janvier, leduc
de Longueville avait écritau Parlement
deNormandie pour
l'engager àsejoindre à celui de Paris ; Màzarin qui savait—
28—
que
leduc
faisait tout'pour
soulever laNorman-
die, ordonnaitce
même mois
:«
Envoyer
les capitaines desvieux corps et au-« très régiments qui sont ici, faire des recrues
en
«
Normandie
et autres lieux,où
l'on peutfairedes«levées dela part
du Parlement
».Le
cardinal craignaitqu'un soulèvement
enNormandie
ne mit la Cour, à Saint-Germain,dans une
situation critique, entre Paris etRouen
ré- voltés.Pour
éviter descomplications et contrebalancer l'influencedu
duc,Mazarin envoya
àRouen
lemarquis
de Saint-Luc,maréchal
decamp,
etoncle de François d'Harcourt-Beuvron,marquis
d'Ectot, quicommandait
le vieux Palais, en l'absencedu marquis
de Beuvron, son père.Le
vieuxPalais, qui n'existe plus de nos jours, étaitune
forteresse, bâtieau XV
e siècle par lesAnglais et située
au bord
de la Seine : laCour
avaitdonc un grand
intérêt à s'assurer de celte forteresse,quidominaitlacapitaledelaNormandie.
D'après les carnets de Mazarin, le
marquis
de Saint-Lucsembla au
début réussirdans
sa déli- cate mission ;en effet, le20 Janvier,le cardinal lui écrivait :« Sa Majestéa été bien aise devoir le
peu
d'effetqu'onteu les sollicitationsde
M.
deLongueville. »Mazarin
cherchaitparl'entremise deson envoyé, à gagnerlemarquis
d'Ectot, en lui promettant la-
29-
survivance des charges de son père ; il tentait ausside s'attacher lesnobles de la
Haute
et BasseNormandie,
tels lecomte
de Clères, lemarquis
de Roncherolles,M.
de Menneville, etc., car le 22 Janvier, il écrivait à Pierre de Roncherolles,ma.
réchal de
camp,
qui devint le 10juillet 1652, lieu- tenant général : «La
reine est fort satisfaite de la« conduite de
M.
le Président et elle espèreque
« tous les autres
membres
de laCompagnie
sui-« vront à la fin ses exemples. Je sais
que vous
« n'oublierezrien de ce qui
dépendra
de vos soins«
pour
contribuerau
service de sa Majesté.Le
«
comte
de Clèresy
pourra aussi être fort utile et« agirconjointement avec vous. »
Mazarin
attachaitdonc une
importanceconsidé- rable à l'étatdes esprits enNormandie,
d'autant plusque
leduc
de Longueville qui allaity
entrerincessamment,
pouvaity
exercerune
grande in- fluence.La
reineenvoya
àRouen, au nom du
roi, lemaréchal
decamp, du
Plessis-Besançon, conseil- ler d'Etat, qui venait faire défenseau Parlement
et
aux Echevins
d'obéiraux
ordresdu duc
« crai-« gnant, si ces magistrats n'estoient advertis de la
« conduite
du duc
de Longueville, quils ne re-« çeussent,
comme
parle passé, les advis et les« ordresde ce prince,d'où il pourroit arriver de
«grands inconvénients, encas (disait la lettre de
« Louis XIV)
que vous
reçeussiez de luvquelque
« advis
ou
ordre,nous vous ordonnons que
vous—
30—
« n'ayeza
y
déféreraucunement
;remettantàvous
« faire sçavoir plus particulièrement nos inten-
« tions à son esgard, au
temps ou nous
serons« pleinement esclairez des siennes. »
Les anciens
du Parlement
se réunirent chez le président Bretel de Gremonville et résolurentque
les
deux
semestres seraientconvoqués
dès le soirmême pour
délibérer sur ce qu'il convenait defaire;quarante-neuf anciensettrente-six
nouveaux
se trouvèrent en présence et l'avis des premiers l'emporta, la majorité étantde leurcôté.
Le marquis
de Beuvron,commandant du
vieux Palaisétaitune
créaturedu duc
de Longuevilleet le
Parlement
fitsemblant
de mettre la ville en étatde défense ; lesCompagnies
bourgeoises re-çurent l'ordre de prendre les armes, des senti- nellesfurentplacées
aux
portesetsurlesmurailles.Des
ordressemblablesfurent envoyésaux
éche- vins des diverses villes deNormandie
; à Andely,lesmagistratsde la Citéreçurent celui de «mettre
« en gardedesbourgeois
dans
lechasteauGaillard,«
pour
le servicedu
roy, etéviter la surprisede la« dicte place, à ce
que
la navigation de la Seine« ne fust troublée. »
A Rouen,
il futdéfendu
de lever et loger, sous peine de lavie,aucunes
troupes, de percevoirau- cuns deniers, sansun
ordre exprèsdu
roi, apportéau Parlement
et sansl'attachedu
premier Prési-dent,commandantprésentement
lesarmes
àRouen,
sousl'autoritédu monarque.
—
31—
Un
corps de gardeétabli en grand appareil de- vantl'hôteldu
premier Président, annonçait à tous qu'à ce magistrat appartenait lecommande- ment
desarmes dans
la cité et tant d'autresme-
sures de cette sorte turent prises, qu'on aurait jamais fini de le dire. (Registre secret
du
Parle-ment.)
Maisces précautionsétaient inutiles, car le pre-
mier
président ne pouvaitrien sans le contrôledu
Parlement
et les anciens, qui étaient en majorité, préparaient le retourdu duc
de Longueville.CHAPITR); V
Le duc de Longueville
est déclaré rebelle etremplacé par
lecomte d'Harcourt - Voyage
projeté
du
roien Normandie -
Lettreen
faisant foi
- Le Parlement refuse de recevoir
le
comte d'Harcourt - Réponse du comte -
Invitation
de
laCour - Le Parlement
tente d'expliquer sa conduite.La Cour
ayantappris l'accorddu duc
deLon-
gueville avec leParlement
de Pariset son départpour
laNormandie,
le roi le déclara rebelle etcomme
tel,déchu
de sonGouvernement
;lecomte
d'Harcourtfutnommé pour commander au nom du
roi enNormandie.
Henri deLorraine,
comte
d'Harcourt, dit Cadetla Perle, parce qu'ilétait le cadet
de sa
maison
et portaitune
perle à l'oreille, s'était distinguédans
lesguerres précédentes, enItalie, en Espagne, en Flandre; il reçutl'ordre de se rendre
immédiate-
ment
enNormandie
et d'établir des garnisonsdans
la province ; les émissairesdu duc
deLon-
gueville répandirentpartout le bruitque
lecomte
d'Harcourt était chargéd'éditsfiscaux etque
l'ef- fort de la guerre seraitbientôt portéenNormandie
parle roi,qui devaits'y rendre en personne.—
33-
Il fut pourtant question à la
Cour
de conduire LouisXIV
enNormandie,
car dansune
lettre adressée par le secrétaire d'Etat la Vrillièreau comte
d'Harcourt, le22Janvier 1619,on
lit :«
On
attend avec impatience le retour de M. de«
Launay pour
savoirs'il sera nécessaireque
le« roi aille à
Rouen
et si vousjugez qu'on ne fasse« point de difficultés àsa réception ; car s'ils re-
« fusaientl'entréeà saMajesté, ce seroit
un mal
« pire
que
le premieret qui les engagaroitdans
«
une
désobéissance ouverte,dans
laquelle il ne« sontpas encore à présent. Je vous avois
mandé
«
que
l'on partirait aujourd'hui,mais
je ne doute« point
que nous
ne recevions de vos nouvelles« cette nuit.
On
ajugé qu'il seroitmieux
dediffé-« rerjusque àce
que nous
vissions ceque vous
« manderez.
Cependant
si vous jugez qu'il n'y ait« point d'inconvénient
au voyage du
roi et qu'il« doive être bien reçu,vous enverriez toujours par
« avance
une
personne capable,comme
si c'étoit«
un maréchal
des logis de sa Majestéenvoyé
d'ici«
pour
faire des logements dansRouen pour
toute« la Cour, et il sera
bon que
vous fassiez savoir«
que
LeursMajestés n'ymèneront
autres troupes«
que
sescompagnies
et sd garde ordinaire de ca-« valerie. »
Chéruel
dans
l'Histoire de France sous la mina»ritede Louis XIV, ouvrage auquel nous
emprun-
tons ce
document,
faitremarquer que
le texte de34
—
la lettre porte ses
compagnies
etsagarde,mais que
cest
un
lapsus évident puisqu'il estquestiondans
la phrase de la Vrillière de Leurs Majestés,
au
pluriel.
« J'auraisbiensouhaité, continuaitle Secrétaire
« d Etat,qu'étant obligé d'aller
au Pont
del'Arche« vouseussiezlaissé
dans Rouen
lesieurdu
Plessis'«
Besançon pour y
entretenir toujours lanégocia-tion
et tenir les espritsdans
l'assietteque
l'on« peut désirer. C'estpourquoi, en recevantcelle-ci
« vous pourrezl'y envoyeret le taire
accompagner
« de celui
que
vouschoisirezpour
faire la charge« de
maréchal
des logis,si
vous
estimezque
le roi«y
doive aller;mais
en tout cas, il fautque
le« sieur
du
Plessis-Besançony
retourne. »«
Comme
le premierprésident abeaucoup
d'af-«fection
pour
leservicedu
roy, il serabon que
« vous lui fassiez
donner
part, etaux
autresservi-« leurs
que
le roy adans
laCompagnie,
de la« pensée
ou
sont leurs Majestésd'aller à
Rouen
«afin d'en avoir leurs avis et
que nous
puissions« prendre nos
mesures
avec plus de fondement. ,,«Pour
ce qui vousa été ditde la part de Mes-« sieurs
du
Parlement, deleurs affections et de
« leur obéissance, ilfaut
du moins
qu'ilvousserve«a empêcher
qu'ils nereçoivent pas
M.
de Lon-« gueville.
Vous
leur pourrez aussi faire dire par« le sieur
du
Plessis-Besançon etaux
autres corps« dela ville,
que
saMajesté sera bien marriequ'ils—
35—
« refusent derecevoir les grâces qu'elle est toute prête de leur départiretqu'eux, reconnaissant si
«
mal
les soins qu'elleprend pour
rétablir son« repos et celui de toute la province, elle fut obli-
« gée de leur faire ressentir les effets de sa juste
« indignation. »
« Il ne faut rien oublier
pour
mettreensemble
« quelques troupes, soitdes nouvelles levées, soit
« de celles
que commande M.
de la Ferté-Imbaulta
pour
courre susaux
premières levées qui se« feront contrele service
du
roi, afin détouffer le«
mal
en sa naissance, étant certainque
sion
peut« défaire vingt
ou
trente de ces gens là, cela fera«tenirles autres brides en mains. »
La
Vrillière, après diversesrecommandations pour
les levées de troupesajoutait :«
On
fera partirdans deux
heuresune Compa-
« gnie des gardesfrançaises
pour
allerau Pont
de« l'Arche, puisque
vous
le jugez nécessaire, eton
« en a
envoyé
encoreune
de suissespour
mettre«
dans
le vieuxPalais deRouen.
Jenevousmande
« rien davantage ;
mais comme
vous êtes sur les« lieux,
on
se remet à vous de prendre toutes les« résolutions
que vous
jugerez les plus propres«
pour
le servicedu
roi, après les avoir consultées«avec ceux de delà qui sont bien affectionnés et
« qui seront capables de vous
donner
leur avis. »Ces précautions ne purent