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La détermination des pensions et des indemnités après-divorce à Genève : une analyse exploratoire de sociologie judiciaire

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La détermination des pensions et des indemnités après-divorce à Genève : une analyse exploratoire de sociologie judiciaire

BASTARD, Benoit, CARDIA-VONÈCHE, Laura

BASTARD, Benoit, CARDIA-VONÈCHE, Laura. La détermination des pensions et des indemnités après-divorce à Genève : une analyse exploratoire de sociologie judiciaire. Genève : CETEL, 1983

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4984

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CETEL, Faculté de droit Université de Genève

5, rue Saint-Ours 1211 GENEVE 4

La détermination des pensions et des indemnités après-divorce à Genève

Une analyse exploratoire de sociologie judiciaire

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Benoit BASTARD , ..

Laura CARDIA-VONECHE

Ce texte a fait l'objet d'une communication au colloque

"Familles en rupture, pensions alimentaires et politique sociale", Lausanne, 28 et 29 avril 1983.

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(3)

Réfléchir sur l'application et la modification éventuelle des disposi- tions qui réeissent les effets du divorce nécessite plus particulière- ment d'approfondir l'étude de l'interaction concrète, dans le champ

judiciaire, des pratiques familiales et des normes juridiques *

Les pratiques familiales ont connu dans les vingt dernières années une mutation profonde dont l'accroissement sans précédent du nombre des séparations et la multiplication des familles mono-parentales ne consti- tuent que l'une des multiples manifestations (1). Quant aux dispositions juridiques, réformées dans de nombreux pays pour ouvrir ou faciliter l'accès au divorce, elles sont restées marquées en Suisse par une grande stabilité (2). En l'absence d'un dessein législatif d'ensemble, ce sont donc la pratique des juridictions ainsi que l'expérience des juges et des auxiliaires de la justice qui ont permis que se réalise une certaine adaptation des réponses institutionnelles à l'augmentation des demandes en divorce et à l'expression de nouvelles exigences sociales (3).

Rendre compte des modalités judiciaires du traitement des effets du divorce impose alors de prendre en considération non seulement le droit en vigueur et l'évolution de la jurisprudence, mais aussi, sur un plan plus particulier et local, la dynamique sociale qui s'instaure, dans chaque juridiction, entre les différentes personnes et les groupes pro- fessionnels concernés.

Cette analyse se situe dans la perspective de la sociologie judiciai- re (4). En effet, la pratique judiciaire, peu étudiée jusqu'à une époque récente par les sociologues, a fait l'objet, notamment ,dans ses aspects civils, d'un intérêt croissant et de nombreuses recherches ont été entre- prises au cours des dernières années. Il s'agit non seulement d'études générales qui soulignent, à la fa~eur des incertitudes et des remises en cause qui traversent l'institution judiciaire, tantôt le "retrait" du droit et la dépossession des juges (S) et tantôt l'accroissement du rôle des magistrats dans l'interprétation de la loi et dans la gestion des

• La présente contribution s'inscrit dans une recherche d'ensemble por- tant sur le processus de la décision en matière de divorce à Genève.

Cette recherche réalisée au CETEL sous la responsabilité du Prof.

J.F. PERRIN fait partie du PNR.6 du FNRS (Les processus de décision dans la démocratie suisse).

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conflits sociaux (6), mais aussi de recherches empiriques portant sur l'activité des tribunaux. Au-delà de l'application des règles du droit et de la procédure, la justice est alors envisagée dans sa globalité.

De nombreuses études, réalisées notamment Outre-Atlantique, ont en ef- fet mis en évidence l'importance des ajustements organisationnels dans le fonctionnement des tribunaux (7) ou l'intérêt d'aborder la justice sous l'angle de la sociologie des professions (8). Dans le domaine plus particulier de la justice de la famille, cette approche des institutions

judiciaires s'est développée à la faveur des transformations du droit et des fonctions des magistrats. Les expériences faites et les réformes en- treprises ont offert l'occasion de multiples observations. C'est ainsi qu'a pu être suggérée, dans différents contextes juridiques, la prise en charge par le juge d'un rôle nouveau de conciliation et de protection de la famille (9). D'autres travaux récents ont mis en évidence les stra- tégies professionnelles qui, lors de l'introduction du changement, orien- tent tant l'action du législateur (10) que celle des praticiens (11).

La recherche entreprise prend en considération ces différents aspects du phénomène judiciaire pour analyser le processus de la décision en ma- tière de divorce dans le cadre concret d'une juridiction, le Tribunal de première instance de Genève.

1. Une étude empirique des décisions de justice

L'étude engagée a pour objet les décisions judiciaires elles-mêmes telles qu'elles sont matérialisées dans les jugements de divorce. En effet, ces jugements - produits du travail des membres du tribunal et résultats de l'interaction judiciaire - constituent un révélateur des logiques institutionnelles en même temps qu'ils expriment l'état des relations existantes entre les époux (12). L'analyse repose principale- ment sur un examen de 490 décision~ de divorce rendues à Genève en 1980 par les 13 chambres du tribunal, composées chacune d'un magistrat sta- tuant à juge unique assisté d'un greffier. Ces décisions - un sur deux des jugements de divorce prononcés au cours de l'année concernée - ont fait l'objet d'un dépouillement approfondi portant sur les caractéris- tiques socio-démographiques des époux et celles du mariage, le déroule- ment des procès, les faits allégués, la motivation des décisions et les mesures prises. Cette analyse a été par ailleurs complétée par la réali-

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sation d'un ensemble d'entretiens auprès des magistrats du tribunal qui ont rendu les décisions étudiées. Ces entretiens ont permis de préciser les conceptions et les justifications qui guident l'action judiciaire.

Le présent travail porte principalement sur l'attribution des "pen- sions et indemnités" dans le cadre de la décision finale de divorce. Ces prestations, sous quelque forme juridique que ce soit - il peut s'agir suivant les jugements d'une pension alimentaire, d'une contribution à l'entretien de la femme, d'une rente, d'une indemnité, d'une réparation du préjudice moral, etc ... - sont présentes dans 157 jugements, soit dans un tiers des décisions rendues.

Quelle est la part du droit dans l'attribution et la fixation du mon- tant de ces prestations? Quel est le rôle du juge et quel est le poids des situations personnelles? Les dispositions existantes font largement dépendre l'obtention des "aliments" de l'appréciation de la culpabilité du débiteur de la pension et de l'innocence de l'autre conjoint (13);

les discussions en cours sur leur application portent encore sur l'éva- luation des fautes et de leur incidence sur la désunion (14). Cependant, plusieurs auteurs ont souligné les divergences existantes, en matière de divorce, entre l'esprit de la loi et son application (15). La pratique actuelle n'est-elle pas plus marquée par l'élaboration de mesures

acceptées par les divorçants et compatibles avec leurs situations per- sonnelles que par l'investigation des fautes et la détermination des responsabilités respectives des époux? Cette évolution, rendue possible par le développement du divorce d'accord dans les grandes juridictions des cantons urbains, s'inscrit dans la tendance générale, manifeste

dans le champ de la justice de la famille, au remplacement d'une "logique normative" par une "logique sociale": le droit renonce à prescrire des comportements conjugaux ou familiaux et prend en compte les conséquences de situations sociales jusqu'alor~ jugées marginales, voire déviantes

(16); le juge, et notamment celui du divorce, s'abstient de sanctionner certains actes considérés comme des manquements aux obligations conjuga- les et préfère favoriser 1" recherche de "olutions appropriée~ aux si- tuations concrètes (17).

Pour dév,ager les modalités concrètes dn la fixation des pensions ali- mentaires nous envisagerons successivement la motivation des décisions

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prises, telle qu'elle apparaît dans les jugements de divorce et telle qu'elle est évoquée par les magistrats, et le rôle des facteurs sociaux dans la détermination des mesures étudiées.

2. La justification des décisions relatives aux prestations alimentaires a) Les divergences entre l'esprit de la loi et son application

L'attribution d'une pension alimentaire ou d'une indemnité à l'épouse s'accompagne d'une grande diversité des justifications juridiques. L'e- xamen de la qualification des prestations alimentaires et de son rapport avec les faits invoqués au cours de la procédure fait apparaître certai- nes divergences entre les normes et les pratiques judiciaires.

Ces écarts revêtent différentes formes: des faits peuvent être invo- qués sans avoir les conséquences qu'on pourrait en attendre pour l'at- tribution d'une contribution alimentaire. Des mesures peuvent être pri- ses sans que les circonstances qu'elles supposent soient évoquées, voire sans que les conditions juridiques requises existent.

Il est remarquable, par exemple, que 10 % des décisions étudiées (51 jugements) mentionnent l'existence d'une liaison de l'homme (18); ce fait est en outre retenu comme la cause principale de la désunion dans 20 de ces jugements. Cependant la caractérisation de l'adultère comme cause de la rupture n'entraîne nécessairement ni le prononcé du divorce selon l'article 137 CCS (11 jugements), ni la fixation d'une indemnité

(dans 4 cas sur Il, le jugement ne prévoit aucune contribution alimen- taire). La femme peut bénéficier d'une pension alimentaire au sens de l'article 152 (et non d'une indemnité selon l'article 151) alors que l'adultère de l'homme a été évoqué (16 cas), voire même quand le divorce a été prononcé en raison de cet adultère (4 cas). Dans 2 décisions seu- lement le juge retient l'adultère-~omme la cause de la désunion, pronon- ce le divorce selon l'article 137 CCS et prévoit une indemnité selon l'article 151 CCS.

Dans d'autres jugements, une indemnité selon l'article 151 CCS est prévue sans que par ailleurs ni la motivation de la décision ni les faits

invoqués fassent apparaître la responsabilité du débiteur de cette indem- nité: le jugement est rendu d'accord entre les parties sans motivation

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détaillée quant aux causes de la rupture. Seuls sont évoqués l'échec de la vie commune ou des divergences de caractère et d'opinion. Pourtant, l, contribution alimentaire fixée dans le cadre de l'accord global sur les effets accessoires du divorce est due en vertu de l'article 151 CCS, ce qui suppose la reconnaissance d'une faute de l'époux et d'un dommage su- bi par la femme bénéficiaire de l'indemnité.

Enfin, alors que l'attribution d'une pension selon l'article 152

suppose le risque pour la femme de tomber dans le dénuement, il apparaît en fait que les parties, dans le cadre de leur pouvoir de disposition, considèrent souvent cette pension comme un complément au revenu de la femme, destiné à rapprocher les situations financières respectives des deux époux après le divorce, quel que soit le niveau de leurs revenus.

En conséquence, les pensions d'assistance allouées selon l'article 152 CCS ne sont pas, d'une façon générale, d'un montant inférieur aux indemnités prononcées selon l'article 151 CCS (26 % des pensions alimen- taires et 21 % des indemnités sont d'un montant mensuel supérieur à Fr. 1'000.--). En outre, les contributions alimentaires dont le montant est le plus élevé sont celles dont la qualification juridique n'est pas précisée dans le jugement (33 % des sommes allouées sans aucune spécifi- cation juridique dépassent Fr. 1'000.-- par mois).

Ces manifestations de l'écart entre les normes et les pratiques judi- ciaires constituent l'expression de différentes préoccupations des par- ticipants au procès. Le juge et les parties peuvent renoncer à considé- rer des faits dont la qualification pourrait ou devrait constituer le motif en droit du divorce et la base de l'attribution d'une indemnité afin de suivre la tendance générale à la relativisation de la notion de faute. Une autre préoccupation, celle de la dédranatisation de la procé- dure, peut conduire le magistrat à observer une grande discrétion dans la rédaction du jugement tout en préservant la possibilité d'indiquer, ne serait-ce que d'une façon sibylline par la mention d'un article du code civil, la reconnaissance, par le débiteur de la pension, de sa res- ponsabilité dans la désunion. Enfin la préférence pour un règlement pro- venant des divorçants eux-mêmes se marque par le retrait du juge face à

un accord des époux, que cet accord soit ou non conforme aux prescrip- tions légales.

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Ces remarques suffisent à montrer que la fixation des pensions et des indemnités non seulement se fonde sur les critères tirés du droit et de la jurisprudence, mais aussi prend en compte des considérations ou des intentions plus particulières renvoyant aux conceptions que les magistrats se font de leur action dans les situations singulières qui

leur sont soumises.

b) La diversité des pratiques professionnelles

L'examen des conceptions qui guident l'intervention des juges peut alors confirmer la diversité des pratiques observées en précisant les modalités d'élaboration de la décision. En effet, l'analyse des entre-

tiens réalisés auprès des magistrats du tribunal permet de distinguer plusieurs tendances de l'action judiciaire en matière de divorce (19).

Ces orientations, caractérisées par des représentations différentes du droit, du rôle du juge et de l'évolution de la famille, ont des effets non seulement sur la conduite des procès, les rapports avec les plai- deurs ou la forme des jugements, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la décision elle-même. Il s'agit alors de préciser la définition que donnent les magistrats de ces prestations et les modes de décision qu'ils appliquent suivant les situations.

Pour certains magistrats, la loi permet l'appréciation des situations concrètes et son application suffit à la résolution des problèmes soule- vés par l'attribution des pensions. Le rôle que l'on attend du juge est bien d'examiner les circonstances de la rupture et la situation matériel- le des époux, de trancher le litige éventuel en déterminant les manque- ments aux obligations matrimoniales et d'en tirer les conséquences pour

les suites du divorce. En témoigne, par exemple, cette remarque d'un juge:

"Je regarde si la femme a droit<ou non à une pension, puis j'applique les normes du tribunal fédéral."

Dans cette perspective, la fixation du montant des prestations dues peut en outre faire l'objet d'un véritable calcul - d'une "équation", pour reprendre l'expression d'un magistrat - qui traduit le souci d'un approfondissement de l'examen juridique des affaires:

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"Il faut trouver un raisonnement assez complexe pour s'adapter au cas d'espèce, être analytique et logique, avec le risque que l'un des aspects de ce raisonnement soit critiqué" (un magistrat).

Dans une toute autre orientation, ce sont au contraire les incerti- tudes qui subsistent dans l'attribution et la fixation du montant des pensions qui sont soulignées par certains magistrats, ainsi que l'indi- que, par exemple, cet extrait d'entretien:

"La fixation des pensions dépend de beaucoup de facteurs.

On tient compte des capacités financières des parties . . . Mais i l n'y a aucune formule. Il y a bien le "1/3" du Tribunal Fédéral pour la femme, mais c'est une norme

jurisprudentielle très souple ..• Assez souvent les mini- ma et les maxima sont donnés par les conclusions des

parties. Nais tellel".ent d'éléments entrent en ligne de compte ... On navi<Jue dans des eaux assez troubles" (un magistrat).

Cette décision repose donc essentiellement sur une appréciation prag- matique des situations, autrement dit sur l'expérience du juge et les modalités du déroulement de l'interaction judiciaire. La pension n'est pas conçue comme une sanction, mais comme l'un des éléments de la répon- se globale adaptée à un cas particulier: face à un accord des conjoints sur le divorce et ses effets accessoires, le juge renonce à examiner les raisons de la rupture; face à un conflit, il exerce une action insis- tante en faveur d'une solution amiable, considérant que l'application effective des mesures prises dépend surtout de leur élaboration en com- mun par les divorçants. La relation qui s'instaure, notamment en compa- rution personnelle, avec les parties et leur conseil peut jouer un rôle important dans la décision finale, comme le montre la citation suivante:

"Il faut poser l'ensemble des circonstances pour arriver à la conclusion que l'on acceptera un montant de tant. Les plai- deurs ne sont jamais satisfaits: j'explique qu'il vaut mie~x

obtenir une pension d'un montant moins élevé que celui deman- dé mais qui sera payé que d'obtenir un jugement magnifique mais qui ne sera jamais exécuté" (un magistrat).

(10)

Bien que très schématiques, ces quelques notations indiquent que la variété des pratiques mise en évidence dans la motivation des jugements constitue un reflet de la diversité des habitudes des magistrats, habi- tudes qui résultent elles-mêmes de l'autonomie dont jouissent par défi- nition ces professionnels du droit.

Plus profondément, il est possible de se demander si la diversité des modalités de décision et l'inadéquation apparente des dispositions exis- tantes se traduit véritablement dans une disparité des jugements rendus.

La pratique genevoise en matière de pensions alimentaires n'est-elle pas plus marquée par son unité que par son hétérogénéité? C'est ce que sug- gèrent plusieurs magistrats, ainsi qu'en témoigne, par exemple, cette remarque:

"On constate que les pensions ne sont pas déraisonnables"

(un magistrat).

N'est-ce pas dire que la logique de la fixation des contributions alimentaires apparaît dès lors que ces décisions sont envisagées dans leur dimension sociale?

3. Les facteurs sociaux de l'attribution des pensions et des indemnités a) Une "logique sociale" des décisions judiciaires?

L'étude de la motivation des décisions montre que l'attribution d'une pension ne peut être réduite aux seules prescriptions légales, c'est-à- dire à la réparation d'un préjudice, à la compensation d'une faute ou encore à la prévention du risque pour la femme de se trouver dans le dénuement. C'est que la pension a d'autres significations ou d'autres fonctions: elle peut être comprise comme une rétribution du travail d'éducation des enfants ainsi que~du travail ménager déjà effectué par la femme, comme une compensation pour la perte qui résulte de l'exerci- ce de cette activité ménagère au détriment d'une activité professionnelle ou encore comme un "salaire" pour des prestations d'éducation encore à poursuivre.

Par conséquent, l'analyse de la détermination des prestations alimen- taires fait intervenir les facteurs sociaux que sont:

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- la durée du mariage et l'âge de la femme au moment du divorce, - le nombre d'enfants du couple,

- l'activité de la femme au moment du divorce,

- la profession et le revenu de l'époux (cette dernière variable jouant en outre un rôle important dans la fixation du montant des aliments).

Lorsque le mariage a duré plus de 20 ans, une pension est attribuée à l'épouse dans la moitié des cas, tandis que 18 % des femmes touchent une pension pour elles-mêmes lorsque la durée du mariage est inférieure à 10 ans. De la même façon, la présence d'enfants accroît sensiblement la probabilité d'attribution d'une pension (dans 15 % des divorces sans enfants une pension est attribuée à l'épouse alors que cette proportion dépasse 35 % lorsqu'il y a un ou plusieurs enfants). De même lorsque la femme travaille, elle reçoit dans 30 % des cas une pension alimentaire pour elle-même. Cette proportion est de 54 % lorsqu'elle est au foyer.

Enfin, l'attribution d'une pension à l'épouse augmente très sensiblement avec l'accroissement du revenu du mari (cf. tableau 1 en annexe).

La mise en évidence de ces relations entre la durée du mariage, le nombre d'enfants, l'activité de la femme et les pensions démontre assez que la détermination des prestations après-divorce repose principalement sur une "logique sociale" et amène à considérer les effets cUTIlUlatifs de ces variables. Le divorce d'époux mariés depuis peu d'années, sans enfants, bénéficiant tous les deux d'une position professionnelle compa- rable ne devrait généralement pas donner lieu au versement d'une pension alimentaire du mari à l'épouse. La probabilité de l'attribution d'une pension devrait être la plus grande dans le cas où le mariage a duré plus de 10 ans, où la femme ne travaille pas et où il y a encore des enfants à élever.

Cependant, les résultats obtenus montrent que le cumul de ces fac- teurs sociaux ne suffit pas à rendre compte de l'ensemble des décisions prises: des pensions sont attribuées après un mariage de courte durée et resté sans enfants; des femmes au foyer, mariées depuis plus de 10 ans, ayant encore des enfants à élever, ne se voient pas allouer de contri- bution à leur entretien. Quels éléments spécifiques peuvent expliquer les mesures prises dans chaque affaire singulière? La "logique sociale"

(12)

est en fait médiatisée par la représentation que se font les juges, les auxiliaires de la justice et les divorçants de l'histoire propre à cha- que mariage et de la situation concrète des époux au moment du divorce.

b) Une individualisation de l'appréciation des situations concrètes?

Il est donc nécessaire de reprendre la description de l'ensemble des situations de mariage et de divorce en indiquant dans chacune d'elles quel règlement apparaît le plus probable, puis de chercher à rendre

c~mpte des écarts par rapport à cette attente.

On sait que le divorce modifie les situations pécuniaires des époux dans le sens d'un appauvrissement des deux (20). Dans certaines affai- res, tout se passe comme s'il était normal que le divorce "annule" le mariage (21) en n'entraînant pas le paiement d'une pension par l'un des époux, tandis que dans d'autres une redistribution au plan pécunier paraît s'imposer.

Dans le premier cas, les conjoints sont considérés comme également capables de pourvoir à leur entretien et les inégalités éventuelles existant avant le mariage ne sont pas modifiées. Cette situation s'ob- serve principalement lorsque le mariage a duré moins de 10 ans et qu'il n'y a pas d'enfant, ceci indépendamment du fait que la femme exerce ou non une activité professionnelle au moment du divorce. Elle s'observe aussi, moins fréquemment, lorsque le mariage a duré moins de 10 ans et qu'il y a des enfants, à condition que la femme ait, lors du divorce, une activité salariée (cf. tableau 2 en annexe). Elle est alors suppo- sée indépendante au plan financier, les deux contribuant à l'entretien de l'enfant.

C'est une toute autre conception du règlement financier du divorce

~

qui prévaut de la femme

apparemment dès lors que le mariage a modifié la situation d'une façon durable. Après une certaine durée de

compte tenu de l'abandon d'une insertion professionnelle par

mariage, la femme, il apparaitrait "choquant", qu'il y ait ou non des enfants, de ne pas introduire une certaine redistribution des ressources. Cette dernière s'opère à l'aide tant des pensions ou indemnités pour l'épouse que des contributions à l'entretien des enfants. Elle consiste tantôt dans l'al- location d'un subside de durée limitée, pour permettre à la femme de re-

(13)

trouver une indépendance financière, et tantôt dans un véritable partagE des revenus du ménage au moment du divorce tendant à une "égalisation"

des ressources des conjoints, voire, beaucoup plus rarement, à une

"péréquation" qui tient compte véritablement du nombre de personnes à la ~harge de chacun des époux (22).

Qu'en est-il maintenant des affaires dans lesquelles ces tendances de l'attribution des pensions ne se trouvent pas confirmées?

15 % des femmes mariées depuis moins de 10 ans, qui n'ont pas d'en- fants ou qui, si elle en ont, exercent une activité professionnelle, se voient attribuer une pension alimentaire ou une indemnité. Le raison- nement qui s'applique dans la plupart des décisions laisse alors la pla- ce à la logique de l'égalisation. C'est qu'en fait le tribunal et les parties ont tenu compte, dans leur appréciation de la situation, d'un préjudice subi par la femme. Ce préjudice, lié à un adultère du mari le plus souvent ou à un comportement violent, est mentionné, soit explici- tement dans la relation des faits invoqués, soit à travers la dénomina- tion de la pension, dans 20 des 28 cas concernés. L'attribution d'une contribution alimentaire tend bien alors à "effacer" un dommage.

Inversement, alors que l'obtention d'une pension pourrait être atten- due du fait que le mariage a modifié sensiblement et durablement les po- sitions respectives des époux, il arrive que le divorce ne s'accompagne pas de l'allocation d'une contribution à l'entretien de l'épouse. Il en est ainsi dans un divorce sur deux lorsque le mariage a duré plus de 10 ans - que la femme ait ou non une profession et des enfants - et

lorsque le mariage a duré moins de 10 ans, la femme ayant des enfants et pas d'activité professionnelle. Différentes circonstances expliquent que la tendance à l'égalisation ne se concrétise pas alors par l'attribution d'une pension: soit les époux ont. des revenus après-divorce comparables résultant de la seule attribution d'une pension pour les enfants; soit

i l serait "choquant" pour les différents participants au procès que la

femme puisse bénéficier d'une certaine continuation du mariage alors qu'elle se trouve déjà et parfois depuis longtemps engagée dans une autre relation.

(14)

o

En définitive, l'attribution d'une pension ne s'effectue pas selon une logique unique - qu'elle soit "normative" ou "sociale". Elle repose sur une appréciation de chaque situation particuliêre tenant compte des évènements passés, des alternatives présentes, notamment pour la femme

(23), et des capacités de gain de l'époux débiteur de la pension.

4. CONCLUS ION

Sans qu'il y ait là aucune incohérence du traitement judiciaire, des situations identiques peuvent donc aboutir à des mesures différentes et un même fait peut recevoir, suivant les décisions, différentes interpré- tations. A situation égale (même durée de mariage, même fécondité du couple, mêmes situations professionnelles), on observe tantôt une ten- dance à l'égalisation des revenus aprês-divorce par l'attribution d'une pension et tantôt le maintien du statu quo. Cette décision est fonction des représentations que se font les participants au procès de la posi- tion respective des époux. De mêrre, un fait tel qu'une liaison du mari est invoqué ou non et reçoit ou non la qualification d'adultère suivant l'interprétation de l'ensemble des circonstances du divorce et notamment des alternatives pour l'épouse.

N'est-ce pas dire que la dimension "morale" de la fixation des pen- sions est en pratique intégrée par les divorçants eux-mêmes, sans doute avec l'aide de leur conseil, dans la négociation portant sur les suites du divorce? Et le rôle du juge, s'il est parfois de dire le droit et de

"trancher" entre des positions inconciliables, n'est-il pas le plus souvent de vérifier la conformité des mesures proposées, d'un point de vue tant "normatif" que "social" ? (24)

Compte tenu de leur orientatioE professionnelle, les magistrats peu- vent alors faire porter l'accent sur la stigmatisation des responsabi- lités dans la désunion et préciser la formulation de la justification en droit de l'attribution des pensions ou préférer ne pas donner une

"étiquette" juridique précise à la décision prise par les époux.

L'appréciation des responsabilités et les considérations sociales sont donc intrinsêquement liées, que ce soit dans les demandes et les

\propositions des parties ou dans les réponses des juges. Cette caracté-

(15)

ristique du processus concret de la décision relative aux pensions doit être prise en considération dans toute réflexion relative à la modifica- tion des dispositions en vigueur. Peut-on envisager, dans la perspective d'une réforme, de substituer à des modalités qui portent encore la mar- que d'une "logique normative" un système uniquement fondé sur l'évalua- tion des capacités et des besoins des époux?

S'il existe aujourd'hui une certaine inadéquation des normes exis- tantes du fait que la "logique sociale", bien que déterminante, ne se trouve pas entièrement explicitée dans les dispositions légales, n'y aurait-il pas, dans le cas où un tel système trouverait sa concrétisa- tion juridique, le risque de voir une tension d'une autre nature se manifester du fait que les parties n'auraient plus le moyen de faire reconnaître certaines responsabilités et les professionnels du droit de faire valoir la spécificité de leurs orientations professionnelles?

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(16)

, ,

1. J. KELLERHALS, J.F. PERRIN, G. STEINAUER-CRESSON, L. VONECHE, G. WIRTH - ~'ariages au quotidien, Lausanne, Ed. P.H. FAVRE, 1982, p. 11-12.

2. Le divorce en Europe occidentale, données statistique~ et juri- diques. GIRD, Paris, La documentation française, 1975.

3. B. BASTARD - Censeurs ou nochers? Une analyse des attitudes pro- fessionnelles des jup,es du divorce à Genève. CETEL, 1982, 32 p. dact.

4. J. CARBONN:ER - Flexible droit, 3ème éd., Paris, LGDJ, 1976 et, pour un état des recherches récentes: "Sociologie et justice", Sociologie du travail, no spécial, l, 1981.

5. Par exemple, P. ~IEYER, H. LAFONT - Justice en miettes et fin du droit, Paris, Puf, 1979.

6. Par exemple, P. CAM - "Juges rouges et droit du travail", Actes de la recherche en sciences sociales, no 19, 1978, pp. 2-27.

7. D. EMSELLEH - "Eléments de réflexion sur la pratique judiciaire, les apports de l'approche organisationnelle", L'Année sociologi- que, 1978, 29, pp. 451-481.

8. Par exemple, A. BOIGEOL - Les avocats et les justiciables démunis:

de la déontologie au marché professionnel, Thèse de 3ème cycle, Université René Descartes, PARIS, 1980.

9. M. ANCEL - Le juge du divorce, Paris, La documentation française, 1877, p. 54.

10. J. COI1l>1AILLE - Familles sans justice?, Paris, Le Centurion, 1982.

Il. A. MAZEL et S. BORIES - Observation du changement social et cultu- rel sur le thème de la réforme du divorce, Université de Montpel- lier I, 1980, 66 p.

12. A.J. ARNAUD - "Autopsie d'un juge, étude sémiologique de la juris- prudence aixoise en matière de divorce", Archives de philosophie

~l droit, Torne XIX, Syrey, Paris, 1974, pp. 197-228.

13. Rap~elons les principales dispositions qui constituent la base de l'attribution des prestations après-divorce: "L'époux innocent dont les intérêts pécuniaires, même éventuels, sont compromis par le divorce a droit à une équitable indemnité de la part du conjoint coupabl e.

Si les faits qui ont déterminé le divorce ont porté une grave at- teinte aux intérêts personnels de l'époux innocent, le juge peut en outre lui allouer une somme d'argent à titre de réparation mora- le." (Art. 151 CCS)

"Le juge peut accorder à l'époux innocent qui tomberait dans le dénuement par suite de la dissolution du mariage une pension ali-

(17)

<.'

"

,

mentaire proportionnée aux facultés de l'autre conjoint, même si ce dernier n'a pas donné lieu au divorce." (Art. 152 CCS).

14. J.M. GROSSEN - "L'évolution du regl.me juridique des pensions et des indemnités consécut.i ves au divorce", VIIème Journée juridique, Genève, 1967; P. TERCIER "L'indemnité due à l'épouse divorcée pour la perte du droit à l'entretien", in ~tabilité et dynamisme du

droit dans la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse, Bâle, 1975, pp. 297 et ss.

15. Par exemple, M. DESCHENAUX et P. TERCIER - Le mariage et le divorce, la formation et la dissolution du lien conjugal, 2ème édition,

Staempfli, Berne, 1980, p. 88.

16. J. COMMAILLE - Familles sans justice?, op. cit., p. 209 et ss.

17. M. ANCEL - ~uge du divorce, op. cit.

18. Il s'agit des décisions dans lesquelles un seul adultère, celui de l'homme, ou une "liaison" sont évoqués comme la cause de la désunion ou comme la preuve du caractère irrémédiable de la rupture.

19. Cf. B. BASTARD - "Censeurs ou nocher,,? Une analyse des attitudes professionnelles des juges du divorce à Genève", op. cit.

20. Cf. A. BOIGEOL, J. COHlfAILLE, B. MUNOZ-PEREZ - Travaux en cours à paraître in DONNEES SOCIALES, INSEE, Paris.

21.

22.

23.

Cette proposition n'infirme nullement la thèse de Christine DELPHY selon laquelle le divorce est une continuation du mariage. Il s'a- git ici du point de vue de la justice sur le règlement de la situa- tion pécuniaire des époux lorsque le mariage a été de courte durée (cf. Ch. DELPHY - "~[ariage et divorce, l'impasse à double face", Les temps modernes, 1974, nos. 333-334, pp. 1815-1829).

Donnons un exemple d"'égalisation": Le salaire du mari est de Fr. 3'230.--, celui de la femme de Fr. 450.--; les pensions pour chacun des deux enfants ont été fixées à Fr. 500.-- et celle de la femme à Fr. 600.--, en sorte que le mari consacre 45 % de son reve- nu aux pensions alimentaires et que chacun des deux époux, le mari d'un côté, la femme et les deux enfants de l'autre, disposent chacun de Fr. 1'850.-- environ.

Un exenple de "péréquation": le salaire du mari est de Fr. 3'300.--, celui de l'épouse de Fr. 1'500.--, la pension pour chacun des deux enfants est de Fr. 600.--, celle de l'épouse de Fr. 800.--: le

"coût" du divorce pour l ' homme s'élève à 60 % de son revenu et

chacun des membres de la far.lille se voit allouer environ Fr. l' 200.- (soit Fr. 3'500.-- pour la femme et les deux enfants et Fr. 1'200.- pour l'homme).

Parmi les "alternatives", on peut comprendre non seulement la men- tion d'une liaison de l'épouse ou la perspective d'une nouvelle union, parfois suggérée dans les jugements. mais aussi l'évocation de la possibilité d'un retour dans la famille, voire dans le pays d'origine pour une étrangère, ainsi que celle de la reprise d'une activité salariée pour une femme sans emploi. Remarquons que la

"faute" reprochée à la femme peut aussi bien revêtir, dans l'évalua- tion de sa situation après le divorce, la signification d'une alter-

(18)

c

native. Aucune pension alimentaire pour l'épouse n'est attribuée lorsque le tribunal retient la liaison de l'épouse - et elle seule - comme cause du divorce ou comme la preuve du caractère irrénédiable de la rupture.

24. Dans 80 % des affaires concernées, les pensions et indemnités men- sualisées (N ; 149) sont fixées par un accord des divorçants. La conformité aux normes en vigueur au plan local repose alors beau- coup sur les anticipations faites par les auxiliaires de la justice, comme le souligne cette remarque d'un magistrat:

"Les avocats font eux-mêmes une appréciation assez juste. Souvent ils se sont mis d'accord après une négociation. Et les pensions

qui ne sont pas négociées sont le résultat de toutes les négociation antérieures".

-~

(19)

i.

"

Tableau l : Attribution d'une pension ou d'une indemnité après- divorce, en pourcentage, en fonction de la durée du mariage, du nombre d'enfants du couple, de l'activité de l'épouse et du revenu du mari (Tribunal de première instance de Genève, 1980)

Attribution Pas d'attri- d'une pension but ion d'une

N

=

ou d'une in- pension ou

demnité d'une indemnité Durée du maria~e :

jusqu'à 10 ans 18 82 270

Il à 20 ans 42 58 153

21 ans et plus 51 49 67

Nombre d'enfants du couple :

Aucun 15 85 175

Un 35 65 158

Deux et plus 42 58 157

Activité de la femme :

Activité profes-

sionnelle 30 70 275

Pas d'activité

professionnelle 54 46 80

Activité non

connue 16 84 235

Revenu du mari : '~

moins de 2000 fr. 12 88 25

2001 - 4000 fr. 47 53 87

plus de 4000 fr. 65 35 34

revenu non connu 24 76 344

Ensemble des

ju~ements 30 70 490

1

1

,

1

,

1 ,

1

1

(20)

r:

-,

[

Tableau 2 Effet de la durée du mariage, du nombre d'enfants du cou- ole et de l'activité professionnelle de l'épouse sur l'at- tribution d'une pension ou d'une indemnité

1) Couples sans enfants

Décision relative Durée du mariage

aux pensions 10 ans et plus de

moins 10 ans Attribution d'une pension 16 45 pas d'attribution d'une

pension 84 55

N

=

91 20

2) Couples avec enfant(s)

a) la fe~"e exerce une activité professionnelle au moment du divorce

Décision relative Durée du mariage

aux pensions

10 ans et 11 à 20 plus de

moins ans 20 ans

Attribution d'une pension 22 44 50

pas d'attribution d'une

pension 78 56 50

N = 68 82 30

- - - - - - - . - - -

b) la femme n'a pas d'activité professionnelle au moment du divorce Décision relative aux Durée du mariage

-~

pensions

10 ans et 11 à 20 plus de

moins ans 20 ans

Attribution d'une pension 56 56 60

pas d'attribution d'une

pension 44 44 40

N = 23 25 15

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