14 Forces centrales
14.1 Avant-propos
On pourrait commencer ce chapitre avec la vidéo ci-dessous : https://www.youtube.com/embed/tmNXKqeUtJM
Mais ce serait un peu trop ambitieux. Par contre, rien ne nous empêche de discuter des trajectoires individuelles de chacune des planètes. Voire même de généraliser un peu plus et de parler de forces centrales...
14.2 Champ de force centrale conservatif
14.2.1 Définition
Commençons par une définition : Force centrale
On appelleforce centrale toute force dont la loi de force s’écrit : F#”=F(r, θ, φ)#”er
où (r, θ, φ) sont les coordonnées du pointM dans une base de projection sphérique (O,#”er,#”eθ,#”eφ).
Un schéma permet de mettre en évidence le caractère purement radial des forces centrales : z
θ r M•
F#”
#”eθ
#”er
#”eϕ
Fig. 14.1 – Base de projection sphérique et force centrale
On réduira notre domaine d’étude en nous préoccupant uniquement des forces centrales conservatives : Force centrale conservative
On appelleforce centrale conservative toute force dont la loi de force s’écrit : F#”=F(r)#”er
où r est la distance OM, et #”er est un vecteur unitaire de la base de projection sphérique (O,#”er,#”eθ,#”eφ).
Cette définition peut paraître restrictive, mais elle permet de traiter avec succès des problèmes tels que l’orbite d’un satellite autour d’une planète ou la trajectoire d’une balle de jokari tant que l’élastique est tendu, sans compter les approches « historiques » de la trajectoire d’un électron autour d’un noyau.
14.2.2 Conséquences
Les conséquences sont nombreuses. La plus triviale étant que si la force centrale considérée est conser- vative, alors il existe une fonction énergie potentielle Ep(r) qui lui est associée. L’énergie mécanique du point matériel est donc conservée.
Conservation de l’énergie mécanique
La trajectoire d’un point matériel, soumis à une force centrale conservative, se fait à énergie mécanique constante.
Em = cste
La seconde conséquence est la planéité du mouvement car le moment d’une force centrale est nul :
−→
MO=−−→
OM ∧F(r)#”er =rF(r)#”er∧ #”er = #”0
Le moment cinétique se conserve donc, et on a montré, lors du chapitre sur le moment cinétique que cette propriété est synonyme de trajectoire plane.
Trajectoire d’un corps soumis à une force centrale
Tout point matériel, soumis à une force centrale, a un mouvement plan. Ce mouvement se situe dans le plan passant par le centre d’action O, et perpendiculaire au vecteur−→
LO.
L’utilisation des coordonnées sphériques n’est donc pas nécessaire. On pourra se placer en coordon- nées polaires, en choisissant #”ez colinéaire à−→
LO.
La dernière propriété est géométrique. En remarquant que la surface dS balayée par le vecteur −−→
OM pendant l’intervalle de temps dt, en bleu sur le schéma, est égale à la moitié de dA=−−→
OM∧ #”vdt, on déduit de la conservation du moment cinétique que :
dS dt = LO
2m = cste
14. Forces centrales 14.3. Trajectoires
O•
•M(t)
# ” OM
M(t•+ dt)
#”vdt L#”O
Fig. 14.2 – Aire balayée par le vecteur position
Loi des aires
Lorsqu’un point matériel M, de massem est soumis à une force centrale conservative, la surface dS balayée par le vecteur−−→
OM pendant l’intervalle de temps dtest proportionnelle à dtet vérifie : dS = LO
2mdt où LO est la norme du moment cinétique de M.
14.3 Trajectoires
Dans les paragraphes et chapitres suivant, nous limiterons notre propos aux forces centrales conser- vatives ditesNewtoniennes, c’est-à-dire telles que :
F#”=F(r)#”er= K r2
#”er
On trouve parmi les forces centrales newtoniennes, la force d’attraction gravitationnelle où F(r) =
−Gm1rm2 2, et la force d’attraction électrostatique :F(r) = 4πεq1q2
0r2. 14.3.1 Énergie potentielle effective
Les forces centrales newtoniennes étant conservatives, elles dérivent d’un potentiel : Énergie potentielle d’une force centrale newtonienne
On appelleénergie potentielle d’une force centrale newtonienne #”
F = Kr2#”er la grandeur scalaireEp, exprimée en joule (J), qui vérifie :
Ep = K
r + cste
La trajectoire d’un point matériel M, de masse m, soumis à cette unique force est donc plane, et s’exprime facilement dans une base de projection polaire où #”v = ˙r#”er+rθ˙#”eθ. L’énergie mécanique de ce point matériel est conservée et s’écrit :
Em = 1
2mr˙2+1
2mr2θ˙2+K
r + cste
Le moment cinétique de ce point M est lui-même conservé et LO = mr2θ˙ = cste. On peut alors
Énergie potentielle effective
On appelle énergie potentielle effective d’un point matériel M de masse m, soumis à la force centrale newtonienne #”
F = rK2#”er, la grandeur notéeEp,eff, exprimée en joule (J), qui vérifie : Ep,eff = L20
2mr2 +K r + cste
Les extremums de Ep,eff, et la comparaison de sa valeur à celle de Em, permettront de discuter des trajectoires stables et instables du point matériel comme nous l’avons fait dans le chapitre sur les approches énergétiques.
14.3.2 Force centrale répulsive
Il ne nous reste qu’à tracer la fonction énergie potentielle effective en fonction de r et placer une valeur d’énergie mécanique initiale pour discuter des trajectoires.
Le cas K >0, soit une force centrale newtonienne répulsive est le plus simple. Le terme 12mr˙2 ≥0 impose à l’énergie potentielle effective d’être de valeur inférieure à l’énergie mécanique. Ainsi toute la zone oùr < rmin est inaccessible au point matériel étudié.
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0 200 400 600
Zone autorisée
•rmin
r en m Ep,effenJ
Ep Em
Fig. 14.3– Énergie potentielle effective, force centrale répulsive
La valeur particulière r = rmin est la plus petite distance qui sépare le point matériel du centre attracteur O tout au long de sa trajectoire. En ce point, la composante radiale de l’énergie cinétique est nulle (Em = Ep,eff), mais sa composante tangentielle ne l’est pas. Le point matériel va s’éloigner de O indéfiniment.
État de diffusion
On appelle état de diffusion, un état dans lequel un point matériel peut accéder à un ensemble de valeurs der=OM comprises entrermin et +∞.
État de diffusion⇔r∈[rmin,+∞[
14. Forces centrales 14.3. Trajectoires
x y
O•
M•(t) r(t)
θ(t) rmin
Fig. 14.4 – Trajectoire hyperbolique d’une force centrale répulsive
14.3.3 Force centrale attractive
Le cas K < 0, soit une force centrale newtonienne attractive, présente une plus grande richesse de trajectoires possibles. On traitera d’abord le cas oùEm>0.
Pour les mêmes raisons que précédemment, l’énergie mécanique doit être supérieure à l’énergie potentielle effective, et, dans le cas où l’énergie mécanique est positive, on retrouve un état de diffusion, caractérisé par une distance minimalermin d’approche en dessous de laquelle le point matériel ne peut aller.
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0 100 200
Zone autorisée
•rmin
r en m Ep,effenJ
Ep Em
Fig. 14.5 – Énergie potentielle effective, force centrale attractive, et trajectoire hyperbolique
Pour autant la force n’est pas devenue répulsive, mais la partieénergie cinétique orthoradialede l’énergie potentielle effective prend une valeur de plus en plus élevée au fur et à mesure de l’approche et cette inertie renvoie alors le point matériel vers l’infini.
C’est l’un des ressorts de l’exploration spatiale lointaine, appelée l’assistance gravitationnelle.
– https://www.youtube.com/watch?v=_nLvlRyq4L0 – https://www.youtube.com/watch?v=YdFkLPCATIo
x y
O•
M(t)•
r(t) θ(t) rmin
Fig. 14.6 – Trajectoire hyperbolique d’une force centrale attractive Le cas oùEm <0 présente une allure de trajectoire totalement différente.
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
−50 0 50
Zone autorisée
•rmin
rmax•
r•0
r en m Ep,effenJ
Ep Em
Fig. 14.7 – Énergie potentielle effective, force centrale attractive et trajectoire elliptique
La contrainte Em <Ep,eff se traduit cette fois par l’apparition de deux valeurs limites du rayonr de la trajectoire. Le point matériel est contraint de rester dans une zone de l’espace telle que r∈[rmin, rmax].
On dit que ce point est dans unétat lié.
État lié
On appelleétat lié, un état dans lequel un point matériel ne peut accéder qu’à un intervalle borné de valeurs de r=OM comprises entrermin etrmax.
État lié⇔r ∈[rmin, rmax]
Tant quermin6=rmax, la trajectoire est une ellipse de demi-grand axe rmax+r2 min dont l’un des foyer est le centre attracteurO. Dans le cas particulier oùr=r0, la trajectoire est un cercle dont O est le centre.
x y
O•
M•(t) r(t)
θ(t) rmin rmax
14. Forces centrales 14.4. Attraction gravitationnelle
Fig. 14.8– Trajectoire elliptique d’une force centrale attractive
14.4 Attraction gravitationnelle
Le système solaire comporte 8 planètes qui sont Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Ces planètes ont toutes des orbites quasi-circulaires (l’excentricité moyenne est de 0,055), dans le plan dit de l’écliptique qui passe par le centre du Soleil.
Les paragraphes qui suivent s’intéressent à la loi de force centrale et conservative qu’est la force d’attrac- tion gravitationnelle #”
F =−Gm1rm2 2#”er, sous l’hypothèse de trajectoires circulaires oùr=R= cste.
14.4.1 Lois de Kepler
Les lois de Kepler sont issues de diverses observations expérimentales. Elles se déduisent néanmoins très facilement des propriétés des forces centrales.
Loi des orbites
Les orbites des planètes du système solaire sont elliptiques, et le Soleil est l’un des foyers.
Cette loi est la traduction de la résolution du principe fondamental de la dynamique, appliqué à une planète, sous l’effet de l’attraction gravitationnelle du Soleil, dans le référentiel héliocentrique.
Loi des aires
Les aires balayées par le segment Soleil-planète, pendant des durées, égales sont égales. Elles ne dépendent pas de la planète considérée.
Cette loi est une conséquence de la conservation du moment cinétique que nous avons établie dans un chapitre précédent.
Loi des périodes
La périodeT de révolution d’une planète et le demi-grand axeade sa trajectoire sont reliées par la relation
T2
a3 = cste
où cste est une constante, indépendante de la planète considérée.
Cette loi se démontre simplement à l’aide du principe fondamental de la dynamiqueen coordonnées cylindriques, sous l’hypothèse de trajectoire circulaire, et se généralise aux trajectoires elliptiques.
Exemple
On étudie la trajectoire d’une planète de masse m, assimilée à un point matériel M, placée dans le champ de force d’attraction gravitationnelle de son Étoile de masse MS. On considère que la base de projection d’origine le centre de l’ÉtoileO et de vecteurs unitaires pointés vers des étoiles lointaines est liée à un référentiel galiléen.
La force de gravitation est centrale et le mouvement de cette planète est plan. On utilise une base de projection polaire où #”ez est colinéaire à−→
LO et où−−→
OM =R#”er. Dans cette base de projection,
On en déduit que ˙θ = cste et le mouvement circulaire est également uniforme. La norme de la vitesse de la planète est donc une constante, et la période orbitale est donc T = 2πω. Ainsi, θ˙2 =ω2 = 4πT2 et on en déduit la 3e relation de Kepler :
T2
R3 = 4π2 MSG
108 109
102 103 104 105
R en km
Tenjour
Mercure à Neptune
Fig. 14.9 – Période orbitale et demi-grand axe orbital pour les planètes du système solaire Ce tracé en échelle logarithmique fait apparaître une droite de pente positive égale à 32, conforme à la loi de Kepler.
14.4.2 Vitesses cosmiques
L’exploration spatiale, et le maintien d’une atmosphère pour une planète, met en évidence deux vitesse limites appelées vitesses cosmiques.
Première vitesse cosmique
On appelle première vitesse cosmique la vitesse permettant de mettre un satellite en orbite basse autour d’une planète, de rayonRP et de masseMP, donnée. Cette vitesse est :
v1 =
sGMP RP
Exemple
On considère un satellite, de masse m, en orbite circulaire autour d’une planète, de rayon RP et de masse MP. L’étude de l’orbite « la plus basse » consiste à négliger l’altitude h à laquelle se trouve le satellite et écrirer=RP +h'RP.
L’application du principe fondamental de la dynamique, dans le référentiel de la planète supposé galiléen, et associé à une base de projection polaire du fait de la planéité du mouvement, s’écrit, comme pour la 3eloi de Kepler :
−mRPθ˙2 =−GmMP R2P
14. Forces centrales 14.4. Attraction gravitationnelle
En introduisant la vitesse, qui s’écritv=RPθ˙dans cette base, il vient : v1 =
sGMP RP
Vitesse de libération
On appelle vitesse de libération, ou seconde vitesse cosmique, la vitesse minimale qu’il faut com- muniquer à un satellite, depuis une planète donnée de rayonRP et de masseMP, pour qu’il puisse quitter son attraction gravitationnelle. Cette vitesse est :
v2= s
2GMP
RP =v1√ 2
Exemple
On considère un satellite, de masse m placé à l’état initial sur une planète, de rayon RP et de masse MP. On imagine que l’on donne à ce satellite une vitesse v suffisante pour s’extraire de l’attraction de la planète.
En dehors de la phase d’accélération, le satellite n’est soumis qu’à l’attraction gravitationnelle de sa planète d’origine (on néglige la présence d’autres planètes), qui est une force conservative. On peut donc lui appliquer le théorème de l’énergie mécanique et écrire :
Em(F) =Em(I)
L’attraction gravitationnelle de la planète sera nulle lorsquer= +∞, et il vient : 12mv2I = 12mvF2 + GmMR P
P . La vitesse de libération est la valeur de vI pour laquellevF = 0, et donc : v2 =
s 2GMP
RP
L’application du principe fondamental de la dynamique, dans le référentiel de la planète supposé galiléen, et associé à une base de projection polaire du fait de la planéité du mouvement, s’écrit :
−mRPθ˙2 =−GmMP
R2P . En introduisant la vitesse, qui s’écritv=RPθ˙dans cette base, il vient : v1 =
sGMP RP
Cette vitesse est donc relativement proche dev1, et sa valeur pour la Terre est de : v2,Terre'11 km.s−1
La valeur élevée de cette vitesse pour la Terre est une des raisons de la présence d’une atmosphère autour de nous. Les particules de gaz qui nous entoure ont une vitesse bien inférieure à la vitesse de libération de la Terre, ce qui lui permet de conserver son atmosphère. Ce n’est pas le cas de la