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Childhood & Philosophy E-ISSN: Universidade do Estado do Rio de Janeiro. Brasil

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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wokohan@gmail.com

Universidade do Estado do Rio de Janeiro

Brasil

Go, Nicolas

LE BERGER PHILOSOPHE UNE "LECTURE PHILOSOPHIQUE" DE L’ALBUM YAKOUBA

Childhood & Philosophy, vol. 6, núm. 11, enero-junio, 2010, pp. 113-126 Universidade do Estado do Rio de Janeiro

Maracanã, Brasil

Disponible en: http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=512051599008

Comment citer Numéro complet

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Nicolas Go Université de Rennes 2, France

Résumé

Ce texte rend compte d’une expérience de discussion philosophique conduite à partir de l’album Yakouba (Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994). Je ne traite que de l'approche réflexive du texte, qui, dans les expérimentations que nous conduisons, vise un effort proprement philosophique, dont nous jugeons les enfants capables. Les entretiens qui suivent la lecture sont ainsi orientés par la maîtresse, au moyen de questions et d'exigences spécifiques. Laissant quelque peu vacante la question du souhaitable, je m'intéresse ici à celle du possible : à quelles conditions des enfants d'âges divers peuvent-ils entrer en philosophie? Ceci implique deux nouvelles questions : une nouvelle compréhension de la pratique philosophique est-elle possible, hors le cadre académique qui la définit comme discipline universitaire ? Et si l'on admet le postulat d'éducabilité philosophique des enfants, comment définir le caractère philosophique d'une discussion ?

Mots clefs: Enfance ; discussion philosophique ; courage

1 Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994.

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El guardián filósofo. Una lectura filosófica del album Yakouba2

Resumen

Este texto muestra una experiencia de discusión filosófica conducida a partir del album Yakouba (Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994). En él, sólo trato de una aproximación reflexiva al texto que, en las experimentaciones que conducimos, busca un esfuerzo propiamente filosófico, del que, juzgamos, son también capaces los niños. Los intercambios que siguen a la lectura son por eso orientados por el profesor, en medio a cuestiones y exigencias específicas. Dejando a un lado la cuestión de lo deseable, me intereso aquí por lo posible : ¿bajo qué condiciones niños de diversas edades pueden acceder a la filosofía ? Esto implica dos nuevas cuestiones : ¿es posible una nueva comprensión de la práctica filosófica, fuera del cuadro académico que la define como disciplina universitaria ? Y si se admite el postulado de la educabilidad de los niños, ¿cómo definir el carácter filosófico de una discusión?

Palabras clave: infancia; discusión filosófica; coraje

2 Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994.

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The philosopher shepherd. A « philosophical reading » of the Album Yakouba3

Abstract:

In teaching philosophy to children, I am concerned, first, with promoting a reflective approach to the text—one which, in the experimentations that we conduct, is capable of launching a properly philosophical effort, of which we judge children to be capable. The conversations that follow the reading are thus guided by the teacher through questions and according to specific needs. Leaving aside the question of the « desirable » (my work, grounded as it is in the pedagogy of Freinet, seeks a « natural method » in teaching philosophy), I am more interested here in the possible: what conditions make it possible for children of diverse ages to enter the realm of philosophizing? This implies two further questions: is a new way of understanding philosophizing possible outside the framework of the academy, which defines it as a university discipline? And if one grants the philosophical educability of children, how is one to define the philosophical character per se of a discussion among them?

Keyowrds: Childhood; philosophical discussion; courage

3 Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994.

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O guardião filosófico. Uma "leitura filosófica" do álbum Yakouba (Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994)

Resumo:

Este texto mostra uma experiência de discussão filosófica conduzida a partir do álbum Yokouba (Thierry Dideu, Seuil jeunesse, 1994). Neste, trato somente de uma aproximação reflexiva ao texto que, nas experimentações que conduzimos, visa um esforço propriamente filosófico, o qual jugamos que as crianças também são capazes. Os intercâmbios que ocorrem após a leitura são orientados pelo professor, através de questões e exigências específicas.

Deixando de lado a questão do desejável, eu me interesso aqui pelo possível: em quais condições as crianças de diferentes idades podem ter acesso à filosofia ? Esta questão implica em duas novas: é possível uma nova compreensão da prática filosófica fora da academia que a define como uma disciplina universitária? E se é admitido o postulado da educabilidade filosófica das crianças, como definir o caráter filosófico de uma discussão?

Palavras-chave : infância; educação filosófica; coragem

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LE BERGER PHILOSOPHE.

UNE "LECTURE PHILOSOPHIQUE" DE LALBUM YAKOUBA (THIERRY DEDIEU,SEUIL JEUNESSE,1994)

Nicolas Go

Je ne traite que de l'approche réflexive du texte, qui, dans les expérimentations que nous conduisons, vise un effort proprement philosophique, dont nous jugeons les enfants capables. Les entretiens qui suivent la lecture sont ainsi orientés par le maître, au moyen de questions et d'exigences spécifiques. Laissant quelque peu vacante la question du souhaitable (je travaille par ailleurs, au sein de l'ICEM- pédagogie Freinet, à l'idée d'une " méthode naturelle de philosophie ", qui interroge ce problème), je m'intéresse ici à celle du possible : à quelles conditions des enfants d'âges divers peuvent-ils entrer en philosophie ? Ceci implique deux nouvelles questions : une nouvelle compréhension du philosopher est-elle possible, hors le cadre académique qui la définit comme discipline universitaire ? Et si l'on admet le postulat d'éducabilité philosophique des enfants, comment définir le caractère philosophique d'une discussion ?

Les collègues qui souhaitent s'engager dans cette direction se trouvent confrontés à une exigence inédite : celle de leur propre apprentissage de la philosophie ; un apprentissage sur le tas, en chemin, dans la modestie des commencements, à la fois déterminés et incertains ; il leur faut commencer à cheminer dans l'incertitude, et c'est tant mieux : celle-ci les garantit contre le dogmatisme. S'étonner et reconnaître sa propre ignorance, voilà comment entrer en philosophie. Disons alors qu'on peut y entrer en même temps que les enfants, et avec eux. Car les questions qu'ils se posent, pour peu qu'on leur en laisse le loisir, ce sont aussi bien nos questions ; et devant elles, nous nous trouvons tout aussi démunis qu'eux : qu'est-ce que la justice ? Qu'est-ce que la mort, l'amitié, l'amour ? Comment être heureux ? Peut-on savoir ce qui est vrai ? Les questions surgissent, si les enfants se sentent accueillis, et l'épreuve du caractère insatisfaisant des réponses disponibles ne manque pas de se faire, pour peu que l'on apprenne à douter. Il faut alors

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construire des problèmes, qui demandent du travail, c'est-à-dire un effort argumentatif, contradictoire, critique, un effort de définition et de distinction, un effort pour rapporter le discours au réel qui résiste à nos désirs, nos prétentions et nos espérances. Cet effort sera celui des enfants, qui interrogent avec leurs moyens, à leur manière, leur expérience, leur connaissance, leurs croyances ; ce sera aussi le nôtre, tant nous ressentons la nécessité de les devancer un peu pour mieux les aider à concevoir leur propre cheminement, tant nous ressentons l'urgence de ces questions pour nous-mêmes. La classe se transforme ainsi en une communauté qui pense, et qui coopère pour comprendre.

L'album, dès lors, s'inscrira avantageusement dans ce vécu philosophique : la philosophie ne saurait devenir une discipline à l'école primaire, plutôt " un art de vivre ". Il peut même servir de déclencheur, au tout début : les enfants, je vais vous lire une histoire, et puis alors, qu'est-ce que vous en pensez ? Après quoi et toi, tu es d'accord ? Tu crois aussi que… mais alors comment expliquer que… L'album, en philosophie, donne lieu à des discussions plutôt qu'à des écrits, et le modèle de la discussion à visée philosophique s'impose comme l'activité la plus féconde et la mieux praticable. De la sorte, une nouvelle exigence s'impose à qui envisage de s'engager dans un tel exercice : celle de l'évolution des pratiques pédagogiques vers un modèle coopératif, instituant éventuellement un nouveau rapport au pouvoir et au savoir. La pratique de la philosophie à l'école ne vise aucun savoir défini, celle-ci étant une discipline non pas instituée mais instituante ; il convient donc d'organiser les conditions d'une discussion où le maître, n'ayant aucun savoir à transmettre, sollicite l'élaboration d'une pensée qui se dégage progressivement de tout ce qui l'assujettit, tant de l'intérieur (les déterminismes de l'opinion et du préjugé) que de l'extérieur (les arguments d'autorité). Et quel bénéfice d'un tel travail, qui ne trouverait pas à s'inscrire dans le quotidien qu'il vise à transformer?

Les collègues avec qui je travaille, en France et en Belgique, se trouvent d'emblée confrontés à deux sortes de difficultés :

1- comment comprendre le texte de manière philosophique ? 2- quelles questions poser ?

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La deuxième difficulté découlant logiquement et chronologiquement de la première, je propose une interprétation philosophique du texte Yakouba, à partir de quoi, je l'espère, chacun pourra tâtonner dans sa classe, et se mettre à l'épreuve. Sans doute alors les écueils rencontrés et la joie éprouvée provoqueront-ils le désir d'aller plus avant…

Une interprétation philosophique

Ce texte me paraît impliquer un problème de philosophie morale. Le contexte africain renforce le caractère onirique du récit et neutralise les évidences culturelles qui pourraient déterminer le jugement : il semble nous inviter à sortir du cadre habituel de nos références personnelles, hors la portée de nos préjugés (nos éventuels préjugés sur l'Afrique ne sont pas efficients) ; le sacré, par opposition logique au profane, induit le caractère exceptionnel de l'événement : le passage (la conversion) de l'enfance à l'état de guerrier . C'est apparemment un thème social, celui de l'initiation par l'épreuve et de l'intégration légitimée au sein d'une communauté, la reconnaissance d'appartenance.

Néanmoins, le véritable enjeu est d'ordre moral, et le thème philosophique est explicite : il s'agit du courage (Yakouba doit " apporter la preuve de son courage ", "

s'armer de courage ") ; le courage est une condition de l'accession au statut de guerrier, les enfants doivent en faire la preuve, ils sont pour cela confrontés à l'épreuve du lion. Le texte comprend un postulat implicite : devenir un guerrier, c'est devenir un homme à part entière, par une démonstration de vertu ; car ce qu'impose l'épreuve, ce n'est pas la simple force de tuer (la force est une puissance, non une vertu), mais plus encore le courage de risquer de mourir. L'épreuve engage donc une alternative entre le courage (de tuer le lion ou de mourir) et la lâcheté (de ne pas risquer de mourir) ; on sait que la peur (que tous les enfants du récit ont en partage, les courageux comme les lâches) n'est pas le contraire du courage mais ce que le courage permet de surmonter (et à quoi la lâcheté cède). Le bénéfice de l'épreuve consiste pour le courageux en l'honneur de devenir un guerrier reconnu, et pour le lâche, en le déshonneur de ne devenir qu'un simple berger mis à l'écart du village. Le récit aurait pu s'en tenir à une mise en scène moralisatrice, celle d'un précepte

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adressé à autrui : " ne soyez pas lâches (vous serez exclus et méprisés), soyez courageux (vous serez reconnus et respectés) " ; mais un renversement s'opère soudain.

Le lion est blessé et vulnérable, il n'y a donc plus aucun mérite à le tuer. C'est alors la nature même de l'épreuve qui change : les dés sont pipés, pourrait-on dire, les règles du jeu sont altérées ; il ne suffit plus de tuer le lion pour faire preuve de courage, il faut, pour cela, précisément ne pas le tuer. L'enjeu prend tout à coup un tour plus dramatique et plus essentiel à la fois. L'alternative ne se situe plus entre le courage de tuer (accompagné d'honneur) et la lâcheté de ne pas le faire (accompagnée de honte), mais entre le courage de ne pas tuer (accompagné de mépris) et la lâcheté de le faire (accompagnée d'admiration). Les termes de l'épreuve sont inversés : alors qu'il suffisait d'être soit un guerrier courageux, soit un berger lâche, il faut désormais être un courageux berger ou un lâche guerrier ; l'inversion impose une dissociation : l'épreuve initiale liait la vertu (le courage) à l'intérêt (être respecté par tous), et le vice (la lâcheté) à la défaveur (être tenu à l'écart du village) ; ils sont maintenant séparés : faire acte de courage condamne à la défaveur alors que faire acte de lâcheté élève à la reconnaissance ; la nature même de l'acte de courage est ainsi modifiée : il consiste précisément dans le fait de choisir, par vertu, ce qui provoque le mépris de tous plutôt que leur respect ; il consiste, lorsque la vertu et l'intérêt sont contradictoires, à préférer la vertu.

C'est en cela que ce récit est moral, et même qu'il nous apprend quelque chose de la morale : que celle-ci nous engage dans ce que nous nous imposons librement et volontairement à nous-même, indépendamment de toute récompense ou sanction attendue, indépendamment de toute espérance ; que l'acte moral, en dernière analyse, est un acte solitaire, entre soi et soi (de son acte vertueux, Yakouba " sort grandi ", mais à ses propres yeux seulement) ; que l'acte moral vaut en droit universellement : car son courage vaut comme vertu en soi, en tant que fin, et non en tant que simple moyen (fût-il admirable) pour autre chose, pour la reconnaissance sociale de son statut de guerrier (il renonce à l'espoir de passer pour un homme aux yeux des autres hommes, de ses frères, de son père, par une duperie, en tuant sans gloire plus faible que lui) : " Tout seul, universellement " comme disait Alain.

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En somme, bien agir ne se réduit pas à exécuter, même courageusement, ce que les règles communément admises nous indiquent de faire. La rencontre du lion crée une mise en abîme, un vertige solitaire, qui impose à Yakouba de ne pas simplement agir sous l'impulsion d'un déterminisme social : il lui faut penser afin de faire acte, non seulement de courage, mais de liberté (il lui a fallu méditer une nuit entière pour le comprendre). Nous aussi sommes invités à penser : le glissement de sens de l'acte courageux, dans cette situation particulière, nous inquiète ; il en va de l'essence même du courage en particulier, et de la morale en général. Le courage vaut pour autant que vaut la vertu qu'il sert. Et il a sans nul doute fallu plus de courage à Yakouba pour ne pas tuer son lion, qu'il n'en a fallu aux autres enfants pour tuer le leur. Eux ont vaincu la peur pour gagner le respect et la magnificence (c'est déjà beaucoup), mais lui a vaincu l'espérance pour gagner la sagesse et la simplicité. Il a appris à distinguer réussir sa vie et réussir dans la vie. On apprend que les enfants sont tous devenus des hommes courageux (guerriers reconnus ou berger ignoré), mais en revanche, on ne saura jamais s'ils sont tous également vertueux : seul Yakouba l'a prouvé.

La dernière phrase du récit me paraît ambiguë : on pourrait très bien d'ailleurs la supprimer, et peut-être faudrait-il le faire si on l'interprète comme une précision rassurante, une neutralisation de l'inquiétude ; si elle laisse entendre que, en fin de compte, Yakouba n'a pas tout perdu, qu'il a quand même gagné la sécurité du bétail ; on y perdrait ce qu'on vient d'apprendre sur le caractère inconditionnel de la morale : il y aurait alors toujours un bénéfice intéressé, comme une rétribution providentielle des actes, même si on ne le perçoit pas au moment de la décision, et donc une hétéronomie de la loi morale. En revanche, elle reste philosophiquement légitime (car ce n'est pas un jugement littéraire que je porte) si elle est comprise comme une allégorie de la paix retrouvée dans la sagesse (la simplicité du berger et le silence des pâturages), une allégorie de la conscience libérée du désir comme manque par la conversion du désir en plénitude : le bétail (la conscience), peut-être, n'est plus répétitivement attaqué par les lions de l'insatisfaction perpétuelle. Dans ce cas, et c'est ainsi que je l'interprète, on passe de la morale (qui interroge sur ce que l'on doit

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faire) à l'éthique (qui cherche comment bien vivre) ; le personnage du récit n'a que faire de réussir sa vie, il lui suffit de la bien vivre : c'est sagesse en acte.

Pour finir, j'ai envie de préciser la nature du courage de Yakouba. L'épreuve du lion consiste à apporter une preuve de courage comme puissance, ou comme force (surmonter la peur et tuer le fauve) ; celle qui s'impose à Yakouba est d'une tout autre nature : c'est la preuve du courage de justice, dont Aristote dit qu'elle est "

vertu parfaite " ; s'il a renoncé à tuer le lion, c'est que les forces étaient inégales, et que l'égalité des forces était même impossible ; impossible, en l'occurrence dans ce combat à mort, de se conduire comme s'il y avait égalité alors qu'on est le supérieur dans un rapport inégal des forces, ce qui aurait été à en croire Simone Weil, être juste.

La solution de laisser au lion la vie sauve était la solution juste, et la seule : " le juste prend moins que son dû, bien qu'il ait la loi de son côté ", précise Aristote. Yakouba substitue à la loi naturelle du plus fort, qui décrit une relation de fait, la loi morale de la justice (et non pas la loi juridique) qui pose un choix, et le renvoie à lui-même : sera-t-il assez juste, sera-t-il assez sage, au point de renoncer à l'estime de tous et à l'honneur d'être un guerrier, au point de ne l'être qu'à ses propres yeux ? " La justice sera si on la fait " dit encore Alain. Sans doute a-t-il fallu à Yakouba une nuit pour comprendre que, dans l'incertitude de l'être suffisamment, il lui fallait le devenir.

Le texte de Yakouba

Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 1994

De partout à la ronde, on entend le tam-tam.

Au cœur de l’Afrique, dans un petit village, on prépare un grand festin.

C’est un jour de fête. On se maquille, on se pare. C’est un jour sacré. Le clan des adultes se rassemble et désigne les enfants en âge de devenir des guerriers. Pour Yakouba, c’est un grand jour.

Il faut apporter la preuve de son courage et seul, affronter le lion.

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Sous un soleil de plomb, marcher, franchir les ravins, contourner les collines, se sentir rocher, forcément, herbe, bien sûr, vent, certainement, eau, très peu.

Le jour comme la nuit, épier, scruter ; oublier la peur qui serre le ventre, qui transfigure les ombres, rend les plantes griffues et le vent rugissant. Attendre des heures et puis soudain…

S’armer de courage et s’élancer pour combattre.

Alors Yakouba croisa le regard du lion. Un regard si profond qu’on aurait pu lire dans ses yeux.

« Comme tu peux le voir, je suis blessé. J’ai combattu toute la nuit contre un rival féroce. Tu n’aurais donc aucun mal à venir à bout de mes forces. Soit tu me tues sans gloire et tu passes pour un homme aux yeux de tes frères, soit tu me laisses la vie sauve et à tes propres yeux tu sors grandi, mais banni, tu le seras par tes pairs. Tu as la nuit pour réfléchir. »

Au petit matin, Yakouba ramassa sa lance, jeta un dernier regard sur le lion épuisé et prit le chemin du retour.

Au village, les hommes, son père, tous l’attendaient. Un grand silence accueillit Yakouba.

Ses compagnons devinrent des guerriers respectés de tous. À Yakouba, on confia la garde du troupeau, un peu à l’écart du village.

C’est à peu près à cette époque que le bétail ne fut plus jamais attaqué par les lions.

Echantillon d’une discussion philosophique suite à la lecture de l’album

Classe de Juliette Gasselin, Montbernard, France (enfants de 8 à 12 ans)

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La professeure a proposé une lecture magistrale de l’album YAKOUBA la semaine

précédente. Avant la séance de discussion, elle en a fait une relecture, suivie de 3 minutes de réflexion écrite. La question porte sur le courage (la notation P signifie « professeure », son tour de parole est en caractères gras).

Qu’est-ce que le courage ?

1/Éva : le courage, c’est d’affronter le lion.

2/Olivia : quand on a peur.

3/Clémentine : ne pas avoir peur c’est être courageux.

4/P : d’accord, pour être courageux, il faut affronter sa peur.

5/Karine : Éva, elle dit d’affronter le lion mais c’est d’affronter pleins de choses aussi.

6/P : c’est ça être courageux… par exemple…

7/Karine : affronter le lion, avoir des preuves.

8/Amandine : Yakouba, en fait il a eu le courage de ne pas tuer le lion, parce qu’en fait, Yakouba se fait un peu mettre à l’écart puisqu’il devient berger.

9/P : D’accord, pour toi c’est ça le courage.

10/Blandine : C’est de combattre et de faire des choses difficiles.

11/Kévin : Pour moi le courage c’est quand on est prêt affronter sa peur ou autre chose.

12/ David : le courage c’est de ne pas avoir peur de se battre contre quelqu’un.

13/Tinne : moi je dis que le courage c’est quelqu’un qui a peur mais qui le fait quand même, par exemple Yakouba il a eu peur de rentrer au village parce qu’il n’a pas tué le lion mais il l’a quand même fait.

14/Nicolas : moi je dirais, que par exemple Yakouba c’était une grande chose d’être guerrier, mais comme il a vu que le lion il était un peu… fatigué, il l’a un peu… comment on pourrait dire … il a rejeté cet avis : il a vaincu… comment dire l’avis qu’il voulait faire, le tuer quoi, mais en fait il a fait… le bon choix quoi.

15/P : il a fait un choix, et quand il est parti dans la savane, pour tuer un lion, il avait un tel choix à faire au départ ? (non)et lui, il a fait un choix, il a changé d’avis.

16/Guillaume : on pourrait dire aussi qu’il a improvisé, qu’il a écouté son cœur au lieu d’écouter…, parce que pour lui c’était très important de devenir guerrier, mais il a préféré laisser un être vivant en vie plutôt que de tuer. Il est généreux.

17/Mathieu : je suis d’accord avec Nicolas, parce qu’il a eu très peur de rentrer au village : il ne savait pas ce qui allait se passer, il ne savait pas ce qu’ils allaient faire, s’il allait être tué, rejeté… et il faut avoir le courage de… et il a dû être courageux parce qu’il devait affronter cette peur qu’il avait en lui.

18/P: le lion l’avait prévenu : « tu seras banni. »

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19/Robin : je suis d’accord avec Guillaume, parce que… je ne me souviens plus trop ce qu’il a dit, mais je suis d’accord avec lui.

20/Guillaume : le courage c’est aussi c’est de garder son sang froid aussi ; par exemple quand on n’arrive pas à faire un exercice, à l’école, il faut garder son courage pour y arriver, il ne fait pas se décourager.

21/Clémentine : par exemple, dans Yakouba c’est plutôt le lion qui l’a prévenu, parce que Yakouba il a lu dans les yeux du lion, c’est pas le lion qui lui a parlé.

22/P : il a interprété le regard du lion… on peut revenir un petit peu sur l’avis de Nicolas ? donc il a changé d’avis … au départ il devait faire autre chose, et puis il a décidé de faire autre chose.

23/Tinne : moi je dis qu’en fait le lion il a voulu… le lion a voulu fait de la peine à Yakouba pour pas qu’il le tue.

24/P : il a attendri, apitoyé Yakouba, il a provoqué sa pitié.

25/Mathieu : je suis d’accord avec Tinne, il l’a attendri, et en récompense que Yakouba n’a pas tué le lion, il a dit aux autres lions (peut-être !) « n’attaquez plus le bétail, n’attaquez plus le bétail… » 26/Kévin : et aussi on peut dire qu’il a été loyal envers le lion parce que le lion, il a dû affronter un rival, il était assez fatigué et blessé, et comme le lion était blessé, je crois qu’il n’aurait pas vraiment affronté le lion lui-même.

27/Guillaume : il a laissé le lion en vie parce qu’il a fait un échange : il a dit « je ne te tue pas et toi tu ne tueras plus les vaches… »

28/P : non, je ne suis pas d’accord, dans le livre ce n’était pas dit comme un échange, même si le résultat ça a été ça.

29/Guillaume : oui, mais le courage ça peut être ça aussi !

30/P : le courage, ça a été d’être banni par ses pairs, mais il n’y avait pas de promesse de la part du lion.

31/Blandine : je crois que Yakouba il a fait tout ce qu’il pouvait pour être courageux.

32/P: Qu’est-ce que tu aurais fait à la place de Yakouba ? 33/Blandine je serais partie, parce que ça fait peur un lion

34/P : D’accord, imaginons que tu es un guerrier, que tu as comme mission tuer le lion…

35/Blandine : j’essaierai, mais je…

36/Clémentine : j’aurais essayé de le tuer pour devenir un guerrier, et ne pas être un berger.

37/Amandine : on peut dire qu’il a eu plus de courage que les autres, parce qu’à mon avis ils ne l’auraient pas fait les autres, de rentrer au village sans avoir tué de lion.

38/P : Yakouba est courageux selon toi ? (OUI) c’est un peu bizarre ça, il n’affronte pas le lion, et il est courageux.

39/Kévin : il est courageux surtout parce qu’il a abandonné d’être chasseur pour laisser une vie.

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40/Nicolas : moi en tout cas j’aurais fait pareil que Y même si ça m’aurait gâché tout mon espoir, toute ma vie, tout mon avenir.

41/Tinne : moi j’aurais fait comme lui parce que je n’aime pas faire du mal aux animaux.

42/Guillaume : moi j’aurais fait pareil parce que c’était pas égal, c’était pas loyal comme il était très fatigué le lion.

43/P : c’était pas loyal de tuer le lion, Ça n’était pas une preuve de courage, par rapport à lui même, il n’aurait pas été courageux « à ses propres yeux » (…)

44/Mathieu : d’accord avec Guillaume, parce que il n’aurait pas l’expérience d’affronter un lion, il n’aurait pas pu devenir guerrier

45/Blandine : se battre toute la nuit c’est un peu dur, si tu te bats tu as des blessures…

46/Amandine : et en plus je crois que ceux du clan ils croyaient que le courage c’était de tuer un animal féroce…

47/P : et c’est quoi, pour toi et Yakouba le courage ?

48/Amandine : je ne sais pas, mais ce n’est pas de tuer des gens.

49/Kévin : ben, ça veut dire qu’on peut même affronter son rêve pour laisser une vie, il n’y a pas que la peur, il y a pleins de choses qu’on peut affronter, même si ce n’est pas dans la peur.

50/Karine : s’il faut, les autres qui lui disent d’aller tuer le lion, ils ne l’ont pas fait, parce que dans le texte on a l’impression que c’est le même lion…

51/P : être courageux pour toi c’est quoi ?

52/Karine : par exemple, le soir si t’entends un bruit, aller voir ce qui se passe…

53/P : as-tu besoin que quelqu’un te regarde et sache que tu l’as fait?

54/Karine : oui, parce que y’en a ils peuvent pas te croire…

55/Clémentine : Yakouba il voulait devenir guerrier, mais comme il n’a pas tué le lion, il devient berger parce qu’il est toujours en vie le lion … et il va peut être re-attaquer le bétail.

56/P : mais il est dit que les lions ont arrêté d’attaquer le bétail..

57/Clémentine : mais ils vont peut-être re-attaquer dans une autre histoire !

58/P : alors on résume : le courage pour Nicolas : changer d’avis, Guillaume : écouter son cœur quand il est généreux, Kévin : s’affronter soi-même, affronter son propre rêve…

59/Tinne : un peu comme ce qu’a dit Karine, il faut y aller même si t’as peur…

60/Mathieu : pour moi, c’est avouer la vérité au lieu de mentir.

61/Robin : par exemple, quand tu casses quelque chose que tes parents aiment beaucoup : le dire, ce serait vraiment du courage.

62/Guillaume : je ne suis pas d’accord avec Amandine qui dit qu’affronter le lion ce n’est pas du courage : faut avoir du courage pour le faire … donc dans les deux cas il avait du courage Yakouba.

Recebi em: 01/06/2010 Aprovado em: 28/06/2010

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