• Aucun résultat trouvé

PHILIPPE BOUVARD EN PIÈCES DÉTACHÉES PRESSES DE LA CITÉ PARIS

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "PHILIPPE BOUVARD EN PIÈCES DÉTACHÉES PRESSES DE LA CITÉ PARIS"

Copied!
28
0
0

Texte intégral

(1)
(2)

EN PIÈCES

DÉTACHÉES

(3)

DU MEME AUTEUR Les Passions du dimanche.

Carnets mondains (Grand Prix de l'Académie de l'humour 1962).

Madame n'est pas servie.

Ultra-guide de Deauville.

Paris la nuit.

Petit Précis de sociologie parisienne (Prix Tallemant des Réaux).

Lettre ouverte aux marchands du Temple.

Comment devenir animateur de radio sans se fatiguer.

Un oursin dans le caviar (Prix Scarron).

La Cuisse de Jupiter (roman).

Impair et passe (Un oursin sur les tapis verts) (roman).

Du vinaigre sur les huiles.

Et si je disais tout...

(4)

PHILIPPE BOUVARD

EN PIÈCES DÉTACHÉES

PRESSES DE LA CITÉ PARIS

(5)

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exem- ple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1 de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© Presses de la Cité, 1977 ISBN 2-258-00326-1

(6)

PREFACE

L'idée de réunir des « morceaux choisis » de quelqu'un qui a le double tort de ne pas avoir un grand talent et de ne pas être encore mort est évidemment une idée qui ne peut germer que dans l'esprit fertile et indulgent d'un éditeur.

Se citer soi-même témoigne d'une culture tellement limitée qu'il est préférable, si l'on tient à rappeler les formules dont on est particulièrement fier, d'engager pour ce faire un auteur encore plus pauvre que soi.

Quand on a beaucoup écrit, quand la nécessité vous a sou- vent tenu lieu d'inspiration, on ne saurait refuser de bénéficier de la plus importante grâce d'état qui soit : l'oubli.

Lorsqu'on a la chance d'être journaliste, c'est-à-dire d'exer- cer un métier où l'on est amené à proférer bien des bourdes, bien des inexactitudes, bien des erreurs d'information ou de jugement, n'est-il pas imprudent, voire criminel, de ranimer un feu depuis longtemps éteint et de donner des armes à ceux qui ne se souvenaient plus très bien de ne pas vous aimer ? Regardez autour de vous les écrivains ou les journalistes.

Ceux qui ont le sourire, l'œil vif et le teint frais sont ceux qui ne se relisent pas. Les autres qui affichent une mauvaise mine perpétuelle, dont l'angoisse amincit les lèvres et fait trembler les mains, sont des professionnels qui pensent plus au « pa-

(7)

pier » déjà paru ou au bouquin publié l'année dernière qu'au prochain article ou qu'au livre suivant. C'est dire si la recher- che des documents qui composent cette petite fresque a plus d'une fois risqué de nuire gravement à la santé de l'auteur.

Je devine maintenant votre interrogation : pourquoi, dans ces conditions, avoir accepté de réveiller tant de vieux démons ? N'y a-t-il pas une insoutenable présomption à vouloir faire passer à la postérité le reflet d'une actualité éphémère ? Un auteur peut-il espérer raisonnablement que ce qui n'a eu d'au- tre vertu que d'être « chaud » un certain matin ou un certain mois soit encore digne de retenir l'attention d'un lecteur plu- sieurs années après l'événement ?

En fait, si j'ai accepté ce n'est pas seulement parce qu'on me l'a demandé poliment, parce que Claude Nielsen est un éditeur dynamique avec lequel on est heureux de travailler ou parce que j'éprouve, depuis vingt-cinq ans, une impossibilité physique à refuser d'accomplir quelque labeur que ce soit.

Non, c'est parce que j'ai vu là l'occasion d'un examen de conscience, d'un bilan professionnel et d'un exercice d'humi- lité. Examen de conscience car en prenant à l'égard de mes propres cogitations un recul que je n'avais jamais eu jusque- là, j'ai pu véritablement me relire comme s'il s'agissait d'un autre et formuler sur la forme ou sur le fond des jugements souvent sans complaisance. Bilan professionnel car en un quart de siècle j'avais, dans le feu de l'action, complètement perdu de vue le fil de ce qu'il serait bien exagéré d'appeler une car- rière mais qui constitue néanmoins déjà — et hélas ! — un passé. Exercice d'humilité car mes corbeilles ont recueilli cent fois plus de papiers que je n'ai jugé opportun d'en conserver.

Autre raison de mon accord : je dispose d'archives person- nelles dans lesquelles se trouve minutieusement répertorié tout ce que j'ai publié depuis le 1 janvier 1952. N'y voyez là, en- core une fois, aucune tendance narcissique mais seulement le désir de disposer d'un matériel qui me permet au moins de ne pas me contredire lorsque je reviens sur certains sujets. Ces archives constituent trois grands rayons de bibliothèque c'est- à-dire — en volumes — l'œuvre complète d'un de ces roman- ciers prolifiques du XIX siècle dont je me garderai bien de vous donner le nom, ne voulant pas ajouter à ma confusion actuelle, qui est déjà grande, la honte d'une comparaison incongrue.

J'ai donc feuilleté mes archives comme on parcourt un al-

(8)

bum de famille ou des lettres d'amour jaunies retrouvées au fond d'un grenier. Rude épreuve pour l'amour-propre autant que pour la mémoire : j'avais parfois oublié l'essentiel, je ne retrouvais plus ce que je croyais me rappeler et tel article qui m'avait laissé le souvenir d'une petite performance profession- nelle m'apparaissait, à la relecture, comme un monument de platitude et de banalité.

Chemin faisant surgissait du passé une galerie de périodi- ques et de quotidiens. Certains ont disparu aujourd'hui. Pour des raisons souvent sans rapport avec ma collaboration. D'au- tres continuent à paraître. Mais sans moi. Ainsi ai-je pu évo- quer « le bon temps du Figaro », ces années héroïques (pour moi) où, sous la houlette bienveillante de Pierre Brisson, je sortais de ma chrysalide commençant timidement par rédiger quelques légendes pour en arriver à écrire entre trois et six articulets quotidiens. J'ai versé un pleur sur le regretté « Can- dide » « hebdomadaire de gamberge » dont les collaborateurs n'avaient pas la goutte à l'imaginative. Je me suis remémoré mon bref passage à « Paris-Match » avant d'en arriver à reconstituer (comme on dit dans les caisses de retraite) ma carrière à « France-Soir » et à R.T.L.

En ce cas précis les deux mamelles de ce qui, en dépit de leur énorme volume, ne constitue encore par définition que mes œuvres incomplètes se nomment le reportage et le billet.

J'ai conservé peu de reportages, tant il est vrai que l'événe- ment vieillit plus vite et moins bien que la réflexion qu'il peut susciter même chez un apprenti moraliste. Pour les bil- lets j'avais le choix : certaines semaines je n'en commettais pas moins de quinze pour satisfaire mes différents employeurs.

Quinze sujets à trouver en six jours ! J'ai connu pendant des années cette hantise quotidienne du sujet exploitable mais, Dieu merci, j'ai connu également ce miracle non moins quoti- dien de la trouvaille in extremis.

Etre à l'affût de tout. Ne rien perdre. Noter avec une rare avarice intellectuelle la plus petite idée, le plus dérisoire mot d'auteur. Avoir le réflexe en état de fonctionnement perma- nent. Le matin en écoutant la radio dans la salle de bains. En voiture, un peu plus tard, en lisant les confrères. En écoutant les réflexions dans la rue. Durant les déjeuners d'affaires. Pen- dant les dîners de famille. Au cinéma. Au théâtre. Pendant les week-ends. En vacances même car un esprit surmené freine encore plus mal qu'une voiture hors d'usage. Et puis, peu à

(9)

peu, le mécanisme du « billet » s'installe : la distance, comme disent les turfistes (de vingt lignes à deux feuillets dactylo- graphiés) finit par s'imposer d'elle-même. Tant et si bien qu'on en arrive à ne plus penser qu'« utile » et que l'esprit, condi- tionné à l'excès, élimine toute réflexion qui n'aurait pas un prolongement professionnel.

Mes critères de sélection ont été ceux du lecteur beaucoup plus que ceux de l'auteur. J'ai conservé ce qui me paraissait apporter un témoignage ou une humeur. Mais que de déchets que le tamis de la relecture objective a été incapable de rete- nir ! Que de fausses audaces ! que de fausses performances ! que de fausses nouvelles ! que de faux talents ! A cinq ou dix ans de distance, il n'y a plus guère que des événements-peau de chagrin et que des personnages-baudruches. C'est en cela sans doute que les lois de la perspective rejoignent les impé- ratifs de la morale : plus on s'éloigne et plus le paysage se rapetisse.

Sans doute — et je m'en avise seulement maintenant qu'il est trop tard —, ai-je eu néanmoins tort de sacrifier à cette difficile solution de facilité : si ceux qui vont me lire se sou- venaient par miracle de quelques-uns de mes petits papiers c'est que c'était inutile de leur en proposer une seconde lec- ture. Et s'ils les avaient oubliés c'est que je le méritais...

Un temps j'avais envisagé d'adopter une présentation non plus fondée sur la chronologie ou sur la nature du support mais sacrifiant à une discrimination qualitative. Les chapitres se seraient alors intitulés : « Tel quel » pour les articles ayant supporté le recul, « à revoir » ou « impossible à publier » pour les autres. J'ai renoncé en fin de compte, persuadé qu'on aurait imputé une fois de plus cet exercice d'autocritique au désir de me payer la tête de mes contemporains.

Bref, si j'ai tenu néanmoins à publier certains passages qui n'avaient pas grand intérêt, ce ne peut donc être que par goût de la mortification...

(10)

CHAPITRE PREMIER LES VEDETTES LA PRINCESSE MARGARET : MARAICHERS, LA VOILA !...

Il ne faut pas marcher sur les plates-bandes de la princesse Margaret : elles recèlent les petites carottes très fragiles que la sœur de la reine cultive pendant les week-ends en compagnie de son nouveau chevalier servant.

Cette nouvelle — une vraie primeur — a de quoi laisser songeur : tandis que presque toutes les petites filles du Royaume-Uni continuent à rêver des vieux ors de Buckingham et du grand parc de Windsor, la princesse qui n'est qu'à cinq marches du trône ne pense plus qu'à cultiver ses petites carottes.

Marie-Antoinette, elle aussi, jouait à la bergère dans les bosquets du Petit Trianon, mais son histoire s'est mal termi- née. Il est d'ailleurs remarquable d'observer que chaque fois que les princes veulent, par goût réel ou par démagogie, se rapprocher du peuple, ils s'en éloignent davantage et mécon- tentent des citoyens qui acceptent qu'on joue avec leur vie et avec leur argent mais qui n'admettent pas qu'on paraisse sin- ger leur comportement.

Les maraîchers britanniques ont déjà en travers de la gorge

(11)

les petites carottes de Margaret. Tant il est vrai que les gros- ses légumes ne devraient jamais s'occuper des petits...

RAQUEL WELCH : LE SEIN DES SEINS Si vous êtes jeune, si vous avez de l'ambition, si vous aimez les responsabilités, si les voyages ne vous font pas peur et si vous aimez la beauté, appelez le 95-62-95 (1) et vous vous retrouverez peut-être garde du corps de Raquel Welch. Un métier passionnant. Surtout pour ceux qui sont chargés des rondes de nuit... Bien sûr, cette profession-là exige des qualités humaines et des dispositions physiques. La surveillance d'un monument historique demande un sens aigu des responsabilités en même temps que des dons pour l'alpinisme dans la mesure où l'on doit opérer des vérifications périodiques de la façade.

Mais que de satisfactions en échange pour le jeune profane admis ainsi d'un seul coup dans le sein des seins ! Pouvoir dire plus tard comme le grenadier de Wagram : « Raquel Welch ? J'y étais ! » La plus grande tentation en ce cas précis n'est pas de s'endormir sous les armes. C'est de vouloir garder pour soi seul ce qui fait désormais partie du patrimoine inter- national.

LE GENERAL FRANCO : AUTOPSIE D'UN TRAITEMENT

La longue agonie de Francisco Franco Bahamontes me pa- raît appeler quelques constatations :

1. Certaines victoires médicales sont — sur le plan hu- main — des défaites.

2. Quand il y a un héritage, les Etats se montrent encore plus impatients que les familles.

3. Le secret professionnel des médecins n'existe plus.

4. Si gravissime rime avec généralissime, état désespéré veut seulement dire que le praticien désespère d'aller se reposer.

(1) Renseignements pris, il semble que j'aie confondu le numéro de téléphone de la charmante avec ses mensurations.

(12)

5. Une opération réussie est une intervention à laquelle le malade survit quelques heures.

6. La résistance de l'organisme humain aux différentes thé- rapeutiques est encore plus grande que sa résistance à la maladie.

7. Les progrès de la médecine posent aujourd'hui plus de problèmes aux bien portants qu'aux malades.

8. Il est désormais faux d'affirmer qu'on ne meurt qu'une fois.

9. Tant qu'il y a de la vie, il y a du désespoir...

FARAH DIBAH : SEPT ANS DE MALHEUR

L'organisation des Nations Unies n'est-elle pas en train de se tromper lourdement sur l'urgence de certains problèmes internationaux ?

Certes, on ne peut pas nier que la situation soit inquiétante au Vietnam, qu'il y ait des frictions indiennes et que le soleil continue à allumer, au fin fond de l'Afrique, des foyers d'in- dépendance. Mais ce ne sont là, en général, Dieu merci, que des incidents épisodiques, puisque au triste générique de la guerre froide, le Cachemire prend la place d'une quelconque république sud-américaine, laquelle succède au Congo belge.

Or depuis bientôt sept longues années, il y a un drame per- manent quelque part dans le monde et jamais les diplomates de Manhattan n'ont paru s'en apercevoir. Depuis sept ans, il ne s'est pas écoulé une semaine sans que la tension s'ag- grave, sans que le danger se précise. Infortunée cour d'Iran...

(oui, c'est d'elle qu'il s'agit). Aucune épreuve ne lui aura été épargnée. Depuis que le Shah in Shah a, pour se remarier, ré- pudié la belle Soraya et que celle-ci s'est mise en ménage avec le septième art, toutes les malédictions ont fondu sur le plus édifiant des ménages à trois.

Je viens de revoir très rapidement les titres qui évoquent ces sept dernières années, passées tant dans les salons dorés du palais du Goulestan qu'à l'ambassade de Bonn ou que sur les plateaux de Cinecitta. Eh bien, je peux vous dire que les Atrides font figure de Duratons à côté de ces gens-là.

Au rythme de deux ruptures par mois, menacés par leur entourage, par leurs parents et par leurs beaux-parents, par

(13)

leur impresario et par leur premier ministre, par leurs méde- cins et par la presse internationale, par les communistes et par les photographes, par les anticyclones et par le courrier du cœur, le moins qu'on puisse dire est qu'ils auront eu une existence bien remplie.

Jusque-là, je souriais un peu de ces péripéties. Je connais Téhéran et les palais royaux. Je ne pensais pas que les énormes cheminées des salons d'apparat puissent réchauffer en leur sein autant de vipères. Mais aujourd'hui cela devient sérieux : d'un côté on nous dit que Farah Dibah craint qu'on ne lui kidnappe ses enfants et de l'autre on nous présente Soraya comme me- nacée de perdre la vue (sans doute pour ne pas voir cela).

Ne se trouvera-t-il donc que deux courageux petits hebdo- madaires français pour jeter, cinquante-deux fois par an, le cri d'alarme ?

Les honnêtes gens ont-ils le droit de dormir tranquilles à La Garenne ou à Drancy, tandis qu'à cinq mille kilomètres de là, un souverain, écartelé entre deux envoyés spéciaux, vit le plus long des drames intérieurs ?

Encore le maître de l'Iran n'a-t-il jamais eu de successeur officiel dans le cœur de son ancienne épouse. Mais si cela se produisait, ne risquerait-on pas de jouer les prolongations pen- dant au moins dix ans ? Et si, plus tard, Soraya, que ses pro- jets de cinéma conduisent souvent en Suède, était traitée par le docteur Gemzell d'Upsala, et qu'elle donne naissance, au retour, à quatre ou cinq enfants ? Imaginez la crise de conscience de la fragile petite Farah qui, elle, n'accorde des héritiers à la couronne qu'un par un... J'aime mieux ne pas y songer.

Je m'étonne seulement qu'il ne se soit trouvé aucun diplo- mate de cœur pour décider l'envoi d'un médiateur dans ce pa- lais. Il faut secourir d'urgence la famille des Pahlévi, faire des prières, ouvrir des collectes si c'est nécessaire. On ne peut pas les laisser plus longtemps dans l'adversité. Cela finirait par porter ombrage à Grace de Monaco, à la reine Fabiola et au fils de Jean Marais.

ANNE-MARIE PEYSSON : LA SEVIGNE DU 819 LIGNES

En dépit de ce que plusieurs millions de téléspectateurs sensibles pourraient croire, Mlle Anne-Marie Peysson vient

(14)

seulement d'accoucher ces jours-ci. Le nouveau-né pèse un peu moins de trois cents grammes.

Ainsi, après avoir pénétré dans les salles à manger et dans les cœurs, Mlle Anne-Marie Peysson entre-t-elle en littérature par la porte étroite de l'autobiographie précoce. Certains es- prits chagrins ne manqueront pas de trouver paradoxal qu'une personne qui ne se souvient pas d'une minute à l'autre de ce qu'elle a à dire devant les caméras ait cru bon d'écrire ses Mémoires. Moi qui figure depuis longue date parmi les incon- ditionnels de Mlle Peysson (je veux dire que ses apparitions sur le petit écran ne m'ont jamais empêché de lire mon jour- nal, je trouve admirable qu'une femme qui aurait pu faire une si belle carrière de mannequin volant chez Prénatal, arrache le cheveu qu'elle avait sur la langue pour le couper en quatre dans un bouquin.

Il n'est pas besoin de parcourir bien longtemps « La Petite Histoire d'une speakerine » pour découvrir que c'est là un ou- vrage de base auquel devront se référer les futurs historiens du petit écran. Le livre s'ouvre sur l'horoscope de l'auteur, se poursuit par une préface du mari de la dame. Le procédé narratif est extrêmement cursif : dès la page 38, on n'ignore plus que la spécialité de Mlle Anne-Marie Peysson est le hachis Parmentier (cela se sent d'ailleurs souvent dans son élocution).

Un peu plus loin, on apprend comment, petite fille, la diabo- lique Anne-Marie obligeait ses soupirants à manger des escar- gots vivants. Toutes les vingt pages, Mlle Peysson mesure d'un regard admiratif le chemin parcouru : « J'étais grassouil- lette, noiraude et poilue », écrit-elle dans un bel excès de mo- destie que seuls connaissent les gens très inquiets ou très sûrs d'eux.

Avec ses trente-deux ans d'une existence bien remplie, Mlle Peysson a mitonné deux cent cinquante-quatre pages où la sincérité la plus touchante le dispute à l'inintérêt le plus complet. Savez-vous, par exemple, qu'en classe où on la met- tait souvent au piquet (après les compositions de récitation, j'imagine), elle léchait son goûter pour ne pas avoir à le par- tager ? Dire qu'on aurait pu ignorer cela !...

On ne nous fait pas plus grâce de la vie sentimentale de Mlle Peysson, existence sur ce point précis fort normale, en- core que l'auteur écrive quelque part imprudemment : « J'étais obligée de me cacher de certains journaux comme si j'étais

(15)

Brigitte Bardot et Gunther Sachs réunis. » Ne tirez aucune déduction folichonne de cette surprenante dualité de caractère.

Mlle Peysson est une épouse fidèle et une bonne mère de fa- mille. Toutes qualités qui éclatent dans chacune de ses inter- ventions.

Naturellement, plusieurs chapitres sont consacrés aux deux plus grands scandales que la France ait connus depuis les affai- res Dreyfus et Stavisky. Je veux parler du décolleté et de la grossesse de la dame en question. A en croire l'intéressée, l'évé- nement prit, dans les deux cas, une importance capitale, bou- leversant le public, déchaînant la presse, scindant les familles en peyssonistes et antipeyssonistes. Puis fort sportivement, la Sévigné du huit cent dix-neuf lignes n'hésite pas à avouer :

« Grossièretés et méchancetés sont les deux mamelles de mon courrier ». Suivent quelques échantillons du genre : « Ton rire est bête et agricole » ; « Ta place idéale serait de tenir les lavabos ». Dieu merci, il y a quand même l'antidote après le poison. L'un envoie des bonbons ; l'autre n'hésite pas à s'ex- clamer : « Ma petite Anne-Marie, ne t'en va jamais de la télévision, autrement je me suicide. » Ainsi, courageusement, la brune enfant met-elle les rieurs de son côté, en même temps qu'elle coupe l'herbe sous le pied aux critiques qui seraient tentés d'insinuer qu'elle manque vraiment trop de lettres pour écrire un livre.

En fait, je le confesse, Mlle Anne-Marie Peysson n'est pas un personnage antipathique. Bien au contraire. Elle constitue

— à son insu — un signe des temps. Elle appartient à la pre- mière génération des femmes-troncs qu'on ait vues en dehors des fêtes foraines. En d'autres siècles, son rayonnement se serait limité à ses voisins de palier et elle n'aurait fait rêver que les commerçants de son quartier. La découverte de feu Edouard Branly l'a brutalement arrachée à ses fourneaux sans qu'on ait eu le temps de procéder à une préparation convena- ble. Son succès (la lecture du livre m'a convaincu qu'il existe) vient de son antisophistication. Alors que la plupart des idoles du public semblent dégagées de toutes les vicissitudes de la femme ordinaire, Mlle Anne-Marie Peysson a su prouver plu- sieurs fois par semaine et, de préférence à l'heure du dîner, qu'elle était un être de chair et d'os avec un cœur qui palpitait tout contre la caméra et qu'elle pouvait porter dans ses flancs autre chose que les programmes de la soirée. N'est-ce pas d'ail- leurs une suprême habileté que d'avoir toujours l'air de

(16)

mastiquer en parlant, alors que l'on s'adresse à des gens qui, par définition, sont à table ?

Son livre fortifiera davantage sa gloire que nos bibliothè- ques. Mais c'est un document humain qui nous manquait. Nous avons longtemps attendu qu'elle se décide à prendre la plume.

Sans doute aurait-elle écrit ses Mémoires trois ans plus tôt si elle ne s'était cassé la jambe en 1964...

NE TOUCHEZ PAS A CE SACHS, IL EST BRISE...

On sait qu'il y a quelques jours, à la demande de M. Gunther Sachs, les huissiers ont remplacé les messageries. Notre confrè- re, « Lui », n'est pas seul en cause. C'est en réalité toute la presse qui se trouve moralement saisie. Va-t-on perdre ainsi prématurément, à la fleur de l'âge, un sujet aussi brillant ? Des esprits chagrins m'objecteront que M. Gunther Sachs avait le front bas et le souffle court, qu'il se prodiguait plus volon- tiers en saillies qu'en boutades ; qu'on avait déjà tiré un maxi- mum d'épaisseur de papiers d'un minimum d'épaisseur psychologique. Bref, qu'il était fort usagé.

Là n'est pas la question. Nos victimes ne possèdent en géné- ral que l'esprit que nous leur prêtons. Et puis, je nous fais confiance. Il y aura très vite d'autres play boys pour faire sou- rire les impératrices déchues et pleurer les midinettes en place.

Les Gunther Sachs se ramassent à la pelle. Et ils sont ce que nous les faisons. Proies consentantes de l'actualité — au moins dans les débuts de leur courageuse carrière — ils apportent à la confection du brouet journalistique leur grain d'ellébore, quelques voitures de sport, un compte en banque en Suisse, une impossibilité absolue à distinguer goujaterie de galanterie et un exhibitionnisme affectif qui tend à faire marcher leurs affaires de cœur comme on fait prospérer les affaires tout court.

La question est aujourd'hui de savoir si la locomotive peut donner un coup de frein d'elle-même sans que le chauffeur, le mécanicien et le chef de gare soient prévenus, si au plus effréné des m'as-tu-vuismes peut succéder la fureur de l'ano- nymat ? M. Sachs, qui avait déjà perdu sa particule, abandonne maintenant sa raison d'exister. Il ne veut plus qu'on parle de

(17)

lui. A-t-il honte ou projette-t-il d'écrire lui-même le récit de ses débordements ? Mystère. Mais, sans nous, il ne sera plus que ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire du gibier de faits divers.

M. Sachs me fait irrésistiblement penser à ces demi-mondaines qui, ayant réalisé leurs petites économies, passent brutalement du commerce de leurs charmes à la gérance d'un débit de bois- sons. D'un jour à l'autre, elles deviennent vertueuses. Ingrates, elles oublient que c'est la concupiscence des hommes qui a pu leur permettre de se reconvertir dans l'alcoolisme.

M. Sachs a beaucoup fait suer la couverture des magazines avant de s'aviser qu'il avait une vie privée. Gunther Sachs, une vie privée ? Allons donc ? Si c'était vrai, nous le saurions depuis dix ans. Il n'aurait pas donné une conférence de presse chaque fois qu'il sortait du lit d'une personne connue et aurait moins volontiers payé des musiciens tziganes moitié à l'inten- tion des élues de son cœur, moitié à celles des hebdomadaires en couleur. Il se serait abstenu d'emmener des photographes dans ses bagages pour se marier à Las Vegas, de parader à Saint-Tropez pour lancer la boutique de textiles dans laquelle il a des intérêts.

Remarquez que je n'ai pas le mauvais goût de lui faire grief de ses inclinations : Soraya était une personne bien captivante, et il est quand même plus astucieux d'être le mari de Brigitte Bardot que son amant. (Cela prend beaucoup moins de temps.) Je me borne seulement à déplorer la fin brutale et unilatérale d'un contrat qui semblait jusqu'à présent donner satisfaction à tout le monde.

D'un côté, M. Sachs qui n'avait jamais rien fait dans l'exis- tence que des surprises-parties et des bancos, accédait à une certaine notoriété. De l'autre, une clientèle féminine pouvait découvrir sous les traits virils de ce jeune industriel pas très occupé par ses affaires, une espèce de fils que Goethe aurait eu avec Rubirosa. Enfin, les chroniqueurs spécialisés, eux, savaient qu'en période de disette, ils n'avaient qu'à se pointer à Munich, à Lausanne, à Paris ou à Londres, pour que M. Sachs leur présente son bibelot du moment.

Le plus brillant avenir semblait promis à l'ex-von Opel. S'il s'était tenu tranquille, sans doute aurait-il eu droit à la cou- verture de « Match » le jour de son divorce. Or, voici qu'il regagne l'obscurité dont il n'aurait jamais dû sortir parce qu'il n'a pas compris qu'il était de ces gens dont on jase faute de

(18)

n'en pouvoir parler. Il ne sera plus désormais qu'un petit retraité des alcôves, qu'un « has been » de la bagatelle.

On a bien raison de dire que le mariage est une fin.

LE MONDE ET LE DEMI-MONDE

Rita Hayworth irresponsable, Polanski accusé de viol, Sar- dou lapidé, Helmut Berger sauvé du suicide, Daniel Guichard sauvé du désert, les Rollings Stones mêlés à la vie politique canadienne par le charmant truchement de l'épouse du Pre- mier ministre.

Décidément, les chanteurs font plus de bruit au sortir des scènes que dessus. Décidément, les acteurs trouvent leurs rôles les plus violents au dehors des studios.

Les boxeurs, eux, sont plus frappés par l'adversité que par leurs adversaires. Les guerres de religion — mais entre catho- liques cette fois — ont repris à proximité des églises.

Que se passe-t-il donc ? Les gens connus sont-ils moins équilibrés que les autres ? Ont-ils moins de chance, moins d'adresse, ou moins de moralité ? Difficile à dire. C'est d'abord la surinformation qui a peu à peu supprimé l'impunité dont croyaient jouir les grands du monde et du demi-monde.

C'est ensuite le culte de la notoriété qui s'est retourné contre ceux auxquels il avait si longtemps profité.

Le principe des vases communicants joue désormais dans les deux sens : tandis que les têtes d'affiche se taillent la part du lion dans les rubriques de faits divers, les truands et les policiers, les Willoquet et les Borniche, débarquent en rang serré dans les rubriques littéraires ou artistiques.

Je ne vois plus guère de criminels qui ne se présentent aux assises entre deux agents littéraires. De même, j'observe de moins en moins de cocktails ou de galas dont le compte rendu ne puisse se terminer par ce leitmotiv des rapports nocturnes de police tels qu'on les rédigeait au début du siècle : « Tout ce beau monde a été conduit au dépôt. »

Faut-il déplorer la confusion des genres ou se réjouir d'une démocratisation des ennuis qui fait qu'aucune gloire n'est plus à l'abri d'une imprudence ?

Convenez en tout cas que le phénomène décourage le m'as- tu-vuisme et rend l'anonymat de plus en plus confortable. Mais il ne deviendra vraiment moral que le jour où l'on aura cessé

(19)

de constater qu'il est plus facile de se faire un nom dans le crime que dans la chanson.

DE LOPEZ A DASSAULT

Vous êtes-vous déjà interrogé sur ce phénomène qui fait de plus en plus apparaître les rubriques mondaines et les pages de faits divers comme la meilleure illustration du principe des vases communicants ? Moi oui. (Il est vrai que je suis payé pour cela.)

Si les Lopez vont désormais plus souvent au commissariat qu'au théâtre, si Marcel Dassault mélange aussi allègrement les anciens et les nouveaux francs deux fois par mois à la télévision c'est parce que les uns et les autres n'ont pas assez surveillé leurs fréquentations.

Qu'importe d'être vertueux soi-même si l'on ouvre — fût- ce innocemment — sa porte au vice ? Il faut le savoir : à partir d'un certain degré de notoriété et d'un certain chiffre de revenus, on risque plus d'être compromis par les turpitudes de son entourage que par ses propres faiblesses.

Les milliardaires (qu'ils tirent leur fortune du vrombisse- ment des avions à réaction ou des bruits à peine plus mélo- dieux de l'opérette) doivent donc se garder d'avoir auprès d'eux :

1. Des chefs-comptables à la particule trop sensible.

2. Des secrétaires nains (qui écoutent trop facilement sous les tables). 3. Des industriels en instance de divorce.

4. Des confidents susceptibles de fréquenter le lundi ou le mardi matin les informateurs des journalistes écrivant dans les hebdomadaires paraissant le mercredi.

5. François Marcantoni (ou toute personne l'ayant appro- ché — même en public et pendant cinq minutes — durant les vingt dernières années).

6. Fernand Legros (aussi bien à titre de vendeur que d'acheteur).

7. Guy Lux.

8. Des travestis non inscrits à la Sécurité sociale.

9. Tous les promoteurs immobiliers ne possédant pas de cache-pots-de-vin et qui n'auraient pas été mariés au moins une fois dans leur vie avec une princesse de sang royal.

(20)

10. Des gardes du corps de nationalité yougoslave et d'une façon générale tous les gens dont on ignore de quoi ils sont morts en n'ayant jamais su d'ailleurs de quoi ils vivaient.

Sachez néanmoins que si vous observez ces sages recom- mandations la partie ne sera pas encore gagnée pour autant, car la grande vague de pureté de ce dernier quart du XX siècle exige aussi impérieusement que vous vous absteniez de fré- quenter certaines personnalités trop en vue, trop puissantes ou professionnellement condamnées à la vertu. A savoir :

1. Chefs d'Etat en exercice sauf pour des dîners tête-à-tête c'est-à-dire se déroulant par définition sans témoin).

2. Ministres susceptibles de perdre leur portefeuille pour des histoires de gros sous.

3. Hauts fonctionnaires des finances (mais rien ne vous empêche d'offrir un hôtel particulier à une de leurs secré- taires).

4. Présidents du tribunal, procureurs de la République, avocats généraux (on peut à la rigueur aller les voir à la Chan- cellerie mais on ne doit pas les inviter à déjeuner).

5. Députés (surtout ceux dont il est notoire qu'ils n'ont que leur indemnité parlementaire pour nourrir dix enfants).

6. Banquiers suisses parlant trop couramment le français.

Dans une société égalitariste ou par suite de la pression fiscale il va être de plus en plus impossible de faire fortune honnêtement, où l'échec constitue déjà un brevet de civisme et où la réussite passe pour un acte antisocial, il faut être smicard si l'on veut avoir la conscience tranquille en vertu de cette nouvelle règle d'or : seuls les citoyens qui ne possè- dent rien peuvent se vanter de n'avoir rien pris à personne.

Les autres sont priés ou bien d'aller se constituer prisonnier au plus proche commissariat ou bien de se donner la mort en s'arrosant d'essence (mais pas avant la hausse du 15 novembre) ou bien de léguer leurs vieilles assiettes peintes au musée du Louvre.

L'AFFAIRE LOPEZ COMME SI VOUS Y ETIEZ

Depuis que par une nuit sans lune Francis Lopez a récupéré son ami dans un cimetière, l'affaire Fériel s'est éclairée.

(21)

D'abord parce que là où il n'y a pas de cadavre il ne peut, par définition, exister de crime. Ensuite parce que le fait qu'on ait restitué le ravi (sic) à ses amis sans bourse délier n'autorise plus personne à parler de rançon.

J'ai mené personnellement ma petite enquête à Cannes, m'étant assuré, comme les Lopez, comme les Fériel, comme les autres compères et comme la police, le concours d'un truand local. C'est peu dire que d'affirmer qu'après la conversation que nous avons eue il ne subsiste plus aucun mystère.

— Pourquoi avoir relâché François Fériel devant un cime- tière ?

— Pour qu'on ne sache pas tout de suite s'il était mort ou vivant.

— Pourquoi lui avoir mis des boules Quiès dans les oreilles alors qu'il dormait tout le temps ?

— Pour lui faire croire qu'il était surveillé.

— Pourquoi avoir demandé à Francis Lopez, fatigué par plusieurs nuits d'insomnie, d'aller le rechercher ?

— Parce que Lopez possède aussi une Rolls Royce. Fran- çois Fériel n'aurait jamais accepté de rouler dans une autre voiture.

— Pourquoi les bandits qui étaient venus pour rançonner François Fériel ont-ils de surcroît volé les bijoux d'Anja Lopez ?

— Parce qu'ils savaient qu'on allait bientôt augmenter l'es- sence et que la villa était plus éloignée qu'ils ne le pensaient.

— Pourquoi Francis Lopez n'a-t-il pas prévenu la r )lice tout de suite ?

— Parce que ce soir-là on diffusait des extraits d'une de ses opérettes à la télévision et qu'il voulait obtenir un maxi mum d'écoute. Et puis il n'était pas rassuré. N'oubliez pas qu'avant d'être un théâtre, le Châtelet a été longtemps une prison.

— Comment expliquez-vous que ni Lopez ni Fériel ne puissent brosser un portrait-robot des bandits ?

— Comme ils portaient des bas de femme en guise de ca- goules, Lopez et Fériel ont cru qu'ils avaient une jambe à la place de la tête et qu'ils étaient martiens.

— Pourquoi les ravisseurs de François Fériel se sont-ils isolés avec lui pendant deux heures dans la salle de bains des Lopez avant de l'emmener avec eux ?

(22)

— Parce qu'ils ne trouvaient pas l'eau chaude. Ensuite ils lui ont passé un savon.

— Pourquoi avoir fait plutôt appel aux truands qu'à la police ?

— Francis Lopez est l'homme du juste milieu.

— Pourquoi François Marcantoni a-t-il été contacté ?

— On lui a demandé d'écrire un livre sur l'affaire.

— A-t-il accepté ?

— Non, quand il a su qu'il n'y avait pas de cadavre.

— Qu'y avait-il entre Anja Lopez et François Fériel ?

— Une salle de bains.

— Pourquoi François Fériel avait-il placé des fonds en Suisse ?

— Parce que c'était de l'argent frais et qu'il fait trop chaud l'été sur la Côte d'Azur.

— Qu'y avait-il dans la lettre que Francis Lopez a déposée en grand secret (et après avoir averti tout le monde) chez son notaire ?

— De la poudre à éternuer. Pour égarer les chiens policiers.

— Pourquoi les bandits ont-ils gardé François Fériel pen- dant dix jours ?

— Pour essayer de connaître le titre de la prochaine opé- rette de Francis Lopez. Mais Fériel a été formidable : il n'a pas parlé.

— Pourquoi au début de l'affaire avaient-ils exigé des chè- ques en blanc ?

— Parce que c'est plus joli quand on est bronzé.

— Pourquoi ont-ils renoncé finalement à demander une rançon ?

— Parce que le franc a encore baissé hier dans toutes les bourses du monde.

Ayant dit, mon truand rapprocha légèrement le médius droit du rebord de sa casquette qu'il avait prudemment conser- vée pendant toute la durée de notre entretien et s'apprêta à remonter, lui aussi, dans une splendide Rolls. Je risquai une dernière question :

— Pourquoi une telle voiture ?

— Pour faire comme tout le monde. En ce moment il vaut mieux ne pas se faire remarquer.

(23)

JACQUES BOREL

Jacques Borel n'a pas démissionné parce qu'on ne mangeait pas sa cuisine. Mais parce qu'on ne digérait plus ses méthodes, parce qu'il avait tellement tapé sur la table que ses colla- borateurs étaient de moins en moins dans leur assiette, parce qu'il avait trop dit le bien qu'il pensait de lui-même et le mal qu'il pensait des autres, parce que cet homme d'action n'avait pas su maintenir le cours des siennes, parce que ses dents étaient trop longues et ses plats trop petits, parce que le profit est devenu haïssable, parce que révolution et restauration font aussi mauvais ménage dans notre gastronomie que dans notre histoire.

Là grande erreur de Jacques Borel, c'est moins d'avoir voulu absorber une chaîne d'hôtels déficitaires, moins d'avoir dressé une partie de l'opinion publique contre lui en limogeant le populaire Louison Bobet, que de ne pas avoir compris qu'au- jourd'hui la réussite ne se proclame ni ne s'affiche. Et qu'elle doit, sinon se cacher — dans certaines formes de commerce c'est impossible —, en tout cas prendre des gants et ne se manifester qu'avec des pudeurs de jeunes filles.

Faute de quoi on n'est plus, très rapidement, que quelqu'un qui a échoué pour avoir trop réussi, et auquel on fait chère- ment payer un argent qu'il ne possède déjà plus.

LES TRIBULATIONS DE CLAUDE FRANÇOIS Je suis, je l'avoue, au nombre de ceux qui s'intéressent plus à la saga de Claude François qu'à ses œuvres complètes. Sans doute parce que les journaux ont toujours beaucoup plus parlé de ses mésaventures que de ses disques : Je n'ignore donc pas qu'avant qu'on le fusille sur l'autoroute, l'inoubliable créateur de « Si j'avais un marteau » avait déjà affronté toutes sortes de périls : accidents d'automobile, pour avoir trop mené la vie à grandes guides ; ennuis fiscaux pour la même raison ; opéra- tion de la gorge pour avoir chanté trop fort ; opération des oreilles pour les mêmes raisons ; maison incendiée ; comptable en fuite ; nez cassé pour avoir voulu enfoncer des portes qui n'étaient pas ouvertes ; fiançailles rompues ; j'en passe et des plus dramatiques...

(24)

Sans oublier les maîtres chanteurs qui ne doivent rien à Wagner. Les anciennes maîtresses inconsolables ; celles qui n'ont pas été honorées des faveurs de l'idole et qui ne s'en remettent pas non plus ; les collaborateurs évincés ; les jour- nalistes jaloux ; les minettes en folies ; les percepteurs en goguette et aussi, il faut bien le dire, les vrais mélomanes.

On ne peut pas ne pas être frappé par l'exorbitante rançon de la gloire, par le dangereux revers d'une médaille qu'aucun dieu ne semble plus vouloir bénir sous prétexte qu'elle appar- tient à une idole.

Les plus grandes vedettes du show business risquent davan- tage leur vie en temps de paix que les généraux en temps de guerre. Il est bon que les chanteurs qui ne réussissent pas à se faire connaître sachent qu'ils ont au moins sauvé leur vie.

Je souhaiterais, quant à moi, que la presse qui ne vole ja- mais qu'au secours du succès et qui ignore les vraies valeurs de l'art, cbmme les vrais besoins de la société, parle plus sou- vent des citoyens nommés Durand, qui n'ont qu'une femme, qui n'ont qu'une voiture, qui ne chantent que le matin en se rasant, qui exercent le beau métier de plombier et qui, lors- qu'ils trouvent dix balles, les mettent dans leur porte-monnaie plutôt que dans leur pare-brise.

MAMAN BARDOT

Brigitte Bardot a-t-elle trouvé au Canada son meilleur rôle ? Il est permis de se le demander, au moment où celle qui fut l'allumeuse numéro un du cinéma mondial, installe son bra- séro sur la banquise canadienne.

Les reconversions de comédiennes sont d'autant plus déli- cates que celles qui s'éloignent des scènes ou des écrans sou- haitent néanmoins conserver la vedette : Shirley Temple est ambassadrice, Jane Fonda est contestataire, Michèle Morgan est peintre, la maman du petit Nicolas (qui doit être bien grand d'ailleurs aujourd'hui) a préféré, quant à elle, se recycler dans le bébé phoque.

Pourquoi le bébé phoque plutôt que le bébé léopard ? Peut-être parce qu'elle a toujours porté des fourrures chères et que le phoque est plutôt bon marché.

Pourquoi le bébé phoque plutôt que le petit veau qui est attendrissant avant même d'être tendre lorsqu'il tête encore

(25)

sa mère ? Peut-être parce que le cœur et l'estomac ne sont pas des organes communicants.

Et pourquoi pas plutôt que les petits des phoques, les petits d'hommes, qui à chaque guerre, à chaque famine, sont les premières et innocentes victimes de la folie des adultes ? Peut- être parce que ce genre de sauvetage s'accompagne rarement de publicité personnalisée.

Sans doute parce que le meilleur moyen de sauver les enfants quand on est soi-même très prise par son travail et par ses amours, c'est de ne pas en avoir trop...

(26)

CHAPITRE II LES FEMMES MINISTRESSES

En vertu de cette loi jamais écrite, mais toujours en vigueur, qui veut qu'on renverse les premiers ministres dont la femme a basculé dans l'immoralité, on vient de régler son compte à Yzak Rabin parce que son épouse en possédait un à Washing- ton, et on s'apprête à avoir la peau de Monsieur Trudeau sous prétexte que Madame Trudeau n'est pas bien dans la sienne.

Preuve, une fois de plus, qu'il est plus facile de surveiller ses ennemis politiques que sa femme légitime. Preuve aussi qu'il est plus difficile de faire une carrière politique lorsqu'on a de la famille.

On se souvient de Jules Grévy abandonnant la présidence de la République parce que Wilson, son gendre, faisait commerce des Légions d'honneur. Plus près de nous, la reine Juliana de Hollande a failli renoncer au trône parce que son mari le prince Bernhard avait une tirelire en forme de pot de vin. Plus récemment encore, Françoise Giroud a perdu un demi-portefeuille pour quelques millimètres de ruban.

Il y a donc, apparemment, une morale pour les gouvernants et une morale pour les gouvernés. Les gouvernés ont le droit

(27)

En pièces détachées porte témoignage sur vingt-cinq ans de journalisme. L'humoriste et l'observateur s'épaulent en Philippe Bouvard, lorsqu'il s'agit de livrer l'histoire de ses rencontres avec une époque fertile en bouleversements.

Le M.L.F., l'Eglise, la libération sexuelle, l'effondrement des valeurs morales, l'injustice fiscale, le divorce, la drogue et tous les grands problèmes de notre temps, Philippe Bouvard les passe au crible sans omettre des événements plus anodins de l'existence quotidienne : le prix de l'essence, le Club Méditer- ranée, le Tour de France, le Concorde, la culture dans le métro ou les pilules pour bronzer.

Le sein de Raquel Welch, l'agonie de Franco, la chemise de Johnny Halliday, la Rolls d'Aznavour, le train de vie du Shah, les carottes de la princesse Margaret, la feuille d'impôts de Brigitte Bardot ne sont pas épargnés par celui qui se vante

« d'avoir le réflexe de l'humeur en état de fonctionnement per- manent. En vacances, même, car un esprit surmené freine encore plus mal qu'une voiture hors d'usage ».

Philippe Bouvard : Né le 6 décembre 1929, par hasard, à Coulommiers.

Entré, par hasard, aux lycées Rollin et Condorcet. Sorti (prématurément) de l'Ecole Supérieure de Journalisme. Engagé, par hasard, au Figaro.

Recruté, par hasard, par la Radio. Chargé, par erreur, d'une émission tous les samedis soirs à la Télévision. N'a eu des prix que depuis qu'il a quitté l'école. A longtemps publié des livres à tirage limité, réservés à sa famille et à ses amis. Aujourd'hui, rédacteur en chef à France-Soir, chroniqueur à Match, rédacteur en chef de R.T.L. et producteur présen- tateur de Le dessus du panier. Auteur dramatique débutant avec " Au plaisir Madame" au Théâtre Michel (150 représentations). On lui doit (façon de parler, car son éditeur lui a scrupuleusement réglé ses droits d'auteur) : Un oursin dans le caviar, La cuisse de Jupiter, Impair et passe, Du vinaigre sur les huiles et Si je disais tout...

Le bon accueil fait à ces cinq ouvrages lui a permis d'élever deux filles et de payer sa cotisation au Rotary-Club de Paris. Chevalier des Arts et des Lettres (par protection).

Atelier Pascal Vercken / Photo France soir (Code réf. 45 TTC) ISBN 2 258-00326 -1

(28)

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia

‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Références

Documents relatifs

[r]

Poignée pour porte EXT pleine avec

 Procéder à une analyse comparative des structures de prix identifiées avec celles qui caractérisent les marchés de la vente de pièces détachées en métropole ou dans

Jamais, jamais je ne me tirerai de cette saloperie de guerre pour aller dans un bel hôpital, avec tout autour de moi les gentils culs d'infirmières bien propres et aseptisés qui

 Attendez, je vais voir ce que je peux faire pour vous.. Et on ferme dans

Article 11- Le promoteur visé à l'article premier ci-dessus bénéficie pour l'ensemble de ses actes, activités et revenus afférents à la réalisation des logements

[r]

- Garantie de livraison sous une semaine pour les pièces tenues en stock, - Toutes les pièces ne sont pas suivies en stock, pour toute demande de. livraison partielle des