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La ville diffuse peut-elle être durable ?

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Academic year: 2022

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CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

La ville diffuse peut-elle être durable ?

Animé par : Ariella MASBOUNGI,

inspectrice générale de l'administration du Développement durable

Actes des « Matinées du CGEDD » le jeudi 11 avril 2013 à la Grande Arche de la Défense –

PARIS

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Les Matinées du CGEDD : « La ville diffuse peut-elle être durable ? »

Jeudi 11 avril 2013

Sommaire

Ouverture, Alain LECOMTE, président de la section Aménagement durable du territoire, CGEDD...p3

Introduction, Ariella MASBOUNGI, inspectrice générale du Développement durable………...p 4

Exposés …...p 6

Francis BEAUCIRE, géographe...p 6

Paola VIGANÒ, architecte-urbaniste, Milan...p 11

Daniel DELAVEAU, président de Rennes-Métropole...p 15

Echanges avec la salle………. …..p 18

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Ouverture

Alain LECOMTE président de la Section Aménagement durable du territoire, CGEDD Bonjour à tous. Je suis heureux d’ouvrir la huitième matinée du CGEDD. Je n’ai pas besoin d’excuser l’absence du vice-Président du CGEDD, qui introduit habituellement ces matinées, puisque, comme vous le savez, il a été nommé président de la Commission nationale du débat il y a quinze jours. Ariella Masboungi m’a donc demandé d’introduire et de conclure cette matinée.

Le titre de la matinée a dû vous surprendre et vous séduire, car nous n’avons pu accueillir toutes les personnes intéressées. Cela nous étonne et nous ravit tout à la fois. Les matinées intéressent un public varié sur des préoccupations qui croisent celles du CGEDD.

Nous avons souhaité capitaliser ces matinées en réalisant une édition spéciale de notre journal, Les Échos du CGEDD, consacrée aux matinées. Ce nouveau numéro, très prochainement disponible, exploite les sept séances précédentes, en analyse les enjeux et les acquis, tout en donnant la parole à quelques intervenants clés.

Aujourd’hui, la ville peu dense est au centre de nos débats. Est-ce lui faire trop d’honneur, à elle qui est honnie par tous les bien-pensants de la ville durable ? En effet, la ville peu dense, souvent celle de la grande périphérie, est accusée de tous les maux : dépenses énergétiques et circulation routière excessives, imperméabilisation des sols, etc. Il serait de bon ton de prôner la densité partout et la lutte contre l’étalement urbain. Loin de nous l’idée de dire le contraire. Il nous est toutefois apparu nécessaire de prendre en considération ces territoires et ces habitants stigmatisés de toutes parts, mais aussi de nous confronter à ce qu’il faut reconnaître comme étant le relatif échec de la lutte affichée contre l’étalement urbain. Car ce dernier est toujours à l’œuvre en France, comme en Europe et ailleurs dans le monde. Il ne proviendrait pas seulement de notre gouvernance insuffisante, mais également de notre incapacité à offrir du logement accessible dans des secteurs mieux desservis par les transports en commun. Bien d’autres raisons pourraient être invoquées, qui alimenteront sans nul doute nos débats ce matin. Il est ainsi essentiel de nous confronter à un état de fait et d’en tirer des conséquences quant aux actions à mener. Il s’agit d’abord d’intervenir sur les territoires de dispersion urbaine, qui existent. Il ne faut pas considérer qu’ils sont voués à l’oubli, à la voiture reine, et bientôt à l’aggravation de la précarité. Comment agir pour les rendre plus aisés à vivre, moins consommateurs d’énergie, les doter d’une proximité séduisante quant à la vie quotidienne, en lien avec des pôles de travail, de services et de loisirs ?

Comment organiser le territoire qui s’étend sans qu’il ne soit le fruit du hasard, des opportunités et des spéculations foncières ? En d’autres termes, comment penser l’extension lorsqu’elle s’impose ?

Pour aborder l’ensemble de ces questions, trois intervenants de haut niveau nous apporteront leurs éclairages, et nous les en remercions chaleureusement.

Francis Beaucire, géographe, professeur émérite, est également président du groupe

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Il est spécialisé dans le domaine de la planification territoriale, des transports et du développement durable dans le cadre européen. Ses travaux actuels concernent l’articulation entre l’offre de transports publics et le processus d’urbanisation dans le contexte des schémas de cohérence territoriale. Dans le domaine des transports, il travaille sur l’évaluation des effets des transports publics urbains et interurbains sur les pratiques de mobilité. Il dirige la revue « Transports Urbains, mobilité-réseaux-territoires », publiée par le groupement pour l’étude des transports urbains modernes (GÉTUM), et a contribué à de nombreux ouvrages sur la question.

Paola Viganò, architecte et urbaniste, est aussi enseignante à l’École d’architecture de Venise. Avec Bernardo Secchi, elle a créé l’agence Studio 13. Ils ont été précurseurs sur le concept de città diffusa, ville diffuse, qui ne correspond pas forcément à la périphérie des villes, mais à l’urbanisation entre les villes. Faisant tous deux partie de l’atelier international du Grand Paris, ils ont préconisé une approche durable sur les territoires de la diffusion urbaine. Auteurs de nombreux projets en France, notamment à Rennes, ils exercent également en Italie et en Belgique, et se sont fait remarquer par leur brillant schéma directeur d’Anvers.

Enfin, Daniel Delaveau, que beaucoup connaissent déjà ici, est maire de Rennes et président de Rennes-Métropole. Depuis octobre 2008, il est par ailleurs président de l’Assemblée des Communautés de France (AdCF), qui regroupe plus de 1 200 communautés de communes, communautés d’agglomérations et communautés urbaines. Président d’une agglomération vertueuse en termes d’organisation du territoire, il a établi des relations avec Nantes sur les politiques publiques, les deux bassins de villes se touchant, alors même que les villes sont distantes de 100 kilomètres.

Grâce à nos trois intervenants, nous tenterons donc de progresser aujourd’hui sur un sujet inusité, sans doute, mais essentiel si nous voulons, au-delà des quartiers, aller vers la ville, au sens large du terme, durable.

Notre prochaine matinée aura lieu le 29 octobre 2013, et portera sur la prospective urbaine.

Nous nous proposerons de lâcher la bride à l’imaginaire, d’étudier le probable et peut-être l’improbable, en déplaçant les questions et en ouvrant des champs nouveaux à l’avenir urbain, avec optimisme. Georges Amar donnera d’ailleurs le la de notre matinée autour du titre de son prochain ouvrage : Aimer l’avenir. Tania Conko, architecte urbaniste, sera également invitée, aux côtés d’un troisième intervenant, dont nous ne pouvons pas vous dévoiler le nom à ce jour.

Ariella MASBOUNGI

La ville diffuse, città diffusa, est en effet une notion italienne. Nous aurions pu choisir la notion de « grand territoire », ou de périphérie. Mais la ville diffuse ne renvoie pas forcément aux périphéries. Elle correspond à la ville entre les villes. Il s’agit d’un phénomène européen.

Les études pilotées par Paola Viganò, avec d’autres chercheurs européens, ont démontré que plus de 40 % de la population européenne habitent ces territoires situés entre les villes.

Pourquoi avons-nous souhaité mettre cette question à l’honneur ?

Parce que, de fait, ces territoires existent. Des gens y habitent et vont sans doute se trouver dans des situations de plus en plus difficiles et précaires avec l’amélioration du

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développement durable dans les cœurs de ville et les premières périphéries. Ainsi, un jour, les exigences sur la qualité de l’air feront en sorte que les véhicules polluants ne pourront plus entrer dans les villes. Les populations qui habitent loin des cœurs de ville ont absolument besoin de leur voiture, ne peuvent pas pratiquer l’auto-partage, parce qu’elles ne peuvent pas anticiper leurs déplacements. Elles seront de plus en plus exclues des lieux dits

« durables ». Il n’est donc pas pensable de laisser les grands territoires de la ville diffuse à l’abandon. La durabilité inclut trois volets : l’environnemental, le social et l’économique. Le volet social est de plus en plus important bien que moins bien pris en compte, car la précarité touche de plus en plus des populations que l’on ne sait pas accueillir dans les cœurs de ville ou dans les lieux qui sont densifiés à proximité des pôles de transports. Or, avec la raréfaction des ressources publiques, on n’imagine pas que le développement des transports publics puisse prendre un essor extraordinaire, notamment dans les territoires difficiles à desservir.

Nous nous sommes donc demandés comment servir les populations présentes sur ces territoires, leur proposer un mode de vie durable et agréable. La durabilité inclut en effet également le plaisir, elle ne renvoie pas uniquement au devoir. Nous nous sommes également demandés comment être efficaces, non dans la lutte contre l’étalement urbain, mais dans l’organisation de la croissance des territoires, croissance amenée à se poursuivre.

Toutes les recherches démontrent en effet que cette croissance se poursuivra. Elles démontrent également que nous sommes dans l’incapacité d’offrir suffisamment de lieux d’habitat dans les pôles de densité. Les chercheurs ici présents vous donneront des éléments précis à ce sujet.

Concernant les grands territoires - sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé, en publiant notamment un ouvrage intitulé Agir sur les grands territoires -, il existe des améliorations considérables sur le plan conceptuel. En effet, certains territoires se sont mis en marche pour élaborer des projets. C’est le cas en Allemagne, avec l’Emscher Park, même si ce dernier reste un projet isolé en Allemagne comme ailleurs en Europe.

Nous assistons à des progrès considérables sur la manière de penser autrement le schéma de cohérence territoriale. La coopération menée dans l’agglomération de Rennes en est une bonne illustration. Elle propose d’inverser le regard et de regarder la ville à partir de l’extérieur. Le travail a été mené, commune après commune, dans une démarche bottom-up pour construire le modèle de la ville archipel.

En France, il existe des agglomérations vertueuses, en particulier à Lyon ou à Rennes.

Rennes a toujours été la bonne élève de la planification, avec la ceinture verte, les corridors verts, l’organisation des pôles de périphérie. Ces expériences vertueuses connaissent toutefois des limites. Le chercheur Marc Viel l’a ainsi démontré : plus une agglomération est vertueuse, plus l’étalement urbain est important au-delà.

Nous évoquerons également les questions de gouvernance, dans le contexte de la Loi sur la réforme territoriale. Il est possible que la création des métropoles crée la gouvernance à la bonne échelle, avec toutefois des limites. Par exemple, la métropole lyonnaise laissera de côté toute une partie rurale du département. Aux portes de l’agglomération, on assiste à un abandon de ces territoires, à un laisser-faire. N’oublions pas que le territoire est a priori constructible. Or des lois se succèdent pour freiner la constructibilité. Les habitants ne sont pas responsables de cette évolution. De fait, on ne leur propose pas de les loger dans de bonnes conditions, dans des lieux potentiellement desservis par les transports en commun.

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Cette matinée revêt une importance particulière abordant un sujet oublié. Nos trois invités nous aideront à ne pas rester dans le constat, mais à guider l’action. Il est en effet essentiel d’agir sur ces territoires. Nous avons besoin de très bons chercheurs, concepteurs, et d’élus motivés qui passent à l’acte.

Exposés

Francis BEAUCIRE, géographe

Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui. Dans une première partie, j’essaierai de faire un rappel sur des faits que tout le monde connaît, mais en les assemblant à ma manière.

Dans une deuxième partie, j’observerai la manière dont les territoires de basse densité peuvent évoluer dans un avenir que l’on pourrait aimer, pour reprendre la référence à l’ouvrage de Georges Amar.

J’ai essayé de faire avancer d’une case mes pions, dans cette sorte de jeu de l’oie qui nous mène à un territoire durable, en modifiant légèrement le titre qui nous a été proposé. Plutôt que de me demander si la ville diffuse peut être durable, je propose l’affirmation suivante : la ville diffuse doit, elle aussi, être durable.

J’ai passé une grande partie de mon existence à travailler sur la ville compacte, la ville de courtes distances. Aujourd’hui, depuis quelques années, il m’est apparu nécessaire de m’intéresser à ce qui reste, en dehors de ces villes, même si les villes ont constitué une sorte de moteur de la dynamique socio-économique de notre pays et de presque tous les pays développés.

Je me suis placé sous la haute autorité de Thomas Sieverts, qui a écrit cette formule, à laquelle j’adhère pleinement : « Toutes les tentatives auxquelles je me suis moi-même encore récemment livré pour imposer la structure de la ville européenne historique comme le concept universel pour le futur ont échoué. » Cette citation est issue de son ouvrage Entre- ville : une lecture de la Zwichenstadt, publié en 2001. Ce texte est aujourd’hui considéré comme une réelle innovation, alors qu’il a déjà douze ans. Je citerai également l’ouvrage de Bernardo Secchi : Première leçon d’urbanisme. La lecture de ces deux ouvrages montre bien qu’en France, nous sommes encore en retard sur notre manière de penser les territoires et de prendre en considération les faits.

Nous devons opérer une petite révolution copernicienne pour transformer notre représentation du territoire, surtout dans le contexte général du développement territorial durable. Lorsque l’on parle des espaces de basse densité, on est dans l’erreur. L’étalement urbain constitue lui-même un terme réducteur, car il renvoie à une grande diversité. Avant même de nous demander comment ces territoires peuvent contribuer au développement territorial durable, il convient de procéder à une révision de nos représentations. Je ne suis pas en train de remettre en cause la ville. Je tiens simplement à rappeler que les villes ne sont pas parfaites. Vous voyez, sur cette image qui représente une cité médiévale, notre représentation de la ville. Elle distingue un dedans et un dehors, la ville est compacte, elle dispose, à proximité, de toutes les ressources urbaines. Il s’agit d’une ville aux courtes distances. Et l’image représente également les maisons des faubourgs, situées à la porte de la ville, qui semblent aspirer à rejoindre la ville. Cette image est emblématique de l’histoire urbaine de toute l’Europe. Les remparts s’étendent sur des diamètres de plus en plus larges pour accueillir les populations urbaines.

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Aujourd’hui, nous nous intéressons à la ville comme un espace qui est « en dehors ». Nous avons été nombreux, en France, à adopter l’expression « ville diffuse ».

En trente ans, le solde de population des couronnes périurbaines et des communes multipolarisées s’est accrue de 4,5 millions d’habitants, alors que sur la même période, les agglomérations et banlieue ont gagné 5,5 millions de population supplémentaire. Ville dense et ville diffuse sont donc pratiquement à jeu égal. Une population accrue signifie des besoins de consommation accrus, et donc des emplois. 500 000 emplois se sont ainsi installés dans les couronnes périurbaines pendant cette période, contre un peu plus de deux millions dans les villes. Ces emplois dispersés sont pourvus, en grande majorité, par des habitants de ces espaces de basse densité.

Aujourd’hui, l’idée générale est simple : les habitants périurbains parcourent des quantités phénoménales de kilomètres, ils « engloutissent » pour ainsi dire de l’énergie et émettent des quantités colossales de gaz à effet de serre. Ce constat n’est toutefois vrai que pour une partie d’entre eux. En effet, dans les très grandes aires urbaines, seuls 25 % des habitants du périurbain correspondent à cette configuration. Les 75 % restants vivent dans une relative proximité, avec une voiture, certes, mais sans effectuer une quantité importante de kilomètres. Par conséquent, le bilan n’est pas aussi catastrophique que la représentation que nous en avons.

Un étudiant en thèse a ainsi estimé la production de navette moyenne, hors Île-de-France, engendrée par les trajets logement-emploi. Les résultats montrent qu’un emploi en périurbain diffus, c’est-à-dire dans des petits villages les uns à côté des autres, donne lieu à une navette quotidienne de 3,7 kilomètres. Lorsque le périurbain est polarisé, la navette entre le domicile et l’emploi s’élève à 6,1 kilomètres. En comparaison, un emploi en banlieue engendre une navette de 5,1 kilomètres. Par conséquent, là encore, les ordres de grandeur ne sont pas très différents. Les emplois de centre-ville engendrent des navettes moyennes de l’ordre de 3,5 à 4 kilomètres. La distance, en termes de développement durable, entre l’acceptable et le non acceptable, n’est pas si grande dans la réalité.

Concernant les déplacements, avec 4,5 millions d’habitants supplémentaires, le commerce réapparaît dans les espaces de basse densité, après une grande période de creux entre 1960 et 1980. Ce commerce se traduit par des emplois, et ces derniers sont pourvus par des personnes qui habitent en proximité. Vous objecterez, comme Laurent Davezies, qu’il s’agit d’emplois résidentiels. Mais ce sont des emplois quoi qu’il en soit. À ce stade du raisonnement, je n’entre pas dans cette distinction.

Lorsque l’on examine les émissions de CO2 par habitant et par an, on constate que les habitants du périurbains émettent plus que les habitants des banlieues ou des centres-villes.

Ces chiffres sont tirés vers le haut par les 15 ou 20 % d’actifs qui se déplacent vers la partie centrale du pôle. Mais ce chiffre serait beaucoup plus important si, conformément à notre représentation, presque tous les habitants des zones périurbaines effectuaient ce déplacement.

La définition des aires urbaines de l’Insee nous induit en erreur. Dans les couronnes périurbaines des aires urbaines de taille moyenne ou importante, tout le monde ne va pas travailler dans le pôle. Il faut 40 % d’actifs qui vont travailler dans le pôle ou dans une commune qui elle-même émet 40 % d’actifs vers le pôle. À cause de cette définition complexe, nous nous sommes trompés.

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La réalité est la suivante : le tiers des communes des couronnes périurbaines n’envoie pratiquement aucun actif vers les pôles. Autrement dit, il existe des mouvements de concentration. Les habitants restent au sein des couronnes. Leurs déplacements portent sur des distances réduites et produisent par conséquent des émissions modestes.

Les villes ne sont donc pas cet aspirateur démoniaque qui « siphonne » pour ainsi dire les couronnes et les espaces multipolarisés. Elles exercent un pouvoir d’attraction certes puissant, mais pas exclusif. Il convient donc de regarder ces espaces en les dissociant de leur liaison à la ville, pour restaurer leur niveau d’autonomie dans nos représentations. Il existe une forme d’autonomie dans ces espaces, et la notion de proximité n’est pas une exclusivité de la ville dense. Évidemment, la proximité s’exprime autrement que dans la ville dense, où elle se traduit par le tramway, le bus, le trajet à pied, à vélo. Dans les espaces de ville diffuse, l’habitant prendra certes sa voiture, mais pour parcourir trois kilomètres.

Même si individuellement, les habitants des zones périurbaines produisent davantage de gaz à effet de serre, ils ne sont pas assez nombreux pour, collectivement, rivaliser avec les banlieues. Le véritable enjeu de réduction des gaz à effet de serre correspond à la mobilité dans les banlieues. Le périurbain, avec beaucoup moins d’habitant, émet la même quantité globale de gaz à effet de serre que les centres-villes. Dans les banlieues, les transports collectifs sont insuffisants pour compenser l’efficacité de la voiture particulière. D’autre part, les modes de transport alternatifs ne permettent pas de franchir les distances que les actifs ont besoin de franchir.

Ce constat transforme donc la manière dont nous avons hiérarchisé les problèmes entre le périurbain, les banlieues et les centres-villes. La situation est beaucoup plus nuancée et les cloisons entre les différentes catégories sont assez poreuses.

On affirme aujourd’hui que la catastrophe énergétique frappe de plein fouet les espaces périurbains. Je nuancerais ce propos.

L’évolution du prix équivalent travail du pétrole sur une longue période montre qu’à partir de 2000, la courbe s’est redressée. Toutefois, elle n’a perdu que la moitié du gain effectué au milieu des années 1980. Sur une longue période, le coût de l’énergie n’a donc pas augmenté tant que cela. Comme je vous l’ai indiqué, la plupart des habitants du périurbain, dont les qualifications professionnelles sont relativement modestes, trouvent un emploi dans un rayon géographique limité. Ainsi, pour les trois quarts d’entre eux, le budget énergétique dans le périurbain n’est pas encore impacté par les hausses de prix.

L’IAURIF a comparé le coût du logement et du déplacement pour les habitants de l’aire parisienne. En petite couronne, la différence de coûts est la plus importante avec la partie centrale de l’agglomération. Dans la grande couronne, le coût est à jeu égal avec la partie centrale. Lorsque le prix de l’énergie est multiplié par trois, le coût total passe de l’indice 99 à 106 dans la grande couronne. Est-ce suffisant pour entraîner un basculement du mode de vie périurbain ? Pour les trois quarts des habitants du périurbain, la réponse est négative.

Lors d’une conversation récente avec Yves Crozet, économiste des transports, ce dernier m’a indiqué que la précarité énergétique dans les espaces périurbains ne concerne qu’une frange faible de la population. Pour l’essentiel des classes moyennes qui se sont péri- urbanisées en accédant à la propriété privée d’une maison individuelle, une multiplication par 5, 6, ou 7 du prix actuel de l’énergie sera nécessaire pour entraîner une modification radicale des programmes d’activité et de mobilité.

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Si ces éléments ne nient pas l’existence d’une discrimination sociale, cette dernière s’évalue pour chaque territoire. Sur la question de l’énergie, la catastrophe que nous avons dans nos représentations n’est pas si évidente.

Nous assistons donc à une tendance de fond : une population s’installe et parvient à maintenir un « genre de vie » dans la ville diffuse. Certains habitants des espaces périurbains n’aiment pas la ville.

J’ai déjà indiqué précédemment que la ville durable doit être durable, car elle concerne des populations importantes et ne constitue pas une anomalie statistique. J’avancerais peut-être encore mon pion d’une case supplémentaire, en me demandant si cette ville diffuse n’est pas déjà, à sa façon, durable, et ce, sans que l’on n’ait rien fait, en laissant les élus locaux distribuer les permis de construire. Cette position est un peu plus difficile à tenir. Mais comme nous l’avons vu, les bilans d’émissions de CO2 ne sont pas pires que ceux des villes, pour des raisons diversifiées. Nous avions fait cette constatation avant que le PUCA ne lance sa consultation sur les espaces de basse densité.

Cette population qui vit sans la ville, ou avec la ville de manière intermittente, temporaire, secondaire, est susceptible de s’adapter aux conditions qui proviennent par exemple de l’évolution du prix de l’énergie ou du marché de l’emploi. Cette adaptabilité se manifeste de différentes manières. Ainsi, le covoiturage a d’abord émergé dans les espaces ruraux ou périurbains lointains. Il constitue la trace concrète d’une solidarité entre les personnes. L’idée selon laquelle la solidarité a lieu dans les espaces denses avec une grande diversité sociale n’est certes pas fausse, mais il ne faut pas non plus oublier que la ville dense est aussi un lieu de tensions parfois importantes. Dans certaines régions, les commerces ambulants sont en train de réapparaître, même si leur modèle économique reste imparfait. Les collectivités interviennent au coup par coup, pour favoriser le transport à la demande ou le covoiturage.

Toutes ces formes d’adaptation provoquent une sorte de bouillonnement, dont le but est de maintenir un « genre de vie » dans les espaces de la ville diffuse. Ce genre de vie fonctionne d’ores et déjà. Le bilan que l’on peut en faire en termes de développement durable se rapproche finalement de celui des villes denses. Ces dernières ont des problèmes énormes à régler en termes de développement durable. On ne peut pas considérer que les villes denses sont le lieu où tout se passe bien.

Cette adaptabilité se développe à l’abri des institutions ou en avance sur les institutions.

Nous avions bien souligné ce point auprès des chercheurs du groupe mobilité dans les régions urbaines du Predit. Nous avions lancé une consultation sur la manière dont les gens font en sorte d’avoir un genre de vie compatible avec leurs aspirations, y compris dans des espaces considérés, par les savants que nous sommes, comme des espaces perdus pour le développement durable.

Nous sommes aujourd’hui au seuil de la construction de bilans territoriaux. Il sera indispensable de comparer les différentes formes de périurbanisation, à la fois entre elles, mais aussi par rapport à la référence intellectuelle incarnée par la ville dense et compacte.

Je parierais volontiers qu’après cinq à sept ans de travaux de thèses, nous aurons une vision scientifiquement claire de l’écart réel qui sépare la densité de la non densité. Pour des raisons différentes, nous pourrions trouver des résultats somme toute à peu près semblables.

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En termes d’aménagement, parmi les points importants qui doivent figurer dans toute action de planification territoriale de ces espaces de la ville diffuse, il y a d’abord la préservation du paysage. En outre, il convient de préserver les entités de production agricole. Enfin, la planification doit maintenir les continuités biologiques sur lesquelles repose la pérennité de la diversité biologique. Ces questions se distinguent des questions qui se posent dans les villes.

Sur le plan de la société, la question de la précarité des ménages, problème lié au chômage et aux niveaux de formation, ne relève pas spécifiquement des espaces de basse densité.

Les profils électoraux de ces espaces ont été largement commentés. À mon sens, beaucoup d’erreurs ont été faites. Une analyse méticuleuse de ces espaces montre que les Français qui les habitent ne se sentent pas dans une situation de relégation, qui les mènerait à un ressentiment envers le système politique. Les situations les plus désastreuses se trouvent dans les villes. Par conséquent, la différence entre villes compactes et diffuses en termes de précarité me semble être un artifice. La précarité existe partout. L’identité du territoire n’est pas productrice de précarité. Parmi les 4,5 millions d’habitants supplémentaires des espaces périurbains, on trouve les enfants de la génération précédente, mais aussi les nouveaux venus, ceux qui sont dans le mouvement de « l’exode urbain », en référence à l’ouvrage de Pierre Merlin.

Les nouveaux venus ont accédé à la propriété privée d’une maison individuelle dotée d’un jardin. Ils obtiennent une marge de distanciation par rapport aux urbains, pour augmenter leur confort. Ils ne se trouvent pas, pour l’essentiel d’entre eux, dans une situation de désespérance sociale. Ils ont simplement quitté un espace qui ne leur plaisait plus : celui de la densité des banlieues.

Ariella MASBOUNGI

Nous avons abordé la densité, le vivre ensemble et la cohésion, autour de Jacques Lévy dans un 5 à 7 qui peut être téléchargé sur le site du club ville aménagement et J Lévy ne dit pas tout à fait la même chose évoquant notamment les allophobes et les allophiles qui favorisent ou non le modèle urbain dense.

Toutefois, à entendre votre exposé, on a le sentiment que la ville diffuse fonctionne très bien.

Dès lors, devons-nous laisser faire ? Francis BEAUCIRE

J’ai récemment participé à un pré-rapport pour une habilitation à diriger des recherches au laboratoire de l’économie des transports à Lyon. Le travail porte sur les scénarios de développement du Grand Lyon. Les tests effectués parviennent à une conclusion simple : les personnes n’ont qu’à habiter en zone dense. Mais la question à poser est la suivante : qui m’offre la possibilité d’habiter ailleurs ? En ai-je envie ? Nous nous apercevons que nous sommes face à un problème bien plus complexe que la mobilité, à savoir l’accès au logement. Il s’agit de permettre aux personnes, dans le cadre de leur budget et du système actuel du logement, de trouver l’équation la plus conforme à leurs aspirations.

Individuellement, cela pose parfois problème.

Collectivement, la catastrophe énergétique ne se pose pas forcément dans ces zones. On souligne parfois la difficulté à trouver un emploi dans les espaces périurbains. Nous sommes

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dans un système sociopolitique qui assure une forme de solidarité envers les plus démunis.

Il existe des démunis dans les villes et dans les campagnes. Le fait d’être démuni n’est pas une spécificité de ces espaces.

Par conséquent, lorsque l’on examine chaque chapitre (énergie, emploi, etc.), on constate que la réalité n’a rien à voir avec l’idée que l’on s’en fait. Faut-il arrêter le développement des villes diffuses, c’est-à-dire laisser tomber les 4,5 millions de personnes supplémentaires qui habitent ces espaces ? Il convient de continuer à s’en préoccuper. Sinon, nous assisterons à un exode rural. Il convient donc d’encadrer cette dynamique pour trouver les formes qui correspondent le mieux à nos objectifs de développement durable et aux aspirations des populations. En effet, comme cela a été souligné précédemment, le développement durable comporte aussi une dimension d’envie, de désir et de plaisir. La façon de vivre qui caractérise les zones périurbaines compromet-elle le bilan énergétique, la solidarité sociale, etc. ? L’encadrement de ce système est nécessaire.

La densification dans les villes permet de satisfaire environ 60 % des besoins. Il reste 40 % des besoins qui ne peuvent être pourvus que par des créations urbaines. Dans ce contexte, il n’existe pas uniquement le modèle de la ville diffuse. Dans la construction de la forme, il convient à la fois de satisfaire les aspirations individuelles des habitants et les aspirations collectives de toute une société, à savoir fonctionner plus sobrement du point de vue de l’énergie, du changement climatique et maintenir des systèmes de solidarité.

Au fond, l’idée clé à poursuivre est que la proximité n’est pas une notion hors sujet dans les espaces de basse densité.

Daniel DELAVEAU, président de Rennes-Métropole

Où placez-vous le curseur délimitant la banlieue et le périurbain ? Francis BEAUCIRE

L’INSEE définit la banlieue comme la partie du pôle urbain qui n’est pas la ville centre. L’aire urbaine comprend la couronne périurbaine et les communes dites multipolarisées. Le pôle, situé au centre, se définit comme un agglomérat d’emplois, dont le nombre est supérieur à un certain seuil. Il inclut les communes qui participent à cet agglomérat. Votre question est centrale, dans la mesure où certaines communes, rattachées à cet agglomérat central, ont une configuration plutôt périurbaine. D’autres, plus éloignées sur le plan géographique, sont rattachées à la couronne périurbaine. L’INSEE a toujours utilisé ces deux dimensions de statistique démographique et d’espacement territorial. La combinaison de ces deux données permet de distinguer la banlieue et le périurbain. Sur le terrain, la distinction s’avère parfois plus subtile.

Paola VIGANÒ, architecte-urbaniste, Milan

Les premières recherches sur la ville diffuse datent de la fin des années 1970. Elles se poursuivent dans les années 1980, et finalement, dans les années 1990, Francesco Indovina publie son ouvrage intitulé Città diffusa.

Pourtant, la ville diffuse a plus de cent ans. Elle s’enracine dans la construction de certains territoires sur une très longue durée. Dans certains territoires, elle a démontré sa capacité d’adaptation face aux évolutions.

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Je rappellerai très rapidement les évolutions de la ville diffuse, avant de vous présenter une série de scénarios et projets que nous avons proposés pour ces territoires.

Scénarios de ville diffuse en Vénétie

Vous voyez ici la forme de la ville diffuse en Vénétie, autour de Venise. Sur certaines parties de ce territoire, on dénombre une entreprise pour neuf habitants. On ne peut donc pas parler de faible densité. Il s’agit en outre d’un lieu très attractif du point de vue de la production économique. Même en période de crise, ces territoires restent marqués par une très forte résilience.

Le paysage est caractérisé par l’intégration, à la fois entre la nature et l’agriculture, mais aussi entre la production industrielle et l’habitat. Ce modèle d’intégration peut, à certains points de vue, résoudre plus efficacement des problèmes liés à la crise environnementale.

La production de ce territoire est celle d’une densification plutôt que d’un étalement.

Entant donné que cette ville diffuse existe, comment valoriser ses caractéristiques et ses potentialités ?

En termes de caractéristiques territoriales, nous avons réfléchi à la forme de la ville diffuse à partir de l’eau et de l’asphalte, c'est-à-dire le réseau hydrographique et la voirie sous toutes ses formes. La production territoriale de ces grands réseaux, au fil des siècles, a conféré une habitabilité et une accessibilité à tout le territoire, a aménagé l’écoulement des eaux, donnant ainsi la possibilité de cultiver. La ville diffuse s’appuie sur ce modèle, qui n’existe pas uniquement en Vénétie. Plusieurs lieux dans le monde et en Europe présentent des points communs avec ce modèle. Le desakota, en Asie, en constitue une illustration intéressante.

Cette construction territoriale peut être représentée par le modèle de l’éponge, mais aussi par une relation osmotique entre l’infrastructure et ce qui y est connecté. Il existe en effet une relation facile, immédiate, entre les différents éléments et l’infrastructure. Cette dernière ne constitue pas une barrière ou un facteur de sélection. Le projet de ville moderne a proposé, au contraire, un système très hiérarchique, de séparation et de sélection très fortes.

La ville diffuse permet, quant à elle, en chaque point, de choisir sa trajectoire et d’être connecté. Elle est marquée par une connectivité extrême. Cette caractéristique est peut-être à prendre comme une référence dans la ville dense.

Même dans la ville diffuse, le processus que l’on observe va dans la direction de cette hiérarchisation très forte. Ainsi, tout nouvel élément d’infrastructure, comme l’autoroute, casse la connectivité et génère un processus de hiérarchisation, qui nous rapproche d’un modèle plus proche des suburbs américaines, où la poche d’habitat est connectée à un point unique, avec une absence de relation horizontale entre les différentes parties, donc avec une forte hiérarchisation.

Le projet de ville moderne, de ville dense, était inspiré par des principes que nous sommes amenés à critiquer aujourd’hui. Même dans les projets de ville moderne, des réflexions sur un modèle de ville horizontale ont existé, mais elles ont toujours été mises de côté.

L’une des critiques majeures adressée à la ville diffuse renvoie à son accessibilité par les transports en commun. Une étude a montré que si le coût lié aux véhicules privés était utilisé pour un investissement important dans les transports en commun, en prévoyant une vaste

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palette de transports, y compris la marche à pied et le vélo, il serait possible de couvrir les besoins en transport public. Même les entreprises dispersées sont proches d’une infrastructure de transport. Ainsi, les transports en commun pourraient couvrir 70 % de ce qui se trouve sur ce territoire en termes de production. La partie de la ville diffuse la plus proche des réseaux de transport (« High Intencity ») pourrait ainsi être desservie. Quant à la « low Intencity », elle n’est pas détachée du reste. Elle se trouve dans un paysage magnifique. Il existe une grande proximité de ces deux paysages. C’est pourquoi nous parlons d’isotropie.

Ce concept renvoie aux droits des citoyens (accessibilité, conditions de vie confortables, etc.). Il est donc lié à la rationalité politique.

Concernant les émissions de CO2, si les habitants des villes diffuses ne sont pas prêts à laisser leur voiture au garage, au moins, un effort est consenti pour compenser les émissions par l’installation d’espaces boisés le long des infrastructures. Dans cet exercice, il se dégage des éléments structurels à l’échelle de la ville diffuse. Il s’agit d’une occasion formidable de requalifier la ville diffuse. Actuellement, le modèle dans lequel l’eau est proche de la voirie est en train d’être affaibli, avec des constructions visant un élargissement. Il conviendrait donc d’imaginer une manière d’utiliser ces voiries pour ce qu’elles sont, à savoir des lieux mixtes. Il s’agirait donc de changer de perspective.

Dans la région de la Vénétie, la montée des eaux, en raison de la proximité de la mer et de la montagne, peut devenir un problème. Des rationalisations ont donc été réalisées sur les voies romaines et les canaux. La déviation d’une rivière a été effectuée pour sauver la lagune de Venise. La vue en coupe montre les relations entre les problèmes de la lagune et les quantités d’eau importantes susceptibles de provenir des montagnes et des glaciers. Il est aujourd’hui nécessaire de repenser cette coupe. La coupe qui montre les relations entre les montagnes et la lagune constitue l’échelle à laquelle il faut se placer pour imaginer le projet de la ville diffuse.

Dans la plaine sèche, par exemple, le scénario propose de réutiliser des lieux concernés par l’excavation de gravier pour faire des bassins de rétention des eaux en prévention de crues.

Les lieux ainsi transformés deviennent immédiatement des espaces publics. Il est souvent reproché à la ville diffuse d’être dénuée d’espace public. Mais il suffit de créer un parcours, de travailler sur ces bassins, et ces derniers deviennent des points de référence.

Les voies romaines irriguent et drainent les terrains. À côté de chaque élément d’eau se trouve un élément de voirie. Même dans une partie où la grille romaine n’est pas particulièrement forte, elle a inséré un système d’ordre qui guide le développement. On a dit que la ville diffuse était désordonnée. Mais il n’existe pas de territoire plus ordonné que la ville diffuse. Les tracés des canaux et des voiries guident le processus de construction.

Dans la plaine humide, il est prévu de rouvrir complètement le territoire à l’eau. Ces territoires sont en partie habités, ce qui nécessite la mise en place de digues. Il s’agit ainsi de travailler avec l’idée de résistance. Dès lors, l’équilibre entre résistance et résilience relève d’une décision politique.

Dans la ville diffuse, l’idée est également que chaque maison peut résoudre ses problèmes liés à l’eau à l’échelle de chaque parcelle. Cela renvoie au rôle de l’individu pour la collectivité. L’espace de prise de responsabilité de l’individu ne peut pas être minimisé.

La coupe entre les montagnes et la lagune doit être redéfinie pour résoudre les problèmes liés aux risques et produire des espaces intéressants. Cela revient à reformuler les règles de

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Réflexion sur la Flandre et la région de Bruxelles

Dans la région de Bruxelles, la ville diffuse prend une forme assez proche de celle de la Vénétie, bien qu’elle se soit construite différemment. Pour nous, le travail de comparaison entre différents types d’urbanisation s’est avéré très utile. Nous avons comparé le nombre des mètres linéaires d’espace ouvert par habitant dans plusieurs aires métropolitaines : dans la conurbation hollandaise, dans la région de Bruxelles et dans le Grand Paris. Le linéaire d’espace ouvert par habitant s’élève à 3,7 mètres dans la région de Bruxelles, contre 0,56 mètre dans le Grand Paris et même 0,39 mètre dans la conurbation hollandaise. Ce dernier chiffre peut sembler surprenant, mais la conurbation hollandaise répond au modèle de la ville archipel, constituée de morceaux compacts. Dans la région de Bruxelles, l’espace est important. Dans un territoire marqué, comme la Vénétie, par des siècles de construction d’une infrastructure élargie, qui a permis d’habiter pratiquement partout, on y trouve des villes moyennes en réseau, avec un transport en commun beaucoup plus développé qu’en Vénétie.

Nous avons proposé un scénario « sans voiture ». Il serait faisable presque immédiatement, car la région est déjà dotée d’un support très développé de transports. Elle fait en outre l’objet de projets futurs de transports très poussés. Concernant l’inégalité sociale, dans ce territoire, les populations pauvres se trouvent au centre de Bruxelles mais aussi dans les centres secondaires. Le degré d’appréciation de l’environnement où l’on réside est minimal au centre, tandis qu’il est très fort à l’extérieur. En revanche, même au sud, dans le bassin minier, où la pauvreté est élevée, le degré d’appréciation est très élevé. Par conséquent, les pauvres qui vivent hors du centre aiment leur lieu de vie. Ce constat nous intéresse particulièrement. En effet, parmi les éléments de résilience, il faut compter le fait d’aimer son lieu de vie.

J’ai participé à un travail sur la région de Flandre concernant la construction du nouveau plan de structure régionale. On m’a demandé de travailler sur l’autonomie alimentaire, l’espace disponible par habitant ainsi que sur les parcs. Il existe deux grands parcs à l’est et à l’ouest et un troisième « méta-parc » qui fonctionne comme un champ de connexion, tout en étant habité.

La ville diffuse est en train de changer. Elle ne correspond plus à la description de Francesco Indovina à la fin des années 1980. Nous assistons à une consolidation de la ville diffuse. La transformation se joue en particulier dans l’émergence de nouveaux petits centres. La ville diffuse donne lieu à des inventions typologiques très intéressantes. Ainsi, il peut s’agir d’intégrer la dimension industrielle dans un territoire magnifique, lui apportant quelque chose tout en le préservant.

La situation de Bruxelles montre bien comment la ville diffuse pénètre dans la ville dense. Il n’y a pas de frontière rigide entre la ville diffuse et la ville dense. La ville diffuse peut gagner en empruntant des éléments de la ville compacte. Elle rencontre des problématiques similaires, comme une population vieillissante, ou une population jeune, d’immigrés. Elle a besoin de services, d’équipements, d’accessibilité. Il manque donc des éléments d’urbanité dans la ville diffuse. En même temps, la ville compacte réclame des caractéristiques de la ville diffuse, comme la continuité écologique. Aujourd’hui, le clivage doit être dépassé. Des percolations et des hybridations doivent par conséquent se construire. Un travail doit être mené sur les trames, qu’il s’agisse des trames d’eau, des trames agricoles ou des trames urbaines.

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En conclusion, la nécessité de construire des projets sur les villes diffuses ne fait aucun doute. De nombreux territoires sont concernés. La réflexion théorique doit être reprise, car elle a toujours été marginalisée. Le concept de città diffusa, le desakota et l’idée agropolitaine constituent des points de départ pour imaginer le projet de ces territoires.

Ariella MASBOUNGI

Nous reviendrons, lors de l’échange avec la salle, sur les préconisations que vous avez faites dans les scénarios présentés.

Pour l’instant, nous allons céder la parole au politique. Daniel Delaveau, vous êtes en charge d’un territoire important, à savoir l’agglomération du Grand-Rennes. Vous présidez également l’Assemblée des structures intercommunales. Vous avez ainsi anticipé le travail à grande échelle, sachant que vous avez un destin commun. Vous menez dans ce contexte une stratégie urbaine, pour ainsi dire plus traditionnelle, consistant à densifier les urbanisations existantes, à éviter que la voiture ne devienne le modèle dominant, à éviter les excès de l’étalement urbain. Dès lors, comment réagissez-vous aux deux présentations précédentes ?

Daniel DELAVEAU, président de Rennes-Métropole

Il n’est pas évident d’intervenir après deux exposés de haut niveau et devant une assemblée experte. Ce genre d’échange est pour moi passionnant, d’abord parce que la parole y est libre, mais aussi parce que nous pouvons prendre le temps du recul. Je ne suis pas un théoricien, je ne suis qu’un modeste praticien.

Le premier élément fondamental renvoie pour moi à la question du projet. Vous l’avez l’un et l’autre évoquée, elle est centrale. Je la reprendrai de mon point de vue, qui est celui du politique. La question urbaine relève avant tout d’une question politique et sociale. Elle consiste à fixer des priorités en termes de stratégies d’aménagement. Je partage les préoccupations que vous avez soulignées, relatives à la préservation des paysages, des entités agricoles et des continuités biologiques. Pour moi, tous ces points ne sont qu’une conséquence d’une question centrale, à savoir la question sociale dans son ensemble. Paola Viganò a présenté un certain nombre de travaux menés sur de grandes échelles. La question est de savoir qui élabore les projets, qui décide. Cela soulève donc la question de la gouvernance. Vous objecterez que je suis focalisé sur cette question en raison de mes fonctions politiques et de l’actualité en matière de décentralisation. Je pourrais vous dire que je suis très déprimé par la situation. Mais je suis aussi très stimulé et très combatif.

À mon sens, dans la question urbaine, ce qui compte n’est pas tellement le débat entre ville diffuse et ville dense. Vous avez parlé de percolation et d’hybridation : c’est là que se trouve l’enjeu fondamental. Du point de vue social, pour parler de manière provocatrice, qu’est-ce que la ville aujourd’hui ? Du point de vue du citoyen, nous sommes aujourd’hui tous urbains par nos modes de vie. Nous vivons dans des territoires différents, mais le grand changement fondamental, qui s’est accéléré au cours des dernières décennies, est nous sommes tous urbains. L’opposition, que je sens resurgir dans l’actualité, entre la ville et la campagne, est un faux débat. Lorsque l’on parlait de Paris et du désert français, en disant que la ville captait les campagnes, il s’agissait d’une vision fausse. Les mutations économiques ont produit ces évolutions, notamment le changement radical de l’économie agricole. Aujourd’hui, les agriculteurs aujourd’hui sont des industriels et des entrepreneurs.

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La principale question est aujourd’hui de savoir comment gérer la croissance démographique. Les évolutions des aires urbaines en Bretagne montrent, sur les deux derniers recensements, une phase de croissance globale, mais plus forte dans la deuxième couronne que dans la première couronne et le centre de ville.

S’agissant de l’aire urbaine de Rennes, elle est marquée, depuis 2006, par une inversion de tendance. Si la croissance globale reste forte, le rythme de croissance est désormais plus fort en première couronne et dans le noyau urbain. Nous avons tendance à considérer que nos politiques ont joué un rôle dans ce changement. Ainsi, notre programme local de l’habitat, qui porte sur l’agglomération rennaise, n’y est pas pour rien dans cette évolution, y compris au cœur de la ville centre.

Ariella MASBOUNGI

Il est clair que les politiques actives de densification que vous avez menées ont joué un rôle dans cette évolution. Au contraire, le territoire de Bruxelles est marqué par une absence de politique notoire sur son cœur de ville.

Daniel DELAVEAU

Le problème est précisément la maîtrise de ces grands territoires. Il est nécessaire que nos institutions et nos outils de gouvernance soient à la bonne échelle pour mieux prendre en compte les différentes situations. Il s’agit d’ailleurs de l’un des axes que je trouve très positif dans le projet de loi sur la décentralisation. Quatre points me semblent importants dans la manière dont ce projet de loi est conçu :

La reconnaissance, inédite, du « fait urbain » au sens large du terme ;

La reconnaissance de la région comme échelon pertinent stratégique, notamment dans le domaine macro-économique et des schémas d’organisation territoriale ;

La nécessité de consolider les intercommunalités, quelles qu’elles soient. L’association des Communautés de France, que je préside, regroupe en effet à la fois des communautés urbaines ou d’agglomérations, mais aussi des communautés de communes ;

L’idée novatrice, qui fait débat, car elle bouscule nos méthodes, consistant à mettre en place des conférences territoriales de l’action publique, où les acteurs des territoires se mettent d’accord sur la répartition des compétences dans le cadre de la loi. Cela revient à faire confiance aux territoires dans leur capacité à se prendre en charge. D’autre part, il s’agit de la reconnaissance des spécificités territoriales, mais aussi d’une manière de gérer la complexité. Les enjeux de nos sociétés sont en effet de plus en plus complexes.

Dans ce contexte, les réflexes communalistes risquent de resurgir. Dans la mesure où la première partie du projet de loi sera consacrée aux métropoles, je prédis en effet le retour des discours sur le monde rural abandonné. À mon sens, le concept d’égalité des territoires est une ânerie. Ce qui importe, c’est l’égalité des citoyens. Travailler pour la ville relève d’abord d’un projet social, politique et culturel. L’objectif est de faire en sorte que les gens puissent choisir de vivre là où ils le souhaitent, dans un appartement de centre-ville ou dans une maison située à quelques kilomètres de la ville. L’essentiel est qu’ils puissent faire un choix et ne soient pas assignés à résidence. Certaines personnes font le choix de vivre en zone périurbaine. Beaucoup de gens voudraient pouvoir disposer d’un mode d’habitat plus souple tout en étant dans des secteurs plus denses ou en ayant accès à différents niveaux

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de services. Ces deux modes de vie peuvent être conjugués. Il convient de développer des transports collectifs performants et mieux articulés entre les réseaux urbains et les réseaux gérés par la Région. Je plaide d’ailleurs pour la création d’un RER renais, puisque la ville de Rennes est située au cœur d’une étoile ferroviaire à cinq branches. Nous disposerions ainsi d’une armature de transports, avec huit lignes en site propre, cinq lignes ferroviaires et deux lignes de métro. Un tel réseau nous permettrait de faire vivre une ville diffuse de qualité, d’articuler un « système urbain », pour reprendre une expression de la DATAR.

Les chiffres économiques et démographiques que vous avez mentionnés précédemment montrent que si la ville attire, elle ne siphonne pas. Au contraire, elle diffuse le développement économique et démographique. Elle doit aussi remplir des fonctions spécifiques, métropolitaines. Par exemple, chaque communauté de communes ne peut avoir son propre CHU ou sa propre université.

Nous développons des coopérations, que ce soit dans le cadre de pôles métropolitains de proximité ou d’une autre échelle, comme le pôle métropolitain Loire Bretagne, que nous avons créé avec Rennes, Brest, Nantes Saint-Nazaire et Angers. Nous ouvrons ainsi un champ de coopération et de visibilité, notamment au niveau international, et sur un certain nombre de sujets en matière d’innovation, de recherche, d’enseignement supérieur ou d’économie.

Le travail que nous menons est à géométrie variable. Outre le pôle métropolitain Loire- Bretagne que je viens d’évoquer, nous nouons des coopérations avec Saint-Malo. En outre, il est évident que le pôle Rennes-Nantes est majeur. Ces deux capitales régionales ne sont distantes que de 100 kilomètres. Quant aux deux aires urbaines, elles se touchent aujourd'hui. En 2004, une centaine d’entreprises étaient bilocalisées à Rennes et Nantes. Ce chiffre a été multiplié par 2,5 entre 2004 et 2008 : les entreprises bilocalisées à Rennes et à Nantes sont au nombre de 444 et sont en augmentation de 78 % depuis 2004. Les ménages bilocalisés sur le plan de l’emploi entre Nantes et Rennes sont également en progression.

L’évolution des modes de vie constitue également un enjeu politique et démocratique très fort. Jean Viard a parlé de « démocratie du sommeil » pour désigner le constat selon lequel de nombreux habitants travaillent ailleurs que là où ils votent. Je suis maire d’une ville dont un nombre important d’habitants travaillent ailleurs. La légitimité démocratique devra s’adapter et mieux correspondre à l’espace de vie réel et quotidien des habitants. La désignation au suffrage direct des élus communautaires au conseil municipal constituera à cet égard une première étape.

Nos communautés, avant la réforme du système fiscal local, vivaient quasiment exclusivement sur l’impôt économique, c'est-à-dire la taxe professionnelle. Aujourd'hui, elles sont sur le régime de la fiscalité mixte. Elles lèvent donc aussi l’impôt des ménages. Cette situation n’est pas choquante dans la mesure où les communautés offrent de plus en plus de services de gestion quotidienne, comme les transports, le traitement des déchets, l’assainissement, etc. La montée en puissance des compétences des intercommunalités, petites et grandes, montre que les échelons de gouvernance doivent s’adapter.

Dans les débats sur le SCoT, nous menons une réflexion urbaine sur l’axe Saint-Malo, Rennes, Nantes. À grande échelle, que devons-nous faire dans les interstices, les hinterland ? Devons-nous privilégier le laisser-faire ou nous en occuper ? À ce stade, nous menons des études et réflexions, mais au moins la question est posée. Je constate une évolution dans ce sens. J’espère que l’immobilisme ne prédominera pas. Mais je suis optimiste, car je pense que les situations de crise sont sans doute plus propices à davantage

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Echanges avec la salle

Ariella MASBOUNGI

Nous allons prendre le temps du débat. Vous avez apporté, tous les trois, un éclairage important sur une notion qui fait l’objet de nombreux déficits : déficits de connaissance, d’acceptation, de gouvernance, mais aussi déficits conceptuels, et enfin déficits en termes d’aménagement. Comment inventer l’organisation de structures amenées à travailler sur ces territoires ? Les propositions de Paola Viganò exigent un professionnalisme de la part des collectivités, services techniques et aménageurs pour mettre en œuvre les processus. En outre, les logiques économiques n’ont pas encore été trouvées pour mettre en œuvre ce type de projets. Nous nous trouvons donc au début d’une histoire sur le passage à l’acte de la ville diffuse.

Hervé DUPONT

Je souhaiterais évoquer la question de la maison individuelle, qui n’a pas été abordée.

Depuis 60 ou 70 ans, les architectes privilégiaient le logement collectif. Or, les grands ensembles construits dans les années 1950 sont aujourd'hui démolis ou transformés, ce qui oblige à une certaine humilité. Je rappelle que la maison individuelle représente aujourd'hui la moitié de la construction en France. Il convient donc de retrouver un respect par rapport à cette aspiration. Elle pose certes des problèmes, en termes de consommation de l’espace. Il existe des progrès à faire à cet égard, en continuant à construire des maisons individuelles, mais de façon plus dense que ce que l’on fait jusqu’à ce jour.

Lorsque je me suis rendu à Rennes, j’ai été assez choqué de constater que l’ensemble Beauregard, qui compte 5 500 logements, ne comporte quasiment aucune maison individuelle. Je me suis interrogé sur ce choix, puisqu’il serait possible d’y insérer 20 à 30 % de maisons individuelles sans compromettre la densité globale de l’ensemble.

Par ailleurs, les infrastructures coupent les espaces agricoles et rendent les exploitations beaucoup plus complexes. Nous devons travailler sur ce sujet. En Allemagne ou en Hollande, les différentes infrastructures sont regroupées, pour éviter de couper les exploitations, en procédant à une « concentration des nuisances ».

Ariella MASBOUNGI

La maison individuelle a, elle aussi, fait l’objet d’une propagande nationale. Il me semble intéressant que Daniel Delaveau réponde à ce sujet. En effet, dans la périphérie de Rennes, on construit de la maison individuelle dense.

Daniel DELAVEAU

Vous avez raison de souligner que la densité n’est pas simplement collective. Ainsi, nous avons commencé à construire des maisons individuelles sur des parcelles de 150 mètres carrés au cœur d’un nouveau quartier. Ce type d’habitat rend possible une certaine qualité de vie. Il convient donc d’assurer une mixité des formes urbaines. Toutefois, les lotissements de maisons individuelles, construits au fil des opportunités de vente dans les communes rurales, ont abouti à des situations catastrophiques. L’enjeu est de développer des formes

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d’habitat qui préservent à la fois le besoin d’intimité et l’ouverture vers l’extérieur. Cela ne s’oppose pas avec la nécessité d’aller vers des densités plus fortes.

Pierre LACONTE

Ma question s’adresse à Paola Viganò. J’habite en effet dans la zone que vous étudiez en Flandre : je vous confirme la grande mutation des modes de vie de ses habitants. La gouvernance joue également un rôle important pour accélérer cette mutation. En France, la loi de 1973 sur le versement transport a joué un rôle mutant sur la reconfiguration des villes moyennes. En Flandre, un décret de 2001 divise les zones habitées en deux catégories : les vertes, bien desservies, et les rouges, qui ne le sont pas. La loi tient en un seul article : les zones rouges doivent devenir vertes. Peu à peu, toutes les zones se sont densifiées. Le paysage s’est transformé. Nous avons donc obtenu la consolidation de la ville diffuse par un moyen différent, via le ministère des transports.

André-Jean GUERIN, CGEDD

Vous avez évoqué la question de l’agriculture. Existe-t-il des exemples de coévolution d’un tissu diffus se densifiant et du développement d’une certaine forme d’agriculture ? Cette dernière est-elle susceptible de rester efficace dans un environnement urbain diffus, avec des relations de proximité, intégrant un certain nombre d’orientations en termes de consommation, et permettant de maintenir des co-activités, voire des activités complètes pour les habitants de proximité ?

Alain GARES, Directeur de la SPLA Europolia Toulouse

Je souhaite réagir aux propos des intervenants. Selon Francis Beaucire, la ville diffuse est peut-être déjà durable. Paola Viganò dit qu’elle existe depuis toujours et qu’elle fonctionne.

Au final, on pourrait en déduire que tout va bien. Or, la conclusion n’est pas celle-ci. Nous devons trouver les voies d’un aménagement différent. Nous ne pouvons nous contenter de comparer le bilan d’émissions de gaz à effet de serre des habitants du périurbain et de ceux du centre-ville. Malgré tout, l’étalement urbain tel que nous le pratiquons aujourd'hui ne fonctionne pas bien.

Ruth MARQUES, CGEDD

Vous avez mentionné la multiplication du prix de l’énergie pour qu’il devienne discriminant.

Or, je travaille actuellement sur un projet dans lequel il est dit que les ménages sont sensibles à des différences de 50 euros. J’aimerais donc en savoir davantage sur votre approche.

Pierre BOUDE, universitaire

J’ai beaucoup apprécié, dans vos exposés, le respect de la place de l’individu. À mon sens, l’action publique doit respecter un principe d’égalité et s’appuyer sur l’initiative individuelle.

Les décisions individuelles ne reposent pas uniquement sur un arbitrage relatif au coût de l’essence mais sur un ensemble. Je souhaite soumettre deux propositions d’action publique.

Une réponse possible à la sédentarité des ménages pourrait consister à diminuer les frais de mutation et augmenter la taxe foncière. Cela permettrait d’assurer une pérennité de revenus pour les communes, tout en remettant à sa place la notion de propriété privée du foncier, qui

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Par ailleurs, je trouverais positif que les citoyens puissent mettre, s’ils le souhaitent, un pot de fleur dans la rue, comme le font les habitants d’Amsterdam. Pourquoi ne pourrions-nous pas « dé-stériliser » la rue ?

Pierre MARIN, CGEDD

J’interviens en tant qu’habitant et élu d’une commune francilienne située à la limite de la banlieue et de la zone périurbaine. Je suis très frappé de voir l’importance des réseaux sociaux intercommunaux, entre une population enracinée depuis longtemps et des personnes arrivées plus récemment. J’ai donc été heureux de constater que les trois intervenants ont insisté sur les individus, leurs modes de vie et leurs aspirations. Il serait intéressant de travailler en parallèle sur les réseaux techniques et les réseaux sociaux. Par ailleurs, il convient de réfléchir, en termes de gouvernance, à la manière de prendre en compte des aspirations diverses et contradictoires.

Annick ELIAS, CGEDD

Le phénomène urbain constitue l’un des éléments structurants du territoire. Pourtant, à mon sens, la ville diffuse pose avant tout le problème du territoire d’appartenance. D’après les études que nous avons menées, si l’individu qui habite la ville diffuse se dit urbain, il ne dit pas pour autant qu’il habite la ville. Il s’identifie donc avant tout à un territoire. Je m’étonne que nos échanges n’aient pas davantage fait apparaître cet enjeu.

Daniel DELAVEAU

La préservation du développement agricole périurbain est un enjeu majeur. Ainsi, à Rennes- Métropole, nous avons un plan local de l’agriculture, qui porte sur l’activité agricole dans toutes ses dimensions.

Concernant le PLH, nous sommes en train de réfléchir à une manière de différencier les zones pour développer les polarités. Cela revient, par exemple, à accentuer la construction dans les secteurs les mieux desservis par les transports collectifs.

S’agissant du lien entre l’habitat et l’emploi, les mécanismes d’incitation sont nécessaires.

Dans ce contexte, l’unification de la taxe professionnelle à l’échelle intercommunale a joué un rôle important. Cette taxe unique constitue un outil d’aménagement considérable. À mon sens, il conviendrait d’agir de même pour la taxe d’habitation et le foncier bâti.

Paola VIGANÒ

Vous avez évoqué des territoires abandonnés et des populations stigmatisées. Le succès de la Ligue en Italie est le prix politique de cet abandon. Voulons-nous continuer à laisser la ville diffuse à cette idéologie ? Je n’ai pas dit que la ville diffuse était parfaite. Mais j’espère que l’on puisse sortir de cette matinée en ayant dépassé cette attitude idéologique.

En outre, la ville diffuse ne renvoie pas au lotissement, mais à une réalité beaucoup plus complexe. Je vous ai indiqué qu’il existe une entreprise pour 8 à 9 habitants en Vénétie. Ce territoire est un lieu d’entreprenariat individuel : chaque individu a pu créer son emploi. La ville diffuse est également un lieu de mobilité sociale incroyable par rapport à la ville compacte.

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Il convient peut-être tout simplement d’admettre qu’il existe des formes urbaines différentes.

Par exemple, la vallée de la Durance a subi des périodes d’abandon. Aujourd'hui, ce territoire est très attractif. On a oublié que dans le passé, ce territoire était finement habité.

On a pensé que les lotissements étaient nouveaux.

L’analyse des structures viaires montre que l’on a perdu en connectivité. L’investissement dans des infrastructures de type couloir a marginalisé des connexions, qui étaient certes plus lentes mais qui créaient des liens. La ville dense n’est donc pas la seule forme d’urbanité possible.

Je reviens de Mexico City, qui compte 22 millions habitants, uniquement composée de maisons individuelles. La Vallée du Pô, qui compte 20 millions d’habitants, est également composée de maisons individuelles. Laquelle de ces deux régions est la plus intéressante en termes de développement durable ? La question mérite d’être posée. Enfin, le Grand Paris est majoritairement composé de maisons individuelles. Par conséquent, la maison individuelle est présente dans nos projets.

Ariella MASBOUNGI

Comme se traduisent, dans la réalité, les études que vous avez présentées ? Paola VIGANÒ

En général, elles se traduisent à l’échelle territoriale. Les actions s’inspirent en partie de nos travaux. Pour la région de Flandre, nous avons lancé l’idée de métropole horizontale. La région a largement repris cette idée. À mon sens, les outils existent. Il s’agit avant tout de changer de représentation, pour pouvoir passer à l’acte.

Francis BEAUCIRE

En réponse à Claude Marques, j’ai utilisé une étude de l’IAURIF, qui essaie de déterminer à partir de quel moment le coût de la mobilité est tellement élevé qu’il est préférable de déménager. Aujourd'hui, déménager coûterait plus cher à un ménage que de rester. Par ailleurs, les droits de mutation s’élèvent à 7,5 % de la transaction. Sans la certitude d’une plus-value à venir, ces droits de mutation figent les projets, constituent un frein au rapprochement familial et au rapprochement du lieu de travail. Ce mécanisme a tendance à provoquer une sédentarisation.

En réponse à Alain Garrès, je dirais qu’après avoir beaucoup travaillé sur la ville dense, mes certitudes s’effritent. Je ne nie pas la nécessité d’améliorer l’aménagement et la qualité de vie des espaces de ville diffuse. Toutefois, très sincèrement, je ne suis pas certain que la vie ne fonctionne pas dans ces espaces. La délivrance des permis de construire doit s’articuler avec un potentiel d’infrastructure suffisant. La congestion routière conduira l’habitant de ces zones à modifier ses horaires de déplacement s’il le peut. Il rend ainsi service à la collectivité, puisqu’il rentabilise l’utilisation de l’infrastructure. La somme de micro- adaptations aboutit à un fonctionnement. Certes, une partie de la population est piégée. La question est de voir si la proportion de cette population augmente au fil du temps. Mon propos consiste à dire que la ville dense ne doit pas se reposer sur ses lauriers.

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