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COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D UN JUGEMENT DE LA COUR D APPEL DU QUÉBEC) COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL. - et - ALAIN CARON

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(1)

COUR SUPRÊME DU CANADA

(EN APPEL DUN JUGEMENT DE LA COUR DAPPEL DU QUÉBEC) ENTRE :

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

DEMANDERESSE (Appelante) - et -

ALAIN CARON

INTIMÉ (Intimé) - et -

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES et CENTRE MIRIAM INTERVENANTES

(Mises en cause)

RÉPONSE DE L’INTIMÉ (ALAIN CARON, INTIMÉ)

(Règle 27 des Règles de la Cour Suprême du Canada)

Me Sophie Cloutier

POUDRIER BRADET, S.E.N.C.

70, rue Dalhousie, Bureau 100 Québec (Québec) G1K 4B2 Téléphone : (418) 780-3333 Télécopieur : (418) 780-3334 scloutier@poudrierbradet.com

Procureure de l’intimé

Me Marie-France Major

SUPREME ADVOCACY LLP 340, Gilmour St., #100

Ottawa (Ontario) K2P 0R3

Téléphone : (613) 695-8855 Télécopieur : (613) 695-8580 mfmajor@supremeadvocacy.ca

Correspondante de l’intimé

(2)

85, rue de Martigny Ouest, 6e étage Saint-Jérôme (Québec) J7Y 3R8 Francois Bilodeau

Lucille Giard

Téléphone : (450) 531-4000 Ext : 5309 Télécopieur : (450) 431-4281

francois.bilodeau@csst.qc.ca lucille.giard@csst.qc.ca

Procureurs de la demanderesse

Gatineau (Quebec) J8X 3R1 Pierre Landry

Téléphone: (819) 771-7393 Télécopieur: (819) 771-5397 p.landry@noelassocies.com

Correspondant de la demanderesse

VERGE BERNIER 900, place D'Youville 7e étage

Québec (Québec) G1R 3P7 Marie-France Bernier Téléphone : (418) 643-7129 Télécopieur : (418) 528-6063

marie-france.bernier@clp.gouv.qc.ca Procureure de l’intervenante

Commission des lésions professionnelles MONETTE, BARAKETT

Place du Canada, bur. 2100 Montréal (Québec) H3B 2R8 Anne-Marie Bertrand Isabelle Auclair

Téléphone : (514) 878-9381 Télécopieur : (514) 878-3957 ambertrand@mbavocats.ca iauclair@mbavocats.ca

Procureures de l’intervenante Centre Miriam

(3)

PAGE MÉMOIRE DE L’INTIMÉ

PARTIE I – EXPOSÉ DE LA POSITION ET DES FAITS ... 1 PARTIE II – EXPOSÉ DES QUESTIONS EN LITIGE ... 3

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : UN ASSUREUR PUBLIC TELLE LA CSST, AINSI QUE LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF CHARGÉ D’ENTENDRE LES CONTESTATIONS DE SES DÉCISIONS, LA CLP, ONT-ILS COMPÉTENCE POUR VÉRIFIER POUR L’UN ET DÉCIDER ET RÉPARER POUR L’AUTRE, LA VIOLATION PAR L’EMPLOYEUR DU DROIT À L’ÉGALITÉ GARANTI AU

TRAVAILLEUR PAR LA CHARTE? ... 3 DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : DANS L’AFFIRMATIVE, LE DEVOIR

D’ACCOMMODEMENT DE L’EMPLOYEUR DÉCOULANT DE LA CHARTE EST-IL CONCILIABLE OU COMPATIBLE AVEC LES DISPOSITIONS DE LA LATMP AU SENS DES ARRÊTS DE VOTRE COUR DANS LES AFFAIRES ISIDORE GARON LTÉE ET CONWAY ET SI OUI, LA RÉPARATION PRÉVUE À LA CHARTE, FAIT-ELLE EN SORTE DE REMETTRE EN CAUSE LE

COMPROMIS HISTORIQUE EN MATIÈRE D’INDEMNISATION DE LÉSIONS

PROFESSIONNELLES? ... 4 TROISIÈME QUESTION EN LITIGE : L’AVIS À LA PROCUREURE

GÉNÉRALE PRÉVU À L’ARTICLE 95 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DU QUÉBEC EST-IL NÉCESSAIRE POUR INVALIDER OU RENDRE INOPÉRANT LES DISPOSITIONS DE LA LATMP, NOTAMENT L’ARTICLE 240 LATMP PARCE QUE CONTRAIRES À LA CHARTE? ... 4 PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS ... 5

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : UN ASSUREUR PUBLIC TELLE LA CSST, AINSI QUE LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF CHARGÉ D’ENTENDRE LES CONTESTATIONS DE SES DÉCISIONS, LA CLP, ONT-ILS COMPÉTENCE POUR VÉRIFIER POUR L’UN ET DÉCIDER ET RÉPARER POUR L’AUTRE, LA VIOLATION PAR L’EMPLOYEUR DU DROIT À L’ÉGALITÉ GARANTI AU

TRAVAILLEUR PAR LA CHARTE? ... 5 PREMIER ARGUMENT : LA COUR D’APPEL A RECTIFIÉ UNE INJUSTICE

FACE AUX TRAVAILLEURS AUX PRISES AVEC UN HANDICAP DES SUITES D’UNE LÉSION PROFESSIONNELLE ... 5 DEUXIÈME ARGUMENT : LA CSST ET LA CLP ONT COMPÉTENCE POUR

S’ASSURER DE LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT À L’ÉGALITÉ ET DU

RESPECT DE L’OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT ... 8 TROISIÈME ARGUMENT : L’ARBITRE DE GRIEFS N’A PAS COMPÉTENCE

POUR TRANCHER UNE DEMANDE D’ACCOMMODEMENT RAISONNABLE D’UN TRAVAILLEUR EN PRÉSENCE DE DÉCISIONS DE LA CSST ET DE LA

CLP ... 10

(4)

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : DANS L’AFFIRMATIVE, LE DEVOIR D’ACCOMMODEMENT DE L’EMPLOYEUR DÉCOULANT DE LA CHARTE EST-IL CONCILIABLE OU COMPATIBLE AVEC LES DISPOSITIONS DE LA LATMP AU SENS DES ARRÊTS DE VOTRE COUR DANS LES AFFAIRES ISIDORE GARON LTÉE ET CONWAY ET SI OUI, LA RÉPARATION PRÉVUE À LA CHARTE, FAIT-ELLE EN SORTE DE REMETTRE EN CAUSE LE

COMPROMIS HISTORIQUE EN MATIÈRE D’INDEMNISATION DE LÉSIONS

PROFESSIONNELLES? ... 12

PREMIER ARGUMENT : LE PROCESSUS DE RÉADAPTATION PRÉVU À LA LATMP N’EST PAS L’ÉQUIVALENT DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT ... 12

DEUXIÈME ARGUMENT : LE RÉGIME DE LA LATMP EST COMPATIBLE AVEC L’OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT DÉCOULANT DE LA CHARTE ... 14

TROISIÈME ARGUMENT : LES ENSEIGNEMENTS DE CETTE COUR DANS L’ARRÊT BÉLIVEAU ST-JACQUES NE SONT PAS UN OBSTACLE À LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT DU TRAVAILLEUR HANDICAPÉ DES SUITES D’UNE LÉSION PROFESSIONNELLE À UN ACCOMMODEMENT RAISONNABLE ... 15

TROISIÈME QUESTION EN LITIGE : L’AVIS À LA PROCUREURE GÉNÉRALE PRÉVU À L’ARTICLE 95 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DU QUÉBEC EST-IL NÉCESSAIRE POUR INVALIDER OU RENDRE INOPÉRANT LES DISPOSITIONS DE LA LATMP, NOTAMENT L’ARTICLE 240 LATMP PARCE QUE CONTRAIRES À LA CHARTE? ... 17

NOTRE ARGUMENT : AUCUN AVIS À LA PROCUREURE GÉNÉRALE N’ÉTAIT NÉCESSAIRE ... 17

PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS ... 17

PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE ... 18

PARTIE VI – TABLE DES SOURCES ... 19

PARTIE VII – EXTRAITS DES LOIS ... 20

(5)

MÉMOIRE DE L’INTIMÉ

PARTIE I – EXPOSÉ DE LA POSITION ET DES FAITS [1] L’Intimé s’en remet à l’exposé des faits de la Demanderesse.

[2] Nous soumettons que la demande d’autorisation d’appel de la Demanderesse ne rencontre pas les critères de l’article 40 de la Loi sur la Cour suprême 1.

[3] Contrairement à ce qu’affirme la Demanderesse au paragraphe 18 de son avis d’appel, le conflit de compétence découlant de la mise en œuvre de l’obligation d’accommodement est particulier au Québec et ne se pose pas ailleurs au Canada.

[4] D’ailleurs, aucun tribunal judiciaire canadien n’a rendu une décision portant sur la compétence d’un tribunal à appliquer l’obligation d’accommodement d’un employeur envers le travailleur handicapé des suites d’une lésion professionnelle.

[5] Cette situation s’explique sans doute par le fait que, dans plusieurs provinces, la loi qui prévoit le régime d’indemnisation des travailleurs victimes de lésions professionnelles codifie l’obligation d’accommodement d’un employeur envers un travailleur, jusqu’à une contrainte excessive 2.

[6] Dans d’autres provinces, bien que l’obligation d’accommodement n’ait pas été codifiée dans une loi équivalent à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles 3 (ci- après « LATMP ») au Québec, l’organisme en charge de l’application du programme d’indemnisation des travailleurs victimes d’une lésion professionnelle a adopté une politique

1 L.R.C. (1985), ch. S-26.

2 Manitoba : Loi sur les accidents du travail, c. W200 de la C.P.L.M., art. 49.3 (4); île-du-Prince-Édouard : Workers Compension act, Chapter W-7.1, art. 86.5; Nouvelle-Écosse : Workers’ Compension Act, 1994-1995, c.10, s. 1, art. 91 (1); Terre-Neuve et Labrador :Workplace Health, Safety and Compensation Act, RNSL1990 chapter W-11, art. 89.1 (7); Ontario : Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, L.O. 1997, Chapitre 16, annexe A, art. 41 (1) et 41 (6).

3 R.L.R.Q., c. A-3.001.

(6)

visant à assurer la mise en œuvre du devoir d’accommodement d’un employeur, envers un travailleur 4.

[7] La Colombie-Britannique fait exception, alors que le législateur a spécifiquement retiré au Workers’s Compension Board le pouvoir d’appliquer la loi sur les droits de la personne en vigueur dans cette province, afin que le Tribunal des droits de la personne soit le seul tribunal compétent 5.

[8] La question est donc particulière au Québec et ne nécessite pas l’intervention de cette Cour.

[9] De plus, comme l’Intimé le développera plus loin, en rendant son arrêt dans le présent dossier, la Cour d’appel a rectifié une injustice qui perdurait depuis de nombreuses années et qui faisait en sorte qu’un travailleur aux prises avec un handicap, des suites d’une lésion professionnelle, n’avait aucun forum pour faire valoir son droit à l’égalité protégé par la Charte des droits et libertés de la personne 6 (ci-après « la Charte ») et son corolaire, son droit à un accommodement raisonnable de la part de son employeur.

[10] Dans ces circonstances, le critère de l’intérêt public n’est pas rencontré dans le présent dossier puisque la Cour d’appel a dénoué l’impasse qui perdurait et faisait en sorte de nier des droits fondamentaux à certains travailleurs.

4 Alberta : Politique 04-05 adoptée par le Workers Compensation Board de l’Alberta; Nouveau-Brunswick : Politique no 21-413 – Reprise du travail – Responsabilités et obligations à l’égard du réemploi Adoptée par la Commission Travail sécuritaire NB.

5 Attorney General Statutes Amendment Act, 2007, S.B.C. 2007, ch. 14. Pour un historique des changements législatifs, voir Workers’s Compensation Board c. Figliola [2011] 3 R.C.S. 422.

6 R.L.R.Q., c. C-12.

(7)

PARTIE II – EXPOSÉ DES QUESTIONS EN LITIGE

[11] L’Intimé s’en remet aux questions en litige soumises par la Demanderesse et y répond de la manière qui suit :

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : UN ASSUREUR PUBLIC TELLE LA CSST, AINSI QUE LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF CHARGÉ D’ENTENDRE LES CONTESTATIONS DE SES DÉCISIONS, LA CLP, ONT-ILS COMPÉTENCE POUR VÉRIFIER POUR L’UN ET DÉCIDER ET RÉPARER POUR L’AUTRE, LA VIOLATION PAR L’EMPLOYEUR DU DROIT À L’ÉGALITÉ GARANTI AU TRAVAILLEUR PAR LA CHARTE?

[12] En réponse à la première question en litige proposée par la demanderesse, nous soumettons trois arguments afin de soutenir que cette Cour ne devrait pas autoriser l’appel.

[13] Premièrement, la Cour d’appel, en affirmant que « la LATMP doit être appliquée en tenant compte des dispositions de la Charte du Québec »7 a mis un terme a un conflit de compétence qui s’était développé entre la Commission des lésions professionnelles (ci-après

« CLP ») et l’arbitre de griefs et qui faisait en sorte que le travailleur handicapé des suites d’une lésion professionnelle était désavantagé par rapport à un travailleur handicapé pour un motif autre 8 et se voyait ainsi sans recours face à une situation de discrimination.

[14] Deuxièmement, la Cour d’appel a eu raison de conclure que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après « CSST ») et la CLP ont compétence pour s’assurer de la mise en œuvre du droit à l’égalité et du respect de l’obligation d’accommodement quand elles déterminent la capacité d’un travailleur d’occuper un emploi convenable chez son employeur.

[15] Troisièmement, l’arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher une demande d’accommodement raisonnable d’un travailleur en présence de décisions de la CSST et de la CLP concluant à l’incapacité de ce dernier de reprendre son emploi prélésionnel ou un emploi convenable chez son employeur.

7 Par. 5 de l’arrêt de la Cour d’appel.

8 Par. 63 de l’arrêt de la Cour d’appel.

(8)

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : DANS L’AFFIRMATIVE, LE DEVOIR D’ACCOMMODEMENT DE L’EMPLOYEUR DÉCOULANT DE LA CHARTE EST-IL CONCILIABLE OU COMPATIBLE AVEC LES DISPOSITIONS DE LA LATMP AU SENS DES ARRÊTS DE VOTRE COUR DANS LES AFFAIRES ISIDORE GARON LTÉE ET CONWAY ET SI OUI, LA RÉPARATION PRÉVUE À LA CHARTE, FAIT-ELLE EN SORTE DE REMETTRE EN CAUSE LE COMPROMIS HISTORIQUE EN MATIÈRE D’INDEMNISATION DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES?

[16] Nous soumettons également que cette Cour ne devrait pas intervenir afin de trancher la deuxième question en litige soumise par la Demanderesse pour les trois motifs qui suivent.

[17] Premièrement, la Cour d’appel a eu raison de rejeter les prétentions de la Demanderesse à l’effet que le processus de réadaptation prévu à la LATMP constitue un processus d’accommodement légal garantissant le droit à l’égalité.

[18] Deuxièmement, c’est à bon droit que la Cour d’appel a vu, dans le processus de recherche d’un emploi équivalent ou convenable, un effort de l’employeur pouvant s’accompagner de la recherche d’un accommodement raisonnable 9 . L’argument de la Demanderesse à l’effet que la question d’accommodement découlant de la Charte serait incompatible avec le régime de la LATMP 10 est donc non fondé.

[19] Troisièmement, la mise en œuvre du droit à l’égalité et de l’obligation d’accommodement par la CSST et la CLP ne vont pas à l’encontre des enseignements de votre Cour dans l’arrêt Béliveau St-Jacques 11 et la conclusion de la Cour d’appel en ce sens est bien fondée 12.

TROISIÈME QUESTION EN LITIGE : L’AVIS À LA PROCUREURE GÉNÉRALE PRÉVU À L’ARTICLE 95 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DU QUÉBEC EST-IL NÉCESSAIRE POUR INVALIDER OU RENDRE INOPÉRANT LES DISPOSITIONS DE LA LATMP, NOTAMENT L’ARTICLE 240 LATMP PARCE QUE CONTRAIRES À LA CHARTE?

[20] Quant à la troisième question en litige, l’Intimé y répond en affirmant qu’aucun avis à la procureure générale n’était nécessaire.

9 Par. 75, 79 et 85 de l’arrêt de la Cour d’appel.

10 Par. 72 du mémoire de la Demanderesse.

11 Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés des services publics inc., [1996] 2 R.C.S.

12 Par. 86 de l’arrêt de la Cour d’appel.

(9)

PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : UN ASSUREUR PUBLIC TELLE LA CSST, AINSI QUE LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF CHARGÉ D’ENTENDRE LES CONTESTATIONS DE SES DÉCISIONS, LA CLP, ONT-ILS COMPÉTENCE POUR VÉRIFIER POUR L’UN ET DÉCIDER ET RÉPARER POUR L’AUTRE, LA VIOLATION PAR L’EMPLOYEUR DU DROIT À L’ÉGALITÉ GARANTI AU TRAVAILLEUR PAR LA CHARTE?

PREMIER ARGUMENT : LA COUR D’APPEL A RECTIFIÉ UNE INJUSTICE FACE AUX TRAVAILLEURS AUX PRISES AVEC UN HANDICAP DES SUITES D’UNE LÉSION PROFESSIONNELLE

[21] Par l’arrêt rendu dans le présent dossier, la Cour d’appel a remédié à un débat qui perdurait depuis de nombreuses années et paralysait les recours des travailleurs handicapés des suites d’une lésion professionnelle qui voulaient faire valoir leur droit à l’égalité en vertu de la Charte.

[22] Tel que le mentionne la Cour d’appel au paragraphe 5 de son arrêt, la Cour a considéré qu’il y avait lieu « de revisiter » la question qu’elle avait elle-même analysé onze (11) ans auparavant dans l’arrêt Mueller 13 et qui, au fil du temps, avait mené à un contentieux important quant aux limites de la compétence de l’arbitre de griefs et de la CLP face à la question du retour au travail du travailleur conservant des limitations fonctionnelles des suites de sa lésion professionnelle.

[23] Dans l’affaire Mueller la Cour d'appel avait jugé qu’il n’était pas du ressort de la CLP d’évaluer si l’employeur avait respecté son devoir d’accommodement découlant du droit à l’égalité protégé par la Charte. La Cour d'appel s'exprimait ainsi:

« [59] En l'espèce, saisies d'une plainte en vertu de l'article 32, et en assumant même qu'elles auraient pu qualifier d'illégale et donc d'insuffisante la cause invoquée par l'appelante, la CSST et la CLP en appel n'auraient pas eu la compétence, en vertu de l'article 257, de décréter autre chose que l'annulation pure et simple du congédiement et la réintégration du travailleur, du fait que la présomption de l'article 255 n'aurait pas été repoussée.

[60] Elles n'auraient pas eu la compétence d'imposer, recommander ou suggérer quelque forme d'accommodement que ce soit. » (Notre soulignement)

13 Mueller Canada inc. c. Ouellette, [2004] R.J.Q. 1397 (C.A.).

(10)

[24] La position adoptée par la Cour d’appel dans l’affaire Mueller a trouvé écho, deux ans plus tard, dans un autre arrêt rendu par la Cour d’appel, cette fois-ci dans Provigo inc. c.

Lachapelle 14. Dans cette affaire, tant la CSST que la CLP avaient pris position à l’effet que la prise en compte de l’obligation d’accommodement s’avérait incompatible avec les dispositions de la LATMP mettant en œuvre le droit à la réadaptation professionnelle. Voici comment la Cour d’appel reprenait leurs positions respectives :

« [50] Enfin, la CSST prétend que la CLP n'avait aucune obligation d'analyser ou d'imposer des mesures d'accommodement en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne lors de la détermination de la capacité de travail de l'intimé.

[…] faisant référence à l'arrêt Mueller rendu par la Cour d'appel du Québec, la mise en cause ajoute que la CSST et la CLP n'ont pas la compétence d'imposer ou de recommander quelque forme d'accommodement que ce soit en vertu de la LATMP. Alors que l'obligation d'accommodement est centrée sur l'employeur et les normes que celui-ci adopte, la LATMP est centrée sur le travailleur et a pour objet la réparation des lésions professionnelles. Ainsi, bien que la notion de lésion professionnelle rejoigne celle de handicap, la LATMP et l'obligation d'accommodement évoluent dans des contextes différents.

[51] Comme la CSST, la CLP soutient qu'il n'est pas possible de concilier l'obligation d'accommodement de l'employeur avec la LATMP pour la simple raison que "le législateur a déjà prévu et mis en place, par la procédure de réadaptation prévue aux articles 145 et ss. de la LATMP, toutes les mesures d'accommodement qu'il jugeait utiles pour favoriser, encourager et encadrer le processus de retour au travail à l'emploi prélésionnel ou de détermination d'un emploi équivalent ou convenable. C'est de ces articles de la LATMP que la CLP tire sa compétence en matière de réadaptation." Pour la mise en cause, accepter les propositions de l'intimé et celles du jugement a quo reviendrait à conclure que les valeurs de la Charte doivent être prises en considération par la CSST et la CLP comme fondement de l'examen de la capacité de retour au travail, et ce, dans tous les dossiers de réadaptation. Or, la mise en cause soutient qu'il n'est pas nécessaire pour elle de faire allusion aux dispositions de la Charte pour exercer sa compétence, la Charte étant d'ailleurs incapable de lui conférer une compétence qu'elle n'a pas. » (Notre soulignement)

[25] Il est important de souligner que parallèlement aux arrêts de la Cour d’appel dans les affaires Mueller et Lachapelle, la CLP appliquait de manière unanime les principes mis de l’avant dans la décision Lizotte 15, dont la Cour d’appel traite au paragraphe 18 de son arrêt rendu dans le présent dossier, à l’effet que la CSST et CLP n’avaient pas le pouvoir d’imposer à un employeur de respecter son devoir d’accommodement envers un travailleur.

14 Provigo inc. c. Lachapelle, 2006 QCCA 1019.

15 Lizotte et R.S.S.S. MRC Maskinongé, [2003] C.L.P. 463.

(11)

[26] Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant que les travailleurs aux prises avec un handicap, des suites d’une lésion professionnelle, aient porté leur cause devant d’autres forums afin de faire respecter leur droit à un accommodement raisonnable de la part de leur employeur.

[27] C’est ainsi que la question qui avait été débattue devant la CLP s’est transportée devant l’arbitre de griefs, pour finalement aboutir devant la Cour d’appel. En 2009, la Cour d’appel a rendu l’arrêt SÉPAQ. c. SFPQ 16. Le travailleur impliqué dans cette affaire, porteur d’un handicap des suites d’une lésion professionnelle, avait déposé un grief invoquant son droit à l’égalité protégé par la Charte et le devoir de son employeur de l’accommoder. Il y a lieu de noter que la CSST avait rendu des décisions à l’effet que le travailleur n’était pas en mesure de reprendre son emploi prélésionnel et qu’aucun emploi convenable ne pouvait lui être confié au sein de son employeur. Ces décisions n’avaient pas été contestées.

[28] Or, dans l’arrêt SÉPAQ, la Cour d’appel a conclu que l’arbitre de griefs n’avait pas compétence pour trancher un tel litige. Essentiellement, la Cour a basé son raisonnement sur le fait que la CSST et ultimement la CLP avaient une compétence exclusive pour déterminer la capacité du travailleur d’exercer à nouveau son emploi prélésionnel ou un emploi convenable et qu’ainsi permettre à l’arbitre de griefs de se pencher sur la question du devoir d’accommodement remettrait en cause cette compétence exclusive 17. Cette Cour avait alors refusé la demande d’appel déposée par le SFPQ 18.

[29] La position de la Cour d’appel dans l’affaire SÉPAQ a été réitérée par cette dernière dans l’arrêt Tembec 19 rendu en 2012.

[30] C’est dans ce contexte qu’a évolué le présent dossier. Compte tenu de l’évolution de la jurisprudence de la Cour d’appel dans les affaires ci-haut mentionnées en regard de la compétence de l’arbitre de griefs, l’Intimé s’est adressé à la CSST et à la CLP afin de faire valoir son droit à l’égalité protégé par la Charte et l’obligation de son employeur de respecter son devoir d’accommodement afin de lui confier un emploi convenable.

16 SÉPAQ c. SFPQ, 2009 QCCA 329.

17 Par. 19.

18 No. de dossier 33135 (CsC).

19. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 427 c. Tembec, usine de Matane, 2012 QCCA 179.

(12)

[31] La CSST puis la CLP ont rendu dans le présent dossier des décisions au diapason avec la jurisprudence unanime de la CLP à l’effet qu’il ne relevait pas de leur compétence de mettre en œuvre le droit à l’égalité et le respect du devoir d’accommodement de l’employeur envers un travailleur handicapé.

[32] En rendant son arrêt dans le présent dossier, la Cour d’appel a dénoué une impasse et une injustice flagrante à laquelle faisaient face les travailleurs handicapés des suites d’une lésion professionnelle en s’assurant qu’ils aient un forum leur permettant de faire valoir leur droit à l’égalité.

[33] Dans ces circonstances, nous soumettons que cette Cour ne devrait pas autoriser la présente demande d’appel.

DEUXIÈME ARGUMENT : LA CSST ET LA CLP ONT COMPÉTENCE POUR S’ASSURER DE LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT À L’ÉGALITÉ ET DU RESPECT DE L’OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT

[34] Dans son arrêt, la Cour d’appel a référé avec justesse aux enseignements de cette Cour dans les arrêts Tranchemontagne 20 et Martin 21 afin de conclure que l’article 377 de la LATMP conférait à la CLP la compétence pour trancher une question relevant de la Charte, ici le devoir d’accommodement découlant du droit à l’égalité.

[35] L’article 377 se lit comme suit :

« 377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

[…] »

[36] Le raisonnement de la Cour d’appel est tout à fait conforme à l’analyse qui découle de l’arrêt Martin, lorsque cette Cour indique :

« [36] Il faut plutôt se demander si la loi habilitante accorde implicitement ou expressément au tribunal administratif le pouvoir de trancher toute question de droit. Dans l’affirmative, le tribunal sera présumé avoir le pouvoir concomitant

20 Tranchemontagne c. (Ontario Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, [2006]

1 R.C.S. 513.

21 Nouvelle-Écosse (Worker’s Compension Board) c. Martin, 2003 2 R.C.S. 504 (CSC).

(13)

d’examiner et de trancher cette question à la lumière de la Charte, à moins que le législateur lui ait retiré ce pouvoir. (…) »

[37] Dans l’arrêt Tranchemontagne, votre Cour a conclu que, même en présence d’une disposition dans la loi constitutive d’un tribunal administratif lui retirant le pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité de sa loi constitutive, ce tribunal avait néanmoins le pouvoir d’appliquer la loi de manière conforme au droit à l’égalité.

[38] La Demanderesse indique pourtant, au paragraphe 52 de son mémoire, que la CLP ne serait pas compétente pour entendre le litige puisque l’article 377 de la LATMP ne serait pas attributif de compétence. Pourtant, dans sa décision rendue le 5 juin 2012, la CLP elle-même jugeait être valablement saisie de la contestation du travailleur et avoir compétence pour la trancher. Voici comment s’exprimait la CLP 22:

« [47] D'entrée de jeu, le tribunal se considère valablement saisi d'une décision rendue par la révision administrative, laquelle est contestée en vertu des dispositions de l'article 369 de la loi. Cet article comporte bien sûr une disposition attributive de compétence, mais, en l'espèce, personne ne remet en cause le fait que le tribunal soit valablement saisi d'un recours formé contre une décision rendue en révision administrative. Il n'y a donc, ici, aucun débat d'interprétation ni même d’application de la disposition attributive de compétence.

[48] Le recours formé étant valable formé, le tribunal doit alors, en vertu de l'article 377 de la loi, en disposer puisque tel est son pouvoir.

[49] Certes, la décision du tribunal peut faire en sorte qu'il ne puisse contraindre l'employeur d'obtempérer à la demande du travailleur, mais il ne s'agit pas cependant d'une question de compétence, mais plutôt de la portée de la décision que le tribunal doit éventuellement rendre. »

(notre soulignement)

[39] La CLP a malgré tout rejeté le recours du travailleur puisqu’elle a refusé de se prononcer sur le devoir d’accommodement de l’employeur 23, mais a initialement déclaré qu’elle avait compétence pour entendre l’affaire. Les prétentions de la Demanderesse, aux paragraphes 52 et 53 sont donc erronées.

22 Par. 47 à 50 de la décision de la CLP.

23 Par. 91 de la décision de la CLP.

(14)

[40] De plus, au paragraphe 54 de son mémoire, la Demanderesse invoque que la CLP n’aurait pas compétence parce que le devoir d’accommodement découlerait du contrat de travail et relèverait davantage d’un conflit de travail que de l’indemnisation et la réparation d’une lésion professionnelle.

[41] Cette affirmation de la Demanderesse revient à nouveau à une tentative de tout faire reposer sur la compétence de l’arbitre de griefs, alors que la Cour d’appel du Québec a, à juste titre, clairement nier la compétence de ce dernier, tel que nous allons l’aborder de manière plus détaillée dans la section qui suit.

TROISIÈME ARGUMENT : L’ARBITRE DE GRIEFS N’A PAS COMPÉTENCE POUR TRANCHER UNE DEMANDE D’ACCOMMODEMENT RAISONNABLE D’UN TRAVAILLEUR EN PRÉSENCE DE DÉCISIONS DE LA CSST ET DE LA CLP

[42] La demanderesse reproche par ailleurs à la Cour d’appel ne pas s’être penchée sur la compétence de l’arbitre. Avec respect, cela est inexact.

[43] La Cour d’appel a au contraire résumé les arrêts qu’elle a rendus antérieurement et a décidé de « revisiter » l’arrêt Mueller. La Cour n’a d’aucune manière remis en question ses arrêts antérieurs dans lesquels la Cour avait conclu que l’arbitre de griefs n’avait pas compétence pour se pencher sur la question de l’accommodement raisonnable dans un contexte où la CSST et la CLP s’étaient prononcés sur la question de la capacité du travailleur de reprendre son emploi prélésionnel ou un emploi convenable, chez son employeur.

[44] Au surplus, nous soumettons respectueusement que les arguments soulevés par la Demanderesse pour soutenir que l’arbitre de griefs aurait compétence ne sont pas fondés.

[45] La Demanderesse indique au paragraphe 62 de son mémoire être en accord avec le fait qu’un arbitre de griefs ne puisse remettre en question des décisions rendues par la CSST, puisqu’il s’agirait d’un appel déguisé. La Demanderesse prétend malgré tout que l’arbitre de griefs conserverait compétence pour trancher un grief invoquant la question de l’accommodement.

[46] Pourtant, il est difficile de voir comment un arbitre de griefs pourrait ordonner à un employeur de réintégrer un travailleur en emploi, en lui faisait bénéficier d’un accommodement

(15)

raisonnable, sans entrer en contradiction avec une décision de la CSST qui aurait conclu à l’incapacité du travailleur de d’exercer à nouveau son emploi prélésionnel en raison de ses limitations fonctionnelles, ou à l’absence d’emploi convenable. Le débat devant l’arbitre de griefs ne pourrait être que stérile.

[47] Qui plus est, procéder en deux temps, soit de s’adresser d’abord à la CSST et ultimement à la CLP afin de faire trancher la capacité d’un travailleur de reprendre son emploi prélésionnel ou un emploi convenable, en évacuant complètement la question du droit à l’égalité et du devoir d’accommodement, forcerait un travailleur à fractionner son recours, alors que cette Cour a jugé dans l’affaire Conway 24 qu’on doit favoriser une « solution qui consiste à permettre aux Canadiens de faire valoir les droits et les libertés que leur garantit la Charte devant le tribunal qui est le plus à leur portée sans qu’ils aient à fractionner leur recours(…) ».

[48] Ce constat mène inévitablement à la conclusion que le forum approprié afin de mettre en œuvre le droit à l’égalité est la CSST et ultimement la CLP qui, tout en appliquant les dispositions de la LATMP traitant du droit à la réadaptation et du droit de retour au travail, s’assurent que le droit à un accommodement raisonnable sans contrainte excessive est également appliqué afin d’éviter qu’un travailleur handicapé ne soit victime de discrimination.

[49] Loin d’avoir ignoré la question de la compétence de l’arbitre, la Cour d’appel a plutôt maintenu la position de la Cour dans les affaires SÉPAQ et Tembec et a plutôt choisi de rectifier l’injustice qui découlait de la lecture de l’arrêt Mueller afin de dénouer une impasse qui créait une injustice, soit l’absence de forum compétent pour trancher une question soulevant le droit à l’égalité d’une travailleur handicapé des suites d’une lésion professionnelle.

24 R. c. Conway, [1990] 1 R.C.S. 765, par. 79.

(16)

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : DANS L’AFFIRMATIVE, LE DEVOIR D’ACCOMMODEMENT DE L’EMPLOYEUR DÉCOULANT DE LA CHARTE EST-IL CONCILIABLE OU COMPATIBLE AVEC LES DISPOSITIONS DE LA LATMP AU SENS DES ARRÊTS DE VOTRE COUR DANS LES AFFAIRES ISIDORE GARON LTÉE ET CONWAY ET SI OUI, LA RÉPARATION PRÉVUE À LA CHARTE, FAIT-ELLE EN SORTE DE REMETTRE EN CAUSE LE COMPROMIS HISTORIQUE EN MATIÈRE D’INDEMNISATION DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES?

PREMIER ARGUMENT : LE PROCESSUS DE RÉADAPTATION PRÉVU À LA LATMP N’EST PAS L’ÉQUIVALENT DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT

[50] L’affirmation de la demanderesse à l’effet que le processus de réadaptation prévu à la LATMP constitue un accommodement légal qui garantit le droit à l’égalité 25 heurte de plein fouet les principes reconnus par cette Cour dans les arrêts Hydro-Québec 26 et Mc Gill 27, tel que l’a reconnu la Cour d’appel dans son arrêt.

[51] En effet, les enseignements de cette Cour sont à l’effet que le processus d’accommodement est un processus individualisé et incompatible avec l’application mécanique d’une norme qui s’appliquerait à tous :

« [22] Le caractère individualisé du processus d’accommodement ne saurait être minimisé. En effet, l’obligation d’accommodement varie selon les caractéristiques de chaque entreprise, les besoins particuliers de chaque employé et les circonstances spécifiques dans lesquelles la décision doit être prise. Tout au long de la relation d’emploi, l’employeur doit s’efforcer d’accommoder l’employé.

Cela ne signifie pas pour autant que les contraintes afférentes à l’accommodement doivent nécessairement être à sens unique. [...] L’obligation de l’employeur, du syndicat et de l’employé est d’arriver à un compromis raisonnable. L’accommodement raisonnable est donc incompatible avec l’application mécanique d’une norme d’application générale. En ce sens, le syndicat a raison de dire que la détermination de la mesure de l’accommodement ne peut reposer sur l’application aveugle d’une clause conventionnelle. L’arbitre peut examiner la norme prévue par la convention collective pour s’assurer que son application satisfait à l’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur. » 28

25 Par. 72 du mémoire de la Demanderesse.

26 Hydro-Québec c. SFCP-FTQ, [2008] 2 R.C.S. 561.

27 Centre universitaire de santé Mc Gill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 R.C.S. 161.

28. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4.

(17)

(Notre soulignement)

[52] Or, la Cour d’appel, dans la présente affaire, a constaté la dichotomie qui existe entre, d’une part, le processus de réadaptation prévue à la LATMP par lequel le droit de retour au travail dans un emploi convenable est laissé à la discrétion de l’employeur et, d’autre part, le devoir d’accommodement qui fait reposer sur les épaules de l’employeur l’initiative de rechercher une solution acceptable et le fardeau de démontrer que l’accommodement requis est déraisonnable 29.

[53] De plus, le processus de réadaptation de la LATMP impose un devoir de collaboration au travailleur, alors qu’il n’existe aucun corolaire pour l’employeur.

[54] En effet, dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan individualisé de réadaptation visant le retour en emploi d’un travailleur 30, ce dernier peut voir la CSST mettre un terme à son plan individualisé de réadaptation s’il refuse de se prévaloir d’une mesure de réadaptation 31, alors que l’employeur, dans la mise en œuvre du même plan n’est soumis qu’à une consultation, ce qui est loin d’être aussi contraignant que son obligation d’accommodement.

[55] On voit d’ailleurs mal comment on pourrait conclure que le processus de réadaptation prévu à la LATMP est un processus d’accommodement légal garantissant le droit à l’égalité, alors que les dispositions pertinentes de la LATMP sont entrées en vigueur avant que la jurisprudence ne développe la question de l’accommodement.

[56] En effet, le chapitre IV de la LATMP concernant la réadaptation et le chapitre VII concernant le droit de retour au travail sont entrés en vigueur en 1985 et n’ont fait l’objet que de minimes modifications depuis, alors que l’obligation d’accommodement qui découle de la Charte est une création jurisprudentielle qui s’est développée au fil du temps et a connu son apogée dans l’arrêt Meiorin32 dont l’origine remonte à 1985.

29 Par. 62 de l’arrêt de la Cour d’appel.

30 Art. 170 LATMP.

31 Art. 183 LATMP.

32 British Colombie-Britanique Public Service Employee Relations Commission c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3.

(18)

[57] On ne peut certes pas prétendre que le législateur avait l’intention de formaliser, dans la LATMP, un processus d’accommodement équivalent à celui élaboré par la jurisprudence en matière de relations d’emploi.

[58] Au risque de se répéter, c’est à juste titre que la Cour d’appel est ainsi intervenue pour mettre fin à l’injustice engendrée au Québec des suites du contentieux développé autour de la compétence de la CLP et de l’arbitre de griefs et qui a abouti, dans certaines circonstances, à faire en sorte qu’un travailleur aux prises avec un handicap découlant d’une lésion professionnelle soit désavantagé par rapport au travailleur handicapé pour une autre raison 33. DEUXIÈME ARGUMENT : LE RÉGIME DE LA LATMP EST COMPATIBLE AVEC L’OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT DÉCOULANT DE LA CHARTE

[59] Dans le cadre du processus de réadaptation, lorsqu’un travailleur et son employeur, (et en matière de régime collectif de travail, le syndicat) participent activement au processus et évaluent sérieusement toutes les solutions envisageables pour favoriser le retour en emploi, avec l’aide de la CSST, les parties peuvent bien souvent avoir, par le fait même, mis en œuvre le droit à l’égalité du travailleur et le devoir d’accommodement de l’employeur.

[60] Dans son arrêt, la Cour d’appel a d’ailleurs constaté que la CSST assumait déjà un certain rôle en matière d’accommodement 34.

[61] Les objectifs du législateur en prévoyant des mesures de réadaptation dans la LATMP convergent avec l’objectif de l’obligation d’accommodement.

[62] En effet, l’article 168 de la LATMP reflète clairement intention du législateur de favoriser le retour en emploi du travailleur, dans son emploi prélésionnel ou, à défaut, dans un emploi convenable. Dans l’affaire Provigo, la Cour d’appel rappelait que :

« [68] Il est essentiel que lorsque la CLP se penche sur une question de capacité d'un travailleur à exercer son emploi elle ne perde pas de vue que l’un des objectifs de la Loi est le retour et la réinsertion du travailleur dans le milieu du travail, de préférence dans son emploi prélésionnel si cela est possible. (…) » (références omises)

33 Par. 63 de l’arrêt de la Cour d’appel.

34 Par. 73 de l’arrêt de la Cour d’appel.

(19)

[63] Cet objectif de la LATMP est tout à fait compatible avec l’objectif de la mise en œuvre de l’obligation d’accommodement décrit comme suit par votre Cour, sous la plume de la Juge l’Heureux-Dubé :

« …les mesures d’accommodement ont pour but de permettre à l’employé capable de travailler de le faire. En pratique, ceci signifie que l’employeur doit offrir des mesures d’accommodement qui, tout en n’imposant pas à ce dernier de contrainte excessive, permettront à l’employé concerné de fournir sa prestation de travail. L’obligation d’accommodement a pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive. » 35

[64] Compte tenu toutefois que l’obligation d’accommodement est « incompatible avec l’application mécanique d’une norme d’application générale »36 et du peu de contrainte auquel l’employeur fait face dans la mise en œuvre du droit à la réadaptation prévu à la LATMP, analyser les droits du travailleur dans le cadre strict des seuls paramètres de la LATMP risquerait de mener à une décision finale et exécutoire de la CSST ou de la CLP qui conclurait à l’incapacité du travailleur d’occuper son emploi prélésionnel ou un emploi convenable chez l’employeur, alors que la même analyse qui tiendrait compte du devoir d’accommodement pourrait mener à une décision qui, au contraire, conclurait à la capacité du travailleur.

[65] C’est la raison pour laquelle la Cour d’appel a eu raison de conclure à la compétence de la CSST puis de la CLP pour appliquer la question de l’accommodement, alors que ces instances, contrairement à ce qu’affirme la Demanderesse, possèdent l’expertise et les instruments nécessaires « pour faire cheminer l’employeur dans la recherche de solutions fructueuses » 37. TROISIÈME ARGUMENT : LES ENSEIGNEMENTS DE CETTE COUR DANS L’ARRÊT BÉLIVEAU ST-JACQUES NE SONT PAS UN OBSTACLE À LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT DU TRAVAILLEUR HANDICAPÉ DES SUITES D’UNE LÉSION PROFESSIONNELLE À UN ACCOMMODEMENT RAISONNABLE

35 Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), [2000] 1 R.C.S.

665, par. 36.

36 Centre universitaire de santé Mc Gill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 R.C.S. 161, par. 56.

37 Anne-Marie LAFLAMME, « Le droit de retour au travail et l’obligation d’accommodement : le régime de réparation des lésions professionnelles peut-il résister à l’envahisseur? », (2007), 48 Les Cahiers de Droit, p.

215, p.247.

(20)

[66] Dans la présente affaire, la Cour d’appel a conclu que l’affaire Béliveau St-Jacques n’était pas un obstacle à ce que la l’obligation d’accommodement, qui incombe à l’employeur, soit accompli en conformité avec la LATMP et que cela ne faisait pas en sorte de créer un régime d’indemnisation parallèle 38.

[67] La professeure Anne-Marie Laflamme 39 a eu l’occasion de s’exprimer sur cet argument. Rappelant d’abord les enseignements de votre Cour dans l’affaire Béliveau St-Jacques à l’effet que le régime comporte un certain compromis en ce que le travailleur reçoit une compensation partielle et forfaitaire, alors que l’employeur bénéficie d’une immunité quant aux recours en responsabilité civile, elle s’exprime ainsi :

« (…) Ce contrat social est-il mis en péril si son contenu est modifié par des règles externes relevant d’une autre logique juridique? En d’autres termes, la clause d’immunité civile prévue dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) peut-elle être conciliée avec d’autres types de redressements découlant de la mise en œuvre du droit à l’égalité du travailleur, tout en préservant l’autonomie du régime de réparation des lésions professionnelles? Nous sommes d’avis que cette conciliation est non seulement possible, mais également nécessaire et souhaitable.

[…]

(…) même si le droit relatif à la LATMP apparaît aujourd’hui autonome, libéré des principes de responsabilité émanant du droit commun, rien ne justifie pour autant que l’interprétation de ce régime s’effectue dans un vide juridique. À cet égard, la mise en œuvre de la Charte québécoise peut parfois exiger des interventions qui ne relèvent nullement de la responsabilité civile et qui, par conséquent, ne sont pas incompatibles avec la prohibition des recours prévus dans le régime de la LATMP.

(références omises)

[68] Cette Cour ne devrait pas autoriser la demande d’appel sur la prémisse que l’arrêt de la Cour d’appel remettrait en cause les enseignements de l’arrêt Béliveau St-Jacques puisque cet argument est non fondé.

38 Par. 86 de l’arrêt de la Cour d’appel.

39 Anne-Marie LAFLAMME, « Le droit de retour au travail et l’obligation d’accommodement : le régime de réparation des lésions professionnelles peut-il résister à l’envahisseur? », (2007), 48 Les Cahiers de Droit, p.

215, pp.217 et 244.

(21)

TROISIÈME QUESTION EN LITIGE : L’AVIS À LA PROCUREURE GÉNÉRALE PRÉVU À L’ARTICLE 95 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DU QUÉBEC EST-IL NÉCESSAIRE POUR INVALIDER OU RENDRE INOPÉRANT LES DISPOSITIONS DE LA LATMP, NOTAMENT L’ARTICLE 240 LATMP PARCE QUE CONTRAIRES À LA CHARTE?

NOTRE ARGUMENT : AUCUN AVIS À LA PROCUREURE GÉNÉRALE N’ÉTAIT NÉCESSAIRE

[69] La conclusion de la Cour d’appel à l’effet qu’aucun avis à la procureure générale n’était nécessaire est bien fondée 40.

[70] L’Intimé n’a jamais demandé que l’article 240 de la LATMP soit déclaré inconstitutionnel. Cet article demeurerait valide même si cette Cour rejette la demande d’appel présenté par la Demanderesse. Compte tenu du rejet de l’appel par la Cour d’appel, le présent dossier serait retourné à la CLP, conformément aux conclusions de la Cour supérieure, afin que la CLP se prononce à nouveau sur le dossier en tenant compte de la mise en œuvre du droit à l’égalité 41.

[71] La CLP est ainsi invitée par la Cour d’appel à considérer le délai prévu à l’article 240 LATMP comme un facteur pertinent dans la question de savoir si l’obligation d’accommodement a été respecté, conformément aux enseignements de cette Cour dans l’arrêt Mc Gill.

PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS

[72] Dans la mesure où la demande d’autorisation d’appel était rejetée, la Demanderesse devrait supporter les dépens.

40 Par. 96 et 97 de l’arrêt de la Cour d’appel.

41 Par 113 de l’arrêt de la Cour d’appel.

(22)

PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE [73] L’Intimé demande de rejeter la demande d’autorisation d’appel.

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS, le 13 octobre 2015.

____________________________

Me Sophie Cloutier Procureure de l’intimé

(23)

PARTIE VI – TABLE DES SOURCES

PARA.

Jurisprudence

Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés des services publics inc.,

[1996] 2 R.C.S. ... 19, 66-68 British Colombie-Britanique Public Service Employee Relations Commission c.

BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 ...52 Centre universitaire de santé Mc Gill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des

employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 R.C.S. 161 ...50, 64, 71 Hydro-Québec c. SFCP-FTQ, [2008] 2 R.C.S. 561. ...50 Lizotte et R.S.S.S. MRC Maskinongé, [2003] C.L.P. 463 ...25 Mueller Canada inc. c. Ouellette, [2004] R.J.Q. 1397 (C.A.). ... 22-25, 43, 49 Nouvelle-Écosse (Worker’s Compension Board) c. Martin, 2003 2 R.C.S. 504 (CSC). ...34, 36 Provigo inc. c. Lachapelle, 2006 QCCA 1019. ...24, 25, 62 Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal

(Ville), [2000] 1 R.C.S. 665 ...65 SÉPAQ c. SFPQ, 2009 QCCA 329 ... 27-29, 49 Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 427 c.

Tembec, usine de Matane, 2012 QCCA 179...29, 49 Tranchemontagne c. (Ontario Directeur du Programme ontarien de soutien aux

personnes handicapées, [2006] 1 R.C.S. 513 ...34, 37 Workers’s Compensation Board c. Figliola [2011] 3 R.C.S. 422 ...7 Autres

Alberta : Politique 04-05 adoptée par le Workers Compensation Board de l’Alberta ...6 LAFLAMME, Anne-Marie, « Le droit de retour au travail et l’obligation

d’accommodement : le régime de réparation des lésions professionnelles peut-il résister

à l’envahisseur? », (2007), 48 Les Cahiers de Droit ...65, 67 Nouveau-Brunswick : Politique no 21-413 – Reprise du travail – Responsabilités et

obligations à l’égard du réemploi Adoptée par la Commission Travail sécuritaire NB ...6

(24)

PARTIE VII – EXTRAITS DES LOIS Loi sur les accidents du travail, c. W200 de la C.P.L.M., art. 49.3 (4) Workers Compension act, Chapter W-7.1, art. 86.5

Workers’ Compension Act, 1994-1995, c.10, s. 1, art. 91 (1)

Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, L.O.

1997, Chapitre 16, annexe A, art. 41 (1) et 41 (6)

Workplace Health, Safety and Compensation Act, RNSL1990 chapter W-11, art. 89.1 (7)

Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, R.L.R.Q., c. A-3.001, Arts. 168, 170, 183

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