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Six vérités à admettre sur l assurance maladie

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Academic year: 2022

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Six vérités à admettre sur l’assurance maladie

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Conseiller maître honoraire à la Cour des comptes

Les six vérités abordées dans cet article sont connues et même archiconnues. Il ne leur manque que d’être considérées comme pertinentes ! Quand on accepte leurs implications, on identifie les verrous qui bloquent depuis trente ans toute évolution de l’assurance maladie et la font considérer comme un problème insoluble, ce qu’elle n’est évidemment pas. C’est parce que le champ de la réflexion a été au fil du temps considérablement rétréci, parce qu’on n’a jamais révisé ce qui n’était après tout que des idées reçues, parce qu’on a tout misé sur une seule politique, que l’on est maintenant dans une impasse.

Peut-on sortir de l’impasse dans laquelle s’enferme la politique de financement de l’assurance maladie ? La réponse est oui, à condition de bien admettre les six vérités qui suivent.

Le choix délibéré de l’endettement par refus du financement privé

On sait que ce qu’on range sous cette appellation n’est pas l’intervention de finan- ciers capitalistes, mais plus simplement les sommes que l’assurance publique laisse à la charge des assurés. On dit d’ailleurs plus souvent aujourd’hui le reste à charge, ou le RAC. Il s’agit à la fois des dépenses que les assurés paient eux-mêmes et de celles supportées par l’assurance complémentaire, ce qui en fait d’ailleurs une définition un peu extensive puisque, dans ce cas, les cotisations sont très souvent payées par les entreprises et non par les ménages.

Ce RAC est particulièrement faible. C’est même d’après l’Insee la plus faible de toutes les consommations des ménages, et pourtant l’Insee en donne bien la défi- nition large ci-dessus. Un écart de plus de un à deux, considérable donc, la sépare

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encore de l’avant-dernière de ces consommations, celle consacrée à l’habillement et autres produits pour la personne. Cet écart est de un à quatre avec les dépenses de communication et de loisirs. Les sommes consacrées aux biens et services de santé représentent à peine ce qui est dédié à l’alcool et au tabac. À l’évidence, ce ne serait pas une révolution sociale que d’aller au-delà.

Le financement privé a mauvaise presse parce que, intuitivement, on pense qu’il ne permet pas l’exercice de la solidarité. On le voit comme relevant du « chacun pour soi ». Pourtant, le promoteur du projet de bouclier social, le seul esprit novateur que nous ayons connu depuis trente ans, a montré qu’il est très possible de calibrer le RAC en fonction des revenus des assurés. D’autres pays l’ont fait en Europe. Le financement privé peut donc être aussi « solidaire » que le financement public.

Depuis longtemps, le financement est public à concurrence d’un peu plus de 75 % et privé pour les 25 % restants. Beaucoup sont déjà mal à l’aise avec ces chiffres qu’ils voient comme une défaite de l’assurance publique. Ce sont les mêmes évidemment qui pensent qu’il faut se fixer comme objectif de ne pas descendre au-dessous du pourcentage atteint. Cela fait partie de la vulgate et l’affirmation est reprise dans de nombreux discours et documents. Malheureusement, le financement est public ou privé, et à part l’endettement, il n’y a pas de solution tierce. Pendant toute cette période où nous avons beaucoup emprunté pour payer nos dépenses de santé, le budget des ménages faisait preuve d’une remarquable élasticité pour absorber les produits nou- veaux que lui proposait le marché et qui n’étaient certes pas de première nécessité.

L’assurance maladie aurait pu bénéficier de cette flexibilité. Il aurait suffi en 2011 que le financement privé soit supérieur de 15 % à ce qu’il a été pour qu’il n’y ait pas de déficit. Si on avait commencé à constituer ce financement supplémentaire il y a dix ans, au moment de l’apparition des grands déficits, le surcoût aurait été inférieur à 1,5

% par an et le budget des ménages l’aurait très bien supporté. Aujourd’hui en tout cas, la donne est claire. Puisque nous avons admis que la ressource publique allait rester et pour longtemps rare et que l’endettement ne pouvait plus croître, nous devons accepter un recours accru au financement privé. À condition bien entendu de savoir l’organiser.

L’usage massif du principe de gratuité

Alors même que ce n’est, le plus souvent, pas nécessaire. Il n’y a qu’une cause légitime de gratuité ou de semi-gratuité, c’est l’absence ou l’insuffisance des ressources des

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assurés. Bizarrement, dans notre système dit social, ce n’est pas la première qui ait été prise en compte. Il a fallu attendre 1999 et la création de la CMU. Bien avant cela, on avait posé le principe de la gratuité pour tout ce qui était ou risquait d’être « trop cher », pour faire bref, les « actes » coûteux et les « longues maladies ». Dans ce der- nier cas, la solution était particulièrement boiteuse car – et on aurait pu s’en aviser dès le début – il y a des maladies chroniques qui ne coûtent pas cher et inversement des pathologies ou des accidents qui n’entrent pas dans la définition de la longue maladie et qui pèsent lourd.

Il n’y a aucun fondement théorique ni même social à ce qu’une personne placée dans ces conditions soit exonérée de toute charge. Certes, cette charge doit être limitée. C’est possible si on articule toute la protection autour de la notion de reste à charge maximum, ce plafond pouvant être fixé plus bas pour les personnes aux ressources limitées que pour les autres.

Il faut savoir que près de 70 % des dépenses trouvent

aujourd’hui leur origine dans le régime des longues maladies et que l’évolution de ce régime est explosive. Des retouches lui ont été apportées, mais des retouches ne suf- firont pas. Il est souhaitable de supprimer entièrement les gratuités non justifiées.

L’assurance maladie n’est pas un système raisonné de protection

C’est une suite de textes pris dans l’intérêt des assurés au terme d’un processus démo- cratique et avec l’aval des partenaires sociaux. Cette triple onction suffit à asseoir leur légitimité. Il est possible de les compléter quand on les juge insuffisants, mais pas d’en discuter l’architecture, ce qui est définitivement hors sujet. Mais plus on complète les textes et plus on multiplie le nombre des « cases » qui déterminent le sort de l’assuré, ajoutant du désordre au désordre. Dans ce catalogue de mesures, il n’y a plus de rela- tion linéaire entre la dépense d’un assuré et le concours que l’assurance lui apporte.

Des études approfondies ont été consacrées au sujet. Elles mettent en évidence la gaucherie et l’inefficacité de ces solutions. Certaines personnes qui relèvent du grand

il n’y a aucun fondement théorique

ni même social à ce qu’une personne soit

exonérée de toute charge. le reste à charge doit être fixé plus bas pour les personnes aux ressources limitées.

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risque sont très mal protégées. Pour l’ensemble des assurés, le RAC se distribue de façon aléatoire. Il est parfois élevé, parfois faible, sans relation systématique ni avec la dépense initiale des assurés, ni avec leur état de fortune.

Mais on ne croit pas avoir à gérer le problème. On se résigne assez bien à ce que certains soient favorisés, par exemple ceux qui sont « au 100 % » sans être pour autant ni très malades ni pauvres. On est plus gêné quant au sort de ceux qui relèvent du grand risque et qui n’arrivent pas à se caser dans une catégorie ouvrant droit à la gratuité. On se console en se disant qu’ils ont en général une assurance complé- mentaire. Puisque tout le monde a « droit » à une assurance complémentaire, on en subventionne l’achat quand on l’estime nécessaire. Cela revient à subventionner les assureurs complémentaires eux-mêmes, ce qui est bien surprenant.

On s’interdit par principe, car « l’assurance maladie ce n’est pas de l’assurance », de partir du risque maladie tel qu’il est aujourd’hui – il n’était pas tel en 1945 – et de définir un mode de protection qui soit adapté à son architecture. Les bonnes inten- tions suffisent et on refuse de s’intéresser à la façon de faire les choses, la technique étant chose vulgaire et négligeable. Pourtant, la mise en œuvre d’une bonne inten- tion passe par le choix d’une bonne technique. Depuis les origines – mais aux ori- gines le risque n’était pas ce qu’il est aujourd’hui – l’assurance maladie utilise celle du ticket modérateur. Supposé modérer la dépense – ce qu’il ne fait pas –, c’est d’abord et surtout une façon de partager la charge du risque entre l’assureur et l’assuré, et cette technique, valable tant que la médecine, peu efficace, n’était pas non plus très coûteuse, est devenue obsolète quand le prix des soins a augmenté, car un pourcen- tage même faible d’une dépense élevée représente une charge lourde. Une protection doit être simple pour être efficace. Quand on l’exprime en pourcentage d’un montant par définition inconnu et potentiellement élevé, ce n’est plus une protection.

C’est dans les années 1970 ou 1980 qu’il aurait fallu abandonner la technique « pro- portionnelle » du ticket modérateur, pour adopter une technique « non propor- tionnelle ». Une protection efficace suppose que les charges de l’assuré ne puissent dépasser un plafond connu à l’avance. Pour que le coût n’en soit pas trop élevé, il faut aussi que tous les assurés paient ce que leur budget leur permet de payer, la nature de la maladie et celle des soins n’important pas. C’est le seul type de solution qui évite les dysfonctionnements actuels. Dans ces conditions, c’est la contribution de ceux qui sont peu malades qui sera augmentée, les autres étant exempts ou bénéficiaires.

On a laissé se créer une béance entre un risque qui a été totalement bouleversé en soixante ans et un système de protection figé dans son archaïsme. L’inefficacité et

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l’iniquité n’étaient pas le devenir naturel de l’assurance publique, et elle pourrait redevenir performante si elle voulait s’en donner la peine.

Mais cela suppose que l’on admette que l’assurance maladie est d’abord un système de protection, lequel prend appui sur un système de soins. On efface complète- ment aujourd’hui le premier derrière le second et le système de soins mobilise toute l’attention. En termes de coût comme en termes d’équité, il y a pourtant plus à tirer aujourd’hui de l’amélioration du système de protection. Soit faute de formation aux techniques de la protection, soit par crainte d’avoir à remettre en cause la vulgate qui veut que tout dans ce domaine aille pour le mieux dans le meilleur des mondes, on refuse de traiter le sujet. Au mieux, on le déclare politique, ce qui permet de s’en décharger mais n’éclaire pas beaucoup les hommes politiques, qui n’inventeront pas une solution tout seuls.

L’ambiguïté des rapports avec l’assurance complémentaire

On l’a tenue d’abord à distance avec un certain mépris. Pourtant elle a pris de plus en plus d’importance. En couvrant tout ce que l’assurance publique ne couvrait pas, elle s’est retrouvée à assumer des charges importantes, notamment dans le domaine du grand risque. Elle a donc fini par être reconnue et même subventionnée.

Aujourd’hui on déclare les assureurs complémentaires « collaborateurs du service public » et, conséquence tout aussi logique que celle consistant à les subventionner, on souhaite rapprocher leur statut de celui de l’assurance publique, en clair leur imposer les mêmes obligations et contrôles. Nous sommes donc en route pour une de ces magnifiques nationalisations rampantes dont nous avons le secret.

Nous avons fait le choix de l’assurance publique avec raison. Le recours à l’assurance privée n’inter- dit pas la solidarité, car tout ce qui est assurance est aussi solidarité, mais il empêche de l’exercer au niveau national, chaque assureur constituant sa propre communauté d’assurés. Si l’exemple amé- ricain nous enseigne quelque chose, c’est qu’il est bien difficile de faire coexister assurance publique et assurance privée au cœur même du sujet.

Reconnue et même subventionnée, on déclare aujourd’hui

les assureurs complémentaires

« collaborateurs du service public » et on

souhaite rapprocher leur statut de celui de

l’assurance publique.

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Il faut rebâtir les frontières de façon que l’assurance complémentaire reste ce qu’elle doit être : complémentaire. Son champ ne sera pas négligeable puisqu’il concernera, potentiellement, tout ce qui sera dans le RAC (en sachant toutefois qu’une bonne partie restera en auto-assurance). Mais la protection qui permet à tous les Français sans exception d’être à l’abri du risque, c’est à l’assurance publique de la fournir.

Les limites de la politique de maîtrise de la dépense

Cette politique était et reste indispensable. Les choses seraient aujourd’hui bien pires si elle n’avait pas existé. Elle a été menée pour l’essentiel avec clairvoyance et énergie. Mais, à vouloir ne compter que sur elle, on a dérapé. La création des déserts médicaux, conséquence directe de la médiocrité des honoraires des médecins libé- raux, est un échec grave, et les hôpitaux, dans l’état actuel de leur mode de gestion, ne sont plus assez dotés. La raison pour laquelle elle ne peut suffire tient à son objet même : elle peut contenir la progression des dépenses et elle l’a plutôt bien fait, mais elle ne fournit pas un financement supplémentaire. C’est bien d’une insuffisance de financement que souffre aujourd’hui l’assurance maladie.

L’aiguillon du déficit est un adjuvant dans la politique de maîtrise de la dépense et c’est la raison pour laquelle il n’est pas si mal vu dans le secteur public, qui au fond s’y résigne assez bien. Il est très possible qu’il y ait un état futur du système de soins qui sera plus économique, mais cet état n’était pas atteint dans un passé récent et ne le sera pas dans un avenir proche. Il ne peut pas servir de justification à un déficit présent. Il y a urgence à faire tomber cette politique de maîtrise de la dépense de son piédestal. Il faut la poursuivre dans le calme et la raison, car de nombreuses modi- fications du système de soins, qui est loin d’être à maturité, interviendront encore.

Mais elle n’est pas et ne peut pas être l’alpha et l’oméga de la politique de l’assurance maladie.

Des stratégies de substitution insuffisantes

C’est le cas de la TVA sociale, ou de toute autre formule qui serait équivalente.

Certes, elle allège le coût du travail pour les entreprises, mais en définitive elle ne fait que remplacer un impôt par un autre impôt et ce n’est pas un réel progrès.

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Dans les cercles de réflexion non officiels, on pense plus à un élargissement du rôle de l’assurance privée. Mais rares sont – et heureusement – ceux qui croient qu’on pourrait se contenter d’édicter une obligation d’assurance en laissant les assureurs proposer plusieurs systèmes de protection entre lesquels les assurés choisiraient. On ne pourra pas ne pas définir au niveau politique ce que sera l’assurance maladie et c’est la gestion seulement d’un système déjà défini qu’on confiera éventuellement aux assureurs privés. On pourra ainsi bénéficier de leur talent de gestionnaires, ce qui n’est pas nul, mais reste tout de même limité.

Quoi que nous fassions, nous ne pourrons pas nous débarrasser du problème. Il faudra bien que nous disions un jour ou l’autre ce que nous voulons que soit l’assurance maladie.

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes décrit un avenir possible. Le retour à l’équilibre financier est envisageable pour 2017, plutôt pour

2018 ou 2019. Il faut donc prévoir de nouveaux déficits dans l’intervalle, qu’il faudra transférer à la Cades ; il faudra aussi permettre à cette dernière de les amortir grâce à une augmentation de la CRDS. La Cour avertit énergiquement que même cela ne sera possible qu’avec une pression fortement accrue sur la demande de soins.

Rien n’est acceptable dans cette trajectoire, ni la date éloignée de l’équilibre, ni les déficits futurs, ni l’augmentation des impôts, ni même d’ailleurs la pression sur la demande si on l’entend au sens habituel. L’objectif aujourd’hui devrait au contraire être une réforme qui assure d’emblée l’équilibre et même un excédent temporaire permettant de rembourser en quelques années la dette en cours de la Cades, l’allège- ment venant ensuite. L’assurance maladie dispose d’excellents experts à qui cette voie est peu familière mais qui sauraient, si on le leur demandait, l’explorer.

Il est toujours douloureux d’abandonner une culture à laquelle la noblesse de ses origines, le temps écoulé, les efforts qu’on lui a consacrés ont donné une aura d’in- touchabilité. Mais bâtir sur les principes auxquels nous tenons une autre politique qui, parce qu’elle plongera ses racines dans la réalité, permettra de leur donner une nouvelle jeunesse et ouvrira l’horizon sera attrayant aussi. C’est tout à fait possible.

Au fond, il ne s’agit de rien d’autre que de faire preuve d’un peu de l’alacrité d’esprit qui anima le législateur de 1945. Parce que les choix qu’il a faits sont anciens, on croit qu’ils ont été faciles. Ils ne l’étaient pas et pourtant on ne s’est pas trompé. Mais on n’avait pas peur à l’époque de réfléchir et on savait décider.

la Cour des comptes décrit un avenir

possible.

le retour à l’équilibre financier est

envisageable pour 2017, plutôt pour 2018 ou 2019.

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