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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

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Academic year: 2022

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SANDRINE PERERA

TOME 318

LE PRINCIPE DE LIBER TÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

Si la littérature juridique abonde sur la notion d’égalité, elle est en revanche très limitée sur la notion de liberté au singulier et plus encore sur le principe de liberté, pourtant au fondement de l’ordre juridique français. Constat étonnant ayant donné lieu à une réflexion nécessaire sur le principe de liberté en droit public français.

Bien que ce principe soit effectivement bien présent dans l’ordre juridique français, en tant que fondement de celui-ci et comme norme prévalant par principe, il apparaît aujourd’hui mal assuré. L’ouvrage s’attache à déceler les raisons de l’absence de reconnaissance explicite par les juges spécialement du principe de liberté.

Face à cette observation, cette recherche a entendu démontrer la nécessité de reconnaître pleinement le principe de liberté comme principe de droit, c’est-à-dire comme norme de droit positif fondamental. Cette reconnaissance permettrait en effet une meilleure saisie du fonctionnement de l’ordre juridique, du fondement des normes et de l’engendrement de nouvelles normes, notions ou mécanismes procéduraux. Cette reconnaissance assurerait également une reconsidération de l’encadrement du principe de liberté.

Mais la liberté est également un principe du droit, ce qui signifie, d’une façon plus générale, qu’elle est ontologiquement nécessaire à l’existence ou à l’être du droit en tant que tel et à la reconnaissance totale d’un principe positif de liberté.

Fondée par Marcel Waline Professeur honoraire à l’Université de droit, d’économie et des sciences sociales de Paris, Membre de l’Institut

Dirigée par Yves Gaudemet Professeur à l’Université

Paris II Panthéon-Assas, Membre de l’Institut

BIBLIOTHÈQUE DE DROIT

PUBLIC TOME 318

Fondée par Marcel Waline Professeur honoraire à l’Université de droit, d’économie et des sciences sociales de Paris, Membre de l’Institut

Dirigée par Yves Gaudemet Professeur à l’Université

Paris II Panthéon-Assas, Membre de l’Institut

BIBLIOTHÈQUE DE DROIT

PUBLIC TOME 318

LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

Sandrine Perera

Préface de

Étienne Picard

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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

Sandrine Perera

Docteur en droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Enseignant-chercheur à l’Université de Cergy-Pontoise

Préface de Étienne Picard

Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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BIBLIOTHÈQUE DE DROIT

PUBLIC TOME 318

Fondée par Marcel Waline † Professeur honoraire à l’Université de droit, d’économie et des sciences sociales de Paris, Membre de l’Institut

Dirigée par Yves Gaudemet Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas, Membre de l’Institut

LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

Sandrine Perera

Docteur en droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Enseignant-chercheur à l’Université de Cergy-Pontoise

Préface de Étienne Picard

Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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© 2021, LGDJ, Lextenso 1, Parvis de La Défense 92 044 Paris La Défense Cedex www.lgdj-editions.fr

ISBN : 978-2-275-07899-1 ISSN : 0520-0288

L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent

être considérées comme propres à leurs auteurs.

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À mes parents, à ma grand-mère disparue, À mon frère Glenn

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REMERCIEMENTS

Au Professeur Étienne Picard, pour m’avoir fait l’honneur de diriger cette recherche, pour sa patience, sa disponibilité, son implication et son soutien constant.  Sa pensée a été d’une influence majeure pour cette recherche. Qu’il trouve ici l’expression de mon immense gratitude.

Aux membres de mon jury de thèse, les professeurs Jean-Marie Pontier, Catherine Puigelier, Marie-Joëlle Redor-Fichot, Dominique Rousseau, pour avoir accepté de lire ma thèse et avoir permis un débat profond.

Aux professeurs qui ont bien voulu m’accorder de leur temps pour répondre à mes interrogations. J’adresse également mes remerciements aux professeurs Paul Amselek, Bertrand Mathieu et Rainer Arnold pour leurs remarques posi- tives, constructives et encourageantes. Au professeur Olivier Renaudie, directeur de l’école doctorale de droit public de Paris 1, pour son soutien à ce travail.

À mes très chers amis pour leur intérêt pour cette recherche et leur présence.

Plus spécifiquement, à Michel, mon regretté ami et professeur de philosophie, pour sa confiance et les conversations passionnantes ouvrant de nouvelles pers- pectives. À Bill et Joan pour toutes leurs attentions et leur foi en moi. À Ophélie, Anaïs et Aude pour leur écoute et encouragements. À Arthur, Thomas, Céline et Maxime pour leur relecture attentive, notamment.

À mes parents surtout, pour avoir permis la poursuite d’un tel projet. Qu’ils trouvent ici l’expression de mon incommensurable reconnaissance.

Enfin, à mon frère pour la joie quotidienne pendant ces années, donnant du cœur à l’ouvrage. Je le remercie au-delà de ce que les mots peuvent exprimer.

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PRÉFACE

La thèse de Sandrine Perera, qui offre à son ancien directeur le vif plaisir de préfacer celle-ci, est à la fois fondamentale et subtile : – fondamentale dans son objet, car elle touche à la liberté, inestimable bienfait, mais surtout aux fon- dements juridiques de celle-ci ; à la vérité, elle touche en même temps aux assises de notre ordre juridique dans sa globalité, et aussi aux fondements du droit lui- même, en général, tel que l’auteur a été amenée à le concevoir à son tour, en le fondant sur la liberté même : c’est une thèse dont la matière, parfaitement maî- trisée, s’affirme très dense, profonde et de grande portée ; – mais elle est égale- ment subtile dans sa démarche, dans la prudence de sa méthode, parce qu’elle procède à cette approche des fondements sans rien imposer a priori, sans rien écarter non plus, sous le prétexte fallacieux qu’il faudrait que la pensée fût tou- jours affidée à quelque doctrine antérieure, interdisant ainsi de penser par soi- même ; et elle le fait par petites touches successives, très fines et délicates, mais toutes ensemble essentielles et puissantes. Car, en s’articulant progressivement les unes aux autres, elles dessinent en définitive et même construisent, pierre par pierre, cet éminent édifice qu’est Le principe de liberté en droit public français, en tant que pilier nécessaire à l’ensemble de l’ordre juridique lui-même.

Il ne s’agit donc pas simplement d’une thèse sur les libertés dans leur généralité et encore moins sur telle ou telle liberté en particulier, qui s’ajouterait à la liste déjà pratiquement innombrable des monographies sur les libertés, précieuses sans tou- tefois être centrales par rapport au sujet de cette thèse : il s’agit bien d’une thèse sur le principe de liberté, grand sujet semble-t-il inédit, comme si une sorte d’interdit empêchait de l’aborder. Car la question se pose, dans l’ordre des choses étonnantes, de savoir pourquoi la littérature juridique française regorge d’études sur le principe d’égalité, mais n’en compte semble-t-il aucune relative au principe de liberté, alors que ce sont là deux principes de notre République, si essentiels et si solidaires !

Avant de commencer, il fallait affronter l’apparente première difficulté de la thèse. Cette difficulté devait consister, pouvait-on craindre, à déterminer en prio- rité et a priori les deux éléments constitutifs du libellé de son sujet. D’abord de quelle sorte de liberté devait-il s’agir ? De la liberté selon les philosophes, déjà très différente d’un auteur ou d’un courant de pensée à l’autre ? Ou, de façon plus plausible, de la liberté selon le droit, lequel ne peut cependant se concevoir ni se pratiquer indépendamment des doctrines qui ont présidé à la fondation de notre ordre juridique en 1789 ? Ou de la liberté selon le droit actuel qui répond à une conception de la liberté bien différente de celle des origines et qui se charge de sens et de contenus de plus en plus protéiformes et insaisissables, car subjec- tifs ? Mais pourrait-on reprocher à la liberté d’être subjective, alors que c’est là son essence même ? Oui, sans doute, lorsqu’elle ne consentirait pas à respecter certaines limites, destinées à protéger son existence même.

PRÉFACE

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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

X

Et ce principe, comment faut-il l’entendre ? Comme tout le monde ? C’est- à-dire dans un sens à peu près indéterminé, car le mot est constamment utilisé en droit, le droit des textes, le droit des juges ou le droit des auteurs, mais sans qu’aucun, le plus souvent, ne se préoccupe réellement de lui conférer un objet donné et un sens propre qui irait au-delà du mot lui-même, pour être chargé d’une identité normative spécifique et d’une portée suffisamment distinctive et émi- nente ? Au fond, qu’est-ce donc qu’un principe, question sur laquelle Sandrine Perera réfléchit profondément et essentiellement tout au long de son étude ? Et puis, lorsqu’il s’agit de liberté, on conçoit aisément que la teneur de la liberté, lorsqu’elle est l’objet d’un principe, soit assez spécifique dans sa grande généralité même, par rapport aux règles innombrables qui régissent toutes les libertés ; mais, retournement étonnant et singulier, n’est-il pas possible que ce soit le principe lui-même qui devienne normativement spécifique par rapport aux autres lorsqu’il se donne la liberté comme objet, celui-ci se transformant alors en sujet même du principe, son acteur, pour le conformer à ses fins et à son sens.

C’est là le fond et l’apport propres de la thèse. On peut le condenser ainsi : certes, c’est le droit qui, au jour le jour, règle la liberté et doit le faire nécessaire- ment, au nom même de la liberté ; mais, en réalité, c’est plutôt la liberté en son principe qui tout aussi nécessairement régit le droit au point de le fonder. Car comment les normes du droit pourraient-elles œuvrer et à quoi serviraient-elles si nous, destinataires ou auteurs des normes, étions tous génétiquement ou psychologiquement programmés pour agir dans un sens ou dans un autre ? Mais on ne peut accéder immédiatement à cette donnée centrale, sans un long chemi- nement préalable qui fait mesurer la profondeur des réflexions précédant cette simple mais essentielle découverte.

Ainsi, l’auteur ne donne pas de réponse immédiate à toutes ces questions pourtant déterminantes qui serait assénée à partir d’on ne sait quelle tribune de vérité ouverte à tous les vents et accessible à tous sans préalable. Sans ne rien condamner, sans ne rien privilégier a priori, sans laisser de côté aucune de toutes ces difficultés, elle considère d’abord, selon la bonne méthode, ce que le droit positif nous livre de ce principe de liberté ; et elle avance rigoureusement pas à pas pour explorer une à une, et selon divers angles d’approche, toutes les dimen- sions de son sujet en dépassant le droit positif pour parvenir à une réflexion fondamentale sur notre droit, mais aussi sur le droit en général. Et les apports inédits de sa démarche critique s’accumulent sous l’égide de cette découverte capitale selon laquelle le principe de liberté se dédouble en deux faces liées l’une à l’autre comme celles d’une même pièce de monnaie : il y a, à propos de la liberté, un principe de droit et un principe du droit. Le principe de droit est celui que le droit positif connaît avec l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais que le juge ne reconnaît comme un principe qu’avec beaucoup de réticence, sans que celle-ci ne soit véritablement justifiée, au contraire. Le principe du droit est celui dont l’existence constitue une condition de possibilité du droit lui-même, que le volontarisme juridique ne voyait pas du tout, tout polarisé qu’il était sur la seule volonté comme source du droit, sans voir que la volonté elle-même est tributaire de cette condition, car à quoi bon vouloir si l’on n’a que la volition, qui n’est qu’une agitation, mais pas la liberté de vouloir ?

La première partie de l’édifice appréhende donc le « principe de liberté » en le caractérisant comme « un principe positivement mal assuré ». Le principe de

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PRÉFACE XI liberté est bien « un principe de l’ordre juridique » qui s’énonce « au principe de l’ordre juridique », c’est-à-dire à son origine et à son fondement. Et la liberté, dans cet ordre juridique, est bien « de principe », tandis que les restrictions qu’elle connaît ne sont que l’exception. Mais le droit positif ne retient qu’une formula- tion principielle incomplète, partielle et comme embarrassée. Le droit positif, constitutionnel et jurisprudentiel, refuse de reconnaître explicitement l’existence d’un plein et vrai principe de liberté, car il semblerait alors emporter trop d’impli- cations quelque peu aventureuses. Et, aujourd’hui, proclamer l’existence d’un principe serait « malaisé » en raison d’une altération contemporaine du sens de ce principe de liberté, et en tout cas, d’une grande difficulté d’en déterminer les nécessaires limites. Le principe de liberté tel qu’entendu de plus en plus aujourd’hui, culturellement, ne devrait pas se contenter de garantir ce pouvoir d’autodétermination permettant à chacun de décider de ses fins et de ses moyens, mais devrait concrètement offrir à chacun les fruits qu’il escomptait recueillir de sa liberté, ce qui est tout autre chose.

La seconde partie, qui prolonge et rehausse l’intérêt de toute la thèse, entend démontrer que le principe de liberté est un « principe juridiquement nécessaire ».

Elle l’établit en considérant d’abord la liberté comme « principe de droit ». Il est en effet nécessaire comme tel car il constitue un « principe de cohérence », indis- pensable pour ordonner l’ensemble des règles de l’ordre juridique relatives à la liberté à son insertion dans cet ensemble, et également nécessaire pour fonder toutes les libertés, qui n’ont donc plus besoin, pour chacune d’entre elles, d’un énoncé constitutionnel propre et exprès. Et puis, prenant à rebours les choses du droit ordinairement pensées, l’auteur explique très bien pourquoi et comment le principe de liberté offre aussi un fondement aux limitations nécessaires de la liberté pour rendre possible la vie en société, passage la conduisant à « repenser les limitations classiques » de la liberté, puis à « repenser la souveraineté comme limite nécessaire au principe de liberté ». Enfin dans le dernier titre qui marque le sommet de la thèse, Sandrine Perera développe le cœur de celle-ci qui est d’éta- blir « la liberté comme principe du droit ». Elle l’est tellement qu’elle constitue ce

« principe ontologique du droit », parmi d’autres principes de même statut. Enfin, pour compléter l’édifice, l’auteur explique et démontre par le menu que la liberté constitue « un principe nécessaire au droit », en cela qu’elle en est la condition de possibilité, tandis que tout le droit est nécessairement imprégné de liberté.

Avec cette thèse, Sandrine Perera démontre surtout, sans prétention, sa capa- cité d’affronter les sujets les plus difficiles du droit, autant grâce à l’acuité de ses raisonnements qu’à la somme des connaissances qu’elle a acquises et réordonnées rigoureusement pour produire cette véritable œuvre qui l’introduit sans conteste dans la doctrine du droit public français.

Étienne Picard Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

AJDA Actualité juridique de droit administratif APD Archives de Philosophie du droit

CC Conseil constitutionnel

CE Conseil d’État

CEDH Cour européenne des droits de l’homme Cass. civ Chambres civiles de la Cour de cassation Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation Cass. soc Chambre sociale de la Cour de cassation Chron. Chronique

CJCE Cour de justice des communautés européennes CJUE Cour de justice de l’Union européenne

Coll. Collection D. Dalloz

DC Décision de conformité

DDHC Déclaration des droits de l’homme et du citoyen Dir. Sous la direction de

EDCE Études et documents du Conseil d’État

G.A.J.A Grands arrêts de la jurisprudence administrative G.D.C.C Grandes décisions du Conseil constitutionnel JO Journal officiel de la République française JCP Juris-classeur périodique (La semaine juridique) LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence P. Page(s)

PUAM Presses Universitaires d’Aix-Marseille PUF Presses Universitaires de France

RDLF Revue des droits et libertés fondamentaux

RDP  Revue de droit public et de la science politique en France et l’étranger

Rec. Lebon Recueil des arrêts du Conseil d’État (Lebon) RFAP Revue française d’administration publique RFDA Revue française de droit administratif RFDC Revue française de droit constitutionnel RIDC Revue internationale de droit comparé RIEJ Revue interdisciplinaire d’études juridiques RRJ Revue de la recherche juridique (Droit prospectif) RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTDH Revue trimestrielle des droits de l’homme RUDH  Revue universelle des droits de l’homme V. Voir

Vol. Volume

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SOMMAIRE

I

NTRODUCTION

P

ARTIE I

L

E PRINCIPE DE LIBERTÉ : UN PRINCIPE POSITIVEMENT MAL ASSURÉ

Titre I : Le principe de liberté : un principe relativement admis  par l’ordre juridique

Chapitre 1. La liberté au principe de l’ordre juridique Chapitre 2. La liberté de principe dans l’ordre juridique

Titre II : Le principe de liberté : un principe dont la portée principielle n’est pas pleinement reconnue

Chapitre 1. Un refus silencieux de reconnaissance explicite du principe de liberté

Chapitre 2. Une reconnaissance malaisée du principe de liberté

P

ARTIE II

L

E PRINCIPE DE LIBERTÉ : UN PRINCIPE JURIDIQUEMENT NÉCESSAIRE

Titre I : La liberté comme « principe de droit »

Chapitre 1. Le principe de liberté comme principe fondamental et structurant de l’ordre juridique

Chapitre 2. La liberté de principe au fondement du droit Titre II : La liberté comme « principe du droit »

Chapitre 1. La liberté comme principe ontologique du droit Chapitre 2. La liberté comme principe nécessaire au droit

C

ONCLUSION GÉNÉRALE DE LA THÈSE

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« Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis né pour te connaître, Pour te nommer, Liberté »

— Paul Éluard, Liberté

« On ne saurait trop le dire : il n’est rien de plus fécond en merveilles que l’art d’être libre : mais il n’y a rien de plus dur que l’apprentissage de la liberté »

— Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique

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INTRODUCTION

1. Pour Paul Valéry, « Liberté, est l’un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens, et qui chantent plus qu’ils ne parlent ». Le savant et délicat auteur exprimait certainement, en poète, le fond des convictions de tout un chacun fasciné mais égaré par ce mot “liberté”. Les juristes, dont il était, pourraient aussi être tentés de lui donner raison. Mais ils ne s’en satisferaient pas pour autant, car ils savent bien, au fond d’eux-mêmes et un peu confusément, que la liberté a la valeur que révèle son sens et qu’il leur appartient de l’élucider autant qu’ils le peuvent. La tâche parait certes insondable. Mais elle est impérative, plus que jamais aujourd’hui dans un contexte culturel – et juridique – qui a autant de mal à accepter les limites de la liberté qu’à comprendre l’immensité de sa portée. La liberté en effet n’est cer- tainement pas que « ce détestable mot » : elle recèle tout au contraire cet « infini des possibles », « parfumé, pétillant, enivrant » qu’évoquait un autre poète philosophe, Kierkegaard, invitant à la considérer – juridiquement – cette fois.

Cette thèse entend ainsi se consacrer à ce nécessaire « infini des possibles » qui ne peuvent se déployer qu’à la condition de leur détermination.

Entreprendre une thèse sur « Le principe de liberté en droit public français » exige prioritairement d’en montrer l’intérêt et même la nécessité (Section I), puis d’en établir la possibilité et la méthode (Section II).

SECTION 1

INTÉRÊT ET NÉCESSITÉ DE L’ENTREPRISE

2. L’intitulé du sujet de cette thèse est constitué de deux mots forts : d’une part le principe, et d’autre part la liberté, qui éveillent par la multiplicité de leurs sens et portée de nombreuses interrogations. Néanmoins, très peu d’ouvrages et aucune thèse n’a été écrite sur le sujet même du principe de liberté, alors que la littérature juridique abonde tant sur le principe d’égalité1, qui pourrait être son pendant, de même que sur chacune des libertés découlant de leur principe commun. Alors, dès à présent, ce constat conduit à s’interroger sur cette différence de traitement entre la liberté et l’égalité : pour s’intéresser tant à l’égalité, pourquoi les juristes ne se pré- occupent-ils que si peu de la liberté, cependant si intimement liée à l’égalité ?

3. Il semblerait que les auteurs se soient arrêtés à la conviction, qui a prévalu pendant deux siècles, selon laquelle ce principe, tant qu’il ne s’agit que de liberté, serait « purement philosophique » et que, par suite, ils ne s’en inquiètent pas davantage. Tout se passe comme si le droit n’aurait rien à dire sur la liberté, comme si la chose n’avait à être pensée, le cas échéant, qu’en politique ou en philosophie,

1. F. Mélin-Soucramanien, Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, 1997. V. notamment la bibliographie. Tome 51 des Archives de philosophie du droit entièrement consacré à l’égalité.

INTRODUCTION

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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

2

comme si le droit pouvait en la matière se draper dans une autarcie parfaitement indifférente à ce que les autres pensées peuvent en retenir. Le droit ne s’occuperait que de concrétudes pratiques, alors que la liberté ne serait qu’une question méta- physique à laquelle les juristes n’auraient pas accès. Naturellement, une telle scis- sion des pensées pose par elle-même question.

4. Pourtant, dans sa préface à la thèse de Philippe Braud sur Les libertés publiques, Georges Dupuis pouvait écrire : « La liberté est partout […], il est d’ailleurs parfaitement inutile de démontrer une fois de plus l’importance de la liberté : elle est trop évidente ». « Et pourtant, poursuivait-il, un étudiant en droit pouvait du temps de la “licence de papa”, dont les insuffisances firent tant de mal aux études juridiques, ignorer totalement quel sort le droit réservait à la liberté »2. Aujourd’hui, exactement cinquante ans après, la formule pourrait presque être réitérée, puisque les juristes ne se préoccupent pas de la liberté au singulier, mais des libertés au pluriel. Le juge, notamment, reconnaît bien des libertés particulières mais le plus souvent, et presque systématiquement, sans exprimer l’idée qu’elles découleraient d’un principe de liberté qui les engendrerait et fédérerait. Il qualifie même parfois les libertés particulières de principes mais non pas la liberté en général, comme si elle n’existait pas en droit en tant que principe général et global. Ainsi évoque-t-il, par exemple, le « principe de la liberté individuelle », le « principe de la liberté personnelle », le « principe de la liberté contractuelle ». Or, d’une part, ces principes peuvent, le plus souvent, ne pas être consacrés par les textes constitutionnels, alors que pourrait être trouvé plus aisément un principe général de liberté, d’autre part, dans la jurisprudence comme dans les textes, ces principes particuliers ne semblent bien n’être que l’application d’un prin- cipe plus général de liberté, qui cependant n’est pas lui non plus mentionné expressis verbis, bien que la liberté en général soit, elle, mentionnée à plusieurs reprises.

5. Ce constat de l’absence de référence et d’étude du principe de liberté est à l’origine première de ce travail de recherche et de réflexion, qui s’est très vite révélé riche de questionnements et de portées. Mais, surtout, cette étude paraît néces- saire pour la liberté en général et pour ses applications, mais aussi pour leurs droits, et pour le Droit lui-même.

6. Pour bien cerner d’emblée le sujet de cette thèse, il sera d’abord montré la nécessité de penser ce que sont les principes en général (§1), puis la nécessité de penser la liberté (§2). Cela permettra de baliser la réflexion à venir sur le principe de liberté lui-même.

§ 1. N

ÉCESSITÉ DE PENSER CE QU’EST UN PRINCIPE

7. Pour commencer, il convient de s’interroger sur ce que peut être un principe en général (A.). Puis, en s’appuyant sur les réponses qui ont pu être données à cette question, il faudra nous interroger sur ce que peut être un principe en droit (B.).

A. QU’EST-CE QU’UN PRINCIPE EN GÉNÉRAL ?

8. La notion de principe en général n’est pas aisée à définir tant son sens est varié, comme en attestent les sept définitions données par Aristote. En droit, ce qu’est un principe en général est encore plus incertain.

2. Préface G. Dupuis de la thèse de Ph. Braud, La notion de libertés publiques en droit français, LGDJ, Coll. Anthologie du droit, 2015, p. 1.

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INTRODUCTION 3 9. En latin, le mot princeps, principis, est formé à partir des deux mots conjoints en un seul, primus-capere, signifiant « prendre la première part ou le premier rang », la « première place », et dont dérivent principium, « commence- ment » et principo, principare « gouverner, régner sur »3. Le sens du mot « prin- cipe » a beaucoup varié, comme le montre le Dictionnaire culturel de la langue française4. Par exemple, à la fin du XIIe siècle, il a eu le sens de point de départ, de commencement. Alors que plus tard, en 1265, le mot avait le sens d’origine, de cause première. Aujourd’hui, de nombreuses significations lui sont attribuées, mais elles seront ramenées à quatre d’entre elles, qui paraissent majeures.

10. Le principe est d’abord la cause agissante, la cause première, originelle : c’est « le commencement de l’être d’une chose, en tant qu’il conditionne aussi la possibilité d’une connaissance adéquate »5. Autrement dit, c’est ce qui est le plus ancien mais aussi le plus éminent, ce qui commence et commande. Il désigne en deuxième lieu la proposition première posée, non déduite6 ; il correspond donc à

« la proposition, notion particulièrement importante et à laquelle le développe- ment d’un ordre de connaissance, d’une science, est subordonné »7. Ce sens est celui qui se trouve chez Aristote lorsqu’il explique que les principes ne procèdent pas d’une chose ou d’une autre mais au contraire, que les choses procèdent d’eux8, il fait valoir que tout principe est son propre fondement9. De même, la philoso- phie de Descartes reprend ce principe de cause première10. Ce même sens est suivi en logique, ainsi le principe correspond aux propositions admises sans démons- tration, dont on déduit les théorèmes. Selon ces premières définitions, le principe est un fondement, il est premier et englobant, « ce par quoi tout est connu, ce par quoi tout le reste est produit »11, comme le dit Socrate dans Phèdre : « touÉ doit naître du principe »12. Dans un troisième sens, le principe est une règle d’action, formulée ou non, s’appuyant sur un jugement de valeur et constituant un modèle,

3. A. Ernout, A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, Librairie C. Klincksiek, 1959, p. 535.

4. A. Rey, Dictionnaire culturel de la langue française, Le Robert, 2005, p. 2075

5. M. Blay, Dictionnaire des concepts philosophiques, Larousse, Coll. In extenso, 2006, p. 658 6. Comme l’a défini Flaubert, dans l’entrée « principes » de son célèbre dictionnaire « Toujours indiscutables ; on ne peut en dire ni la nature, ni le nombre ; n’importe, ils « sont sacrés », G. Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, Le club français du livre, 1958, p. 240.

7. A, Rey, Dictionnaire culturel…op. cit., p. 2076.

8. Aristote, La physique, Vrin, Coll. Bibliothèque des textes philosophiques, 2012, livre premier, spéc. p. 85 : « les principes ne doivent provenir ni les uns des autres ni d’autres choses, et tout doit venir d’eux ».

9. Ainsi Aristote écrit : « sont vraies et premières les affirmations qui emportent la conviction, non pour une raison extérieure à elles, mais par elles-mêmes (devant les premiers principes des connaissances, en effet, il n’est plus légitime de se poser encore la question de leur pourquoi : chacun d’eux, pris en lui-même, doit être totalement convaincant), Aristote, Topiques, Livre I, Société d’édition

« Les belles lettres », Coll. Collection des universités de France, 1967, p. 2.

10. P. Guenancia, « Les premiers principes. Descartes et Pascal » in B. Mabille (dir.), Le principe, Vrin, Coll. Thema, 2006, p. 124 : « Chez Descartes les premiers principes forment le premier maillon de la chaîne des vérités qui s’en déduisent logiquement : leur évidence irrigue continûment la suite des conséquences que tire ou peut tirer un esprit procédant méthodiquement ».

11. M. Blay, Dictionnaire des concepts…op. cit., p. 659.

12. Pour reprendre la citation complète, qui donne un aperçu de l’essence du principe, Socrate dit « Or, un principe ne saurait être produit. Toute chose produite doit naître d’un principe, et le principe ne naître de rien ; car s’il naissait de quelque chose, il ne naîtrait pas d’un principe. Puisqu’il n’a pu être produit, il ne peut pas non plus être détruit ; car s’il l’était une fois, il ne pourrait renaître de rien, et rien ne pourrait plus naître de lui, si tout doit naître d’un principe. », Platon, Phèdre ou de la beauté, Œuvres de Platon, t.6, Pichon et Didier libraires, 1831, p. 47.

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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

4

une règle ou un but. Enfin, en quatrième lieu, le principe peut être compris comme il l’est dans l’expression « de principe » ou « en principe », c’est-à-dire a priori, d’après les règles de principe posées, qui n’excluent pas les exceptions et même les appellent éventuellement.

11. En résumé, dans le langage commun, le principe est ce qui est premier : cause première, proposition première. Mais qu’en est-il en droit ?

B. QU’EST-CE QU’UN PRINCIPE EN DROIT ?

12. Il convient de s’attacher d’abord à souligner les grandes incertitudes qui marquent les réponses à la question de savoir ce qu’est un principe en droit (1), pour ensuite prendre position sur le ou les sens retenus dans cette thèse (2).

1. Les incertitudes

13. Le mot de « principe » est constamment utilisé en droit. Il est même pos- sible d’admettre que l’usage immodéré de la notion conduit à son dévoiement, comme l’explique Patrick Morvan dans l’introduction de sa thèse sur Le principe en droit privé : « le succès de ce vocable trouve aujourd’hui sa rançon dans son extrême banalisation, une utilisation détachée de toute signification précise qui en ruine la valeur »13. Bien que les études soient nombreuses sur les principes14, le principe au singulier et considéré de manière générale est assez rarement étudié désormais15. Cependant, il a fait l’objet de nombreuses réflexions dans au sein des doctrines de droit naturel classique.

14. Aujourd’hui, la doctrine juridique s’intéresse plutôt à les catégoriser.

Dans cet esprit, de multiples études se penchent sur certaines sortes de principes, spécialement sur les principes généraux du droit, qu’ils soient administratifs16,

13. P. Morvan, Le principe de droit privé, Panthéon-Assas, Coll. Droit privé, 1999, p. 2. Dans le même sens il cite, p. 1 : E. Bonnet de Condillac, La logique ou les premiers développements de l’art de penser, An III (1794-1895), Seconde partie, Chap.  VI, p.  161  : « principe est synonyme de commencement ; et c’est dans cette signification qu’on l’a d’abord employé ; mais ensuite à force d’en faire usage, on s’en est servi par habitude, machinalement, sans y attacher d’idées, et l’on a eu des principes qui ne sont le commencement de rien ».

14. Il n’est pas possible de citer ici toutes les études sur les principes particuliers mais deux ouvrages collectifs doivent être mentionnés : J-M. Pontier (dir.), Les principes et le droit, PUAM, 2007, 448 pages, et S. Caudal, Les principes du droit, Economica, Coll. Études juridiques, 2008, 384 pages.

Cependant, toutes les contributions donnent, souvent indirectement, des indications sur le principe au singulier et en général.

15. Néanmoins des ouvrages existent sur la question du principe (au singulier), notamment la thèse de P. Morvan, Le principe de droit privé, Panthéon-Assas, Coll. Droit privé, 1999  ; Xavier Souvignet propose aussi une réflexion sur le principe dans sa thèse : X. Souvignet, La prééminence du droit dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Coll. Convention européenne des droits de l’Homme, 2012. L’article de J-M. Pontier, « Considérations générales sur les principes en droit », in J.M. Pontier (dir.), Les principes en droit…op.cité, pp.  9-20. L’auteur montre l’omniprésence de principes en droit notamment, et la multiplicité de sens de la notion. Cet article donne finalement à voir toute la difficulté à saisir une essence du principe, ou du moins à le saisir de manière générale.

16. Pour quelques études : G. Jèze, Les principes généraux du droit administratif, Berger-Levrault, 1904 ; B. Jeanneau, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Sirey, 1954, R. Chapus, «  De la valeur juridique des principes généraux du droit et des autres règles jurisprudentielles du droit administratif », Chronique Dalloz, 1966, p.119  ; M. Deguergue, « Principes généraux du droit » in J. Andriantsimbazovina et alii (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, PUF, Coll. Quadrige dicos poche, 2008, p. 798.

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INTRODUCTION 5 européens17, internationaux18, sur les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République19, les principes particulièrement nécessaires à notre temps20. Parallèlement à l’étude des catégories, les auteurs s’intéressent à des principes plus précis ou plus spécifiques : principe des droits de la défense, principe de sécurité juridique, principe de précaution, pour en étudier le sens, le régime et les consé- quences juridiques.

15. De cette constatation découlent deux questionnements. Tout d’abord, l’insistance et l’intérêt portés aux catégories des principes laissent penser que ces derniers n’existent juridiquement que par une reconnaissance positive, soit en étant posés par un texte, soit reconnus par le juge. Pourtant, le principe de sécurité juridique était déjà présent, et marquait bien tout l’ordre juridique avant même qu’il ne soit posé par le juge. Cette priorité donnée aux catégories juridiques détourne de l’étude de principes qui ne seraient pas posés dans le droit positif, mais qui pourtant caractérisent le droit et exercent une influence sur ses règles positives. De plus, les catégorisations sont un frein à une théorisation unitaire du principe. N’y a-t-il pas dans toutes ces catégories une essence du principe en droit, une unité qui caractériserait les principes ? Ainsi, au lieu de s’intéresser au prin- cipe dans chaque matière du droit (droit administratif, droit constitutionnel, droit européen, etc.), ne serait-il pas concevable de reconnaître des principes communs au Droit, en réfléchissant à ce qui fait l’unité et l’essence d’un principe ? Cela permettrait de simplifier le droit tout en l’éclairant, et de lui conférer une meil- leure cohérence.

16. Au-delà de ces catégories, l’existence de ces principes est de plus admise sans trop de discussions sur ce qu’est un principe, dans son essence. Les juristes pensent bien à étudier le contenu du principe, ce qu’il pose, ce qui peut être appelé

« le principié » et qui peut être identifié à propos de tout principe, d’une façon générale. Cependant les juristes ne s’interrogent guère sur ce qui peut être appelé le « principiant » du principe lui-même ou du principié : ce qui fait qu’il est prin- cipe et qu’il a produit un tel contenu. Ainsi est rarement posée la question de savoir comment naît un principe, ou celle de savoir s’il y a quelque chose avant lui qui explique la naissance du principe et sa force obligatoire. Et s’il n’y a rien avant lui comme semble l’impliquer le mot même de « principe » qui renvoie au mot

« premier », comment cela se peut-il que, dans un régime de droit écrit, il puisse y avoir des principes en droit qui seraient non écrits ? Ne sont-ils que des principes

17. Pour quelques exemples : O. Dubos, « Introduction sur les principes généraux du droit et les droits fondamentaux », Lamy, Procédures communautaires, fasc. 155. ; L. Dubouis, « Les principes généraux du droit, un instrument périmé de protection des droits fondamentaux ?  » in Mélanges Benoît Jeanneau, Dalloz, Coll. Études, mélanges, travaux, 2002, p.  78  ; H. Ruiz-Fabri, « Principes généraux du droit communautaire et droit comparé », Droits, n° 45, 2007, p. 127.

18. A. Pellet, Recherche sur les principes généraux de droit en droit international, Thèse, Paris II, 1974.

19. V. Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République – Principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques, PUAM, Coll. Droit public positif, 2001  ; L. Favoreu, « Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », in B. Mathieu, M. Verpeaux. (dir.), La République en droit français, Actes du Colloque de Dijon des 10 et 11 déc. 1992, Economica, 1996, p. 231. J. Rivero, « Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : une nouvelle catégorie constitutionnelle ? », Recueil Dalloz, 1972, p. 265.

20. M. Debène, « Le Conseil constitutionnel et « les principes particulièrement nécessaires à notre temps », AJDA, 1978, p. 531. ; J-F. Flauss, « Les droits sociaux dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Droit social, 1982, p. 645 ; R. Pelloux, « Le préambule de la Constitution de 1946 », RDP, 1947, p. 346.

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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

6

seconds ou secondaires, qui n’existeraient que par l’effet d’un texte ou jouissent- ils d’une force normative telle qu’ils puissent s’imposer aux textes eux-mêmes, quand ils n’en seraient pas à l’origine même ? Quelle pourrait donc en être la nature ou la portée normative ?

17. La théorisation des principes aujourd’hui n’assure pas une compréhen- sion de la signification du principe au singulier, ni de l’origine ou de l’émergence des divers principes. Le phénomène de leur apparition reste confus, au point qu’il est possible de se demander si tout ne peut pas être principe. De plus, il est pos- sible de s’interroger sur l’existence d’une forme de hiérarchie des principes. Cer- tains principes ne seraient-ils pas au principe des principes, et donc les véritables principes fondamentaux de l’ordre juridique ?

18. Dès lors, une réflexion sur le principe en général est nécessaire à une meilleure compréhension du droit en général. En se consacrant au principe de liberté en droit public français, cette thèse s’efforce de jeter un peu de lumière sur les principes sans se limiter à leur seule existence en droit positif, tout en accor- dant la plus grande importance à ce dernier. Cette démarche devrait permettre de saisir les raisons pour lesquelles des principes initialement inexistants ont été ou seront peu à peu reconnus en droit positif. Or ces raisons paraissent extraordi- naires, dans la mesure où elles s’imposent au droit positif lui-même, indépendam- ment de toute manifestation de volonté de la part du souverain, alors même que ce droit positif est censé ne découler que de sa seule volonté. Existe-t-il donc une normativité trans-positive, qui pourrait être en quelque sorte ontologique ?

19. Il convient maintenant de préciser le ou les sens retenus de ce qu’est un principe en droit, en considérant le droit positif et tout autant ce qui paraît le déterminer.

2. Les propositions

20. Pour mieux saisir ce qui peut constituer l’être des principes et toute la por- tée qui s’y attache, il importe tout d’abord ne pas s’enfermer dans une conception purement normativiste, et de saisir les différentes origines possibles des principes.

21. Xavier Souvignet a proposé qu’un principe en général puisse avoir trois sources distinctes21. Il identifie d’abord les principes écrits, c’est-à-dire des principes posés. Puis, il relève l’existence de principes « non-écrits à manifestation textuelle », comme certains principes généraux du droit dégagés par le juge administratif, et tous les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Enfin, il recense des principes « non-écrits mis à l’écrit », c’est-à-dire des principes qui seront formalisés principalement par la codification (par exemple, comme cela peut être le cas pour la codification de la coutume du droit international).

22. À la multitude des origines s’ajoutent des modalités d’être différentes.

Ainsi, certains principes découlent des textes, et constituent des synthèses de ceux-ci : ils sont déduits d’un texte pour mieux les ordonner et assurer une cohé- rence. D’autres principes inspirent ou sont à l’origine des textes, dans ce cas, les textes sont déduits du principe.

Il y a donc bien une diversité d’origines, de modalités d’être et de sens.

21. X. Souvignet, La prééminence du droit dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Coll. Droit de la convention européenne des droits de l’homme, 2012, pp. 57-71.

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INTRODUCTION 7 23. Dans cette thèse, le mot « principe » sera utilisé dans ses différents sens, en spécifiant tout de même dans chaque développement le sens de référence. La réflexion ne prend pas son point de départ dans une définition stipulative, mais l’usage sera le guide, dans un premier temps au moins, pour proposer ultérieure- ment une définition spécifique et plus formelle.

24. Néanmoins, les différentes natures et fonctions du principe, qui seront des références tout au long de cette thèse, doivent être ici présentées. Trois natures dif- férentes du principe sont répertoriées, chacune des natures n’étant pas hermétique aux autres, tout au contraire : il y a souvent une articulation entre ces différentes natures, dont le fondement a été trouvé dans les définitions proposées. Le principe peut d’abord avoir la nature de fondement, il est alors la base de toute la construc- tion, de tout l’ordre juridique, et de l’idée même de droit.  Le principe peut en deuxième lieu avoir la nature de règle, dans le sens du principe qui s’oppose à l’ex- ception ; le principe est alors ce qui prévaut, ce qui doit s’appliquer avant tout, sauf indication contraire. Enfin, le principe peut avoir la nature de valeur ou d’axiome, il irrigue alors tout le système juridique, et constitue une référence.

25. À ces natures s’attachent différentes fonctions du principe. Le principe, surtout dans sa nature de principe-fondement, peut avoir une fonction de démons- tration, et de déduction : il est alors inspirateur et créateur. Mais le principe, dans sa nature de principe-règle et principe-valeur, peut aussi avoir une fonction de guide, et constituer une ligne directrice assurant la cohérence et l’harmonisation d’un système. Ce sont ces natures et fonctions dont cette étude cherche à démon- trer l’existence et le rôle tout en en présentant l’entière portée.

26. L’objet de cette entreprise conduit maintenant à prendre en considération le second terme du sujet, la liberté. Les définitions de la liberté soulèvent autant de questions que celles du principe, et les laissent souvent sans les réponses escomptées.

Il convient d’ores et déjà de les proposer, à titre hypothétique et prospectif.

§ 2. N

ÉCESSITÉ DE PENSER LA LIBERTÉ

27. Penser la liberté exige d’abord d’en considérer les diverses conceptions et définitions déjà posées en général, sans égard particulier au droit. Cependant, cette première démarche, tout en étant indispensable, ne permet pas de s’arrêter sur quelque certitude, tant ces conceptions et définitions s’avèrent disparates, hétéroclites ou contradictoires (A). Face à cette situation, il faudra ensuite ne considérer que les conceptions ou définitions juridiques de la liberté, qui réduisent l’incertitude, mais ne la lèvent pas totalement, loin de là (B).

A. LES CONCEPTIONS ET DÉFINITIONS GÉNÉRALES DE LA LIBERTÉ : UNE MULTITUDE ANÉANTISSANT

TOUTE CERTITUDE

28. La liberté est abondamment pensée en toutes cultures, et étudiée par toutes les sciences de l’Humain : la philosophie22, la sociologie, la théologie, et la

22. Pour une présentation rapide de diverses conceptions de la liberté selon différentes philosophies v. l’ouvrage de R-M. Mossé-Bastide, La liberté, PUF, Coll. Initiation philosophique, 1974. Elle montre donc que la notion est très controversée. V. également l’anthologie, A. Comte- Sponville, Pensées sur la liberté, Vuibert, Coll. Petits carnets de philosophie, 2012.

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