Les apothicaires membres de la famille Harmant,
une grande famille "médicale" de Nancy des XVII
e et XVIII
e siècles
par Pierre Labrude
professeur honoraire de l'université de Lorraine,
membre associé du centre régional universitaire lorrain d'histoire EA 3945,
membre de l'académie internationale d'histoire de la pharmacie.
pierre.labrude@orange.fr
A l'occasion d'une succession intervenue dans une importante et ancienne famille de Nancy, l'Association des amis du musée de la Faculté de médecine a acquis un pastel anonyme de dimensions 40 x 50 centimètres, entouré d'un cadre doré et recouvert d'un verre étanche à la poussière. Au dos de ce pastel est collée une étiquette sur laquelle on peut lire :
"Noble Dominique Benoît Harmant d'une bonne famille de Lorraine dont plusieurs aïeux ont été revêtus d'emplois de distinction (...)". Dominique Benoît Harmant appartient en effet à une importante famille de chirurgiens, puis d'apothicaires, de médecins et d'officiers ducaux de Nancy. Médecin lui-même
1, il a occupé d'importantes fonctions au Collège royal de médecine (ou "des médecins") de la cité dans la seconde partie du XVIII
e siècle
2. Au cours de recherches sur la pharmacie à Nancy et dans sa région, j'avais eu l'occasion de trouver la mention de plusieurs apothicaires portant le nom de Harmant, ainsi que celui de plusieurs de leurs gendres, eux-mêmes apothicaires. Mais c'est à la suite de cet achat par le musée que j'ai pu me rendre compte de l'importance et de la notoriété chirurgicale, pharmaceutique puis médicale de cette famille Harmant aux XVII
e et XVIII
e siècles dans la capitale des duchés, mais aussi à Lunéville et à Commercy, autres cités importantes pour la Maison de Lorraine et de Bar.
Les origines de la famille Harmant
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La famille Harmant, dont le nom est également orthographié "Harmand", principalement au début de sa notoriété, est connue sous ce nom à Nancy depuis la fin du XVI
e siècle. Le premier personnage dont le souvenir est resté est Perisat Herman, "concierge de l'artillerie", et sa femme Isabel, le 27 mai 1544
4. Le nom se stabilise sous la forme
"Harmant" avec Nicolas, mentionné lui aussi comme "concierge en l’artillerie" ou encore comme "concierge en l'arsenal de Lorraine" du duc Charles III. Il faut considérer ce mot
"concierge" dans son acception d’autrefois, telle qu'elle existe depuis la fin du XII
e siècle
5 : un officier pourvu de la charge d’un édifice important : château, palais, prison, dont il est le directeur ou le conservateur. L’arsenal d’artillerie de Nancy a été érigé, à partir de 1550, par la régente Chrétienne de Danemark. Il est riche et réputé, et la Cour de Lorraine s’en enorgueillit. Servi par un important personnel, il comporte une manufacture d'armes et des entrepôts. Il est utilisé jusqu’en 1737, puis il reprend du service à partir de 1775
6. La manutention militaire a utilisé les bâtiments. Une place porte aujourd’hui son nom et ce qui reste des locaux abrite une école (figure 1, page 2).
Nicolas Harmand et sa première épouse, Catherine Soldieux, décédée peu avant
janvier 1594, ont au moins dix enfants parmi lesquels deux sont concierges chez Son Altesse
le duc, cependant que plusieurs filles épousent des membres de l'entourage ducal. Leur
quatrième enfant, prénommé Nicolas comme son père, ce qui est classique, né vers 1576, est
cité comme "jeune fils chirurgien" en 1604 et comme maître en 1622
7. Marié avec Louise
Henry vers 1605, il est installé en "la ville neuve de Nancy" - la ville dite "de Charles III" - et
il reçoit et forme des apprentis. Il meurt en 1632. Nicolas Harmant et Louise Henry ont eux-