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Formation et recherche chez Henri Desroche

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Academic year: 2021

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Submitted on 19 Feb 2018

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To cite this version:

Emmanuelle Betton. Formation et recherche chez Henri Desroche. Colloque Repaira 2016. Éducation permanente et utopie éducative, Association Repaira, May 2016, Paris, France. �halshs-01712806�

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Formation et recherche-action chez Henri Desroche – Mai 2016

Emmanuelle Betton, Maitre de conférences au Conservatoire National des Arts et Métiers, membre du Centre de Recherche sur le Travail et le Développement (CRTD).

Je remercie les organisateurs de ce colloque de m’avoir invitée à prendre la parole. Je suis d’autant plus touchée d’être ici que ma rencontre avec la pensée de Desroche a constitué un tournant décisif et inattendu dans ma vie professionnelle. Rien ne me préparait a priori à œuvrer dans le champ de la formation des adultes. C’est en effet en tant que sociologue que j’ai découvert la pensée et l’utopie éducative de Desroche. Je venais de passer une thèse de sociologie et le hasard m’a conduit à rencontrer Roland Colin, Philippe Missotte, Pierre-Marie Mesnier et à assumer la responsabilité pédagogique d’un DHEPS au service de formation continue de l’université Paris III de 2002 à 2005. J’ai découvert ce diplôme de formation par la recherche-action en même temps que je découvrais le champ de la formation des adultes.

La conception desrochienne de l’éducation permanente comme recherche permanente constitue donc pour moi une entrée dans ce champ, tant sur le plan biographique que sur le plan intellectuel, ce qui n’est pas sans effet sur ma pratique actuelle de formatrice de formateur au CNAM. Pour autant, cette pratique ne me donne pas l’occasion de développer précisément le dispositif conçu par Desroche et expérimenté lors de mes années à Paris III.

Du coup je me pose souvent la question de cette filiation et de la façon dont elle se traduit dans ma pratique. Mais aujourd’hui je voudrais la poser de façon générale s’agissant d’une pratique dans le champ de la formation des adultes.

Cette question me parait d’autant plus cruciale que le dispositif novateur conçu par Desroche n’a plus aujourd’hui le succès qu’il a eu il y a 20 ou 30 ans. Les pratiques de recherche-action en formation d’adultes restent marginales. On peut même se demander s’il est encore possible de mettre en œuvre aujourd’hui sinon l’ensemble de la démarche, au moins l’intention éducative qui la sous-tend, dans le contexte actuel de la formation d’adultes.

Comment peut-on se revendiquer de cette filiation et continuer à faire vivre aujourd’hui cette intention éducative, sans être pour autant engagé dans un dispositif de formation par la recherche-action ? Qu’est-ce qui peut être préservé, soutenu, défendu ? Comment la démarche qu’il a conçue interroge nos pratiques ?

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Je résumerai en quelques points ce qui constitue pour moi le cœur de la stratégie éducative de Desroche, puis je présenterai, également en quelques points, comment cette conception éducative peut nous conduire à interroger nos pratiques en formation des adultes, en insistant notamment sur le lien entre développement et apprentissage.

S’agissant de l’éducation des adultes, Desroche soutient que « seule une démarche de recherche-action risque de conduire à des résultats pertinents ».

Pourquoi ? Parce qu’elle est selon lui nécessaire, possible et désirable. Il développe cinq arguments à l’appui de cette affirmation.

1. Cette démarche est nécessaire en un sens méthodologique

Développer l’aptitude à la recherche n’est pas une fin en soi mais elle permet de susciter une ouverture à des savoirs et à des expériences antérieures à soi en articulant l’envie d’apprendre à un désir d’expression personnelle. Pour un apprenant adulte, porteur d’une expérience mais dont le parcours de formation a pu être enrayé ou entravé, l’entrée dans une recherche-action est une condition nécessaire à l’entrée en formation car elle est susceptible de déclencher une ouverture inédite à tout objet d’apprentissage pouvant alimenter le désir d’expression personnelle suscitée par la recherche-action.

2. Cette démarche est nécessaire en un sens épistémologique

Si Desroche ne revendique aucune théorie spécifique de l’apprentissage, sa pratique éducative conforte à sa façon l’idée piagétienne selon laquelle l’appropriation de connaissances nouvelles ne peut être le fait d’un individu passif, simple réceptacle de savoirs.

L’apprentissage suppose au contraire un individu questionnant et engagé dans une action qui le mobilise. Une formation qui serait pure consommation de savoirs professés est à exclure non pas seulement car elle ne sied pas à un apprenant adulte mais parce qu’elle est source d’asthénie des créativités personnelles.

3. Cette démarche d’apprentissage par la recherche est possible

Elle est possible dès lors que tout adulte ayant une certaine expérience de vie, professionnelle ou sociale, détient un double potentiel, un potentiel éducatif et un potentiel de créativité

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sociale. Etre un apprenant adulte c’est non seulement savoir des choses, mais c’est aussi avoir du pouvoir sur ce qui est appris. C’est donc aussi être capable de produire du savoir.

4. L’apprentissage par la recherche est désirable objectivement

Il est désirable objectivement au sens où il répond précisément à ce qui aujourd’hui constitue un lieu commun de tout dispositif de formation : que l’adulte soit acteur de sa formation, que la formation s’appuie et mobilise les capacités d’autoapprentissage des apprenants.

5. L’apprentissage par la recherche est enfin désirable subjectivement.

L’apprentissage par la recherche est désirable subjectivement au sens où il permet d’ancrer le processus de formation dans un désir de reconquête de soi et de son chemin de vie. Le mouvement de recherche-action n’est possible que s’il s’ancre dans un questionnement autobiographique. La formation ainsi conçue est désirable parce qu’elle n’est jamais seulement une fin en soi mais s’arrime à d’autres projets, qu’elle révèle ou anticipe, projets multiples mais toujours reliés à des histoires de vie : des projets d’écriture, d’élucidation de son expérience, de reconnaissance universitaire, de carrière, de reconversion professionnelle, de changements de vie, de création d’entreprise, etc.

Que pouvons-nous retirer de ces arguments en faveur de la recherche-action comme stratégie éducative pour toute pratique de formation d’adultes, même hors dispositif de recherche- action ? Je vous présente ici trois pistes de réflexion ou orientations qui me semblent découler de ces arguments.

1. Desroche nous invite à placer résolument la formation des adultes du côté du développement plutôt que du côté de l’apprentissage.

Desroche parle de pédagogie du sujet. Développement est à entendre ici non pas au sens de développement personnel mais au sens de la psychologie du développement (Piaget, Vygotsky). Appliquée à l’adulte, cette notion peut se définir comme une transformation orientée des ressources disponibles chez un individu, dans un collectif, dans une organisation, sur un territoire (Guy Jobert).

Conçue comme développement, la formation devient un processus qui est à relier prioritairement à des fins (de développement des personnes et des organisations,

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d’émancipation, de transformation des conditions de vie et de travail) et non pas seulement à des buts, que ce soit des buts d’apprentissage, tels que définis dans une pédagogie par objectifs, ou plus largement des buts économiques et sociaux. Ce qui caractérise les fins, par rapport aux buts, c’est d’une part qu’on ne les atteint jamais totalement, mais elles sont un système de régulation de la formation et des choix qui s’y opèrent sur le plan pédagogique.

D’autre part, elles ne peuvent être pensées sans les destinataires de la formation, à la différence des buts qui peuvent être et sont souvent définis en dehors d’eux, tels les buts actuels d’adaptation au marché de l’emploi ou aux transformations du travail. Sur ce point, la démarche desrochienne s’oppose à une conception de la formation comme apprentissage au sens strict du terme ainsi qu’à une instrumentalisation de la formation pour des buts immédiats. Pour autant elle ne s’oppose pas à l’apprentissage.

2. La démarche de Desroche invite à concevoir la formation d’adultes comme une médiation entre créativité subjective et objectivité scientifique.

Il ne peut y avoir pédagogie du sujet sans pédagogie de l’objet. Se centrer sur le sujet et sur son expérience sans le confronter à des « programmes » ou à des « personnes ressources » qui l’interpellent et le questionnent risque de laisser le sujet « plafonner dans une restitution narrative » de son expérience ou « dériver dans l’autolégitimation ». Desroche propose ainsi une conception de la formation résolument développementale au sein de laquelle la question de l’apprentissage trouve néanmoins sa place. Il prône l’articulation entre la mobilisation du sujet et de son expérience et la confrontation à des savoirs constitués. Cela nous renvoie à une tension fondatrice, source de débats pédagogiques : d’un côté une centration sur les personnes, leur expérience, leurs savoirs d’action qu’il convient de valoriser ainsi que sur les techniques d’animation favorisant l’expression des personnes ; de l’autre, une centration sur les savoirs conçus comme un stock qu’il convient de s’approprier dans une logique cumulative ainsi que sur les résultats à atteindre. Dans le quotidien des pratiques de formation, les formateurs peuvent être soumis à des injonctions contradictoires qui les placent au cœur de cette tension : injonction à mettre en œuvre des stratégies pédagogiques qui positionnent les apprenants comme acteurs de la formation et incitation forte dans le même temps à leur faire passer des messages ou des contenus clairement définis. Mais nous pouvons nous-même être traversés à notre insu par cette tension en tant que formateur, lorsque par exemple souhaitant mettre en place une pédagogie active, nous nous interrogeons sur la place

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à donner aux savoirs constitués dont nous sommes par ailleurs porteurs, embarrassés de nous positionner comme sachant dans un contexte pédagogique où il est dit que le formateur est seulement facilitateur. Cette question est souvent éludée dans les ouvrages de pédagogie qui valorisent la construction autonome des savoirs par les apprenants. Or, souvent, laisser dans l’ombre cette question autorise toutes les formes possibles de reprise en main didactique, même au cours d’une séance dont il est pourtant annoncé qu’elle met en œuvre une pédagogie active.

Desroche parle à ce sujet d’un « trou noir » pour qualifier le joint à faire entre la créativité subjective et l’objectivité scientifique, mais au moins il n’élude pas la question. C’est le troisième temps, le temps de l’accompagnement mental, qui permet de réaliser ce joint, selon un modèle dialectique. Les apprenants savent des choses que le formateur ne sait pas, et réciproquement. C’est cette dissymétrie qui est source d’apprentissage. Il s’agit de traiter tout ce qui est savoirs et savoir-faire « constitués » comme une banque, comme des ressources proposées dans un espace d’élaboration suffisamment ouvert pour qu’il ne compromette pas la construction d’une pensée autonome mais au contraire la rende possible en l’étayant. Il y a ici une relativisation du savoir, qui est proposé mais non imposé, prêt à être transformé par l’usage qui en est fait.

3. L’expérience doit être appréhendée comme formative mais sous certaines conditions.

L’expérience n’est pas immédiatement une ressource pour la formation. Elle est d’abord un potentiel pour l’action et la recherche, parce qu’elle relève de l’action située et d’un rapport direct au monde sensible. Elle n’est pas formative en elle-même. La mise en mots ne suffit pas. La recherche-action ne se réduit pas d’ailleurs à donner expression à une expérience, mais par contre la manière dont s’exprime une expérience singulière prédispose à une certaine production de savoir. Mais pour cela, l’expérience doit être transformée en expérimentation sociale, et c’est la recherche ou au moins l’esprit de la recherche qui permet ce passage. Ainsi, un dispositif de formation ne doit pas seulement encourager la parole sur l’expérience mais la confronter à des savoirs constitués qui par leur impersonnalité, leur nécessaire distance par rapport à l’action, permettent l’élaboration d’une pensée singulière et originale sur l’expérience. Les propos de Desroche conduisent à réhabiliter l’espace formatif, là où il est

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parfois critiqué au regard de sa distance par rapport aux situations réelles de travail, le réhabiliter au contraire pour sa centration assumée sur le sujet et les objets d’apprentissage et sa distance par rapport aux lieux où s’exercent l’activité professionnelle.

A ces trois pistes j’en ajouterai une troisième qui renoue avec l’introduction de mon propos et avec ma pratique de sociologue. L’utopie éducative de Desroche constitue d’abord un point de vue politique, c’est-à-dire une certaine conception des rapports sociaux et des rapports de pouvoir, avant même d’être une démarche d’éducation des adultes. En tant que sociologue formée dans des sphères universitaires plutôt traditionnelles, j’ai été frappée par la portée de la démarche de recherche-action prônée par Desroche : offrir la possibilité à des acteurs sociaux d’entrer dans une démarche de recherche-action, assumer cet accompagnement, l’assortir de toutes les exigences inhérentes à la production d’une recherche, c’est aussi assumer que la production de savoirs scientifiques puisse relever de chercheurs non professionnels et donc inviter les chercheurs professionnels et les acteurs sociaux à entrer dans un rapport social d’un autre genre. L’utopie éducative de Desroche est une politique en actes. Ce faisant il nous rappelle qu’il n’y a pas de démarche éducative, au sens d’un engagement concret dans la relation éducative, sans parti-pris, explicite ou implicite, concernant le type de rapport social que l’on engage dans le même temps, en tant qu’enseignant et/ou chercheur avec ceux à qui l’on enseigne ou que l’on forme, au sein des institutions éducatives ou en dehors d’elles.

Conclusion

Desroche ne nous parle pas de méthode pédagogique, encore moins de techniques pédagogiques. Il donne par contre beaucoup de précisions sur la relation éducative, sur la posture du formateur-maïeuticien, sur le type de rapport social qu’il engage avec celui qu’il accompagne, sur la construction de l’espace de formation, entre contraintes et ressources, et enfin sur la nécessaire dialectique entre expérience et savoirs. A mon sens il nous livre l’essentiel pour une pratique dans le champ de la formation des adultes. A l’inverse, là où sont parfois décrites avec minutie les méthodes et les techniques utilisées par les formateurs, je ne suis pas sûre qu’elles nous renseignent toujours précisément sur la pédagogie réellement mise à l’œuvre dans les situations d’apprentissage concernées. Il est même possible que ces discours pédagogiques centrés sur les techniques occultent les choix implicites opérés par les

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formateurs, du point de vue de leur rapport au savoir et aux apprenants. Ainsi la distance dans laquelle se tient la pensée de Desroche à l’égard d’une instrumentation pédagogique précise nous conduit à interroger également la centration actuelle sur les techniques pédagogiques ou l’instrumentation pédagogique. Quelles réflexions ou interrogations sur nos pratiques se trouvent ainsi évitées par un tel engouement pour les techniques et leurs effets ?

Bibliographie

BETTON, E. 2013. « Pour une nouvelle légitimité de la pédagogie en formation des adultes ».

Education permanente. N° 197, p. 161-174.

DESROCHE, H. 1990. Entreprendre d’apprendre. D’une autobiographie raisonnée aux projets d’une recherche-action (Apprentissage 3). Paris, Editions ouvrières.

DESROCHE, H. 1993. « Les personnes dans la personne. Eléments pour un bilan

“vocationnel” ». Anamnèses. N°15, p. 55-64.

DESROCHE, H. 1994. « De la maïeutique à quatre temps. Entretien avec Jean-Louis Le Grand ». Pratiques de formation. N° 31, p. 121-140.

JOBERT, G. 2000. « Dire, penser, faire. A propos de trois métaphores agissantes en formation des adultes ». Education permanente. N° 143, p. 7-28.

JOBERT, G. 2013. « Le formateur d’adultes : un agent de développement ». Nouvelle revue de psychosociologie. N° 15, p. 31-43.

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