• Aucun résultat trouvé

Compte rendu de l'ouvrage "Les comportements financiers des Français"

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Compte rendu de l'ouvrage "Les comportements financiers des Français""

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02163383

https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-02163383

Submitted on 16 Oct 2019

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

financiers des Français”

Jeanne Lazarus

To cite this version:

Jeanne Lazarus. Compte rendu de l’ouvrage ”Les comportements financiers des Français”. Revue

Française de Socio-Economie, Paris : La Découverte, 2013, pp.257 - 260. �hal-02163383�

(2)

André B aBeau

Les comportements financiers des Français

Economica, Paris, 2011, 270 p.

André Babeau est un économiste «  expert  ».

Professeur d’université, ancien président du Crédoc, et conseiller pour le BIPE (cabinet de conseil et de prospective économique), ses rap- ports font autorité, en particulier ceux écrits pour le comité consultatif du secteur financier, consa- crés au crédit et aux comportements financiers des ménages. Il publie un ouvrage didactique d’un grand intérêt, y compris pour des non-éco- nomistes, et très ambitieux puisqu’il n’y propose rien moins que de refonder la comptabilité nationale.

Dès les premières pages, l’auteur est tranchant : nous disposons de connaissances empiriques larges et d’une qualité croissante sur les patri- moines, l’endettement et les budgets des ménages, mais le « comportement des ménages est le cimetière de nombreuses théories » [p. 2].

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.93 - 01/07/2016 16h06. © La Découverte

(3)

La macro-économie est incapable d’expliquer les disparités de taux d’épargne entre pays et, plus encore de prévoir leurs évolutions et éventuels retournements. Selon Babeau, le bilan n’est meil- leur ni du côté du crédit ni de celui de la composi- tion des patrimoines. En outre, ces domaines sont le plus souvent étudiés séparément, alors qu’ils sont en interaction.

Le mouvement général du livre et de chacun des chapitres est le suivant : l’auteur fait le point sur les connaissances acquises en économie sur les comportements financiers des ménages, en montre les limites, pour finalement établir la liste des recherches à mener.

Dans la première partie, André Babeau présente le « tableau de financement » des ménages, mise en forme des flux des finances des particuliers alternative à celle de la comptabilité nationale. Le tableau met en regard les ressources (l’épargne et les crédits) et les emplois (remboursements d’em- prunt, investissements physiques et placements financiers). Son grand apport est qu’il ne sépare plus les variables réelles des variables financières et permet de réfléchir aux interactions entre le crédit et les autres agrégats.

Dès le chapitre  2, Babeau se sert du tableau de financement pour proposer une explication origi- nale des déséquilibres ayant mené à la crise finan- cière de 2008. La comparaison des ressources (épargne et crédit) et de l’investissement de cinq pays (la France, les États-Unis, le Royaume- Uni, l’Allemagne et l’Espagne) fait apparaître des situations contrastées avant la crise. Ainsi, en Grande-Bretagne, l’épargne représentait 2,2 % du revenu disponible (contre 15,2  % en France par exemple), mais l’investissement 9 %, provoquant un fort besoin de financement. Ce décalage entre l’épargne et l’investissement – également criant en Espagne – représente un indicateur d’alerte dont les pouvoirs publics devraient désormais tenir compte.

La crise a homogénéisé les comportements et les pays sont revenus à une situation plus « normale » aux yeux de l’auteur, c’est-à-dire à des taux d’inves- tissement inférieurs aux taux d’épargne. En outre, le crédit a chuté. Ce reflux du crédit, visible dans tous les pays, a posé d’importants problèmes. Les États ont craint des credit crunches, et il est apparu clairement qu’il est crucial pour les politiques publiques de définir le niveau d’endettement juste entre trop et trop peu de crédit [p. 41]. Les économistes ont-ils les moyens de déterminer ce taux idéal ? Au chapitre 4, Babeau reprend cette question et propose comme seuil d’alerte un rapport recours au crédit/revenu des ménages

autour de 110 ou 120 % [p. 104]. Ce chiffre n’est toutefois pas réellement justifié, ce qui est éton- nant dans un livre marqué par de constants appels à la prudence quant aux conclusions pouvant être tirées des données disponibles du fait de leur incomplétude.

La deuxième partie du livre (chapitres 3 à 8) a justement pour objet de déterminer ce que savent – ou pas – les économistes à propos de l’ensemble des ressources et des emplois figurant dans le tableau de financement (épargne, crédit, remboursements d’emprunts, investissements, placements, héritages et donations). Il s’agit dans chaque cas de présenter les données existantes, mais surtout d’isoler les variables influentes. Si certains points sont développés (par exemple le lien entre la situation de famille et le recours au crédit [p.  92] ou les raisons pour lesquelles les personnes veulent être propriétaires au cha- pitre 6), ce sont moins des conclusions que des exemples de recherches qui pourraient être menées et l’impossibilité actuelle de répondre aux nombreuses questions qui se posent. Ainsi, le chapitre 7 consacré aux placements financiers des ménages démontre que la théorie des choix de portefeuille n’est pas pertinente pour la plu- part des particuliers. Babeau affirme qu’il n’existe pas de cadre théorique satisfaisant pour expliquer les décisions de placement. Si l’âge, la catégo- rie sociale, le montant du patrimoine financier et le niveau d’éducation influencent les choix, aucune modélisation n’est à l’heure actuelle en mesure de prévoir les comportements futurs des épargnants.

La dernière partie synthétise ces développe- ments en s’intéressant à la «  dynamique des patrimoines  ». La composition et la répartition des patrimoines sont moins mal connues que leurs déterminants, encore une fois zone faible de l’économie. La macro-économie (chapitre 8) a montré que les systèmes de retraite influencent la composition (financière ou non financière) des patrimoines  : dans les pays à retraite par répartition, la part de patrimoine financier est plus faible que dans les pays à retraite par capi- talisation. Toutefois, des exceptions viennent contredire cette assertion générale, notamment le Royaume-Uni, où le patrimoine non financier représente 65  % du patrimoine total, malgré un système de retraite par capitalisation. Cela s’explique par le prix très élevé des logements, qui est donc un élément primordial à combiner avec les cadres institutionnels de transmission et le système de retraite afin d’avoir une vue d’en- semble des déterminants de la composition des patrimoines.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.93 - 01/07/2016 16h06. © La Découverte

(4)

En outre, les parts respectives de patrimoine financier et non financier expliquent largement les variations du rapport revenu/patrimoines. Entre 2000 et 2010, ce rapport est passé de 5,9 à 8 en France (avec un pic à 8,5 en 2007). L’augmentation des prix de l’immobilier en est en grande partie responsable, car le patrimoine non financier est majoritaire en France (67 %). Aux États-Unis, l’évo- lution a été la même, mais la chute entre 2007 et 2010 plus vive, du fait d’une crise immobilière de plus grande ampleur, ainsi que de la baisse des cours des actions (le patrimoine financier y consti- tue 57 % du patrimoine total).

Le chapitre suivant propose une analyse micro- économique de la croissance des patrimoines, que Babeau annonce d’emblée comme moins confortable  : les données sont plus éparses et les résultats avancés sont en réalité des hypo- thèses à vérifier. C’est d’abord au lien entre patri- moine et cycle de vie que l’auteur s’intéresse, montrant les apports et limites des théories de Modigliani. Il analyse ensuite le rôle des res- sources et des emplois dans la composition du patrimoine et montre notamment la part prise par l’achat des logements et le remboursement des crédits.

Le dernier chapitre du livre propose un indica- teur différent du coefficient de Gini pour mesu- rer la concentration des patrimoines – l’écart entre la moyenne et la médiane des patrimoines – et fait apparaître des concentrations tout aussi fortes. Toutefois, les facteurs de concentration (distribution des revenus au cours des décen- nies antérieures, héritages, qualité de gestion, politiques fiscales, hasard) sont mal connus, et en additionnant l’ensemble des connaissances, seulement 55  % de l’ensemble est expliqué. Or, affirme Babeau, ce domaine est très sensible poli- tiquement, il est donc important de multiplier les recherches notamment pour trouver des leviers de déconcentration.

La conclusion établit un programme de recherche à la lumière de l’ensemble des développements de l’ouvrage, qui ont amplement montré la néces- sité pour les économistes de s’intéresser plus précisément aux finances des particuliers, aussi bien pour améliorer les modèles de la micro- économie, que pour comprendre le rôle qu’elles jouent en macroéconomie, et mieux les intégrer aux modèles de prévision.

Si cet ouvrage ne dialogue absolument pas avec les sciences sociales, il peut toutefois être intéres- sant à plusieurs titres pour des sociologues travail- lant sur les finances des ménages. D’abord, parce qu’il regorge de données parfois difficiles d’accès.

Ensuite, il montre, s’il en était besoin, l’aspect non homogène de «  la  » science économique et ses limites, ce qui ne peut qu’encourager les sociolo- gues de l’économie et des budgets à explorer ces domaines.

Ce travail est en outre une ressource importante pour les débats publics sur les politiques éco- nomiques et fiscales. En montrant le caractère pour le moins insuffisant des mesures et des prévisions en matière de comportement des ménages, Babeau indique à quel point certains débats sont biaisés, aussi bien sur les disparités des patrimoines, les incitations à tel ou tel type d’épargne financière, ou encore sur la politique du crédit.

Babeau propose une voix un peu dissonante au sujet de l’endettement en France. À l’heure où le gouvernement a annoncé la mise en place d’un registre national des crédits aux particuliers

1

afin de lutter contre le surendettement, il rappelle que le taux d’épargne des Français est parmi les plus élevés du monde et que leur taux d’endet- tement est relativement faible comparativement aux autres pays développés. Il ne nie pas l’aug- mentation des situations de surendettement, simplement il montre que les connaissances sur le poids que représentent les remboursements d’emprunt dans les finances des ménages sont très faibles (chapitre 5), de la même manière, rien ne nous indique quel est le « bon » niveau d’endet- tement. Le « paternalisme libéral » qui caractérise selon Babeau la politique économique française vis-à-vis des particuliers, en les protégeant contre eux-mêmes, nécessite au moins d’être sûr des effets des politiques. Or, à ses yeux, nous ne dis- posons pas à l’heure actuelle des bons outils pour déterminer les politiques efficaces de lutte contre l’endettement excessif individuel comme collectif.

Enfin, Les comportements financiers des Français montre que, en ayant mis au jour l’intercon- nexion entre les finances des ménages et la haute finance, la crise financière de 2008 a peut-être ouvert un nouveau champ d’investigation pour la macroéconomie. Les économistes, et notam- ment ceux qui, comme André Babeau, se donnent pour tâche de faire des prévisions et d’influencer les décisions politiques, ne peuvent continuer à négliger ce qui se passe dans les foyers. En ce sens, l’ouvrage est un objet d’analyse pour tous ceux qui s’intéressent à ce que fait la science éco- nomique, car il donne à voir les efforts de mise en

1

Annonce du Premier ministre le 11 décembre 2012 lors de la conférence nationale de lutte contre l’exclusion.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.93 - 01/07/2016 16h06. © La Découverte

(5)

œuvre d’outils de prévision, qui sont, cela a été amplement démontré, au fondement de la per- formativité de la discipline.

Jeanne LAZARUS CSO, CNRS& Sciences-po j.lazarus@cso.cnrs.fr

Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.93 - 01/07/2016 16h06. © La Découverte

Références

Documents relatifs

Deuxièmement, il nous fait part d'une recherche beaucoup plus détaillée et originale sur les orientations politiques et les débats internes des différentes organisations

La publication de Ratzel et des autres géopoliticiens n'est pas un hasard; elle coïncide avec une entreprise idéologique visant à légitimer la politique étrangère compétitive

Ce recueil tente de poursuivre la réflexion que Deleuze a entreprise avec la philosophie et, sous une même couverture, reprend les thèmes principaux de cette œuvre

Descamps réside moins dans la définition d’une thèse philosophique qui per- mettrait de jeter un éclairage sur l’évolution de la pensée française contemporaine (ce à quoi se sont

En termes vifs, précis et accessibles, l’auteur veut montrer (avant- propos et 1 re partie, chap. 7-80) que l’antique question de la vie bonne n’a pas déserté notre univers,

« Hegel fait le mouvement, écrit Deleuze, et même le mouvement de l’infini, mais comme il le fait avec des mots de la représentation, c’est un faux mouvement, et rien ne suit

Cependant, cet humanisme est inacceptable aux yeux de certaines personnes à cause de son anthropocen- trisme arrogant, de son « chauvinisme de l'espèce » (pour reprendre une

Cet écrit, dont la première partie parut quelques mois avant la Doctrine du droit de Kant, si bien qu'à peu près tous les fichtéens estiment que Kant a pu en subir