• Aucun résultat trouvé

La compétence du créateur d’entreprise innovante : quelles interrogations?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La compétence du créateur d’entreprise innovante : quelles interrogations?"

Copied!
34
0
0

Texte intégral

(1)

Brigitte Charles-Pauvers, Nathalie Schieb-Bienfait et Caroline Urbain

Revue internationale P.M.E. : économie et gestion de la petite et moyenne entreprise, vol. 17, n° 1, 2004, p.

67-99.

Pour citer cette note, utiliser l'information suivante :

URI: http://id.erudit.org/iderudit/1008452ar DOI: 10.7202/1008452ar

Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.

Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html

« La compétence du créateur d’entreprise innovante  : quelles interrogations ? »

(2)

innovante : quelles interrogations ?

Brigitte CHARLES-PAUVERS Nathalie SCHIEB-BIENFAIT Caroline URBAIN IAE de l’Université de Nantes

MOTS CLÉS

Compétence – Créateur d’entreprise – Projet innovant Compétence individuelle – Compétence collective Porteur de projet – Méthodologie qualitative – Entrepreneuriat

Structure d’assistance

LES AUTEURES

BRIGITTE CHARLES-PAUVERS est maître de conférences en sciences de gestion à l’IAE (Institut d’administration des entreprises) de l’Université de Nantes et directrice du Centre de mana- gement international franco-chinois. Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion, elle est chercheure au sein du laboratoire CRGNA dirigé par Pierre Mevellec ; ses travaux portent actuellement sur les problématiques de création et développement d’activité, de comportement organisationnel (implication organisationnelle) en lien avec la gestion des ressources humaines (compétences, implication, etc.) dans une perspective française et interculturelle (Asie, Europe, États-Unis). Adresse : rue de la Censive du Tertre, B.P. 62232, 44322 Nantes, Cédex 3, France.

Tél. : 02 40 14 12 03. Courriel : <charles-pauvers@iae.univ-nantes.fr>.

NATHALIE SCHIEB-BIENFAIT est maître de conférences en sciences de gestion à l’IAE de l’Université de Nantes où elle est responsable du DESS en gestion et management des PME et d’un diplôme universitaire de création d’entreprises innovantes (en partenariat avec la technopole). Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion, elle est chercheure au sein du laboratoire CRGNA. Ses travaux portent actuellement sur les problématiques de création et développement d’activité, sur la stratégie des PME et sur l’enseignement de l’entrepreneuriat.

Adresse : rue de la Censive du Tertre, B.P. 62232, 44322 Nantes, Cédex 3, France.

Tél. : 02 40 14 12 20. Courriel : <schieb-bienfait@iae.univ-nantes.fr>.

CAROLINE URBAIN est maître de conférences en sciences de gestion à l’IUT de Saint- Nazaire (Institut universitaire de technologie) de l’Université de Nantes, responsable à l’IAE du DESS Certificat d’aptitude à l’administration des entreprises Asie. Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion, elle est chercheure au sein du laboratoire CRGNA. Ses travaux portent actuellement sur les problématiques de création et développement d’activité, sur le prix, la gratuité et la valeur et sur les relations entre management des ressources humaines et performances marketing et commerciales. Adresse : 7, rue Sully, 44000 Nantes, France.

Tél. : 02 40 37 06 79. Courriel : <caroline.urbain@wanadoo.fr>.

(3)

RÉSUMÉ

L’objet de cet article est de repérer les compétences mobilisées par le porteur de projet innovant pour créer son entreprise, à partir d’une analyse de la littérature et d’une démarche empirique qualitative. Tout d’abord, l’analyse de la littérature de gestion semble montrer que cerner la compétence du créateur requiert une révi- sion des cadres d’analyse habituellement employés. Ensuite, quatre projets de création d’entreprises innovantes sont analysés pour repérer et évaluer les compétences mises en œuvre à chacune des différentes étapes du processus de création. Une discussion critique amène à préciser les contenus de la compétence du créateur et à interroger les démarches d’accompagnement des projets innovants.

ABSTRACT

This research paper identifies the skills mobilised by a company’s founder while creating his company. First, we note that current management research literature in this area is weak, and the analysis framework of the founder’s competences needs to be revised. Second, using an empirical qualitative method, four projects of innovative companies are analysed to pinpoint and assess the skills required at each step of the company’s foundation process. In our critique, we analyse thoroughly the skills required in these innovations and we also discuss the support practices that were invoked to facilitate the projects.

RESUMEN

El objeto de este artículo es de reparar en las habilidades puestas en marcha por el emprendedor de un proyecto de innovación al crear su empresa, a partir de un análisis de la literatura y de una práctica cualitativa empírica. En primer lugar, el análisis de la literatura de gestion parece mostrar que la habilidad de un emprendedor requiere una revisión de los cuadros de análisis habitualmente puestos en marcha. En seguida, cuatro proyectos de innovacion son analizados para mostrar y evaluar las habilidades puestas en obra en cada etapa del proceso de creación.

Una discución crítica destinada a conocer las habilidades del emprendedor y a questionar las acciones de acompañamiento de proyectos innovantes.

ZUSAMMENFASSUNG

Der Gegenstand dieses Artikels besteht darin, die mobilisierten Kompetenzen von innovativen Projektträgern im Rahmen von Unternehmensgründungen zu erfor- schen. Zuerst scheint die Analyse der Managementliteratur zu zeigen, dass für die Erfassung der Kompetenzen eines Gründers der gewöhnliche Rahmen genügt.

In der Folge wurden im Rahmen eines empirischen Vorgehens vier innovative Gründungsprojekte analysiert, um die Kompetenzen in den verschiedenen Phasen des Gründungsprozesses zu entdecken und zu bewerten. Eine kritische Diskussion veranlasste, die Kompetenzinhalte des Ideengebers festzulegen und die Begleitung der innovativen Projekten zu hinterfragen.

(4)

Introduction

La mobilisation et le management des ressources et des compétences requises pour élaborer un projet de création d’entreprise innovante influencent le déroulement du processus entrepreneurial, ainsi que la nature des difficultés éprouvées.

Le porteur construit progressivement puis combine différentes actions organisées et échelonnées dans le temps afin d’élaborer l’offre et le système d’offre dédié au projet (Bréchet, 1996). Ainsi, pour passer de l’idée au projet innovant, le management du projet de création d’entreprise requiert des ressources et des compétences plus larges que celles dont le porteur initial dispose ; l’entrepreneur doit donc, « chemin faisant », savoir s’engager dans différentes étapes et démarches nécessaires à la construction du projet. Dès lors, quelle serait la compétence du porteur de projet ? De l’avis même des acteurs apportant leur aide aux porteurs de projets innovants (structures d’incubation, technopoles ou ANVAR1), cette ques- tion est centrale dans les processus de sélection et d’accompagnement de ces por- teurs de projet innovant. Plusieurs s’accordent à dire que l’analyse de la compétence telle qu’elle est mise en œuvre dans les processus de sélection s’appuie sur des approches et des pratiques très différentes (modes d’évaluation plus ou moins intuitifs, plus ou moins structurés et systématisés, avec des outils d’analyses multicritères – méthodes rapides / méthodes rationnelles et analytiques). Dès lors, on comprend que la compétence du créateur de projet innovant se révèle difficile à définir.

La création du concours MENRT2a suscité, voire amplifié, la prise de cons- cience, par ces différents acteurs, de la pertinence et de la complexité de cette problématique. En effet, les problèmes mais aussi la défaillance de certaines jeunes entreprises innovantes (bénéficiant de l’accompagnement de ces structures) pro- voquent une remise en cause des pratiques d’évaluation des projets. Concrètement, on constate une attention nouvelle à la dimension ressources humaines, matérialisée par le recours à des conseils en gestion des ressources humaines, ou encore la mise en place de modules et cursus de formation à la création d’entreprise innovante pour les porteurs de projet des incubateurs et technopoles.

L’objet de cet article est ainsi de repérer les compétences mobilisées par le porteur pour construire le projet. L’entrepreneuriat étant un terrain propice à l’interdisciplinarité (Filion, 1997), nous avons croisé les résultats des travaux relatifs à la compétence dans les champs de la gestion des ressources humaines et de l’entrepreneuriat. Après avoir précisé la terminologie utilisée (porteur de projet),

1. Agence nationale de valorisation de la recherche, connue aussi sous le nom d’Agence française de l’innovation.

2. MENRT : Ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie.

(5)

nous définirons le concept de compétence pour procéder à l’analyse de la littérature en entrepreneuriat. Puis, dans une approche empirique, quatre projets de création d’entreprises innovantes seront analysés, utilisant une démarche qualitative développée ultérieurement. Les résultats font alors l’objet d’une discussion critique qui nous amènera à préciser les contenus de la compétence du créateur et à interroger les démarches d’accompagnement des projets innovants.

1. Le porteur de projet et sa compétence : un essai de clarification conceptuelle

Porteur, entrepreneur et créateur3 sont des termes couramment utilisés dans la littérature sans pour autant constater de véritable consensus autour de leur défini- tion. Nous proposons, en préalable, d’en dresser les contours.

1.1. Les porteurs… de projets innovants…

et les phases de création

Le phénomène entrepreneurial étant impulsé par un individu, le porteur du projet, celui-ci est au cœur du processus entrepreneurial.

1.1.1. Le porteur de projet

Le porteur doit être capable de passer de l’idée à l’acte, sur la base de combinaison de ressources humaines, financières, organisationnelles et informationnelles afin de positionner son projet dans un environnement avec lequel il interagit.

Cette définition implique tout un cheminement qui va de la conception de l’idée jusqu’à sa réalisation finale. Pour Filion (1991), « Un entrepreneur est une personne qui imagine, développe et réalise des visions ». Sont ainsi impliquées une capacité à fixer et à atteindre des buts, à maintenir un niveau élevé de sensibilité en vue de déceler des occasions d’affaires, puis un apprentissage, la capacité à prendre des risques mesurés. Une relation dialectique forte existe ainsi entre l’individu, porteur de projet, et l’organisation impulsée par ce dernier (Verstraete, 1997). En effet, être entrepreneur, c’est avoir des idées auxquelles on tient et s’organiser pour les mettre en pratique (Filion, 1991), devenir le manager d’une organisation en cours de constitution (Hernandez, 1994, 1995).

Le porteur constitue un système d’offre, en cherchant à former un système organisé de ressources et de compétences, selon un « processus de décisions /

3. Afin de faciliter le discours, les termes de porteur, créateur et entrepreneur seront employés indifféremment.

(6)

actions stratégiques » (Bruyat, 1993). Dans le cas des projets innovants, cette recherche est particulièrement délicate et souvent difficile. Le créateur est très vite amené à construire une organisation en mobilisant des ressources d’une cer- taine envergure. Il agit donc rarement seul ; par ailleurs, il est confronté à des questionnements relatifs au changement (pour lancer un produit innovant sur un marché émergent, pour aborder un marché international, pour nouer des partena- riats, pour procéder à des levées de fonds, etc.), et cela, dans un environnement technologique concurrentiel souvent très turbulent.

1.1.2. De la naissance de l’idée… à la phase de démarrage

Le phénomène entrepreneurial pose un problème de repérage, au début comme à la fin du processus entrepreneurial (Bruyat, 1993, 1999 ; Sammut, 1995, 1998 ; Marion, 1999). Les acteurs des milieux professionnels de la création d’entreprise (ANCE4, ANVAR, technopoles) s’accordent pour distinguer quatre étapes princi- pales : la naissance de l’idée, l’élaboration du projet, le lancement des opérations et le démarrage de l’activité. Pour ces praticiens, l’acte d’entreprendre commence donc par la recherche (ou l’expression) d’une idée et se termine lorsque l’entreprise a assuré son démarrage et atteint sa vitesse de croisière.

Notre travail étant centré sur les porteurs de projet innovant, nous avons privilégié l’analyse des trois premières phases en précisant que notre observation se poursuit sur la phase de démarrage. Ce choix permet de ne pas dissocier artificiel- lement l’objet de recherche, dans la mesure où les trois premières phases peuvent être considérées comme constitutives de « la formation du projet d’entreprendre » (Bréchet, 1996), définie par Dodge et Robbins (1992) comme la première phase du développement de l’entreprise.

La phase 1 correspond à la période où le « porteur de projet » conçoit le projet de créer son entreprise, projet qui est souvent assez flou et s’apparente plus à un dessein, à une idée qu’à un projet détaillé et « ficelé ». Sur cette période, il commence à s’informer, à être attentif, à travailler sur son projet, voire à contacter son réseau de relations. Le projet commence peu à peu à se préciser.

Lors de la phase 2, le porteur travaille plus activement sur son projet, cher- chant à la fois à l’évaluer et à le construire. Il engage du temps, des moyens et de l’énergie dans la recherche des informations plus précises, dans le développement de ses produits, ainsi que dans la réalisation de différentes études (tant sur le plan technique, commercial, juridique que financier). Ce travail aboutit à l’élaboration d’un plan d’affaires et d’un dossier financier ; le porteur évolue vers le statut de créateur.

4. Agence nationale pour la création d’entreprise.

(7)

La phase 3 correspond à l’étape où le créateur met en place les dispositifs pour faire fonctionner l’entreprise (réalisation des procédures juridiques et finan- cières, installation dans des locaux, acquisition du matériel nécessaire à la produc- tion, négociation des marchés avec les fournisseurs et les clients, recrutement de collaborateurs, etc.). Cette période est définie par l’ANCE comme la période effective de lancement des opérations.

Dans la phase 4, l’entreprise constitue une entité économique, reconnue par ses partenaires (fournisseurs, clients, bailleurs de fonds, etc.) et ayant atteint son équilibre d’exploitation. Le créateur a démontré la viabilité de son projet, il est désormais appréhendé comme un dirigeant de PME (Bruyat, 1993).

Le choix de cette période, qui part de l’émergence de l’idée jusqu’au lance- ment des opérations, est intéressante, car elle nous permet d’observer de manière dynamique, les problèmes de compétence, lors du passage de l’état de porteur de projet à celui de créateur, puis de gestionnaire d’une organisation. Ces transitions, difficiles à repérer dans le temps, exigent une mutation mentale de l’entrepreneur et entraînent des évolutions de sa compétence. Avant la création effective, la compé- tence est le plus souvent celle du porteur (le projet renvoie alors à la stratégie d’une personne) ; au fur et à mesure de la construction du projet et de la formation de l’organisation, la compétence revêt une dimension plus collective, avec la cons- titution d’une équipe mais aussi la présence et l’implication d’acteurs périphériques dans la formation du système d’offre. En effet, les porteurs de projets peuvent bénéficier de structures de soutien et d’accompagnement qui peuvent interférer dans le processus entrepreneurial. La construction du projet renvoie alors à une stratégie d’organisation.

1.1.3. Le projet innovant

La question de l’innovation, relevée d’abord par Schumpeter (1935), est aujourd’hui au cœur des préoccupations de la recherche5mais aussi des acteurs économiques et politiques, qui cherchent à créer les conditions favorables à la création et à la pérennisation des entreprises issues de projets innovants. L’innovation est désor- mais perçue comme le véritable moteur de l’entrepreneuriat (Julien et Marchesnay, 1996), car porteuse d’idées nouvelles pour offrir de nouveaux biens ou services ou encore pour réorganiser l’entreprise.

Le milieu scientifique ne propose pas de définition stricto sensu de l’expres- sion « projet innovant » et préfère parler d’innovation. Selon Van de Ven (1986), l’innovation renvoie à une idée nouvelle qui peut résulter d’une recombinaison

5. Parmi les travaux et ouvrages parus très récemment sur cette question, on pourra se reporter à ceux de Durieux (2000) ou encore de Bloch et Manceau (2000).

(8)

d’idées anciennes ou d’un schéma qui modifie l’ordre présent, ou encore d’une approche unique perçue comme nouvelle par les individus concernés. Elle résulte d’un processus de coproduction fondamentalement collectif, multisectoriel, multifonctionnel, multilocal et inscrit dans le temps (Perroux, cité dans Durieux, 2000). Ces deux définitions soulignent non seulement la diversité des natures et formes d’innovation (innovation de produit / innovation de procédé, innovation graduelle / innovation radicale, etc.), mais aussi son caractère dynamique.

Innovation sous-entend donc « projet d’innovation », au sens où le définit l’AFITEP / AFNOR, c’est-à-dire une démarche spécifique qui permet de structurer des actions de nature à transformer une idée en une réalité concrète.

Toutefois, nous avons préféré parler de projet innovant, car cette expression est celle habituellement employée par les milieux professionnels de la création d’entreprise. Ainsi, l’ANVAR se donne pour but d’accompagner les porteurs de projets innovants. Elle fonde ses critères sur deux aspects : le degré d’innovation et l’accès au marché. Cette définition est actuellement adoptée par l’ensemble des acteurs de la création d’entreprise innovante, qui s’accordent sur le fait qu’un projet innovant, c’est « un produit / service ou procédé innovant et un marché envisagé ».

1.2. Le concept de compétence

Concept emprunté à des disciplines voisines de la gestion (psychologie du travail, science de l’éducation, sociologie), la compétence est l’objet de toutes les atten- tions depuis une dizaine d’années. Les chercheurs, en particulier en gestion des ressources humaines, s’accordent toutefois sur un ensemble de caractéristiques communes.

1.2.1. La compétence individuelle

La compétence est tout d’abord un attribut individuel ; elle met, en effet, en jeu un ensemble de qualités personnelles et d’aptitudes qui caractérisent directement un individu et permettent d’ailleurs de le différencier. Mais elle ne saurait se réduire à cet ensemble : la compétence ne peut être définie qu’en référence à une situation donnée. Ce n’est donc que par rapport à une tâche, à une activité, à un ensemble d’activités, dans un environnement précis qu’on peut la préciser. C’est ainsi que Parlier et Gilbert (1992) proposent de la définir comme « un ensemble de connais- sances, de capacités d’actions et de comportements structurés en fonction d’un but, dans un type de situation donnée ». Enfin, elle nécessite également d’être reconnue comme telle. Merchiers et Pharo (cités dans Le Boterf, 1994) mettent ainsi en évidence la double dimension cognitivo-pratique et normative de la compé- tence. Le « succès public » est une condition essentielle de la compétence et suppose donc un jugement public ; elle nécessite à la fois l’atteinte du but recherché et la reconnaissance par autrui.

(9)

La problématique de la compétence du porteur de projet appelle quelques remarques. Ce dernier est au cœur du processus. Il ne s’agit pas tant pour lui de s’intégrer dans une organisation que de construire un cadre professionnel dans le système projet, tout au moins dans les phases d’élaboration et de lancement du projet. On se rapproche dès lors du modèle des compétences des carrières nomades.

Des travaux récents (Bailly, Cadin et De Saint-Giniez, 1998) insistent sur l’inter- action individu-environnement et concluent à la nécessité d’une vision élargie de la compétence, prenant particulièrement en compte l’identité personnelle et les réseaux sociaux. Ces travaux s’appuient sur l’approche tricomponentielle de Arthur, Claman et De Pillippi, 1995 : la connaissance du comment, qui comprend les qualifications et connaissances susceptibles d’être pertinentes dans l’exercice d’une activité professionnelle ; la connaissance avec, qui fait référence aux relations professionnelles et contacts sociaux susceptibles de fournir des informations et opportunités ; la connaissance du pourquoi, qui prend en compte les valeurs, croyances, intérêts passions et autres éléments d’identité. On voit ici réaffirmée l’importance des facteurs personnels.

Lévy-Leboyer (1996) et Le Boterf (1994, 2000) insistent sur la nécessité de prendre en considération l’image et l’estime de soi6, éléments du concept de soi.

Pour Lévy-Leboyer, p. 115, « l’image de soi est dynamique, car elle se modifie sur la base des situations rencontrées. C’est sur la base de cette représentation de ses propres compétences que l’individu aboutira à ce jugement ». L’image de soi correspondrait ainsi au portrait de soi tel que l’on se perçoit, tandis que l’estime de soi implique un jugement de valeur, établi par comparaison avec un soi idéal.

Deux porteurs de projets peuvent ainsi avoir une bonne image de soi, mais l’estime de soi les différenciera. Le porteur de projet, confronté à de nombreuses difficultés, interprétera différemment l’impact d’un succès ou d’un échec sur l’image de ses propres compétences. L’image de soi n’est bien sûr pas sans lien avec le lieu de contrôle. Ce dernier, popularisé par Rotter, est défini comme l’anticipation générale, l’attente a priori indépendante du renforcement obtenu dans une situation précise (Deschamps et Beauvois, 1996). Il renvoie à la perception (contrôle interne) ou à la non-perception (contrôle externe) de l’existence d’un lien entre un comportement ou une caractéristique personnelle d’un individu et un renforcement.

Par ailleurs, le porteur de projet doit activer un réseau constitué de ses rela- tions familiales, professionnelles et institutionnelles, en particulier celles offertes par les structures d’incubation, d’accompagnement, chargés de l’aider et de le suivre. Le soutien revêt ici un double rôle : d’une part, un rôle de soutien et d’information dont a besoin le porteur de projet ; d’autre part, une validation externe

6. Pour les psychologues sociaux, le concept d’estime de soi est tricomponentiel : le concept de soi représente la composante cognitive ; l’estime de soi, la composante évaluative ou affective ; l’autoprésentation, la composante comportementale.

(10)

du projet dans ses différentes composantes. Si le porteur de projet réussit, par exemple, à lever des fonds, on peut supposer que son projet présente quelques facteurs de succès.

Finalement, cette conception « élargie » de la compétence nous semble tout à fait cohérente avec l’approche tricomponentielle (personnelle, cognitive et sociale) proposée par Igalens et Scouarnec (2001). L’invariant personnel est relatif à un individu, à sa personnalité, à ses aptitudes ; la composante cognitive représente les connaissances et les expériences du porteur de projet. La dimension sociale prend ici une signification double et élargit la définition de Igalens et Scouarnec en l’adap- tant au contexte du système projet. Il s’agit à la fois de rendre compte de la validation de la compétence du porteur de projet par l’extérieur et de l’activation du réseau de relations et de contacts sociaux qui fournira des informations au porteur de projet.

Enfin, la compétence est un concept dynamique, indissociable de l’appren- tissage. Ainsi que le souligne Lévy-Leboyer (1996), « acquérir de nouvelles compétences n’est donc plus une activité antérieure au travail ou qui se déroule à côté du travail. Elle se réalise au cours même du travail et par son intermédiaire ».

Le porteur fait appel en permanence à ses processus cognitifs et à ses aptitudes mentales. Or, la mise en route de la dynamique de son système compétence sera favorisée ou paralysée par son image de soi.

1.2.2. La compétence collective

Bien que de nature individuelle, la compétence est indissociablement abordée de manière individuelle et collective (Castro, Guérin et Lauriol, 1998). L’emploi du qualificatif « collectif » appelle une clarification. Gamot (1996), cité dans Bataille (1999, 2001), définit la compétence collective comme « la capacité reconnue à un collectif de travail de faire face à une situation qui ne pourrait être assumée par chacun de ses membres seul ». Le « collectif » peut signifier appartenance produc- tive, petite équipe d’opérateurs, interface. Il désigne donc en premier lieu l’équipe constituée ou à constituer par le porteur de projet. Dans l’hypothèse où le porteur choisit de constituer son équipe pendant la phase de création, se pose la question de l’élaboration de la compétence d’équipe. Le Boterf (1994) reconnaît au moins quatre composantes : une image opérative commune (il s’agit de se doter et de faire évoluer une représentation commune) ; un code et un langage commun desquels découlera la connivence ; un savoir coopérer : les compétences individuelles sont mises à la disposition de l’équipe ; un savoir-apprendre de l’expérience (l’apprentissage des différentes situations vécues se fait de manière collective).

De manière générale, De Terssac (1992) montre que le collectif de travail se constitue par la production d’une règle non écrite de fonctionnement et de coopé- ration. Dans notre cas, comme d’ailleurs dans celui de nombreuses entreprises, la

(11)

compétence collective dépasse le cadre du collectif de travail interne. La création de l’entreprise ne peut aboutir que si le porteur mobilise un réseau d’acteurs. La construction de la compétence collective résulte alors de compétences individuelles (le porteur), collectives internes (le porteur et son équipe) et externes (des acteurs qui vont s’impliquer dans le projet).

La compétence analysée sera donc tricomponentielle : personnelle, cognitive et sociale. La frontière entre les différentes catégories est parfois artificielle, aussi traiterons-nous des composantes « à dominante » personnelle, cognitive ou sociale.

La compétence prendra deux formes : individuelle et collective. Comment est envi- sagée la compétence du porteur de projet dans la littérature « entrepreneuriale » ? 1.3. La question de la compétence en entrepreneuriat

Depuis plusieurs années, la question de la compétence de l’entrepreneur est abordée dans des recherches relevant de champs théoriques différents (en sciences de gestion, en entrepreneuriat, en sciences du comportement, etc.). On évoque tour à tour les termes de « savoir-faire », de « compétence technique, compétence managériale », parmi les critères d’analyse d’un projet ; il arrive également que l’on distingue leur caractère fonctionnel en parlant de « compétence marketing, compétence financière, etc. ».

L’analyse de la documentation révèle un certain flou sur cette notion : son utilisation est fréquente, mais le concept, rarement défini. Par ailleurs, prédominent les travaux ayant trait à la personnalité de l’entrepreneur (ses caractéristiques, ses comportements, ses traits psychologiques, etc.)7et à l’étude des personnes qui sont à l’origine des créations d’entreprise. Ces études n’ont pas permis de dresser un profil sociologique ou psychologique capable de distinguer ceux qui sont les plus susceptibles de créer une entreprise des autres (Hernandez, 1994). Devant l’absence de définition consensuelle, les auteurs insistent plutôt sur le caractère social du processus entrepreneurial.

La question de la compétence de l’entrepreneur s’inscrit souvent dans une problématique plus large, sur la recherche des facteurs clés de succès en matière de création d’entreprise (Vesper, 1980 ; Ooghe et al., 1988), ou sur la compétence du dirigeant de petite entreprise (Sammut, 1995), ou encore sur les pratiques d’éva- luation des milieux professionnels, notamment des sociétés de capital-risque et des structures financières (Marion, 1999 ; MacMillan, Siegel et Subba Narasimha, 1985 ; Tyebjee et Bruno, 1984).

7. On peut évoquer à ce sujet les travaux menés en sciences du comportement (McClelland, 1961).

(12)

Plusieurs travaux ont constaté une certaine similitude entre le travail du dirigeant d’une petite organisation et le créateur (Hernandez, 1994) qui doit assumer des rôles d’entrepreneur, de négociateur, de régulateur, d’agent de liaison et d’observateur actif, ainsi que d’opérateur.

L’étude des critères relatifs utilisés par les sociétés de capital-risque pour évaluer un projet (MacMillan, Siegel et Subba Narasimha, 1985 ; Marion, 1999) fait ressortir deux groupes de critères : d’une part, les critères relatifs à l’entrepre- neur (Stuart et Abetti, 1988) distinguent la personnalité, l’expérience ainsi que les capacités et la vision du créateur ; d’autre part, les critères relatifs aux compétences en management réunies autour du projet et l’analyse de l’activité (pour Tyebjee et Bruno 1984, l’évaluation des compétences managériales recouvre à la fois les capacités de l’équipe dirigeante, les compétences en marketing et les compétences en finance).

Mais, à l’instar des travaux en gestion des ressources humaines, les recherches se focalisent aujourd’hui sur ce que l’entrepreneur fait (et non sur ce qu’il est)8. Mintzberg et MacHugh (1995) définissent, par exemple, le comportement entre- preneurial comme une combinaison d’actions et de réflexions. Bien qu’il soit désor- mais acquis qu’une approche « caractérielle » (s’inscrivant dans une perspective psychologique) se révèle inadéquate, les chercheurs font remarquer que les pratiques des professionnels sont encore très influencées par ce courant. En définitive, la question de la compétence de l’entrepreneur reste peu explorée.

Le courant « comportemental » n’apporte pas non plus de réponse satisfai- sante (Livian, 1989). La compétence « vision » est un élément central dans l’évolu- tion de l’entrepreneur (naissance, développement puis réalisation de visions ; Filion, 1991 ; Verstraete, 1997). Sous ce vocable de « vision » se trouvent parfois réunis le concept de rêveur réaliste (visionnaire) et le mode d’apprentissage particulier.

Par ailleurs, la capacité d’apprentissage de l’entrepreneur semble essentielle dans la réussite ou l’échec du projet (Livian et Marion, 1991 ; Le Marois, 1985 ; Massacrier et Rigaud, 1984 ; Gibb et Ritchie, 1982 ; Marion, 1999). Bouchikhi (1991) parle du créateur, comme « d’un pilote apprenant à piloter en pilotant ».

Belet (1993) considère qu’il n’y a apprentissage managérial que dans la mesure où l’évolution de la perception, des représentations et des valeurs de l’entrepre- neur conduit à l’apprentissage de nouvelles attitudes et comportements. Au-delà, Gibb et Davies (1990) considèrent que la capacité de l’entrepreneur à apprendre de ses erreurs est à considérer comme une marque de compétence. L’entrepreneur intègre des données dans son schème de pensée, il agit sur le terrain en procédant par essais et erreurs in vivo (Verstraete, 1997 ; Sammut, 1995 ; Cooper, 1993 ;

8. Gartner (1989) distingue approche comportementale et approche caractérielle.

(13)

Bouchikhi, 1991). Enfin, les travaux de Livian et Marion (1991), Muzyka et Birley (1998) et Mustar (1994, 1998) soulignent l’importance pour le porteur de créer l’entreprise en équipe. Le tableau 1 propose une synthèse de la littérature entrepreneuriale relative à la compétence de l’entrepreneur.

Ainsi, il ressort que la question de la compétence du créateur requiert une révision des cadres d’analyse habituellement mobilisés en entreprise.

TABLEAU 1

Synthèse des éléments de compétences relevés dans la littérature sur le créateur d’entreprise

Compétence Compétence Compétence

à dominante individuelle à dominante cognitive à dominante sociale Expérience (Stuart et Abetti, 1988 ;

Cooper, Dunkelberg et Woo, 1986, 1988).

Formation (Stuart et Abetti, 1988 ; Cooper, Dunkelberg et Woo, 1986, 1988).

Familiarité avec le marché (MacMillan, Siegel et Subba Narasimha, 1985, 1987).

Capacité d’évaluer le risque (MacMillan, Siegel et Subba Narasimha, 1985, 1987).

Perception du développement (Filion, 1990, 1991, 1997).

Capacité d’élaborer une stratégie (Gartner, Mitchell et Vesper, 1989 ; Verstraete, 1997 ; Walsh, Kirchhoff et Boylan, 1996).

Efficacité de la gestion de l’information (Woo, Cooper, Nicholls-Nixon et Dunkelberg, 1990).

Capacité de développer des relations (Cooper, Dunkelberg et Woo, 1988 ; Gartner, Mitchell et Vesper, 1989 ; Julien et Marchesnay, 1996).

Capacité de lier des relations, mais aussi de limiter le développement de relations sous contraintes (Venkataraman, Van de Ven, Buckeye et Hudson, 1990).

Capacité de mobilisation des réseaux (Aldrich et Zimmer, 1986 ; Aldrich, Rosen et Woodward, 1987 ; Johannisson, 1996 ; Ward et Randall, 1989 ; Gibb, 1993 ; Butler, Phan et Hansen, 1990).

Recours à des profession- nels, experts, conseil en création (influence et / ou incidence ; Turok, 1997 ; Viennet, 1990 ; Van de Ven, Hudson et Schroeder, 1984).

Recours à une structure d’accueil et / ou d’incubation (Cooper, 1985 ; Albert, 1986 ; Doutriaux, 1994 ; Cardozo, Reynolds, Miller et Phillips, 1989 ; Mian, 1997).

Capacité d’écoute (Stuart et Abetti, 1988 ; Livian et Marion, 1991 ; Marion, 1999).

Preuve de leadership dans le passé (MacMillan, Siegel et Subba Narasimha, 1985, 1987).

Capacité de diriger (MacMillan, Siegel et Subba Narasimha, 1985, 1987).

Capacité de fournir un effort intense (Mac- Millan, Siegel et Subba Narasimha, 1985, 1987).

Réactivité (Bruyat, 1993 ; Plashka et Welsh, 1989).

Capacité d’auto-organisa- tion (Bruyat, 1993 ; Plashka et Welsh, 1989).

Efficacité de la gestion du temps (Bird, 1989 ; Woo, Cooper, Nicholls- Nixon et Dunkelberg, 1990).

Après avoir présenté les différents concepts et réalisé une revue de la littéra- ture, nous allons nous intéresser à quatre porteurs de projet d’entreprises innovantes que nous avons suivis durant les différentes phases de leur processus de création.

(14)

2. La compétence du porteur de projet : une approche empirique, exploratoire

Après l’essai de clarification conceptuelle sur les notions de porteur de projet et de compétence, il nous a semblé pertinent de confronter les approches théoriques à des cas observés : présentation de la méthodologie suivie pour répondre à la problématique, puis description des projets observés et, enfin, analyse des données produites.

2.1. La méthodologie

Le champ d’investigation est limité à l’étude de la création d’entreprises innovantes : ce champ constitue un enjeu important pour la valorisation économique des inno- vations et permet de circonscrire notre terrain d’étude pour mieux repérer certaines variables d’environnement susceptibles de parasiter les observations.

La méthodologie retenue a pour but de repérer et de définir les compétences que le créateur mobilise au cours des différentes étapes du processus de création.

Les choix méthodologiques reposent donc sur une démarche qualitative, basée sur une collecte de données longitudinales. La diversité des sources des données solli- citées répond également aux critères de complétude par une triangulation des don- nées et par une présentation cohérente des résultats qui visent une compréhension globale du phénomène (Mucchielli, 1994 ; Wacheux, 1996).

Quatre projets de création d’entreprises innovantes ont été observés et ana- lysés. Lancés par des créateurs dont les histoires professionnelles et personnelles sont très différentes, ces projets ont été sélectionnés selon deux critères : les données disponibles sur ces projets et leur devenir.

La production des données s’est déroulée sur une période de deux à trois ans selon les projets. Le travail d’accompagnement des projets par des étudiants en gestion pendant six mois a permis une observation directe de leur évolution ainsi que le recueil de données anecdotiques (Mintzberg, 1979) qui contribuent à enri- chir la connaissance sur l’objet de recherche. Les supports utilisés pour consigner l’observation sont divers (comptes rendus de réunions, notes descriptives à diffé- rents moments de la vie du projet et bilans d’évaluation du projet). L’observation directe des projets a pu également être menée par le relevé de faits qui témoignent de leur évolution (dépôts de statuts, conclusion ou résiliation de contrats, recrutement, chiffre d’affaires, etc.).

Les documents retraçant la trajectoire du projet sont divers : curriculum vitæ des porteurs, plans d’affaires successifs, évaluation des projets établie par les accompagnateurs et grilles d’évaluation utilisées par des cabinets-conseils inter- venant dans le suivi des projets. Différents entretiens semi-directifs (Blanchet,

(15)

1997) ont eu lieu à différentes phases des projets avec plusieurs interlocuteurs : les porteurs de projets et les différents intervenants qui les ont accompagnés dans leur parcours (étudiants, chargés de projet, ANVAR, cabinets-conseils, etc.). La triangulation des données a été menée de façon logique, empirique et créative (Wacheux, 1996). La démarche s’est attachée à mettre en évidence un enchaî- nement chronologique des événements. Elle a confronté les faits entre eux, les faits avec les discours des acteurs, les discours entre eux et les discours d’un même acteur (au cours du même entretien ou lors d’entretiens successifs). Enfin, elle a tenté de relever les convergences, les contrastes et les contradictions des données produites.

Cette démarche conduit à une présentation synthétique et dynamique des quatre projets à partir d’une analyse détaillée des données susceptibles d’informer sur la compétence en jeu à chacune des phases du processus de création.

2.2. La présentation de quatre cas de projets de création d’entreprises innovantes

Pour la présentation des cas, nous nous sommes appuyées sur les propositions de repérage exposées précédemment, en procédant toutefois à des choix spécifiques liés à notre terrain d’observation.

La phase 1 correspond à l’étape de la naissance de l’idée, jusqu’à l’expression d’un projet plus détaillé. Nous avons considéré que cette phase se termine lorsque le porteur entre en contact avec une structure d’accompagnement ; il se met alors à travailler plus activement sur la construction de son projet. À l’issue de cette phase, l’individu peut se présenter au concours du MENRT, en catégorie émergence9.

Au cours de la phase 2 (phase dite d’élaboration), le porteur construit son projet (il peut être « incubé10» au sein de l’incubateur11, ou simplement suivi par la technopole). Ces structures jouent un rôle de pôle de compétences et de mise en

9. La catégorie « projet en émergence » comprend des projets qui nécessitent un appro- fondissement sur les plans technologique, organisationnel, commercial et financier.

Ces projets se situent au stade de l’idée ou de la préfiguration ; une phase de maturation de 3 à 12 mois est indispensable avant d’envisager la création de l’entreprise. Le dossier de participation comporte une courte description du projet plus ou moins détaillée selon son degré d’avancement et un état des besoins et moyens jugés nécessaires à la maturation (extrait du règlement du concours). Les projets lauréats ont reçu en 2001 une subvention d’une valeur moyenne d’environ 39 000 euros.

10. C’est notamment le cas des chercheurs, porteurs de projet qui bénéficient d’une convention d’incubation.

11. Un incubateur d’entreprises innovantes est un lieu d’accueil et d’accompagnement de porteurs de projets de création d’entreprises innovantes ; il offre à ces derniers un appui

(16)

réseau. Cette étape se caractérise par la présence de nouveaux acteurs s’impli- quant dans l’élaboration du projet : chargés de mission de la technopole et de l’ANVAR, cabinets-conseils, fondations, étudiants. Plusieurs études sont menées dans différents domaines (stratégique, marketing, commercial, technique, juridique et financier). Cette phase permet la finalisation de plans d’affaires détaillés, que le porteur pourra présenter au concours du MENRT, en catégorie création12, et utiliser pour sa collecte de fonds.

En phase 3, la création juridique de l’entreprise est réalisée et l’entrepreneur s’installe dans des locaux indépendants, soit en pépinière d’entreprise, soit en zone d’activités. Une convention d’accompagnement entre l’entreprise et une structure d’accompagnement est établie, pour plusieurs années. C’est au cours de cette phase que se concluent les premiers contrats commerciaux et que l’entrepreneur procède au recrutement de nouveaux profils de compétences. Les créateurs peuvent aussi solliciter aide et soutien sous forme de conseil de fondations de parrainage.

PROJET A

Période 1. À 40 ans, ce porteur (très diplômé dans le domaine de l’environnement) a déjà travaillé comme chercheur à différents contrats dans des laboratoires publics.

Depuis environ cinq ans, il se passionne pour les méthodes informatisées d’analyse et de prévision ; il a suivi des formations complémentaires spécifiques tout en gérant les projets informatiques des laboratoires où il travaille. Comme il est au chômage depuis quelques mois, il a l’idée de proposer un nouveau concept de logiciel d’analyse des polluants. Il dépose un dossier au concours MENRT (aidé par un ami, travaillant dans une structure d’accompagnement). Le projet est lauréat du concours MENRT, dans la catégorie Émergence.

Période 2. Le porteur intègre alors une structure d’incubation. La constitution d’un binôme avec un chercheur informaticien n’aboutit pas. Le porteur forme en quelques semaines une équipe, composée de personnes bénévoles proches (un jeune diplômé d’une école d’informatique et un jeune spécialiste de l’environnement).

en matière de formation, de conseil et de financement et les héberge jusqu’à ce qu’ils trouvent leur place dans une pépinière d’entreprise ou des locaux industriels (extrait de la présentation du projet de loi sur l’innovation et la recherche, janvier 1999).

12. La catégorie « projet en création-développement » vise des projets pour lesquels la création d’une société est possible à court terme. Ces projets sont, sur le fond, suffi- samment élaborés pour que la création de la société puisse être envisagée dans les trois mois. Le dossier de participation comporte une description détaillée du projet ainsi que des informations relatives au marché, un plan de développement et un plan de finan- cement (environ 25 à 30 p.). En 2001, les projets lauréats ont reçu une dotation moyenne de 221 000 euros.

(17)

Il travaille intensément sur la construction du projet (aspects techniques, commer- ciaux, financiers, juridiques), aidé par la structure d’incubation, des cabinets-conseil (réalisation d’études de marché) et par des étudiants en gestion. L’objectif prioritaire est la réalisation d’un plan d’affaires détaillé. Le porteur recherche et accumule énormément d’informations, multiplie les contacts dans différents domaines et auprès d’acteurs (privés, publics, fournisseurs, prospects éventuels, etc.). Le mana- gement du projet avec les étudiants s’effectue avec difficulté (le porteur change d’avis, bouleverse les priorités de travail, etc.). Parallèlement, l’équipe travaille à la réalisation d’un prototype, mais le recrutement d’un chef de projet informatique ne se concrétise pas. Pendant ce temps, le porteur recherche un « manager de grande pointure ». Après quelques semaines de collaboration, ce recrutement échoue, malgré l’encadrement de la structure d’incubation, et cela, en raison de désaccords sur la vision, mais aussi sur la coordination et la répartition des responsabilités. Le porteur souhaite garder un étroit contrôle sur son projet, qui, sur le plan intellectuel, le passionne. Pendant les six mois suivants, plusieurs versions de plans d’affaires sont présentées à diverses structures (fondations, associations, institutions finan- cières, etc.) ; séduites par le porteur et le projet, elles lui accordent des prêts d’honneur et soutien. L’obtention d’un prix, lors d’une rencontre régionale d’inves- tisseurs, médiatise le projet. Parallèlement, le porteur passe énormément de temps à gérer des problèmes très opérationnels (pour trouver des fournisseurs et des équipements, répondre à des appels à projets scientifiques).

Période 3. Une société anonyme est créée, avec comme actionnaires des amis et parents du porteur. Malgré le travail de l’équipe, la réalisation du prototype logiciel a pris énormément de retard pour de multiples raisons : manque de compétences techniques internes, difficultés pour la rédaction du cahier des charges, gestion difficile des priorités, dispersion des activités sur des projets annexes, difficultés pour obtenir et maîtriser les outils de développement. Le créateur est actif sur tous

« les fronts » (technique, commercial, financier et juridique), toujours seul à piloter le projet, mais sollicitant les conseils de nombreuses personnes. Aidé financiè- rement par des acteurs régionaux du développement, il participe à des salons internationaux où il noue des contacts commerciaux avec des prospects. Le créateur n’est pas lauréat du concours MENRT, dans la catégorie Création13. La structure d’incubation éprouve de plus en plus de difficultés à cadrer ce créateur, qui décide et agit de manière indépendante sans suivre les conseils émis. La difficulté de recueillir des fonds met en cause le devenir de la société.

13. Son dossier ne sera pas sélectionné au plan régional.

(18)

PROJET B

Période 1. Deux hommes, d’âge mûr, travaillent depuis plusieurs années ensemble dans le secteur de l’environnement. Le premier a une solide expérience profes- sionnelle (en tant que commercial et manager d’unité ; il est également impliqué dans les structures patronales locales), le second, chercheur de formation, a travaillé dans différents laboratoires. Voilà plusieurs années, leurs parcours professionnels se sont croisés et ils ont décidé de travailler ensemble en créant un cabinet d’ingé- nierie. De cette étroite collaboration est née l’idée de développer un nouvel outil, avec le soutien financier de l’ANVAR, et la collaboration de structures partenaires.

Après quatre années de travail sur ce produit (dont le procédé est breveté), les porteurs contactent une structure d’accompagnement pour mener une étude de faisabilité économique et financière avant de créer une société vouée à la commer- cialisation de ces produits. Les porteurs continuent parallèlement leurs activités professionnelles.

Période 2. Le porteur de profil managérial a une vision très claire du projet.

Toutefois, il souhaite obtenir une validation sur certains points ; sur proposition de la technopole, il accepte de travailler pendant six mois avec des étudiants en gestion, qui vont réaliser une étude économique et financière et élaborer un plan d’affaires (qui sera présenté en mars, au concours MENRT, dans la catégorie Création). Le porteur participe à des réunions de travail avec les étudiants et le chargé de mission, où chacun apporte, de manière construite, des éléments d’information et d’analyse relatifs au projet. Parallèlement, les porteurs obtiennent un premier contrat d’instal- lation du produit sur un site régional. La vision des porteurs se précise progressi- vement autour d’une véritable démarche stratégique, commerciale et financière.

Le projet n’obtient pas le concours MENRT (il est le premier projet recalé14).

En revanche, une convention est établie avec la technopole qui leur propose de soumettre le projet à une rencontre régionale d’investisseurs. De très bons contacts y sont noués, notamment avec un incubateur privé.

Période 3. Devant l’intérêt suscité par le projet, les porteurs décident de créer rapidement la société, car l’approche de l’incubateur privé les séduit. Une société (SA) est créée dans les conditions souhaitées : l’incubateur privé détient 20 % du capital afin qu’il ne s’immisce pas dans la stratégie de développement de l’entre- prise. Le binôme de créateurs permet au projet de démarrer sereinement, chacun travaillant dans son domaine de compétence, tout en partageant une vision commune de l’entreprise. L’entreprise est lauréate de plusieurs fondations et bénéficie de prêts d’honneur et de soutien. Six mois après la création effective, les créateurs estiment que les prévisions sont réalisées, conformément au plan d’affaires.

14. Le projet avait été sélectionné au plan régional ; malheureusement, il fut le premier projet recalé, au plan national, car le Ministère attribue à chaque région un quota de projets lauréats.

(19)

PROJET C

Période 1. Pendant plusieurs années, le porteur, âgé d’environ 30 ans, a travaillé en tant qu’informaticien dans une unité de recherche sur les matériaux. Il y a conçu des logiciels de gestion des données d’analyse physiques, utilisées dans les recherches du laboratoire (en réseau avec d’autres établissements). Par le bouche à oreille, ces logiciels se font connaître et sont installés dans différents services et unités de recherche. Le porteur est vivement incité par un chercheur de son service à travailler avec des étudiants, pour vérifier la faisabilité de création d’une entreprise.

Période 2. Le porteur travaille donc pendant six mois avec deux jeunes diplômés en gestion, chargés d’analyser la faisabilité du projet. Cette collaboration ne va pas toujours de soi, le porteur voyant difficilement sur quoi peut déboucher un tel travail ; il n’envisage effectivement pas de quitter son poste (qui le passionne), tout en ayant bien conscience qu’il a une situation professionnelle précaire (plu- sieurs contrats à durée déterminée) et que les logiciels qu’il conçoit connaissent un succès croissant (ce qui suppose du temps et des moyens pour les concevoir, les maintenir, etc.). Avec beaucoup d’obstination, les deux jeunes diplômés par- viennent à apprécier le porteur, à gagner sa confiance et à faire avancer le travail.

L’un d’entre eux envisage la création d’entreprise comme une voie professionnelle à court et moyen terme (soutenu et stimulé par son environnement familial). Il ne ménage ni son temps, ni ses efforts pour aider et convaincre le porteur de la perti- nence du projet. À l’issue d’une rencontre avec une structure d’accompagnement, on leur conseille de présenter le concours MENRT. Stimulés par cette échéance, les jeunes diplômés élaborent le plan d’affaires. Le jeune diplômé « entreprenant » décide de « coacher » le porteur pour passer les entretiens de sélection devant le jury. À l’issue de ces étapes, le projet est lauréat du concours dans la catégorie Création et obtient un financement de l’ANVAR. Une convention leur est proposée avec une structure d’accompagnement.

Période 3. Une SARL est créée quelques mois après, avec comme gérant le jeune diplômé et, dans le capital, l’équipe entrepreneuriale ainsi que des ingénieurs de l’unité de recherche initiale. À l’issue de ces six mois de travail, les deux créateurs ont appris à bien se connaître ; le porteur informaticien a très volontiers laissé la conduite et la gestion de l’entreprise au jeune diplômé / créateur. Ce dernier a cerné les enjeux d’un tel projet et il demeure vigilant sur les engagements et la gestion quotidienne de l’entreprise. Le créateur informaticien continue à travailler à temps partiel dans l’unité de recherche où il garde des contacts étroits avec ce milieu pour développer d’autres logiciels. L’entreprise se fait connaître localement, elle obtient le soutien de plusieurs structures (fondations, associations, etc.) ainsi qu’un prix décerné par le MEDEF. Le jeune gérant, conseillé par sa famille, a décidé de développer, en parallèle, une « activité alimentaire » de gestion de stocks et d’appel clients, dans le but de diversifier son activité et de stabiliser l’entreprise. En effet,

(20)

l’activité des logiciels est contraignante (projets importants, processus décisionnel long, créances clients payées tardivement). Toutefois, la pénétration du secteur se fait très facilement, grâce au soutien des ingénieurs et au phénomène du bouche à oreille. L’entreprise emploie quatre salariés, dont le gérant.

PROJET D

Période 1. Boucher de formation, dans la trentaine, le porteur constate, dans sa pratique professionnelle, un réel besoin d’outillage pour la préparation des viandes (étant donné le temps passé chaque jour à émincer des viandes). Il réalise lui-même une petite enquête (auprès des restaurateurs pour évaluer le coût de cette prépara- tion et leur intérêt pour une automatisation) ; parallèlement, il vérifie l’existence d’une machine susceptible de répondre à ces besoins. Son analyse le conforte dans l’idée de concevoir un robot spécifique pour la préparation des viandes. Ces viandes prêtes à l’emploi seraient destinées au marché de la restauration hors foyer.

Période 2. Après plusieurs démarches, il contacte une structure d’accompagnement.

Devant sa détermination et les recherches menées seul, cette structure décide de l’aider et lui finance une pré-étude pour le robot. Le concept est breveté. Une convention d’accompagnement est alors établie. Parallèlement, il établit d’autres contacts ; le concept séduit diverses organisations (fondations, associations, etc.) qui décident de soutenir le porteur et de lui proposer l’aide de professionnels.

Lors de la construction du projet, le porteur est donc très encadré par des professionnels de l’agroalimentaire, qui le conseillent, voire s’investissent dans la conduite du projet, dans la réalisation des études et du plan d’affaires. Plusieurs études (techniques et commerciales) sont menées sur les caractéristiques du robot (élaboration de cahier des charges) et sur le processus de conservation et condi- tionnement des viandes. Ces personnes participent au montage d’un nouveau plan d’affaires et à la recherche de partenaires financiers et commerciaux, afin de financer les phases de développement du prototype. Le créateur est étroitement conseillé.

Le nouveau plan d’affaires fait intervenir des investisseurs privés. L’opération financière réussit et des actionnaires industriels intègrent le capital de l’entreprise.

L’ANVAR accepte de participer partiellement au financement de la machine.

Période 3. La société s’installe dans de nouveaux locaux ; les premiers tests du prototype sont réalisés. De nombreux engagements commerciaux sont pris dans des salons professionnels. Le créateur ne participe pas aux rencontres et aux séances de formation proposées par les structures d’accompagnement.

L’entreprise démarre son activité quelques mois après, avec un effectif de quatre personnes ; l’objectif premier est de mettre en rythme industriel la machine.

Malgré quelques réglages, le robot ne donne pas entière satisfaction (cadence de production insuffisante). Les structures d’accompagnement se désengagent

(21)

progressivement afin de laisser le créateur piloter son entreprise. Le créateur vit difficilement les problèmes techniques et les difficultés qui s’accumulent ; il solli- cite ces accompagnateurs, ne sachant pas comment s’y prendre pour résoudre ces différents problèmes.

2.3. Analyse

Après cette description des cas, notre objectif est de repérer des compétences mises en œuvre à chacune des trois étapes du processus de création. Nous avons utilisé la catégorisation retenue dans la conceptualisation de la compétence : d’une part, la composante individuelle à dominante personnelle, cognitive et sociale ; d’autre part, la composante collective. Le tableau 2 synthétise les compétences mobilisées et l’évaluation faite à partir de nos observations directes. Trois phases ont été distinguées.

Dans chacun des cas, la compétence « d’expérience » liée au produit ou service proposé ou à la connaissance du marché a été mobilisée. Les porteurs B et C maîtrisent parfaitement leur produit. Ils ont pris part à sa définition et à sa conception ; le porteur B connaissait bien le marché ; le porteur C (il a développé une expertise) a conçu des logiciels dont la réputation, à partir du bouche à oreille, n’est plus à faire. Il n’en est pas de même pour les cas A et D. Le créateur A propose une idée innovante, un concept très ambitieux de prestations basées sur un logiciel à concevoir. Néanmoins, dès le début, le porteur éprouve énormément de difficultés à cerner son domaine de compétence : il n’est ni informaticien, ni issu du monde de l’entreprise (aucune compétence pour monter le plan d’affaires).

Le créateur D n’a pas de compétences techniques (liées à la mise au point du robot) ni de réelle connaissance de son marché (délai, qualité). Toutefois, la mobilisation de cette dimension n’intervient pas de manière identique à chaque phase. Sa mani- festation dans la phase 1 n’est pas primordiale, mais elle le devient dès la phase 2.

La capacité à faire valider le projet et à le médiatiser est une autre caracté- ristique des trois autres projets (A, B, D). On pourrait également le souligner pour le projet C. Cependant, la validation intervient « à l’insu » du porteur C : le bouche à oreille fonctionne déjà ; ses collègues l’encouragent à créer. Les trois autres porteurs réussissent fort bien à faire valider leur projet par différents réseaux ou par le biais de concours (MENRT / ANVAR, par exemple).

À la charnière entre les phases 1 et 2, la capacité à formaliser la vision du projet est activée. L’exemple B est frappant. Le créateur est capable de l’exprimer et d’élaborer la stratégie. Il n’en est pas de même pour le porteur A ni pour le porteur D ; leur vision, certes présente, n’en demeure pas moins très floue. Une fois de plus, le cas de C est différent dans la mesure où la compétence sera présente et activée, mais par le co-créateur. Nous développerons ce point infra dans le

(22)

paragraphe consacré à la compétence collective. Les porteurs gèrent également plus ou moins bien les informations et les priorités : le créateur A n’y parvient pas tandis que les porteurs B et C (avec son coéquipier) y réussissent.

La capacité à mobiliser des réseaux est particulièrement importante dans les phases 2 et 3. Le porteur B bénéficie de ses réseaux personnels et professionnels ainsi que de l’expertise apportée par la structure d’accompagnement (travail d’approfondissement et de validation des points critiques du projet, en particulier le marché et la concurrence) avec l’aide des étudiants. Mais, dans le même temps, les porteurs sont amenés à limiter les aides et à gérer l’information. Ainsi, le porteur B affirme « vouloir rester très pragmatique, en s’investissant dans la recherche de contacts auprès de prescripteurs et de futurs clients ». Dans le cas C, le co-créateur choisit la SARL comme forme juridique, bien que poussé à opter pour la SA : il souhaite garder la maîtrise de la gouvernance. Le créateur D mani- feste peu de compétence dans le traitement de l’information dès lors que les domaines d’investigation se multiplient et que le système projet se complexifie.

Les compétences à dominante personnelle sont également mobilisées à tous les stades du projet. Ainsi, la créativité est mobilisée chez tous les porteurs. Les porteurs A et D la manifestent particulièrement : leur projet est au stade d’idée, voire de concept, lorsqu’ils le présentent aux structures d’accompagnement. Les capacités à écouter et à déléguer sont également manifestes. Ainsi, le créateur A veut tout faire lui-même. Les porteurs A et B font preuve de capacité d’expression orale de fond et de forme étonnantes : les évaluateurs, les contacts parlent de

« pouvoir de séduction ». À moindre échelle, il en est de même pour le porteur D (surtout en phase 1). Le porteur A est très convaincant à chacune de ses interven- tions. La difficulté à s’inscrire dans le long terme se révèle chez le porteur A dans son parcours professionnel et académique : de nombreuses expériences, dans des secteurs divers, peuvent être lues comme un élément de preuve de forte expérience ou, au contraire, une instabilité et une incapacité à s’inscrire dans le long terme.

Mais il nous semble que la capacité à envisager l’équipe et donc à construire une compétence collective est la plus déterminante. Ainsi, le créateur A ne parvient pas à constituer une véritable équipe répondant aux besoins du projet : sa constitu- tion s’est faite dans l’urgence, sans cohérence avec les choix technologiques (au demeurant stratégiques), définis unilatéralement par le porteur, suscitant des conflits. Quant à lui, le porteur D n’est jamais dans la dynamique de construction d’une équipe. Il est soutenu, accompagné par différents acteurs, mais aucune compétence collective n’émerge. Les cas des porteurs B et C illustrent la nécessité d’émergence de la compétence collective. Le porteur B construit son projet avec un collègue avec lequel il a déjà créé une entreprise. Ils manifestent une confiance mutuelle, un respect mutuel de leur domaine de compétences ; ils ont également

(23)

une vision commune de leur projet et de son développement. Le créateur C a accepté de construire une compétence collective. En effet, il participe peu à l’élaboration du plan d’affaires par l’étudiant futur co-créateur. Toutefois, les deux personnes apprennent progressivement à se connaître, chacune ayant bien pris la mesure du domaine de compétence de l’autre. La confiance profonde et le respect mutuel s’installent dans leurs relations ; les répartitions de rôle se font tacitement, chacun l’acceptant volontiers.

Enfin, la compétence est par définition porteuse d’une dynamique d’appren- tissage ; le processus entrepreneurial l’exige. Le cas B l’illustre très fortement. Le porteur est très ouvert, toujours curieux de découvrir et d’apprendre à connaître de nouveaux marchés, la concurrence, aussi bien auprès des étudiants que des accompagnateurs institutionnels. Chez C, l’étudiant co-créateur apprend la pro- grammation afin de pouvoir aider l’équipe pendant les périodes de sur-activité. Le porteur D ne participe à aucune des réunions de formations qui lui sont proposées.

L’examen du tableau 2 montre les compétences repérées à chacune des phases du projet (capacité à faire des efforts, à faire valider le projet, à élaborer une stratégie ou encore à écouter), leur présence ou non. Nous allons les mettre en perspective avec notre analyse des cas.

TABLEAU 2

Compétences repérées dans les cas A, B, C, D

Phase 1 Dominante Dominante Dominante

personnelle cognitive sociale

Projet A B C D A B C D A B C D

Formation initiale + + + =

Expérience managériale +

Expérience de gestion de projet =

Connaissance du milieu

et de ses besoins + + +

Capacité à développer l’expertise +

Capacité à faire des efforts + + + Capacité à s’inscrire

dans un projet de longue durée +

Créativité + +

Capacité à faire valider le projet

et à le médiatiser + + + +

Capacité à convaincre + +

(24)

TABLEAU 2

Compétences repérées dans les cas A, B, C, D

Phase 3 Dominante Dominante Dominante

personnelle cognitive sociale

Projet A B C D A B C D A B C D

Capacité à organiser

et à coordonner l’action

Capacité à écouter =

Capacité à évaluer

et à gérer le risque +

Capacités à développer et à limiter les relations

sous contraintes +

Capacité à faire face

aux engagements +

Capacité à faire preuve

d’autonomie

Capacité à gérer l’information

TABLEAU 2 TABLEAU 2 (suite)

Phase 2 Dominante Dominante Dominante

personnelle cognitive sociale

Projet A B C D A B C D A B C D

Capacité à envisager

le travail en équipe = +

Capacité à se cantonner

à son expertise +

Capacité à mobiliser

des réseaux + +

Capacité à recruter

Capacité à formaliser

la vision du projet +

Capacité à déléguer +

Capacité à élaborer

une stratégie +

Capacité à définir les priorités +

Capacité à faire valider

le projet et à le médiatiser + + +

Capacité à accepter de se retirer +

Note : Les signes –, =, + indiquent si la compétence repérée est activée « pas du tout, modérément, tout à fait ».

Références

Documents relatifs

Le Conseil départemental du Val d’Oise et INITIACTIVE 95 ont ainsi décidé de s’engager conjoin- tement pour soutenir les jeunes créateurs d’entreprises, en lançant la

Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises.

Les sociétés civiles immobilières ayant opté pour l’impôt sur les sociétés doivent télétransmettre leur déclaration de résultats (formulaire n° 2065) au plus tard dans

Le cas échéant, il convient d’indiquer si le suivi d’une action de formation à la création d’entreprise est envisagé par le salarié et, dans le cas où la future

Vous avez peut-être découvert dans votre travail une amélioration possible des produits fabriqués par votre entreprise, de ses méthodes de production ou

Dans le cas de notre projet, le lait produit ne sera pas vendu à l’état brut mais sous la forme de produits dérivés après transformation. Après chaque traite, le lait sera

Parmi ces moyens, nous avons choisi l’élaboration d’un projet de développement qui consiste à mettre en place une entreprise de production de bois d’œuvre

Cela permet de grandement faciliter l’administration des adresses IP sur le réseau car nous pouvons réserver des adresses IP via l’adresse physique des postes (MAC Address) pour