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L’ APPROCHE MACROÉCONOMIQUE DES SCANDALES FINANCIERS

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Academic year: 2021

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L’ APPROCHE MACROÉCONOMIQUE DES SCANDALES FINANCIERS

PATRICK ARTUS*

* Directeur de la recherche et des études de CDC IXIS.

technologies ; la non-viabilité de la déréglementation et privatisation complètes de certaines industries (télécoms, électricité) ; les effets per- vers du vieillissement démographique.

CACHER LA PROFITABILITÉ DÉFAILLANTE

La profitabilité des entreprises amé- ricaines ne s’est pas améliorée durant les années 1990 (cf. graphique 1) ; la progression de la productivité a été plus rapide que celle des salaires réels (cf. graphique 2) jusqu’en 1997, mais la hausse des profits de la période 1992-1997 a été suivie par une baisse équivalente en raison de la hausse de la consommation de capital fixe, c’est- à-dire de l’amortissement du capital des entreprises. Ceci pose une question importante sur le modèle de croissance aux États-Unis dans les années 1990 : il a impliqué une hausse continuelle de l’intensité capitalistique, donc de l’amortissement du capital, et la profitabilité brute n’a pas augmenté

L

es « scandales » financiers se sont multipliés depuis quelques années : manipulation des comptes des entreprises (Enron) ; fail- lites brutales qui ont spolié les épargnants (Railtrack Swissair, WorldCom) ; conseils biaisés des ana- lystes en actions ; sous-capitalisation massive des fonds de pension en prestations définies de grandes firmes (par exemple General Motors, Ford).

La chute spectaculaire, et non anti- cipée par les investisseurs, des cours boursiers de certaines entreprises (opérateurs de télécoms en particulier) peut aussi être comptée parmi les scandales.

Ces événements peuvent être analy- sés par une lecture microéconomique ou sociologique, les reliant à l’appétit du gain de certains dirigeants ou conseillers, à l’incompétence de cer- tains analystes. Mais il est peut-être possible de déterminer quelles évo- lutions macroéconomiques ont sous-tendu ces « scandales », favorisé leur apparition. Nous mentionnerons l’évolution de la profitabilité ; les dif- ficultés du secteur des nouvelles

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suffisamment pour que la profitabilité nette soit maintenue.

Cette situation, si elle se prolon-

geait, pourrait signifier l’échec écono- mique d’un modèle de croissance aussi

« gourmand » en capital.

Graphique 2

États-Unis : productivité et salaire réel des entreprises non agricoles (100 en 1990)

95 100 105 110 115 120 125 130

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

95 100 105 110 115 120 125 130 Productivité horaire

Coût réel horaire du travail (prix de la VA)

Source : DRI.

Graphique 1

États-Unis : profits après impôts et intérêts et consommation de capital fixe (entreprises non financières, en % du PIB)

2 4 6 8 10 12

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

2 4 6 8 10 Profits bruts 12

Consommation de capital fixe Profits nets

Source : DRI.

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Dans d’autres pays, comme la France où l’intensité capitalistique n’a pas beau- coup varié, la profitabilité nette stagne jusqu’à la récession (cf. graphique 3).

Cette évolution de la profitabilité ne correspond absolument pas à la per- ception des marchés pendant cette pé- riode. Avec l’apparition des nouvelles

Graphique 3

France : profits des entreprises non financières (en % du PIB)

2 4 6 8 10 12 14

02 01 00 98 99

97 96 95 94 93 92 90 91

Profits bruts (RDB + dividendes)

Profits nets (RDB + dividendes - consommation de capital fixe)

2,0 4,5 7,0 9,5 12,0 14,5

Source : Insee.

Graphique 4a

France : capitalisation boursière et profits nets (en % du PIB)

Sources : Insee, Datastream.

0 20 40 60 80 100 120

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Capitalisation boursière (G)

Profits nets (net de consommation de capital fixe, D)

2 3 4 5 6

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technologies, l’augmentation des gains de productivité et de la croissance po- tentielle aux États-Unis, les marchés financiers ont cru qu’il y aurait aussi une élévation de la profitabilité, ce qui

Graphique 4b

États-Unis : capitalisation boursière et profits nets (en % du PIB)

20 40 60 80 100 120 140 160 180

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Capitalisation boursière (G) Profits nets (net de consommation de capital fixe, D)

2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0

Sources : DRI, Flow of Funds.

n’a pas été le cas pour les raisons évo- quées plus haut. Ceci explique sans doute la hausse très forte de la valorisa- tion boursière par rapport aux profits effectifs (cf. graphiques 4a et 4b).

Graphique 5

États-Unis : bénéfices par action et profits nets

Source : DRI.

4 6 8 10 12 14 16 18

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Bénéfices par action (operating earning, G)

Profits nets après impôts après intérêts (entreprises non financières, GA en %, D)

-30 -20 -10 0 10 20 30 40

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Il est ensuite probable que beaucoup d’entreprises ont essayé de ne pas

« décevoir » les marchés, d’afficher des progressions des résultats conformes aux attentes, même si les résultats effectifs étaient beaucoup plus faibles, d’où les manipulations de comptes, les artifices comptables (charges d’exploitation transformées en inves- tissements...), les changements de périmètre.

Le graphique 5 montre que la pro- gression des résultats affichés par les sociétés cotées (résultats opérationnels) a été, jusqu’en 2000, beaucoup plus

« optimiste » que la progression des ré- sultats macroéconomiques, qui reflète sans doute la tendance de la profitabilité intrinsèque.

De 1998 à la mi-2000, l’observateur des seuls résultats déclarés par les sociétés cotées ne pouvait pas imaginer l’ampleur du recul effectif de la profitabilité.

LES DIFFICULTÉS

DU SECTEUR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

Après une croissance extrêmement rapide dans les années 1990, la demande de nouvelles technologies connaît une période de stagnation prolongée.

Le graphique 6 montre que cette stagnation affecte, aux États-Unis, surtout la consommation de télécoms et l’investissement en nouvelles tech- nologies.

Cette situation résulte d’une satura- tion assez grande des besoins : le taux d’équipement en PC et en Internet est élevé dans beaucoup de pays (entre 60 et 70 % aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Royaume- Uni, dans les pays nordiques) ; les développements technologiques dans la téléphonie (UMTS) sont reportés

Graphique 6

États-Unis : investissement et consommation en IT (volume, GA en %)

Source : DRI.

-20 -10 0 10 20 30

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Investissement IT Consommation IT

Consommation en télécommunications

-20 -10 0 10 20 30

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à une date assez éloignée (2005 et 2006).

Elle implique une rupture considé-

rable par rapport aux taux de crois- sance observés dans les années 1990 (cf. graphique 7).

Graphique 7

Production en nouvelles technologies (GA en %)

Source : DRI.

-40 0 40 80 120 160

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

États-Unis : computers et équipements Zone euro : computers

Korea : computers

-40 0 40 80 120 160

Taiwan : machines électriques et électroniques

Graphique 8

États-Unis : production et capacité industrielles en IT (GA en %)

Source : DRI.

-20 -10 0 10 20 30 40 50

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Capacité industrielle IT IPI - IT

-20 -10 0 10 20 30 40 50

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Le problème est que l’installation de capacités de production dans les nou- velles technologies, durant les années 1990, s’est faite à partir de prévisions de croissance basées sur la croissance observée, d’où les déboires récents d’un certain nombre d’entreprises.

Le graphique 8 montre que la crois- sance de la capacité installée en nouvel- les technologies est passée de plus de 40 % à moins de 10 % sur la période 1996-2000. Les perspectives de résultat ont aussi été basées sur l’extrapolation des taux de croissance très élevés de la période 1995-2000,

d’où les valorisations boursières invrai- semblables des secteurs concernés (cf. graphique 9).

Le tableau 1 montre qu’à nouveau en 2002, le marché mondial des PC et des téléphones portables devrait stagner.

Les marchés financiers et même les entreprises ayant cru à la poursuite in- définie de taux de croissance qui ne pouvaient être que transitoires, le choc (sur la valorisation, sur le besoin de capacité) a été considérable, au mo- ment où les taux de croissance sont révisés. Certaines entreprises de ces secteurs ne se sont pas contentées

Graphique 9

Indices boursiers télécom et technologie de l’information (100 en 90)

Source : DRI.

0 500 1000 1500 2000 2500

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

0 500 1000 1500 2000 US : télécom 2500

ZE : télécom ZE : IT US : IT

Tableau 1

Évolution des marchés mondiaux de technologie

1999 2000 2001 2002

Nombre de PC vendus (millions) 120,6 139,9 134,1 135,5 Nombre de téléphones mobiles 288 403 387 400-410 vendus (millions)

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d’appauvrir leurs actionnaires mais, comme dans le cas précédent, ont voulu cacher le fait que les perspectives de croissance et de profit étaient devenues très décevantes, d’où la poursuite de la croissance externe, l’excès d’endette- ment parfois caché...

Certains analystes n’ont pas, non plus, pu ou voulu avouer que les valori- sations qu’ils suggéraient antérieure- ment n’avaient plus de sens.

FAUT-IL RATIONALISER CERTAINES ACTIVITÉS ?

Dans les secteurs de l’électricité (Enron, British Energy), des transports ferroviaires (Railtrack), des télécoms (WorldCom, Mobilcom), la liste des entreprises défaillantes est impression- nante. Une caractéristique commune de ces secteurs, dans les pays où ces défaillances ont eu lieu, est d’avoir une composante de service public, un besoin en capital important, et d’avoir été privatisés et déréglementés.

Or, la théorie nous dit que s’il y a monopole naturel (une situation avec des coûts d’entrée importants, par exemple dus au besoin d’un investisse- ment massif en infrastructures), les entreprises concernées ne peuvent équilibrer leurs comptes que si elles

reçoivent des subventions publiques ou si elles peuvent percevoir une rente de monopole.

S’il n’y a pas de subventions (ce qui est le cas en général après privatisation) et si les régulateurs fixent les prix au niveau (bas) qui leur paraît sociale- ment efficace, il est clair que les entre- prises vont faire défaut.

Une réflexion apparaît donc, même dans les pays anglo-saxons, sur le retour au secteur public d’un certain nombre d’activités fortement capita- listiques : gestion des voies ferrées, des usines électriques, des infrastructures de télécoms. Si ceci avait été fait plus tôt, l’incitation à manipuler les comptes aurait disparu, et des défauts retentissants auraient été évités.

LES EFFETS PERVERS DU VIEILLISSEMENT DÉMOGRAPHIQUE

Depuis le milieu des années 1980, les grands pays de l’OCDE se trouvent dans une situation inédite : la popula- tion en âge d’épargner (les 40 à 60 ans) est très nombreuse, et sait qu’il faut qu’elle prépare sa période de retraite dans un contexte où la génération suivante est de plus petite taille (cf.

tableau 2) et où, de plus, l’espérance Tableau 2

Population (40 à 60 ans/60 ans et plus)

Ratio 40-60 ans/+ de 60 ans 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 États-Unis 160,68 165,36 149,66 128,34 107,54 94,71 91,06 Zone euro 118,52 121,58 119,50 114,28 104,51 91,43 80,07 Japon 122,95 105,00 87,94 84,87 85,58 83,60 76,92

Source : Census Bureau.

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de vie s’est beaucoup allongée (cf. gra- phique 10).

Cette population a donc été incitée à beaucoup épargner et à rechercher des rendements importants pour son épar- gne. Dans le même temps, la gestion

Graphique 10

États-Unis : espérance de vie à la naissance

Source : Census Bureau.

69 70 71 72 73 74 75 76 77

69 70 71 72 73 74 75 76 77

00 96 92 88 84 80 76 72 68 64 60

de l’épargne s’est professionnalisée et est devenue beaucoup plus concurren- tielle. Le graphique 11 montre que la détention des actions aux États-Unis est passée des ménages aux investis- seurs institutionnels.

Graphique 11

États-Unis : achats nets d’actions (Md$)

Source : DRI.

-600 -400 -200 0 200 400 600

02 01 00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90 89 88 87 86 85

Ménages

Investisseurs institutionnels

-600 -400 -200 200 400 600

0

(10)

Cette situation a eu deux conséquen- ces :

- l’apparition d’une forte demande pour les actifs financiers, faisant monter leurs prix comme cela est le cas dans toutes les périodes de démographie similaire (cf. graphique 12) ;

- avec la concurrence entre les inves- tisseurs institutionnels, il y a recherche de rendements élevés pour essayer d’accroître les parts de marché. Ceci a conduit les banques d’investisse- ment à proposer des actifs sophistiqués et risqués à ces investisseurs ; ceci a canalisé ces investisseurs vers les entreprises où les secteurs, dont ils attendaient les rendements les plus élevés, contribuent ainsi aux anomalies de valorisation.

La professionnalisation de la gestion d’actifs dans une période précédent

l’arrivée du vieillissement a certaine- ment conduit à ce que les épargnants ont détenu trop d’actifs risqués par rapport à leur désir réel, et aussi au mimétisme des investissements sur un petit nombre d’actifs financiers.

Probablement, dans le futur, on pourrait observer l’inverse de ce qui vient d’être décrit pour la période 1996- 2001 : un retour à une réglementation et une supervision très sévère des entre- prises, des analystes, des pratiques comptables ; une réaction très négative des investisseurs à la persistance de rendements financiers faibles ; le retour de l’État et des capitaux publics dans certaines activités de monopole naturel ; le passage à une situation d’excès chronique d’offre et non de demande d’actions avec le vieillisse- ment.

Graphique 12

États-Unis : population et PER

Source : DRI.

120 130 140 150 160 170 180

00 96 92 88 84 80 76 72 68 64 60

Ratio 40-60 / > 60 (G)

PER (Shiller de 1960 jusqu'à 1989, S&P après, D)

5 10 15 20 25 30

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