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Jeux de hasard et d argent en ligne : quelles spécificités en matière de réduction des risques?

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Academic year: 2022

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HAL Id: hal-03193302

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Submitted on 22 Oct 2021

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Jeux de hasard et d’argent en ligne : quelles spécificités en matière de réduction des risques ?

C. Bonnaire, S. Barrault

To cite this version:

C. Bonnaire, S. Barrault. Jeux de hasard et d’argent en ligne : quelles spécificités en matière de réduction des risques ?. Pratiques Psychologiques, Elsevier Masson, 2019, 25 (1), pp.17-35.

�10.1016/j.prps.2018.04.001�. �hal-03193302�

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Jeux de hasard et d’argent en ligne : quelles spécificités en matière de réduction des risques ?

Online gambling: which specificities for harm-minimisation tools?

Céline Bonnaire1,2, Servane Barrault3,4

1 Paris Descartes University, Laboratory of Psychopathology and Health Processes, Sorbonne Paris Cité, France, celine.bonnaire@parisdescartes.fr (Doctor)

2 Centre Pierre Nicole, CSAPA Croix-Rouge Française, 27 rue Pierre Nicole, Paris, France 3 François Rabelais de Tours University, EA2114, Laboratory of Ages of Life Psychology, Tours, France, servane.barrault@univ-tours.fr (Doctor)

4 CHRU de Tours, CSAPA-37 Port Bretagne, 26 rue Richelieu, Tours, France

Coordonnées pour correspondances : Céline Bonnaire,

Université Paris Descartes Institut de Psychologie

Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Sante EA 4057 71 Avenue Édouard Vaillant

92 100 Boulogne-Billancourt France

Tel: +33 1 76532952

celine.bonnaire@parisdescartes.fr

© 2018 published by Elsevier. This manuscript is made available under the CC BY NC user license https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/

Version of Record: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1269176318300233 Manuscript_1767327819e886f0eb335cbcd471863e

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Jeux de hasard et d’argent en ligne : quelles spécificités en matière de réduction des risques ?

Online gambling: which specificities for harm-minimisation tools?

Résumé : Initialement conçue comme une alternative aux approches basées sur l’abstinence, la réduction des risques avait pour objectif initial de réduire les conséquences sanitaires de l’usage de drogue. Appliquée à l’ensemble des conduites addictives (avec ou sans substances), elle vise aujourd’hui à réduire les problèmes individuels et sociaux générés par l’addiction sans condamner le comportement. La réduction des risques est très pauvre dans le domaine des jeux de hasard et d’argent. Néanmoins, la multiplication des jeux de hasard et d’argent et surtout la légalisation des jeux en ligne en France en 2010 réactualise la nécessité de développer ce champ encore nouveau et peu conséquent. Cependant, la légalisation des jeux de hasard et d’argent en ligne ainsi que la spécificité de ces jeux et leur fort potentiel addictogène met en exergue la nécessité de penser des outils spécifiques de jeu responsable.

L’objectif de cet article est de dresser un état des lieux du savoir existant, qu’il ait été testé empiriquement ou non, en milieu écologique ou en situation expérimentale fictive, quant aux outils permettant au joueur de rester dans un contrôle de son comportement de jeu. Une réflexion sur les futures recherches et les autres outils possibles de réduction des risques est envisagée.

Mots clé : jeux de hasard et d’argent en ligne, réduction des risques, jeu responsable, joueurs sans problème, joueurs à risque

Abstract: Initially conceived as an alternative to abstinence-based approaches, the initial goal of harm-reduction was to reduce the health consequences of drug use. Applied to all addictive

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behaviors (with or without use), it aims is to reduce the individual and social problems generated by addiction without condemning the behavior. Harm-minimisation remained very poor in the gambling field. However, the multiplication of gambling and especially the legalization of online gambling in France and their specific characteristics, is update the need to develop this field, which is still a new and relatively uncommon part of harm-reduction.

The aim of this article is to draw up an inventory of existing knowledge, whether it has been tested empirically or not, in an ecological environment or in a laboratory situation, as regards tools allowing the player to remain in control of his gambling behavior.A reflection on future research and other possible tools is envisaged.

Key words: gambling, harm-minimisation, responsible gambling, non-problem gamblers, problem gamblers

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3 1. Introduction

Les jeux de hasard et d’argent sont des pratiques sociales et culturelles inscrites dans une histoire très ancienne des loisirs (Adès et al., 2008). Aujourd’hui, ils tiennent une place importante dans la vie quotidienne, le temps libre ou festif. Pour le plus grand nombre de personnes, ils constituent une activité ludique et récréative. Pour d’autres, la pratique devient préjudiciable, prenant le pas sur les contraintes du quotidien et devenant le centre de l’existence pour le sujet. Ainsi, et comme le soulignait Caillois (1956), la « cloison rigoureuse

» séparant l’univers des jeux de la réalité quotidienne perd de son étanchéité (« perd sa netteté nécessaire », p.102), et « ce qui était plaisir devient idée fixe ; ce qui était évasion devient obligation ; ce qui était divertissement devient passion, obsession, et source d’angoisse » (p.103). Le jeu peut ainsi et pour certains atteindre la dimension d’une conduite addictive (Adès et al., 2008). La “passion du jeu”, longtemps condamnée moralement (Belmas, 2006) tel un péché (XVIIe siècle), un vice (XVIIIe siècle) ou encore une activité transgressive (Brody, 2015), est actuellement considérée comme un trouble mental et plus spécifiquement comme une addiction comportementale (APA, 2013). Le jeu pathologique se définit alors comme un comportement persistant et répété de jeu d’argent qui entraine des conséquences personnelles, sociales, familiales, et professionnelles négatives (Adès et Lejoyeux, 2001).

Au-delà de la difficulté à établir la limite entre le normal et le pathologique quant à la pratique des jeux de hasard et d’argent (JHA), il demeure essentiel de penser à ce qui permet, au sein même de l’activité, de rester dans un usage qui n’est pas dommageable pour l’individu et qui resterait alors une « passion ordinaire » (Bromberger, 1998). L’avènement d’Internet et la modification des usages qu’il a induit oblige à repenser certains repères mais aussi les outils permettant au joueur de ne pas franchir la limite. En effet, Depuis trois cents ans, les jeux de hasard et d’argent (JHA) n’ont cessé de se développer sous différentes formes dans les

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sociétés occidentales. Leur évolution a suivi celle des technologies de l’information et de la communication. Ainsi, et pendant longtemps, les jeux de hasard et d’argent JHA se pratiquaient dans des lieux de jeux bien identifiés : les casinos, les points de vente de la Française des Jeux (FDJ), les points course du PMU, les hippodromes et, dans certaines villes, les cercles de jeux. Depuis la loi « relative à l'ouverture maîtrisée à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne » du 12 mai 2010, marquant la création de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux En Ligne), les français peuvent dorénavant s’adonner légalement à des aux JHA en ligne (du moins aux paris hippiques, aux paris sportifs et au poker). Ce qui était accessible à l’extérieur, dans un espace et un temps délimité par des contraintes extérieures, l’est désormais à domicile sans limites autres que celle que l’individu est capable de se donner à lui-même.

De nombreuses questions émanent de cette modification majeure dans la pratique des JHA.

Plus spécifiquement, quid des effets de ces transformations de nos pratiques en lien avec les avancées dans le domaine des « nouvelles » technologies de l’information et de la communication ? Comme nous l’avons évoqué, Internet vient modifier la nature de certaines activités. Désormais, Les JHA peuvent se pratiquer au domicile et deviennent donc sont devenus une activité potentiellement domestique (Bonnaire, 2012), sans parler du fait de pouvoir jouer accessible n’importe où et n’importe quand, du moment que l’on a accès à Internet.

Dans son ouvrage « Les jeux et les hommes », Caillois (1958) déterminaient les caractéristiques clés du jeu. Ainsi, le JHA est considéré comme une activité libre (« à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussitôt son caractère de divertissement attirant et joyeux »), séparée (« circonscrite dans des limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance »), incertaine (c’est le hasard qui détermine l’issue du jeu), improductive

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(« ne produisant ni biens ni œuvres » malgré l’existence des enjeux, des paris, et des pronostics), réglée car elle comprend des règles précises, arbitraires, irrécusables (dans les jeux fictifs, non réglés, le « comme si » tient lieu de règle, ce qui n’est pas le cas ici), et fictive (c'est-à-dire accompagnée d’une conscience spécifique de réalité seconde). Le caractère

« séparé » de l’activité est importante. Cela implique une scène séparée, matériellement ou symboliquement, du reste des activités de l’existence. Le joueur anticipe alors le fait de jouer : il détermine un lieu et une durée qu’il se fixe au préalable. C’est cette séparation qui va permettre à l’individu « à la fois des éprouvés extrêmes, qui dans la « vraie vie » seraient inaccessibles ou dangereux, et des expériences multipliées, enrichissantes pour l’esprit ou le caractère ». De l’anticipation nait le désir et donc l’excitation, les sensations fortes. Caillois avait également posé les bases de la frontière entre le normal et le pathologique : jeu comme activité ludique et le jeu comme passion destructrice. Il parlait de dérive passionnelle quand la

« cloison rigoureuse » séparant l’univers des jeux de la « réalité quotidienne » perdait de son étanchéité, quand « ce qui était plaisir devient idée fixe, ce qui était évasion devient obligation, ce qui était divertissement devient passion, obsession, source d’angoisse ». Un des éléments clés de l’addiction est bien le caractère envahissante de l’activité : elle prend le pas sur les contraintes du quotidien et devient le centre de l’existence pour le sujet. Alors que penser de la définition de Caillois, du moins du caractère « séparé », lorsque les jeux, accessibles désormais de son ordinateur personnel (ou de son smartphone), sont accessibles à tout instant et deviennent une activité potentiellement quotidienne ? En effet, lLes modifications induites par les technologies de l’information et de la communication posent de nombreuses questions : quelles sont les conséquences, quels sont les risques ? L’accès aux JHA sur Internet va-t-il augmenter le nombre de personnes ayant des problèmes avec les jeux ? Ces jeux sur Internet ont-ils un potentiel addictif plus fort que les JHA que l’on trouve dans les lieux de jeu ? Quel est le profil des joueurs pathologiques en ligne ? La typologie des

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joueurs pathologiques doit-elle être modifiée ou tenir compte d’une spécificité des jeux en ligne ? Les réponses à toutes ces questions sont essentielles tant pour la prévention, la réduction des risques que pour la prise en charge des joueurs de JHA en ligne. En effet, plusieurs études montrent que la prévalence du jeu pathologique est plus élevée chez les joueurs en ligne comparés aux joueurs hors ligne (Olason et al., 2011; McCormack et al., 2013; Gainsbury et al., 2013) et que les joueurs en ligne sont trois à quatre fois plus à même d’avoir des problèmes de jeu comparés aux joueurs hors ligne (Wood & Williams, 2011). Il semble donc nécessaire de prévenir un usage problématique des JHA en ligne en fournissant aux joueurs des outils lui permettant de rester dans un usage sans dommages. Penser la prévention et la réduction des risques des JHA disponibles en ligne nécessite de connaître la spécificité des jeux en ligne par rapport aux jeux hors ligne. Aussi, l’objectif de cet article est d’une part de rappeler les principales caractéristiques des JHA en ligne mais surtout de réaliser une revue de la littérature des données empiriques existantes sur l’efficacité des outils de réduction des risques disponibles et spécifiques aux JHA en ligne présenter l’état actuel des connaissances en matière de réduction des risques des JHA en ligne.

2. Spécificités des JHA en ligne

Les JHA en ligne possèdent certaines caractéristiques qui les rendent à la fois attractifs mais aussi potentiellement dangereux et plus « dangereux » voir « addictogènes » que les JHA hors ligne (pour plus de détails, voir Griffiths, Parke, 2002 ; Griffiths, 2003 ; Griffiths, Parke, Wood, & Parke, 2006 ; Bonnaire, 2012). Parmi ces dernières, certaines sont particulièrement liées au risque de développer un usage pathologique. Tout d’abord, l’anonymat - L’anonymat qui permet de s’engager de façon privée dans le jeu. Cette caractéristique permet notamment au joueur à certains joueurs d’éviter la peur liée à la stigmatisation. En effet, dans

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l’environnement de jeu, les joueurs se regardent, s’observent, se jalousent, s’envient, etc.

Ainsi, celui qui gagne sera envié et jalousé de tous, celui qui perd raillé par chacun. Voir Observer ou projeter ce type d’émotion ou de sentiment dans le regard des autres peut constituer un frein pour le certains joueurs. Par ailleurs, il n’est pas toujours facile voir admis de s’installer à une table de poker lorsque l’on est un novice. Sur Internet, novice ou expert, petit joueur ou flambeur, gagnant ou perdant, riche ou pauvre…personne ne sait qui vous êtes et il est facile de prétendre être qui bon vous semble. Derrière son écran, le joueur peut prétendre être ce qu’il désire : un expert ou un novice, un homme ou une femme, etc. Cette possibilité est renforcée par le fait d’adopter un pseudonyme, voire un avatar. Cette caractéristique rappelle la notion de Mimicry décrite par Caillois (1956) où « le sujet joue à croire, à se faire croire ou à faire croire aux autres qu’il est un autre que lui-même. Il oublie, déguise, dépouille passagèrement sa personnalité pour en feindre une autre » (p. 61). Cette liberté de choix quant à l’identité du joueur constitue parfois une stratégie pour ce dernier et peut le conduire à surestimer ses chances de gain (Wood, Griffiths, Parke, 2007).

- Le côté « abordable » permet au tout un chacun d’y avoir accès. En effet, Internet est de moins en moins coûteux et est partie intégrante de nos vies professionnelles, éducatives et sociales. La barrière économique de l’accès au jeu est ainsi écartée. L’entrée dans une salle de poker peut être payante, sans compter le minimum d’argent requis parfois pour s’installer à une table, alors que sur Internet, le joueur peut s’engager dans des parties à très faibles enjeux, parfois quelques centimes, créant le risque d’augmentation des mises.

- La commodité fait référence au fait qu’il s’agisse d’un environnement familier et confortable. En effet, lorsque l’on est dans le confort de son domicile, où l’on se sent à la fois à l’aise et protégé, le sentiment de risque est réduit. Cela autorise généralement à des

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comportements plus dangereux que dans un environnement « étranger ». Le risque ici est que le joueur mise beaucoup plus d’argent qu’il ne ferait dans un autre lieu.

De plus, l’accessibilité est par définition illimitée avec Internet. Or, à un niveau sociétal, cette caractéristique est liée à une augmentation des problèmes liés à l’activité en question. Plus une activité est accessible et plus le nombre d’individu s’adonnant à cette activité augmente.

Par conséquent, le nombre d’individus ayant des problèmes avec cette activité augmente également. Par ailleurs, un certain nombre de JHA ne se pratiquent que dans un nombre relativement réduit de lieux (par exemple, les casinos), pas forcément facile limitant ainsi l’accès, ce qui réduisant donc les opportunités de jeu. Cette barrière est complètement entièrement écartée avec les jeux en ligne.

- L’évasion renvoie au fait de ne plus penser et de ressentir des éprouvés différents de ceux du quotidien. Or, toute expérience susceptible de modifier l’humeur a le potentiel de fournir une échappatoire mentale ou émotionnelle qui peut alors renforcer le comportement et mener potentiellement à l’addiction. La modification de l’humeur est considérée par certains auteurs comme une des caractéristiques essentielles de l’addiction (Griffiths, 1996).

L’immersion et la dissociation font référence à l’idée qu’Internet peut amener l’individu à être entièrement capté par l’écran et oublier le reste de son existence. Ainsi, et par exemple, il est facile de perdre de la notion de temps lorsque l’on est devant l’ordinateur ou encore d’avoir l’impression d’être quelqu’un d’autre, etc. Cela facilite le sentiment d’évasion qui par conséquent amène l’individu à jouer plus longtemps qu’il ne l’aurait souhaité initialement.

- La désinhibition renvoie au lâcher prise qui se fait plus facilement derrière son écran.

Protégé du regard des autres, le joueur a moins de retenue et peut là encore se mettre à parier plus d’argent qu’il ne l’avait prévu initialement.

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Par ailleurs, la fréquence des évènements (définie comme le nombre d’opportunités de jouer dans une période de temps donnée) est augmentée avec Internet puisque le joueur peut par exemple s’adonner à plusieurs tables de poker en même temps. Cette caractéristique est un facteur majeur contribuant au développement des problèmes de jeu (Griffiths & Wood, 2000).

La fréquence des évènements est le nombre d’opportunités de jouer dans une période de temps donnée. Cette caractéristique dernière permet de distinguer les jeux dits continus, dans lesquels la fréquence de l’évènement est élevée (ex : la machine à sous) (Dickerson &

O'Connor, 2006) des jeux à cycles de paris lents dans lesquels la fréquence de l’évènement est basse (ex : le loto). Cette caractéristique est également associée au délai qui sépare la mise du résultat : délai très court dans les jeux continus vs. délai plutôt grand plus important dans les jeux à cycles de paris lents. Il est largement établi que les jeux continus ont un pouvoir addictogène très fort (Dickerson & O'Connor, 2006). En effet, les addictions sont essentiellement liées à la récompense et la rapidité de celle-ci (Griffiths, 2003). Ainsi, plus le potentiel de récompense est important, plus l’activité peut être addictive. Cet élément a d’ailleurs conduit C’est la raison pour laquelle la FDJ (Française des Jeux) à retirer a retiré le Rapido, jeu dont le tirage se faisait toutes les deux minutes et demi, et qui a conduit car de nombreux individus à ont développé une réelle addiction à ce jeu (Bonnaire, Lejoyeux, &

Dardennes, 2004 ; Valleur, 2010). L’Amigo remplace aujourd’hui le Rapido avec un tirage toutes les cinq minutes. La fréquence des évènements restant élevée, on peut penser que ce jeu demeure potentiellement Ce jeu reste un jeu potentiellement à risque pour les joueurs.

- L’interactivité est une des caractéristiques typique d’Internet et c’est bien toute la différence entre la télévision et les jeux vidéo. L’interactivité augmente l’implication personnelle du sujet. Or, l’implication personnelle peut augmenter l’illusion de contrôle (penser pouvoir

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influencer le résultat du jeu) qui représente une des cognitions erronées majeure chez les joueurs pathologiques.

- La simulation est le fait de faire un pari mais sans argent réel simplement pour voir comment le jeu fonctionne mais aussi pour s’entraîner à la procédure de jeu ! Et le problème réside bien dans cette idée que l’on peut s’entrainer à un JHA. Une confusion majeure existe ici entre un jeu d’adresse dans lequel l’entraînement joue un rôle important pour améliorer les compétences individuelles et un jeu de hasard dans lequel la compétence est très peu présente.

Et elle l’est d’autant moins que la part du hasard augmente. Le risque de ce type de site avec cette logique sous-jacente, est construire l'auto-efficacité (en se disant, « je suis un bon joueur ») et donc d’augmenter les perceptions de contrôle sur l'issue du jeu. La motivation à joueur sur des sites où l'on mise de l'argent sera d’autant plus grande. Force est de constater que les chances de gains sont augmentées sur les sites d'entraînement (Griffiths & Parke, 2004). Mais lorsque le joueur commence à jouer avec du "vrai" argent, les chances de gagner sont considérablement diminuées. En effet, le taux de retour aux joueurs est bien plus important sur ces sites d’entraînement que sur les sites de jeux « réels ».

Il est également important de remarquer que ces sites sont accessibles aux mineurs et peuvent ainsi les attirer vers des « vrais » sites de jeux qui pourtant leurs sont interdits.

- L’asociabilité : Internet réduit la nature fondamentalement sociale du jeu. Plus le jeu devient

« technologique », plus les problèmes liés au jeu vont augmenter, du fait de sa nature asociale.

D’ailleurs, les joueurs pathologiques ont tendance à préférer jouer seul. D’autre part, il n’est pas étonnant de constater que comparés aux joueurs hors ligne, les joueurs en ligne présentent plus des éléments de personnalité de type évitant (Barrault & Varescon, 2012). Il est plus rassurant et attractif pour des personnes anxieuses d’éviter le contact en face à face et de préférer et donc choisir les relations sociales médiatisées par un écran.

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Par ailleurs, il est plutôt rare de manipuler de la « vraie » monnaie lorsque l’on s’adonne à un JHA. L’argent est en général simulé : les jetons au poker, les « fausses pièces » aux machines à sous, etc. Cependant, l’argent est toujours figuré, même s’il n’est pas réel. Le joueur garde donc « en main » ce représentant de l’argent et sa valeur financière. Sur Internet, l’argent est virtuel, dématérialisé, il n’est pas « visible ». Il se situe ailleurs, dans un espace différent du celui du joueur et du jeu. L'argent électronique/virtuel. Or, la valeur psychologique de l'argent virtuel électronique est moins importante que celle de l’argent "réel". Cela fait référence à ce que l’on appelle la "suspension du jugement" c’est-à-dire une caractéristique structurelle qui perturbe momentanément le système de valeur financière du joueur. Nous avons tous fait l’expérience de la différence entre payer un vêtement un paiement effectué avec de la

« vraie » monnaie sonnante et trébuchante et avec notre carte bancaire. Le premier paiement vous fait réfléchir sur le montant de ce que vous êtes l’on est en train d’acheter et sur la perte que cela représente occasionne alors que le second se fait généralement sans beaucoup de grande réflexion. Le fait de ne pas savoir ce que l’on dépense et de ne pas se représenter les pertes peut stimuler potentiellement le jeu et générer des pertes plus importantes.

- Les stratégies marketing et promotionnelles. Enfin, la publicité et les stratégies marketing du jeu sont très présentes et ont tendance à normaliser les JHA, notamment dans le domaine des paris sportifs (Deans, Thomas, Derevensky, & Daube, 2017). Sur Internet, les incitations de jeux sont très nombreuses et le profilage des joueurs permet également de cibler au mieux les bonus ou les offres promotionnelles attractives.

L’ensemble de ces caractéristiques, propres aux JHA en ligne, contribuent à leur popularité mais également à leur potentielle dangerosité. Ainsi, de nombreuses études internationales montrent que les joueurs en ligne sont plus à même de développer des problèmes de jeu comparés aux joueurs hors ligne (Wood & Williams, 2010 ; Griffiths, Wardle, Orford,

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Sproston, & Erens, 2011 ; Gainsbury, Russell, Hing, Wood, Lubman, & Blaszczynski, 2015).

Les JHA en ligne méritent donc une attention spécifique et constituent une cible importante pour la réduction des risques.

3. JHA en ligne : stratégies de réduction des risques

Le modèle de réduction des risques dans le domaine des addictions est né en Europe dans les années 80. Ce modèle est apparu comme une alternative aux approches basées sur l’abstinence et avait pour objectif de réduire les conséquences sanitaires de l’usage de drogue (Van Wormer, 1999). Il s’agit d’un modèle intermédiaire entre le modèle moral (l’addiction est moralement réprouvée) et le modèle médical (l’addiction est une maladie). Son objectif est de réduire les problèmes individuels et sociaux générés par l’addiction sans condamner le comportement (Marlatt, 1996). Il existe de nombreuses définitions de la réduction des risques et les débats continuent quant à l'utilisation la plus appropriée de ce terme (Gainsbury &

Blaszczynski, 2012). La réduction des risques fait référence à la réduction des dommages sanitaires et sociaux associés à la pratique des JHA. Elle est donc à penser tout à la fois en termes d’outils proposés par les opérateurs de jeu et de stratégies mise en place par le joueur.

AinsiCeci étant, les stratégies de réduction des risques ont pour objectif de réduire les risques (sanitaires et sociaux) associés à la pratique des jeux de hasard et d’argent et de faciliter son usage dans des limites appropriées, sans perturber ceux qui jouent de façon non problématique (Productivity Commission, 2010). Il s’agit donc de trouver un équilibre entre la réduction des conséquences négatives associées au jeu pathologique tout en veillant à ce que les joueurs sans problèmes soient affectés de façon minime (Gainsbury & Blaszczynski, 2012). Au regard des spécificités et des potentiels dangers associés aux JHA en ligne, il est important de connaître les stratégies que le joueur peut utiliser ou mettre en place afin de se

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protéger efficacement contre des éventuelles conséquences négatives associées au jeu, qu’il s’agisse donc d’outils de jeu responsable proposés par les opérateurs de jeu ou de stratégies que le joueur peut mettre en place lui-même. Plusieurs de ces outils ont été testées empiriquement et ont prouvé leur efficacité. Certains en condition écologique (c’est-à-dire en situation réelle de JHA en ligne) jeu, d’autres en condition de laboratoire (c’est-à-dire en situation « fictive » de jeu dans le sens d’une expérimentation proposée au joueur) (c’est-à- dire en laboratoire). La recherche dans le domaine de la réduction des risques est récente et encore peu abondante. L’évaluation de l’efficacité des outils de jeu responsable est donc encore naissante et doit encore être développée. Pour autant, chaque stratégie a ses bénéfices sans pour autant être considérée comme fonctionnant de façon unanime et garantissant le danger zéro. En effet, certains outils fournissent parfois des résultats contradictoires (par exemple les interruptions de jeu). Néanmoins, tous ces outils doivent être considérés avec attention car ils permettent de continuer à penser de nouvelles stratégies nécessaires au jeu responsable et à la réduction des risques.

3.1. Interruptions imposées durant le jeu

En s’appuyant sur la théorie d’Anderson et Brown (1984), 1986, Jacobs (1986) a montréait que les joueurs sont étaient souvent dans un état de dissociation lorsqu’ils jouent (cf. ne plus penser à rien sauf au jeu). Anderson et Brown (1984) ont émis l'hypothèse que l’état d’excitation produit par l’expérience de jeu réduit la capacité d’attention du joueur et facilite une récompense secondaire liée à la fuite de stimuli psychologiquement pénible et plus largement de situations de vie douloureuses. Jacobs (1986) a étendu ce concept à sa théorie générale des addictions. Il a alors suggéré que ceux qui étaient vulnérables à l’addiction étaient soit dans un état d’hypo-excitation, soit dans un état d’hyper-excitation. L'engagement

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dans une conduite addictive est alors considéré comme un moyen de maintenir un équilibre homéostatique de l'excitation par le biais d'expériences dissociatives. Cet état, sciemment recherché par les joueurs n’est pas sans faire écho au caractère séparé de l’activité de jeu dont parlait Caillois (1956), permettant aux joueurs de ressentir des éprouvés inaccessibles dans leur quotidien mais aussi de « fuir leurs soucis…s’écarter de la vie courante » (p.37). Cet état les conduit amène le joueur à perdre le contrôle du temps et de l’argent dépensés dans le jeu, ce qui a conduit à D’où l’idée dintroduire des ruptures de jeu comme outil de jeu responsable.

Néanmoins, il semblerait que ces interruptions génèrent des états négatifs chez le joueur (du fait des effets du conditionnement et donc de mécanismes cérébraux) ou un état d’envie irrépressible de jouer (cf. craving), le conduisant alors à vouloir achever son comportement (Blaszczynski, Cowley, Antony, & Hinsley, 2016). Plus la pause imposée serait longue (8 minutes dans l’étude de Blaszczynski et al. (2016) menée auprès de 141 étudiants) et plus cette envie irrépressible serait importante. Cette étude menée en laboratoire auprès de 141 sujets a ainsi alerté quant aux effets contre-productifs et involontaires voir même pervers des ruptures de jeu imposées aux joueurs. Pour que cette mesure soit efficace, il faudrait y adjoindre des messages de jeu responsable ou des outils d’autoévaluation (que nous aborderons plus loin). Par ailleurs, la question de la durée de cette interruption imposée reste à étudier. En effet, Harris et Griffiths (2017) mettent en avant le fait qu’une interruption plus longue est nécessaire pour que l’envie irrépressible se dissipe et que les effets positifs de cette interruption se fassent ressentir. D’autres études sont essentielles pour déterminer la durée de ce temps d’interruption. De plus, et au-delà du fait qu’une seule étude ne suffise à conclure quoi que ce soit, il est difficile de déterminer la validité écologique de ce résultat étant donné les différences de réponses entre des joueurs en laboratoire et ceux en situation réelle de jeu (Gainsbury, Russel, & Blaszczynski, 2014). Pour terminer, les sujets de cette étude étaient des

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étudiants. Ainsi, il serait également important de tester cet outil chez des joueurs pathologiques.

3.3.2. Les stratégies de pré-engagement

Les stratégies qui permettent au joueur de poser des limites de temps ou de fréquence de jeu et de dépenses maximales avant de commencer à jouer sont appelées stratégies de pré- engagement (Simon, Blaser, Müller, & Waelchli, 2013). L'idée d’établir des limites repose sur les principes selon lesquels les décisions concernant le temps et les montants devraient (a) être prises dans un état émotionnellement « neutre », et (b) être respectées pour le reste de la session de jeu (Ladouceur, Blaszczynski, & Lalande, 2012). En effet, fixer des limites avant de jouer ou tôt dans l’expérience de jeu est plus efficace car les joueurs qui le font tardivement dans le jeu sont plus à même de les dépasser (McDonnell-Phillips, 2006). Cet outil de jeu responsable permet de prévenir les dépenses excessives chez les individus enclins à la perte de contrôle mais aussi chez ceux qui veulent l’utiliser de manière préventive au sens plus large. L’idée est de promouvoir des décisions rationnelles en termes de dépenses avant de jouer et en s’imposant de telles limites, de s’assurer de l’adhésion à de telles décisions quand le joueur est haut émotionnellement après des pertes mais aussi après des gains (McDonnell- Phillips, 2006). D’ailleurs, dans les cas de rémission spontanée de jeu, la première technique adoptée par les joueurs est l’utilisation de limites auto-imposées en termes de temps et de dépenses (Blaszczynski & Nower, 2010).

Broda, Laplante, Nelson, LaBrie, Bosworth, & Shaffer (2008) ont examiné les effets de ces stratégies sur le comportement de joueurs de paris sportifs (n = 47 000 joueurs inscrits sur Bwin). Dans leur étude, les joueurs qui dépassent les limites pré-imposées sont ceux qui

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jouent de façon très intensive intense. Chez ces derniers, le montant des enjeux augmente progressivement une fois les limites dépassées. Les résultats de cette recherche montrent que ces limites, accompagnées d’un rappel une fois qu’elles sont atteintes, sont suffisantes pour décourager la grande majorité des joueurs à dépasser leurs limites. Ceux qui les dépassent sont les joueurs les plus hautement impliqués dans le jeu et donc ceux qui ont le plus besoin d’aide. Ainsi, cet outil est plus à concevoir comme un outil de prévention que comme un outil interventionnel chez ceux qui ont des problèmes de jeu. D’autres études de laboratoire ont confirmé l’efficacité de cet outil de jeu responsable sur la diminution du temps de jeu (Wohl, Gainsbury, Stewart, & Sztainert, 2013 ; Kim, Wohl, Stewart, Sztainert, & Gainsbury, 2014).

En milieu écologique, plusieurs études ont testé l’efficacité de cet outil. Les joueurs qui se mettent des limites en termes de dépenses réduisent leur temps global de jeu mais pas le montant total des paris par mise (Nelson, LaPlante, Peller, Schumann, LaBrie, & Shaffer, 2008). Chez les joueurs hautement impliqués dans différents types de jeu (Auer & Griffiths, 2013a,b), fixer un temps de jeu quotidien et une durée limite de session jeu a un effet significatif sur les pertes et sur le temps global de jeu pour tous les types de jeu. Néanmoins, pour le poker en ligne, une limite de temps semble plus efficace qu’une limite en termes de mises. Pour les autres types de jeu, les limites de mises sont plus efficaces que les limites de temps (Auer & Griffiths, 2013b).

Ces stratégies de pré-engagement sont efficaces si le joueur est suffisamment motivé pour contrôler son comportement de jeu. De plus, sur Internet, le joueur peut passer rapidement d’un site de jeu à un autre. Enfin, ces stratégies ne sont pas nécessairement disponibles sur tous les sites et le joueur ne les active pas nécessairement non plus sur tous les sites sur lesquels il joue.

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17 3.2.3. L’envoi de message

3.2.3.1. Message statique vs message dynamique

Un message statique est un message de jeu responsable qui est accessible quelque part dans le menu d’un site de jeu. Un message dynamique est une fenêtre qui apparaît sur l’écran (on les appelle des ‘pop-ups’) et qui délivre un message de jeu responsable, ce qui interrompt momentanément l’activité de jeu (Monaghan & Blaszczynski, 2007). Il a été montré que lorsqu’une information secondaire est délivrée et qu’elle vient interrompre une tâche primaire, cela réoriente et recentre l’attention, produisant ainsi un impact positif sur la performance de la tâche primaire. De plus, cet effet dure plus longtemps que la durée de présentation de l’information secondaire en elle-même, indiquant un impact prolongé sur la performance cognitive (Bailey, Konstan, J& Carlis, 2001). Un message statique nécessite une division de l’attention entre la tâche primaire de jeu et le traitement de l’information secondaire qui se trouve dans un endroit différent. La conséquence est que soit le message n’est pas saillant et donc non lu, soit il l’est mais l’information est moins à même d’être traitée et retenue car cela nécessite plus de ressources attentionnelles (Broadbent, 1958). Dans de nombreuses disciplines, il a été montré que les messages sous forme de pop-up ont un impact plus important que les messages statiques quant à la modification des pensées et des comportements, contribuant ainsi à une meilleure performance (Betrancourt & Bisseret, 1999). Dans le domaine du jeu, l’étude de Monaghan et Blaszczynski (2007) menée auprès de 92 étudiants a montré que le contenu des messages dynamiques est significativement mieux rappelé que celui des messages statiques. Par conséquent, pour maximiser l’efficacité des messages de jeu responsable, ces derniers doivent être délivrés de façon dynamique. Pour autant, cette étude n’a pas testé l’impact de ce type de message sur le comportement de jeu.

3.2.3.2. Contenu des messages d’information

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La question qui se pose est de savoir quel type d’information ou quel message délivrer aux joueurs. De plus, il ne s’agit pas d’évaluer uniquement si l’information a été traitée et retenue mais surtout de voir si elle modifie les pensées et les comportements (Harris & Griffiths, 2017). Il existe peu d’études sur l’impact des messages d’information sur le comportement des joueurs. Fournir de l’information sur la nature, les probabilités et les risque associés au jeu semble avoir peu d’impact sur le comportement de jeu (Hing, 2004), bien qu’il existe des études ayant montré que des messages d’informations avaient un impact sur les cognitions et le comportement (Ladouceur & Sevigny, 2003 ; Steenberg, Wheelan, Meyers, May, & Floyd, 2004 ; Benhsain, Taillefer, & Ladouceur, 2004 ; Cloutier, Ladouceur, & Sevigny, 2006).

Floyd, Whelan, & Meyers (2006) ont évalué l’impact de message d’avertissement sur les cognitions et l’expérience de jeu (n = 120 étudiants de premier cycle). Les joueurs ayant bénéficié de ces messages rapportaient moins de cognitions erronées et avaient plus d’argent à la fin de la session de jeu, ce qui suggère une influence positive de ces derniers sur le comportement de jeu. Cependant, il est difficile de comprendre les mécanismes de changement car on ne sait pas si ces effets sur les cognitions et le comportement étaient dus au message ou à l’interruption de jeu (pas de groupe contrôle avec une interruption sans messages dans cette étude). De plus, la fréquence des messages était beaucoup trop élevée ce qui semble peu transposable en situation écologique réelle. Malgré des résultats encourageants, il existe trop peu d’études permettant d’affirmer l’impact de ces messages sur les cognitions et le comportement de jeu. Par ailleurs, le contenu du message devrait promouvoir un jeu responsable. Ainsi, la façon dont l’information est présentée, et donc perçue, est essentielle pour influencer le comportement (Harris & Griffiths, 2017).

3.2.3.3. Message encourageant l’auto-évaluation

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Plutôt que donner des probabilités au joueur, certains auteurs ont suggéré qu’il serait plus efficace d’envoyer des messages qui encouragent le joueur à évaluer son propre temps de jeu ainsi que l’argent dépensé à l’intérieur d’une session de jeu (Monaghan & Blaszczynski, 2010a). Ce type d’outil encourage le joueur à prendre des décisions plus informées et en adéquation avec son comportement de jeu. L’idée ici est de favoriser l’autonomie, considérée comme un besoin fondamental du bien-être et du fonctionnement psychologique (Blaszczynski, Parke, Harris, Parkes, & Rigbye, 2014 ; Parke, Harris, Parke, Rigbye, &

Blaszczynski, 2014), ce qui génère généralement moins d’attitudes défensives (Pavey &

Sparks, 2010). Il existe peu d’études ayant testé l’efficacité d’un tel outil. Monaghan et Blaszczynski (2010b) ont montré que cet outil avait une influence significative sur les pensées et le comportement. De plus, les participants de leur étude (n = 1127 joueurs réguliers) ont également rapporté que ces messages les rendaient plus conscients du temps passé à jouer.

Néanmoins, il est difficile de savoir comment ces messages influencent réellement le comportement tant il existe de contradictions entre les pensées, les intentions et le comportement réel des individus. Une étude récente a évalué de façon expérimentale l’impact de message d’auto-évaluation (« Jouez responsable…Arrêtez-vous et réfléchissez, avez-vous le contrôle de votre prise de risque ? ») sur le comportement de jeu de 30 participants (Harris

& Parke, 2016). Cette étude évaluait également l’interaction entre le résultat du jeu (gain/perte) et l’impact de l’outil de réduction des risques sur le comportement de jeu. Les résultats montrent un effet d’interaction entre l’efficacité du message et le résultat du jeu.

Dans la condition « perte », le message a diminué de façon significative la vitesse de jeu (cf.

nombre de paris par minute), ce qui n’était pas le cas dans la condition « gain » (le montant des paris continuait à augmenter après l’exposition au message). Au-delà du caractère non écologique de cette étude (les paris n’étaient pas réalisés avec de l’argent réel), il est difficile

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de savoir ce qui a eu un impact : la part informative du message, l’auto-évaluation ou les deux.

3.2.3.4. Message sur le temps passé et l’argent dépensée

Etre dans une conduite addictive signifie perdre la notion du temps et de l’espace à travers un processus de dissociation (Jacob, 1988). Ce mécanisme de dissociation est perçu comme l’un des mécanismes pouvant expliquer pourquoi de nombreux joueurs, notamment les joueurs pathologiques, dépassent les limites de temps et d’argent préalablement établies. Ainsi, et comme les messages d’auto-évaluation, il a été avancé que des pop-up rappelant le temps et l’argent dépensés pouvaient « combattre » ces états dissociatifs et l’échec à respecter les limites préétablies.

Limites de temps

Parmi les stratégies de jeu responsable, le fait d’imposer une limite de temps est celle qui a été le plus étudiée (après l’auto-exclusion que nous aborderons plus loin). Ainsi, ceux qui s’imposent une limite de temps jouent significativement moins et jouent souvent moins de temps que la limite qu’ils se sont imposée (Kim et al., 2014 ; Wood & Griffiths, 2014). Par ailleurs, une étude menée en milieu écologique sur un grand nombre de joueurs s’adonnant aux machines à sous en ligne (n = 200 000) a testé l’impact d’un message indiquant au joueur le nombre de jeux effectués sur une machine à sous en ligne (Auer, Malischnig, & Griffiths, 2014). Le message indiquait « Vous venez de jouer 1000 fois. Voulez-vous continuer ? (Oui/Non) ». Ce nombre équivaut à peu près à environ une heure de jeu, ce qui semble correspondre au moment où les pop-up sont efficaces (Ladouceur & Sevigny, 2009). Sur les 80 000 sessions de jeu analysées, seul un petit pourcentage de joueur a atteint ce nombre de jeu (environ 1%), ce qui signifie que cette étude a investigué les joueurs les plus impliqués

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dans le jeu. Les résultats de cette étude suggèrent d’une part que ce type de pop-up est plutôt inefficace pour la plupart de ces joueurs hautement impliqués dans le jeu. D’autre part, il semble préférable d’introduire ces pop-up plus tôt dans le jeu pour toucher un plus grand nombre de joueurs.

Limites monétaires

Stewart et Wohl (2013) ont réalisé une étude contrôlée randomisée sur l’efficacité des messages (sous forme de pop-up) de rappel des limites monétaires sur l’adhésion du joueur aux limites qu’il s’était préalablement fixées. Dans cette étude, des étudiants (n=59) présentant plusieurs niveaux de sévérité de comportement de jeu ont été évalués en situation fictive de jeu (machine à sous virtuelle). Les résultats ont montré que les participants ayant bénéficié de pop-up rappelant les dépenses effectuées étaient significativement plus à même de se tenir à la limite qu’ils s’étaient fixée au préalable (89,66%) que ceux n’en ayant pas bénéficié (43,33%). Par ailleurs, l’intensité de la symptomatologie de jeu et la dissociation étaient associées à une moindre adhérence aux limites monétaires préétablies. Etant donné l’absence d’effet modérateur de la dissociation sur l’adhésion à la limite fixée chez ceux qui ont bénéficié des pop-up, les auteurs de cette étude ont suggéré que les la présence des pop-up interrompaient l’expérience de dissociation.

3.2.3.5. Feedback normatif personnalisé

L’objectif du feedback normatif personnalisé est de modifier la perception d'un individu quant aux niveaux « normaux » d'engagement des autres individus dans des comportements spécifiques (Harris & Griffiths, 2017). Cet outil a déjà montré son efficacité dans différents comportements dangereux (comme le tabac, la sexualité à risque, le cannabis) mais également chez les joueurs ayant des problèmes de jeu (voir Marchica et Derevensky (2016) pour une

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revue). Celio et Lisman (2014) ont mené une étude auprès d’étudiants (n = 136) s’adonnant à des JHA. Après une semaine, les participants qui avaient reçu ce feedback présentaient une diminution marquée quant à la perception du jeu des autres étudiants, ainsi que des niveaux inférieurs de prise de risque dans le jeu. Cet outil a été testé en milieu écologique comme outil de jeu responsable (Auer & Griffiths, 2015a,b). Par ailleurs, les pop-up de feedback normatifs personnalisés (associés à d’autres messages) ont été comparés à de simples messages d’information tels que « Nous vous informons que vous venez de jouer 1000 fois aux machines à sous. Seules quelques personnes jouent plus de 1000 fois. Les chances de gagner n’augmentent pas avec le temps de jeu. Prendre une pause aide souvent et vous pouvez choisir la durée de cette pause » (voir Auer et Griffiths (2015a) p.3). Le pourcentage de joueurs qui ont arrêté de jouer après 1000 jeux était significativement plus élevé chez ceux qui ont reçu le feedback normatif personnalisé. Bien qu’encourageantes, ces études possèdent des limites.

Tout d'abord, les pop-up de feedback normatifs personnalisés contenaient non seulement des feedbacks normatifs mais également de l’information et une auto-évaluation. Ainsi, il est difficile de comprendre ce qui a engendré un changement de comportement. Deuxièmement (et, comme dans leur étude précédente), seul un très faible pourcentage de joueurs a atteint 1000 jeux, ce qui signifie que ces messages n'ont été délivrés qu’aux joueurs les plus impliqués dans le jeu. Enfin, la partie normative du message n'était qu'une déclaration générale et, par conséquent, les effets d'un feedback normalisé plus spécifique n'ont pas été évalués.

3.4. Outils de suivi du comportement de jeu

Plusieurs études ont montré que le fait de donner un feedback personnalisé au joueur l’aide à comprendre son comportement et le changer si nécessaire (Auer & Griffiths, 2013a,b). La

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technologie digitale permet de recueillir des données sur le comportement des joueurs, ce qui permet de dresser un profil des joueurs, d’évaluer des changements de comportements qui pourraient indiquer un problème de jeu, et donc de fournir un feedback personnalisé qui favoriserait la prise de conscience de tels changements de comportements. Le fait de suivre les comportements permet également de produire une banque de données qui permet d’identifier des marqueurs comportementaux qui indiqueraient un problème, ce qui permet en retour de mieux comprendre les pratiques de jeu responsable et de jeu problématique. Ces messages personnalisés peuvent combiner les principes de l’entretien motivationnel et donc motiver les joueurs à risques ou ceux qui ont des problèmes à changer leur comportement de jeu car ils sont en accord avec les stades de changements de Prochaska et al. (1994).

Auer et Griffiths (2013a,b) ont évalué l’efficacité d’un système de feedback comportemental appelé Mentor dans sa capacité à influencer le temps de jeu et les ‘pertes théoriques’ des joueurs (n = 5 000 joueurs en ligne). Les pertes théoriques font référence au montant des paris multiplié par le taux de retour aux joueurs d’un type de jeu spécifique (Auer, Schneeberger, &

Griffiths, 2012). Elles sont considérées comme une mesure robuste et stable de l’intensité des montants de jeu (plus que des mesures indirectes comme le montant des enjeux ou le nombre de paris effectués) (Auer & Griffiths, 2014). En appliquant les principes de diverses théories permettant d’améliorer l’interaction entre le joueur et les caractéristiques des jeux en ligne (voir Wohl Parush, Kim, & Warren, 2014), le système Mentor fournissait aux joueurs un feedback visuel sous forme de graphique indiquant le temps et les montants des dépenses du joueur en comparaison à ceux dits ‘normatifs’ des autres joueurs contenus dans la base de données. Les résultats montrent que les joueurs qui ont utilisé Mentor ont des taux de pertes théoriques et des temps de jeu plus bas que ceux ne l’ayant pas utilisé. On peut néanmoins relever que les effets étaient petits, qu’aucune donnée sur le niveau de risque ou de jeu

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problématique n’était renseignée, ce qui ne permet pas de dire si cet outil est efficace pour ces qui ont des problèmes de jeu ou si cela modère le comportement de joueur jouant déjà de façon « responsable ». Enfin, on ne peut savoir si les joueurs étaient en même temps sur un autre site de jeu durant l’évaluation.

Wood et Wohl, (2015) ont évalué un autre outil de suivi du comportement du joueur, PlayScan, qui fournit au joueur un feedback sur l’intensité de son comportement de jeu (n = 7 798 joueurs en ligne). Cet outil utilise la métaphore des feux tricolores. En étudiant le comportement du joueur sur une période de 10 semaines, les joueurs définis comme sans problèmes reçoivent un feu vert, ceux qui ont des comportements à risque un feu jaune et ceux problématiques un feu rouge. Les résultats montrent que les joueurs à risque (feu jaune) qui ont utilisé Playscan ont considérablement réduit le montant d'argent déposé et misé par rapport aux joueurs n'ayant pas utilisé cet outil (avec un effet durable à 24 semaines). Les résultats montrent que les joueurs qui ont reçu un feedback comportemental ont réduit de façon significative les montants d’argent déposés comparés au groupe témoin au décours de la semaine suivant l'inclusion dans l’étude. Cependant, les joueurs ayant des feux rouges et jaunes (c'est-à-dire ceux qui présentent des signes de jeu problématique ou de jeu à risque) n'ont pas significativement réduit leurs montants de dépôt au cours de cette période par rapport au groupe témoin. Seul le groupe feu vert a montré une diminution significativement plus élevée pour cette période par rapport au groupe témoin. Toutefois, les réductions des dépôts ont été importantes au fil du temps, les joueurs à feux verts et jaunes montrant une réduction significative des dépôts de la semaine d’inclusion à la semaine 24 par rapport au groupe témoin. Il n'y a pas eu de réduction sur cette période de temps pour les joueurs rouges.

En ce qui concerne le montant des paris, alors que les joueurs à feux rouges les ont réduit (entre l’inclusion et 24 semaines après), ce montant n'était pas différent comparé au groupe

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contrôle. Cependant, sur la même période, les joueurs à feux jaunes et verts ont réduit significativement leurs montants de pari comparés au groupe contrôle.

L’ensemble de ces résultats suggère que le feedback comportemental peut avoir un impact positif sur les joueurs déjà dans le contrôle de leur comportement de jeu et les joueurs à risque, alors que les effets sur les joueurs problématiques semblent minimes. Comme pour d’autres outils de jeu responsable, le feedback comportemental est plus une mesure préventive qu’une mesure interventionnelle. De plus, et comme le soulignent les auteurs, il est difficile de savoir dans quelle mesure les couleurs assignées aux joueurs correspondent réellement aux mesures standardisées évaluant les problèmes de jeu (lorsque l’on utilise des outils d’évaluation de l’intensité du comportement de jeu).

3.5. Modalités d’interdiction

La stratégie consistant à « se faire interdire de jeu » est souvent utilisée par les joueurs de machines à sous. D’ailleurs, dans les quelques études menées sur des joueurs s’adonnant à des jeux en ligne, les joueurs attribuent plus souvent leurs problèmes de jeu à des jeux de casino en ligne (Hayer & Meyer, 2011a). Cette stratégie a montré son efficacité dans le sens d’une réduction du comportement de jeu durant la période d’exclusion (Hing, Russell, Tolchard, &

Nuske, 2015), même si de nombreux individus retournent jouer une fois que la période terminée (Cohen, McCormick, & Corrado, 2011). Cependant, après la période d’exclusion, la fréquence, la durée, les dépenses, les dettes ainsi que l’envie irrépressible de jouer avaient diminué (Hayer & Meyer, 2011a ; Cohen, et al., 2011 ; Hing, Russell, Gainsbury &

Blaszczynski, 2015). Les bénéfices de cette démarche sont observables tant sur le court terme que sur le long terme (maintien à un an). On observe notamment une amélioration du

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fonctionnement psychosocial et plus spécifiquement une diminution de l’anxiété, de la dépression, de la colère, de la culpabilité et de l’usage de substances psychoactives mais pas des idées suicidaires (Hayer & Meyer, 2011a ; Hing & Nuske, 2012 ; Tremblay, Boutin, &

Ladouceur, 2008). De plus, les joueurs rapportent une diminution des difficultés familiales et interpersonnelles ainsi qu’une amélioration des performances professionnelles et de leur qualité de vie (Hing et al., 2015 ; Nelson, Kleschinsky, LaBrie, Kaplan, & Shaffer, 2010).

Durant l’exclusion, on observe des taux d’abstinence de jeu allant 13% à 30% et pour ceux qui continuent à jouer malgré l’interdiction, une diminution significative des conséquences négatives (en termes de fréquence, de durée, de dépenses, de dettes et de craving) déjà quatre semaines après le début de la mesure avec un maintien à un an (Hayer & Meyer, 2011a ; Cohen, et al., 2011 ; Hing et al., 2015). D’ailleurs, cette stratégie est perçue comme une aide par les joueurs malgré le fait de continuer à jouer pendant l’auto-exclusion (Drawson, Tanner, Mushquash, Mushquash, & Mazmanian 2017).

La seule étude qui a examiné les programmes d’auto-exclusion proposés pour les jeux en ligne a montré que les joueurs qui jouent en ligne sont moins à mêmes de chercher de l’aide pour leur problème de jeu (incluant l’auto-exclusion) (Cohen, et al., 2011), alors même que le jeu en ligne apparaît comme plus à risque que les autres formes de jeu (Wood & Williams, 2009). Ces joueurs en ligne rapportent moins de détresse psychologique liée à leur comportement de jeu (Cohen, et al., 2011). Néanmoins, on peut penser que l’exclusion d’un casino en ligne est une démarche plus facile à effectuer et qu’elle surviendrait plus précocement dans la trajectoire du joueur (Hayer, & Meyer, 2011a ; Griffiths, Wood, &

Parke, 2009). Pourtant, pour la majorité des joueurs, l’auto-exclusion surviendrait trop tardivement (Hayer & Meyer, 2011b). Cette stratégie d’auto-exclusion est également disponible pour ceux qui n’ont pas encore développé des problèmes de jeu mais qui sentent

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qu’ils peuvent être à risque ou qui simplement ne veulent plus jouer (Harris & Griffiths, 2017).

Cette stratégie apparaît donc comme efficace. Pour autant, même si les joueurs fournissent leur adresse IP afin de les protéger des jeux en ligne, il est facile d’utiliser une autre adresse IP, ne serait-ce qu’en allant dans un cyber-café. Sur les sites agréés par l’ARJEL, le changement d’IP ne suffit pas puisque le joueur doit fournir ses papiers d’identité pour valider son compte. Néanmoins, on peut penser que certains joueurs fournissent alors une autre identité.

3.6. Autres stratégies

Stratégies d’auto-gestion

Une étude menée par Moore, Thomas, Kyrios, & Bates, (2012) sur 303 joueurs a montré que les joueurs à problème utilisaient plus de stratégies de gestion de leur comportement de jeu que les joueurs non problématiques. Parmi ces stratégies, les joueurs problématiques rapportaient : éviter de marcher ou conduire près des lieux de jeu (46 vs.10.5%), demander à un proche de gérer leurs dépenses (57.1% vs.11%), limiter la consommation d’alcool pendant le jeu (61.9% vs.37.5%), s’occuper en faisant d’autres activités (76.1 vs.30.4%), supprimer leur carte de crédit (38.1% vs.5.1%), garder à l’esprit les conséquences négatives du jeu excessif (82.5% vs.58.5%), et se focaliser sur d’autres hobbies (90.3% vs.64.4%).

Site de démonstration

Dans l’étude de Blaszczynski, Gainsbury, & Karlov (2014) menée auprès de 300 joueurs, certains joueurs utilisaient les sites de démonstration de jeu (dans lesquels les joueurs

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n’engagent pas d’argent réel) afin de faire délibérément une pause de jeu. L’idée de « faire comme si » pourrait donc aider certains joueurs à réduire leur comportement de jeu.

Système d’affichage des informations de jeu

L’usage d’un système d’affichage d’informations données au joueur sur son comportement de jeu a été utilisé par des joueurs Néo-Zélandais (n = 460 joueurs de machine à sous). Ainsi, le joueur pouvait disposer d’informations sur sa durée de jeu, ses dépenses et faire le choix de faire une pause (Palmer du Preez, Landon, Garrett, Bellringer, Page, Coomarasamy, &

Abbott, 2014). Les joueurs familiarisés avec cet outil avaient tendance à jouer plus longtemps et à dépenser plus que ceux qui ne l’étaient pas. Néanmoins, 30% des participants rapportaient que cet outil les aidait à contrôler le temps et l’argent dépensés. Par ailleurs, cet outil avait une influence sur le fait de s’arrêter de jouer (7%), leur permettait d’évaluer leur niveau de jeu (14%) et de le réduire (15%).

Joueur avec des amis ou de la famille

Les joueurs ayant des problèmes de jeu jouent généralement seuls. Néanmoins, l’étude de Moore et al., (2012) (n = 303 joueurs) a montré qu’ils sont également plus à même de parler à leur entourage de leur comportement de jeu et de passer plus de temps avec leurs amis ou leur famille afin de leur permettre de réduire leur temps de jeu (85.7% vs. 43.4%).

Par ailleurs, les paris sur des actions en direct, autrement dit durant l’évènement sportif que l’on regarde, peuvent conduire à des paris impulsifs et donc à engager de grosses sommes d’argent. Ce type de pari a été identifié comme un facteur de risque de difficultés liées aux paris sportifs en ligne (Hing, Russel, Vitartas, & Lamont, 2016). Etant donné le risque de ce type de pari, on peut penser que le fait de ne pas être seul à regarder un évènement sportif

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pourrait protéger le joueur contre des mises importantes effectuées dans l’idée de se refaire ou tout simplement de gagner de l’argent.

Utiliser une alarme

L’état de dissociation recherché par de nombreux joueurs (Jacobs, 1988) explique probablement pourquoi nombre d’entre eux de joueurs ne regardent jamais l’heure lorsqu’ils jouent. Une étude a montré que l’usage d’une alarme avait permis d’influencer le temps de jeu (pour 83% des participants) et donc avait permis de diminuer celui-ci (Blaszczynski et al., (2014)). Par ailleurs, la grande majorité des participants (92.9%) ont rapporté que l’alarme n’avait pas eu d’incidence sur le plaisir qu’ils avaient pris en jouant. Cet outil aurait la même fonction que les pop-up rappelant le temps et l’argent dépensés, il permettrait de « combattre

» l’état dissociatif dans lequel est le joueur. Le jeu implique un espace séparé, matériellement ou symboliquement, du reste des activités de l’existence (Caillois, 1956). Cette scène

« autre », qui n’est pas sans rappeler l’espace transitionnel de Winniccott (1975), montre combien la relation du joueur au temps est particulière et doit constituer un élément important des outils de réduction des risques. En effet, le joueur ne doit pas se couper durablement de la réalité « commune ».

4. Conclusion

Il existe de nombreuses stratégies de réduction des risques ou de jeu responsable, qu’elles soient proposées par les opérateurs de jeu ou qu’elles soient mises en place par le joueur lui- même. Certaines ont montré leur efficacité, d’autres une efficacité moindre et d’autres encore n’ont pas fait l’objet d’études empiriques. De façon générale, les études restent peu nombreuses et souvent menées en laboratoire. Afin de s’assurer d’une part de la faisabilité

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mais aussi de leur efficacité, il est nécessaire de réaliser plus d’études sur des outils de réduction des risques en milieu écologique. De plus, de nombreuses recherches ont été menées sur les machines à sous. Ce type de JHA en ligne n’est pas légal en France et bien que de nombreux Français s’y adonnent et présentent plus de problèmes liées à leur activité de jeu (Costes, Eroukmanoff & Monson, 2015), il est essentiel de mener plus de recherches sur les paris sportifs, hippiques et le poker en milieu écologique.

L’ensemble des études s’accordent sur le fait que le fait que les messages de jeu responsable facilitant la prise de conscience et l’auto-contrôle doivent être délivrés sous forme de message dynamique (cf. pop-up). La question du contenu de ces messages est plus nuancée et délicate.

De plus, il est difficile de savoir si c’est le contenu du message ou la « pause » qu’il induit qui a une influence sur le comportement de jeu. Malgré les résultats plutôt négatifs de l’étude de Blaszczynski et al. (2016), l’idée d’imposer une pause de jeu n’est pas à exclure totalement.

La question de la durée de cette interruption reste à étudier. En effet, Harris et Griffiths (2017) mettent en avant le fait qu’une interruption plus longue (que les 8 minutes de l’étude de Blaszczynski et al. (2016)) est nécessaire pour que l’envie irrépressible se dissipe et que les effets positifs de cette interruption se fassent ressentir. D’autres études sont donc essentielles pour déterminer la durée de ce temps d’interruption. De plus, et au-delà du fait qu’une seule étude ne suffise à conclure quoi que ce soit, il est difficile de déterminer la validité écologique de ce résultat étant donné les différences de réponses entre les joueurs en laboratoire et ceux en situation réelle de jeu (Gainsbury, Russel, & Blaszczynski, 2014). Enfin, les sujets de cette étude étaient des étudiants. Aussi, il serait important de tester cet outil chez des joueurs pathologiques. Par ailleurs, pour que cette mesure soit efficace, il faudrait y adjoindre des messages qui encouragent l’autoévaluation (du temps de jeu ainsi que l’argent dépensé à l’intérieur d’une session de jeu). En effet, les recherches montrent que ces derniers sont plus

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efficaces que les messages délivrant de l’information sur la nature, les probabilités et les risques associés au jeu. Cependant, nombreuses études ont été réalisées en laboratoire. De plus, les rares études menées en milieu écologique ont été effectuées sur des joueurs intensifs (avec des effets petits), ce qui ne permet pas de se prononcer sur l’efficacité de ces outils sur la majorité des joueurs qui ne présentent pas de problèmes liés à leur activité de jeu. En effet, et comme le rappellent Harris et Griffiths (2017), les messages sous forme de pop-up sont à concevoir comme des outils préventifs et non pas une intervention pour les problèmes de jeu.

Il semble donc nécessaire de poursuivre les recherches et de tester d’autres formes de message. Les émotions étant ce qui guident nos comportements (Mikolajczak & Desseilles, 2015), il serait intéressant de tester les effets de messages demandant aux joueurs d’évaluer à partir d’émoticônes ce qu’ils ressentent par rapport à leur comportement de jeu (en association avec d’autres messages) et d’évaluer les avantages et les inconvénients de leur comportement.

Les études menées en milieu écologique et en laboratoire ont montré des résultats positifs quant à l’utilisation de messages sur les limites de temps et d’argent dépensés. Pour autant, il est impossible de savoir dans quelle mesure le joueur se rend sur un autre site de jeu une fois cette limite atteinte. Par ailleurs, pour une plus grande adhésion du joueur à cet outil et afin d’éviter tout comportement défensif risquant d’être contre-productif, il est nécessaire que ces limites ne soient pas imposées par l’opérateur de jeu mais décidé volontairement par le joueur (cf. Théorie de l’auto-détermination de Deci & Ryan (1985, 2000)). Les décisions du joueur seront plus en accord avec son propre système de valeur et ses motivations.

Les études, peu nombreuses mais réalisées en milieu écologique, sur le feedback normatif personnalisé fournissent des résultats encourageants (Auer & Griffiths, 2015a,b). Cependant, ces études possèdent plusieurs limites. Tout d'abord, les pop-up contenaient non seulement des feedbacks normatifs personnalisés mais également de l’information et une auto-

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