Disponibleenlignesur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
Recherche de facteurs lithogènes au cours des lithiases oxalo-calciques : enquête
épidémiologique
Pathogenic factors in calcium oxalate stones: Epidemiological investigation
H. Kaaroud El Jery
a,e, A. Harzallah
a,∗,e, S. Chouchi
a,e, E. Talbi
b,e, H. Baccouch
b,e, J. Abdelmoula
b,e,
A. Bouzouita
c,e, M. Chebil
c,e, F. Ben Hamida
d,e, T. Ben Abdallah
a,eaServicedemédecineA,hôpitalCharles-Nicolle,Tunis,Tunisie
bServicedebiochimie,hôpitalCharles-Nicolle,Tunis,Tunisie
cServiced’urologie,hôpitalCharles-Nicolle,Tunis,Tunisie
dLaboratoirederecherchedepathologierénale—LR00SP01,hôpitalCharles-Nicolle,Tunis, Tunisie
eFacultédemédecinedeTunis,universitédeTunisElManar,Tunis,Tunisie
Rec¸ule19janvier2016 ;acceptéle14juin2016 DisponiblesurInternetle16juillet2016
MOTSCLÉS Néphrolithiase oxalo-calcique; Hypercalciurie; Hyperoxalurie
Résumé
Introduction.—Lalithiaseoxalo-calciqueestlaplusfréquentedeslithiasesurinaires.Lesmodi- ficationsdeshabitudesalimentaires,duniveausocio-économiqueetsanitairedespopulations expliquentsaprogression.Lebutdenotreétudeétaitdedéterminerlesfacteurslithogènes métaboliquesincriminésdanssagenèseetdeprécisersesétiologies.
Patientsetméthodes.—Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective portant sur 100 patients, ayant des lithiases oxalo-calciques identifiées par l’étude morpho- constitutionnelle,colligésdansnotreservicesurunepériodede5ans(2008—2013).Nousavons analysélesdonnéescliniques,radiologiquesetmétaboliques.
Résultats.—Il s’agissait de73 hommeset de27 femmes(sex-ratio :2,7), d’unâgemoyen de44,8ans.L’enquêtealimentairearévéléunapportcalciqueinsuffisantdans87%descas.
Lescalculsétaientbilatéraux(53%),desiègerénal(85%)etmajoritairementrecueillisaprès interventionurologique (74 %).Les anomalies urinairesétaient une densitéurinaireélevée (36%),unehypocitraturie(34%),unehypomagnésurie(32%)etunehypercalciuriededébit
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:amelharz@yahoo.fr(A.Harzallah).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2016.06.005
1166-7087/©2016ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
(21%)oudeconcentration(23%).Lacristallurieétaitpositivedans44%descas,laWeddellite étaitlaformecristallinelaplusfréquente.L’analyseinfrarougeamontréque81%descalculs présentaientunecompositionhétérogène.LaWhewellitepureouassociéeàd’autrescomposés étaitmajoritaire(31%).Lalithiaseoxalo-calciqueprimitiveétaitl’étiologielaplusfréquente (69%).Parmilesétiologiessecondaires,lediabèteétaitleplusfréquemmentretrouvé(10%).
Conclusion.—Notre étude épidémiologique de la lithiase oxalo-calcique nous a permis d’identifierlafréquenceélevéedel’hyperoxaluriealimentaireexpliquéeenpartieparunfaible apportcalciqueetunephytothérapiericheenoxalate.
Niveaudepreuve.— 4.
©2016ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS Calciumoxalate urolithiasis;
Hypercalciuria;
Hyperoxaluria
Summary
Introduction.—Calciumoxalatestonesarethemostcommonurolithiasis.Changesindietary habits,socio-economicandhealthstatusofpopulationsexplainitsprogression.Theaimofour studywastodeterminemetabolicfactorsleadingtolithiasisandclarifyitscauses.
Patients andmethods.—This isaretrospective study of100 patients withcalcium oxalate stonesidentifiedbymorpho-constitutionalstudy,collectedinourdepartmentoveraperiodof 5years(2008—2013).Weanalyzedclinical,radiologicalandmetabolicdata.
Results.—Theywere73menand27women(genderratio:2.7),agedmeanlyof44.8years.
Dietarysurveyrevealedinadequatecalciumintakein87%ofcases.Urinaryabnormalitieswere hypocitraturia(34%),hypomagnesuria(32%)andoutflowhypercalciuria(21%).Crystalluriawas positivein44%ofcases.Whewellitewasthemostcommoncrystallineform.Calculiwerebilate- ral(53%),renal(85%)andmainlycollectedafterurologicalprocedures(74%).Infraredanalysis showedthat81%ofstoneshaveaheterogeneouscomposition.PureWhewelliteorcombined withothercompoundswasthemostfrequent(31%).Idiopathiccalciumoxalatelithiasiswasthe mostcommonetiology(69%).Amongsecondaryetiologies,diabeteswasmostfrequentlyfound (10%).
Conclusion.—Ourepidemiologicalstudyofcalciumoxalatestoneshasallowedustoidentify thehighfrequencyoffoodhyperoxaluriapartlyexplainedbyalowcalciumintakeandadiet richinoxalatephytotherapy.
Levelofevidence.— 4.
©2016ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
Lafréquencedelamaladielithiasiquen’acesséd’évoluer, ellevarieselon lespaysde3,5 %à 18% delapopulation [1,2].Jusqu’àlafindudix-neuvièmesiècle,lalithiaseuri- naireétaitessentiellementvésicale,constituéedepurines etdephosphatedecalcium[1].Aujourd’hui,lalithiaseuri- naireest de siègerénal etde natureoxalo-calcique dans 70à80%descas[3].L’oxalatedecalciumestleconstituant majoritaired’environ50%descalculschezlafemmeetde 75%chezl’homme[4].Environ5à10%dessujetslithia- siques ont uneforme sévère avec des récidives multiples [1].
Toutes les enquêtes épidémiologiques montrent que l’alimentation, associée probablement à une susceptibi- litéindividuelle,estl’undesprincipauxfacteursmodulant le risque de formation de calculs chez l’adulte [5].
L’association du bilan métabolique à l’étude morpho- constitutionnelledu calculpermetainsiuneidentification plusfiabledesfacteursderisqueimpliquésdansleprocessus lithiasique.
Le but de cette étude était d’évaluer les facteurs de risque lithogènes et d’identifier leurs étiologies afin d’instaurer les moyens adaptés à la prévention de leurs récidive.
Patients et méthodes
Nousavonsréaliséuneétudedescriptive,rétrospective et monocentriqueportantsur100patientsayantdeslithiases oxalo-calciquescolligésdansnotreservicedurantlapériode allantde2008à2013.
Nous avons retenu les patients adressés pour unbilan étiologique d’une maladie lithiasique et dont l’analyse morpho-constitutionnelled’uncalculaobjectivésanature oxalo-calcique. Lespatients ont étérecrutés à partir des consultationsdenéphrologieetd’urologie.
Touslespatientsonteuunbilanmétaboliquequiaété réalisé selon les recommandations de Daudon et al. [6].
Onaréaliséunprotocoled’explorationapprofondicompor- tantledosagedanslesangetdanslesurinesde24heures
du : calcium, phosphate, acide urique, créatinine, urée, sodiumainsiqueladensitéetlepHurinairesavecuniono- grammesanguincompletetlesdosagessanguinseturinaires desphosphatesetdumagnésium etle dosage urinairede l’oxalateetducitrate.
Nousavonsexclude cettesérie lespatientsayant une insuffisancerénalechroniqueavecuneclairancedelacréa- tinine≤60mL/min.
Nousavonsprécisépour chaque patient,lesexe,l’âge lorsde l’analyseducalcul, lesantécédents personnels et familiaux,lanotion deconsanguinitéchezlesapparentés, l’enquêtesurleshabitudesalimentairesdontlerecoursàla phytothérapie,lesiègeetlemoded’éliminationdescalculs, lenombrederécidivedescalculs,lesdonnéesdel’examen clinique(poids, taille,pressionartérielle,indicedemasse corporelle),lebilanmétaboliquedelithiaseurinaireetles donnéesdel’analysemorpho-constitutionnelle.
Lesapportscalciques etcaloriquesontétécalculés au moyendulogicieldiététiqueBILNUT4.1.Lafonctionrénale aétéévaluéeselonlaformuleMDRD.
L’indicedemassecorporelle(IMC)aétécalculéendivi- santlepoidsparlecarrédelatailleetexpriméenkg/m2. UnsurpoidsaétédéfiniparunIMCentre25et29,9kg/m2et l’obésitéaétédéfinieparunIMC>30kg/m2.
Undéficitouunecarenceen25OHvitamineD3ontété définisselonlesrecommandationsdelafondationinterna- tionale(kidneydiseaseimprovingglobaloutcome[KDIGO]) [7]. Une carence était définie par un taux entre 16 et 30ng/mLetundéficitparuntaux≤15ng/mL.
L’étude morphologique a été réalisée par visualisation microscopique à l’aide d’un stéréomicroscope. L’analyse infrarougedes calculsaété réaliséeau moyend’unspec- trophotomètre.
La classification morpho-constitutionnelle a été basée dansnotreétudesurlaclassificationdeDaudonetal.[8].
Lesdonnéesontété saisiesau moyendulogicielExcel 2003etanalyséesaumoyendulogicielSPSSversion20.0.
Nous avons calculé des fréquences simples et des fréquencesrelatives(pourcentages)pourlesvariablesqua- litatives.
Nousavonscalculédesmoyennesetdéterminél’étendue (valeursextrêmes=minimum etmaximum) pourles varia- blesquantitatives.
Résultats
L’âgemoyendespatientsétaitde44,8ans(18à73ans).La répartitiondelapopulationentroistranchesd’âgesatrouvé que44%despatientsavaientmoinsde45ans,48%avaient unâgecomprisentre45et60ansetseulement8%étaient âgésdeplusde60ans.
Il s’agissaitde 73 hommes et27 femmes. Le sex-ratio (H/F)était,tousâgesconfondusde2,7.Unpicdefréquence delalithiaseaétéobservéaussibienchezl’hommequechez lafemmeàlaquatrièmedécennie(Fig.1).Laprédominance masculineaétéobservéedanstouteslestranchesd’âge.
Uneconsanguinitéfamilialeaétéretrouvéechez29%de lapopulation étudiée.Ils’agissaitd’une consanguinitédu premierdegrédans16%descas.Unemaladielithiasiquea étérapportéechez45%desparentsavecunnombremoyen de1,75membreatteint(1—7membresparfamille).
Figure1. Répartition selonl’âgeet legenre dela population étudiée.
Notreenquêtealimentaireaconcerné92%despatients et acomporté l’estimationdes apports caloriques etcal- ciquesquotidiens.
Parmi les femmes, 33 % avaient un apport calo- rique faible (<2000Kcal/j), 17 % étaientdans les normes (2000—2500Kcal/j) et 50 % avaient un apport calorique excessif(>2500Kcal/j).Parmileshommes,31%avaientun apportcaloriquefaible(<2500Kcal/j),33%étaientdansles normes(2500—3000Kcal/j) etles35%restantsavaientun apportexcessif(>3000Kcal/j).
Un apport calcique insuffisant (<800mg/j) a été noté dans 87 % des cas et seulement5 % avaient des apports calciquesélevés(>1000mg/j).
Unapport protidiqueélevévariant de 1,1à 1,6g/kg/j aétéretrouvéchez29%despatientsetunapportexces- sif ensel,de9,2à19,4g/j,a étéretrouvéchez48% des patients.L’associationd’aumoinsdeuxfacteurslithogènes aéténotéedans66%descas.
Uneutilisationdephytothérapiepourdissoudrelescal- culsétaitnotéechez41%despatients.Elleétaitàbasede céleriet/oudepersildans79%descas.Lesboissonsalcooli- sées,enparticulierlabièredansunbutdiurétique,étaient consomméespar14%despatients.
L’IMCmoyendespatientsétaitde28,28kg/m2avecdes extrêmes variant de 18,5 à 42kg/m2. Un surpoids a été retrouvéchez42 %des patients et31% présentaient une obésité.
Lacréatininémievariaitentre55et191mol/Lavecune clairancemoyennede98,80mL/min/1,73m2.
Concernant les anomalies du bilan métabolique, nous avonsretrouvéprincipalementunehypercalciuriedans44% des cas (de débit 21 % et de concentration 23 %) et une densitéurinaireélevéedans36%descas.Lerestedesano- maliessontsynthétiséesdansleTableau1.Unehyperacidité urinaireaéténotéedans23%descasetunediurèseinsuf- fisantechez42%despatients.
L’étudedelacristallurieétaitpositivedans44%descas (Fig.2).
Lecalculétaitbilatéraldans53%descas,gauchedans 28%etdroitdans19%descas.Ilétaitrénaldans85%des caseturétéraldans15%,associéàuncalculvésicaldans 3%descas.
L’expulsion du calcul était spontanée dans 26 % des cas et nous avons eurecours à un geste urologiquedans 74 % des cas. Il s’agissait d’une chirurgie classique ou
Tableau1 Anomaliesmétaboliquesretrouvéescheznospatients.
Anomalie Définitiondel’anomalie
(enmmol/24h)
Nombre(%)
Homme Femme
Hypocitraturie <1,5 <1,5 34
Hypomagnésémie <4 <3,5 32
Hyperoxalurie ≥0,5 ≥0,5 32
Dedébit 18
Deconcentration 14
Hyperuricurie ≥5 ≥4,5 16
Hyperphosphaturie >30 >30 6
Natriurèseélevée >150 >150 8
Hypercalciurie ≥7 ≥6 44
Densitéurinaireélevée >1020 >1020 36
néphrolithotomiepercutanée(NLPC)dans13%descas,une lithotritieextracorporelle(LEC)seuledans39%descasou lesdeuxtechniquesassociéesdans22%descas.
Unerécidivedelamaladielithiasique,avantledébutdu suivi,aéténotéechez57%despatients.Lesformesmulti- récidivantes(>4récidives)étaientprésenteschez20%des patients.Lesdélaisderécidivesontvariéentre1et12ans avec une moyenne de 2,93 années. Parmi ces patients, 45 % ont présenté leur récidive au cours de la première année.
L’étudemorphologiquedesurfacedescalculsamontré que35%étaientformésparuncomposépurdont22%de Whewelliteet12%deWeddellite.
Une association de plusieurs types morphologiques de surface pour un même calcul a été notée pour les 65 % descalculsrestantsavecuneprédominancedel’association Ia+IIb(38%).
Lenoyauétaitabsentdans13%descalculs.Ilétaitformé dans 45 % des cas d’un composé pur (Whewellite 31 %, Weddellite14 %) etdans 34 % des cas sur une plaquede Randall.
L’analyse infrarouge a montré que 81 % des calculs présentaient une composition hétérogène. Le composant principalétaitlaWhewellitedans31%descas(Fig.3).
LaWhewellite était le composéprépondérantdans les deuxsexes.Elleareprésenté26%descalculsmasculinset 41%des calculsféminins. LaWeddelliteétaitle composé principalchez22%des hommeset15%desfemmes. Une association de ces deux formes cristallines, seules ou à d’autrescomposés,aétéretrouvéechez52%deshommes et44%desfemmes.
La Whewellite était la forme cristalline la plus fré- quentequel que soitl’âge des patients. Elle représentait 20 % chez les patients âgés de moins de 45ans, 33 %
Figure2. Répartitiondelacristalluriedenospatients.C1:Weddellite;C2:Whewellite;CA:carbapatite;AUO:acideurique.
Figure3. Répartitionenfonctiondelacompositionglobaleducalcul.
pour latranche d’âge45—60anset 50% pour les plusde 60ans.
La Weddellite était le composé principal de 18 % des moinsde45ans,de17%despatientsâgésentre45et60ans etde25%descalculsau-delàde60ans.
Ledosage delaPTH aétéeffectué chez61%etdela vitamineDchez42%despatients.Unehyperparathyroïdie secondaireaétéobjectivéedans35%descasdueàundéficit ouunecarenceen25OHvitamineD3.Eneffetlavitamine D3étaitdiminuéedans33%descasavecundéficitdans23% descasetunecarencedans10%descas.
Lescalculsétaientoxalo-dépendantsdans 56%descas etcalciumdépendantsdans44%descas.
L’étiologie laplus fréquente cheznos maladesétaitla lithiaseoxalo-calciqued’originealimentaireretrouvéedans 67%descas(Tableau2).
Tableau2 Principalesétiologiesdeslithiases.
Étiologie Fréquence(%)
Hypercalciuried’originealimentaire 67
HyperoxalurieIaire 2
SPAassociéeàuneiléite inflammatoire
1 Hypercalciurieidiopathique 15 Lithiasecalciquesecondaire
Diabète 10
HyperparathyroïdieIaire 2
Cacchi-Ricci 2
LES 1
IIaire:secondaire;Iaire:primaire;LES:lupusérythémateux systémique;SPA:spondylarthropathieankylosante.
Discussion
Au coursdeces 25 dernièresannées,la progressiondela lithiaseoxalo-calciqueaétéconstatéedanslaplupartdes paysdumondeycomprisceuxenvoiededéveloppement [9].EnTunisie,aucuneétudeépidémiologiquen’estencore disponibleàcejour.Ensebasantsurlesraressériesàeffec- tifslimitésdecalculsdel’adulteetdel’enfant[10,11],ila étéconstatédepuislafindesannées1980uneprogression descalculsoxalo-calciques,quiontétéobservésdans59,9% à65%descas[12,13].Cesrésultatssontcomparablesàceux observésdanslespaysdéveloppés[14].
L’âgemoyen de nos patients était de 44,8ans. Ce pic à laquatrième décennieconcordeavecles donnéesdela littérature[15].Dansnotresérie,lessujetsâgésdeplusde 60ansnereprésentaientque8%despatientsenaccordavec DaudonetJungersquirapportentuneatténuationévidente durisquelithiasiqueau-delàdecetâge[1,2,4,16].
Uneprédominance masculine évidenteaété constatée parlaplupartdesétudes.Lesex-ratioH/Fdansnotresérie étaitde2,7,ilserapprochedeceluideSaidiR.(2,5)[17]
etilsesitueentrelesvaleursdecertainspaysindustrialisés commel’Espagne(1,26)[18]etlaFrance(2,27)[16].
LaWhewelliteestlaformecristallinelaplusfréquente dansnotre série,danslesdeuxsexesetquellequesoitla tranche d’âge. Cette prédominance a aussi été observée dans la région duCentre Tunisien(51,8 %), eten Afrique du nord [19]. Par contre, en France,elle n’est représen- téequedans39,5%deslithiasesoxalo-calciques[16].Ces différencesseraientenrapportavecdeshabitudesalimen- taires différentes entre les pays développés où l’apport calcique estplus importantalors quedans lespaysémer- gentsl’alimentationestplusricheenoxalate.
Ilexisteuneforterelationentrelanaturecristallined’un calcul,l’âgeetlesexedupatient[16].Celareflèteàlafois
l’évolutiondescomportementsnutritionnelsetl’évolution propredumétabolismeenfonctiondel’âge.
Chez l’homme, la Weddellite prédomine entre 20 et 30ans.Ellereprésenteàelleseuleprèsde45%descalculs, suggérant une proportion élevée d’hypercalciurie, quelle qu’en soit l’origine, endogène ou diététique. Les calculs de Weddellite tendent à régresser avec l’âge. En effet, au-delàde30ans,laproportiondecescalculsdiminuerégu- lièrement au profit de la Whewellite qui constitue 59 % des calculs dans la tranche d’âge 50—59ans [20]. Ceci peut s’expliquer notamment par la baisse de la fonction rénale avec l’âge qui s’accompagne d’une diminution de l’excrétion du calcium urinaire et le déficit en vitamine D plus marquéchez lessujets âgésqui est unfacteur de réductiondel’absorptionactiveducalciumparlamuqueuse digestiveainsiquelafaibleconsommationdeproduitslai- tiers chezle sujet âgécomparativement à l’adulte jeune [21,22].
Chezlafemmedemoinsde30ans,laWeddelliteestplus fréquente et diminue ensuite, mais beaucoup plus lente- mentquechezl’homme.Toutefois,laWhewelliterestele composant principaldans toutes lesclasses d’âgechez la femme[14].LaprogressiondelaWeddelliteaprèsl’âgede 50anspourraitêtreliéeauxconséquencesmétaboliquesde lapriseenchargethérapeutiquedelaménopause[14].
Plusieurs études épidémiologiquesontmontréune cor- rélation positive entre l’IMC etle risque de lithiase [23], celui-ciétantplusélevé,pourunmêmeIMC,chezlafemme quechezl’homme[24].Dansnotresérienousavonsretrouvé unegrandeproportiondesurpoids(42%)etd’obésité(31%).
L’augmentation de la fréquence des maladies de sur- chargedansnossociétés,notammentl’obésité,lediabète detype2etle syndromemétaboliquecoïncide aveccelle delalithiaseurinaire.Ilaétédémontréquechezlesdiabé- tiquesdetype2,laprévalencedelalithiaseestplusélevée quedanslapopulationgénérale[25].
L’enquêtealimentaireestuneétapeprimordialepermet- tantdedéterminer,lesapportscaloriquesetcalciquesetde préciserleshabitudesalimentairespropresàchaquepatient permettantainsid’instaurerune priseencharge hygiéno- diététique[26].
L’augmentation de prévalence de la lithiase calcique s’expliqueparl’augmentationdesapportscaloriques[24].
Dansnotresérie,85%despatientsavaientdesapportscalo- riquesexcessifs.
Le débitde lacalciuriedépend del’apportencalcium etensodiummaissurtoutdel’apportenprotéinesanimales [2].
Denombreusesétudes[27,28]ontdémontréquelerisque delithiaserénaleestinférieurà30%lorsquelerégimeali- mentaireapporteautour1000mg/jdecalciumparrapport àunrégimequienapporteunedoseinférieureà600mg/j [29]. Dans notre étude, une majorité des patients (87 %) étaient concernés par des apports calciques insuffisants (<800mg/j). La phytothérapie, est répandue en Tunisie.
Dansnotresérie,41%despatientsyonteurecours.
Certainesplantespeuventavoirdesvertusbénéfiquesen matièredecalculsd’oxalatesdecalciumalorsqued’autres peuvents’avérernéfastes.Eneffet,unegrandeproportion denospatients (39%),ont utilisédes infusionsàbase de persiletdecéleri(79%)quisontrichesenoxalate.
Le bilan métabolique identifie les facteurs de risque lithogènesendogènesounutritionnels[30]. Lesanomalies étaientplusfréquentes auniveaudubilanurinairedenos patients.Quatre-vingtsixpourcentd’entreseuxontmon- trédesanomaliesdontlesplusfréquentesétaientladensité urinaireélevée,l’hypocitraturieetl’hypercalciurie.
Lalocalisationrénaledescalculsétaitplusfréquemment retrouvée chez nos patients (85 %) alors que les calculs urétérauxnereprésentaientque 15 %des cas.Cette pré- dominancedelalithiaserénaleestretrouvée,également, danslessériesd’Afriquedunord[15,19],alorsqueDaudon rapporteunediminutionprogressivedelafréquencedescal- culsintra-rénauxenrapportavecunetailledescalculsplus réduitequ’autrefois, cequifaciliteleurengagementdans l’uretère[14].
Le recours à une intervention urologiqueest le traite- mentleplusfréquentpuisqu’ilaconcerné74%descalculs denotresérie.Nosrésultatsétaientcomparablesàceuxdu centretunisienetdel’ouestalgérien[12,15].
Daudon et Knebelmann ont subdivisé les causes des lithiasesoxalo-calciquesenprimitivesetsecondaires[26].
Nousavonsadoptécetteapprochepourclasserlesétiologies descalculsdenotresérie.Lalithiaseoxalo-calciqueprimi- tive représentait l’étiologie la plus fréquente dans notre série (67 %). Parmi les principaux facteurs lithogènes, la faiblediurèseétaitlefacteurleplusfréquent.
L’hypercalciurieestledeuxièmefacteurdecristallisation oxalo-calciquedécritdanslalittérature[31].Elleestpar- foisdueàunapportalimentaireélevédecalcium,parminos patients,5%seulementétaientconcernésparcetteétiolo- gie.Beaucoupplussouvent,elleestlaconséquence d’une hypercalciurieidiopathique.Cette anomalieestfréquente danslalittérature,elletouche1à2%delapopulation[15].
L’hypercalciurieidiopathiquereprésentait 15%desétiolo- giesdansnotresérie.
L’hyperoxalurie résulte soit d’un faible volume des urines,quiaugmenteparallèlementlaconcentrationducal- cium,soitàl’ingestiond’alimentsrichesenoxalate.Leplus souventdans notre série,ils’agissait d’unapport alimen- taireexcessifoufaisantsuiteàlaphytothérapie(39%des patients).
Les lithiases oxalo-calciques secondaires représentent moinsde10 %des étiologiesdans lalittérature maissont importantesàdiagnostiquercarellesnécessitentuntraite- mentspécifique[26].
Parmicesétiologies,lesyndromemétabolique,l’obésité et l’HTA ont souvent été incriminés dans la lithogenèse.
L’obésitéest reconnuecommeun facteurderisque litho- gène,essentiellementuriquemaisaussioxalo-calcique[24].
Elleestresponsableprincipalementd’unehyperaciditéuri- naireetd’unehypocitraturie[32].Lediabèteestunfacteur derisquepourdévelopperuncalculrénalpardiminutionde l’excrétionurinairedecitrateetaugmentationdecellede calcium.Il étaitlacausede 10%des lithiasesdans notre série.
LamaladiedeCacchi-Ricciapparaîtcommelaplusfré- quentedesmalformationsdel’appareilurinaire[33],ellea étéretrouvéechez2%denospatients.Ellerestesouvent asymptomatiqueetméconnue,cequifaitquesafréquence chez les lithiasiques est très certainement sous-estimée [33,34].
Conclusion
Malgré les avancées technologiques du traitement urolo- giquedelalithiaseurinaire, notre étudeépidémiologique révèlel’importancedesapriseencharge prophylactique.
L’évaluation objective du risque lithogène oxalo-calcique est essentielle afin de permettre une modulation indivi- duelle.
Les principaux facteurs lithogènes identifiés étaient l’hyperoxaluriealimentaireexpliquéeenpartieparunfaible apportcalciqueetunephytothérapiericheenoxalate.
Déclaration de liens d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
Références
[1]DaudonM,TraxerO,LechevallierE,SaussineC.Epidémiologie deslithiasesurinaires.ProgUrol2008;18:802—14.
[2]StamatelouKK,FrancisME,JonesCA,NybergJr LM,Curhan GC. Time trends in reported prevalence of kidney stones in the United States: 1976—1994. Kidney Int 2003;63(5):
1817—23.
[3]MoeschC.Donnéesépidémiologiques-caractéristiquesetévo- lutiondelalithiaseurinaire.Eurobiol1993;203:21—8.
[4]AmraniHassaniM,HennequinC,LacourB,DaudonM.Citraturie etcristalluriedeweddellite.ProgUrol2005;15(4):650—5.
[5]PakCY,OdivinaCV,PearleMS,SakhaeeK,PetersonRD,Poin- dexterJR.Effectofdietarymodificationonurinarystonerisk factors.KidneyInt2005;68(5):2264—73.
[6]DaudonM,TraxerO,JungersP.Explorationétiologiquedela lithiase.In:LeclercE,editor.Lithiaseurinaire.Paris:Lavoisier;
2012.p.311—40.
[7]KidneyDisease:ImprovingGlobalOutcomes(KDIGO)CKD-MBD WorkGroup.KDIGOclinicalpracticeguidelineforthediagno- sis,evaluation, prevention,andtreatmentofchronickidney disease-mineralandbonedisorder(CKD-MBD).KidneyIntSuppl 2009;8(113):S1—130.
[8]Daudon M, Bader CA, Jungers P. Urinary calculi: review of classificationmethodsandcorrelationswithetiology.Scanning Microsc1993;7(3):1081—104.
[9]DaudonM,BounxoueiB,SantaCruzF,LeiteDA,SilvaS,Diouf B,etal.Compositiondescalculsobservésaujourd’huidansles paysnonindustrialisés.ProgUrol2004;14(6):1115—61.
[10]Neffati F,BenSalemI,HellaraI.Etudedelalithiaserénale chez une population d’adultes tunisiens. Rev Tun Biol Clin 2007;20:26—36.
[11]AlayaA,NouriA,NajjarMF.Prévalenceetcompositiondela lithiaseurinairedansunepopulationpédiatriquetunisienne.
ProgUrol2009;19(6):395—400.
[12]AlayaA, HellaraI,Belgith M,NouriA,HellaraW, Neffati F, etal.Étudedelacompositiondescalculsurinairesenfonc- tiondel’âgedanslapopulationducentretunisien.ProgUrol 2012;22(15):938—44.
[13]AlayaA,NajjarMF,NouriA.Pediatricurolithiasisinthecentral coastofTunisia:epidemiologicchangesoverthepasttwenty- fiveyears.SaudiJKidneyDisTranspl2010;21(4):762—71.
[14]RajaM,BenAmmarS,BahlousA,BahriS,FerchichiM,Zghal A,etal.Donnéesépidémiologiquesdelalithiaserénalechez l’adulte.TunisMed2001;79(1):15—9.
[15]Daudon M. Épidémiologie actuelle de la lithiase rénale en France.AnnUrol2005;39(6):209—31.
[16]DaudonM, Doré JC, Jungers P,Lacour B. Changes in stone compositionaccordingtoageandgenderofpatients:amulti- variateepidemiologicalapproach.UrolRes2004;32(3):241—7.
[17]Saidi R. Détermination des causes de la lithiase urinaire de l’adulte par analyse infrarouge séquentielle des calculs [Thèse].Tunis:Biochimie;2005[212pp.].
[18]AlapontPerezFM,GalvezCalderonJ,VareaHerreroJ,Colome BorrosG,OlasoOltraA,SanchezBisonoJR.Epidemiologyof urinarylithiasis.ActasUrolEsp2001;25(5):341—9.
[19]OussamaA,KzaiberF,MernariB,HilmiA,SemmoudA,Daudon M.Analysedescalculsurinairesdel’adultedansleMoyenAtlas marocainparspectrophotométrieinfrarougeàtransforméede Fourier.ProgUrol2000;10(3):404—10.
[20]DaudonM,KnebelmannB.Épidémiologiedelalithiaseurinaire.
RevPrat2011;61(3):372—8.
[21]GoldschmiedA,ModanB,GreenbergRA,ZurkowskiS,Modan M.Urinarycalciumexcretioninrelationtokidneyfunctionin theadult.JAmGeriatrSoc1975;23:155—60.
[22]VolkertD,KreuelK,HesekerH,StehleP.Energyandnutrient intakeofyoung-old,old-oldandvery-oldelderlyinGermany.
EurJClinNutr2004;58:1190—200.
[23]SeminsMJ,ShoreAD,MakaryMA,MagnusonT,JohnsR,Matlaga BR.Theassociationofincreasingbodymassindexandkidney stonedisease.JUrol2010;183(2):571—5.
[24]TaylorEN,StampferMJ,CurhanGC.Obesity,weightgain,and theriskofkidneystones.JAMA2005;293(4):455—62.
[25]Meydan N, Barutca S, Caliskan S, Camsari T. Urinary stone diseaseindiabetesmellitus.ScandJUrolNephrol2003;37(1):
64—70.
[26]Daudon M, Knebelmann B. Lithiase oxalocalcique. Rev Prat 2011;61:385—8.
[27]CurhanGC,Willett WC,Rimm EB,StampferMJ.A prospec- tivestudyofdietarycalciumandothernutrientsandtherisk of symptomatic kidney stones. N Engl J Med 1993;328(12):
833—8.
[28]CurhanGC,WillettWC,SpeizerFE,SpiegelmanD,StampferMJ.
Comparisonofdietarycalciumwithsupplementalcalciumand othernutrientsasfactorsaffectingtheriskforkidneystones inwomen.AnnInternMed1997;126(7):497—504.
[29]DogliottiE,Vezzoli G, NouvenneA, MeschiT,TerranegraA, MingioneA,etal.Nutritionincalciumnephrolithiasis.JTransl Med2013;11:109—12.
[30]DaudonM,BazinD.Lithiaserénale:delanatureducalculàla causedelamaladielithiasique[Enligne].ServicedeBiochimie A,HôpitalNecker,Paris.UniversitéParis-Sud,Orsay.[citéle 09/12/2014].
[31]WorcesterEM,CoeFL.Clinicalpractice.Calciumkidneystones.
NEnglJMed2010;363(10):954—63.
[32]MontagnacR,SchendelA,VuibletV,PeilleronB,PiotO.Chirur- giebariatrique,lithiaseoxalo-calciqueetinsuffisancerénale parnéphropathieoxalique.NephrolTher2011;7(1):38—45.
[33]TraxerO.Lebilandespatientslithiasiques:quand,comment etpourquoi?ProgUrolFMC2000;10:3—10.
[34]JungersP,DaudonM,LeDucA.Ectasiescanaliculairesprécali- ciellesoumaladiedeCacchi-Ricci.Paris:FlammarionMédecine Sciences;1989.