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Square Eugène Plasky 92-94/ BRUXELLES. le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

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Texte intégral

(1)

n° 238 766 du 22 juillet 2020 dans l’affaire X / X

En cause : X

ayant élu domicile : au cabinet de Maître E. MASSIN Square Eugène Plasky 92-94/2 1030 BRUXELLES

contre :

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XèmeCHAMBRE,

Vu la requête introduite le 24 mars 2020 par X, qui déclare être de nationalité guinéenne, contre la décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, prise le 24 février 2020.

Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après dénommée la « loi du 15 décembre 1980 »).

Vu le dossier administratif.

Vu l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 19 du 5 mai 2020 concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil du contentieux des étrangers et la procédure écrite, dont la durée d’application est prorogée par l’arrêté royal du 26 mai 2020.

Vu l’ordonnance du 15 mai 2020 communiquant aux parties le motif pour lequel le recours peut, à première vue, être suivi ou rejeté selon une procédure purement écrite.

Vu la note de plaidoirie de la partie requérante du 2 juin 2020.

APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :

1. Dans sa demande de protection internationale, le requérant expose en substance les faits suivants, qu’il confirme pour l’essentiel en termes de requête :

« Selon vos déclarations, vous êtes de nationalité guinéenne, originaire de Marela (sous-préfecture de Faranah), d’ethnie peule et de confession musulmane. Vous n’avez pas d’activité politique.

À l’appui de votre demande de protection internationale, vous invoquez les faits suivants :

Votre père décède lorsque vous êtes encore un nourrisson et vous grandissez dès lors avec votre mère dans la concession de Monsieur [A.] qui était l’ami de votre père. Lorsque vous êtes enfant, votre grande sœur se marie et part vivre à Conakry, puis aux États-Unis.

(2)

Au décès de votre père, votre mère demande à Monsieur [A.] comment gérer son magasin et celui de votre défunt père en même temps. Monsieur [A.] propose que son fils [Y.] travaille dans ce magasin.

Votre mère accepte mais [Y.] détourne les marchandises se trouvant dans le magasin puis ce dernier récidive lorsque le mari de votre sœur réapprovisionne le magasin. Votre mère porte plainte à la police qui l’arrête et le détient pendant trois mois jusqu’à ce que Monsieur [A.] rembourse l’argent. Vos relations avec Monsieur [A.] se détériorent, ce dernier vous chasse, vous et votre mère, de chez lui.

Vous retournez vivre dans la maison de votre père qui était jusqu’à ce moment occupée par des membres de la famille de Monsieur [A.].

Un jour, vous allez à la rivière en moto avec vos amis. Vous êtes au volant d’une moto appartenant à Monsieur [A.] et vous avez comme passager [O.T.]. [K.B.] conduit une moto sur laquelle se trouve [S.], qui est le fils de Monsieur [A.]. Vous faites une course et en essayant d’éviter une imperfection de la route, vous faites un accident dans lequel [S.] est blessé. Il décède de ses blessures quelques heures plus tard. Immédiatement après l’accident, vous informez son père par téléphone et celui-ci vient avec la police qui vous embarque au commissariat.

Suite au décès de [S.], sa famille se rend au commissariat pour se venger et exige que vous soyez relâché. La tension est à son comble, il y a des jets de pierres sur le commissariat et la police essaye de disperser la foule. Monsieur [A.] se rend sur place, demande à la foule de se calmer et dit que la justice se chargera de vous. Vous êtes détenu au commissariat durant deux semaines jusqu’à ce que votre mère organise votre évasion et votre sortie du pays avec le commandant [M.] qui est chef de police.

Trois jours après votre évasion, une délégation envoyée par les frères de Monsieur [A.] - qui sont commandant et capitaine à Faranah - vient au commissariat de Marela pour vous transférer. Mais ne vous trouvant pas là, la délégation informe les frères de Monsieur [A.] de votre disparition. Furieuse, la famille de Monsieur [A.] se rend à la boutique de votre mère et la saccage. Votre mère est également agressée et est emmenée à l’hôpital. Lorsqu’elle est hospitalisée, [Y.] vient pour la tuer mais la police l’arrête et le transfère à la Sûreté où il est enfermé.

Vous quittez la Guinée en janvier 2016 et vous traversez le Mali. Vous vous rendez ensuite en Algérie et au Maroc où vous restez approximativement un an dans chacun de ces pays. Vous traversez ensuite l’Espagne et la France pour arriver en Belgique le 29 janvier 2018 et y introduire votre demande de protection internationale le même jour.

Vous apprenez entre-temps qu’après avoir quitté Marela, en février 2016, votre mère est décédée en 2017 à l’hôpital à Conakry.

Vous ne déposez aucun document à l’appui de votre demande de protection internationale ».

2. Dans sa décision, la partie défenderesse conclut en substance, sur la base de motifs qu’elle détaille, à l’absence de crédibilité du requérant sur plusieurs points importants du récit. Elle pose notamment les constats suivants :

 les faits invoqués ne relèvent d’aucun critère de rattachement à la Convention de Genève ;

 le requérant n’a fourni aucun élément probant à l’appui de ses dires ;

 si ses déclarations permettent de tenir l’accident de la circulation qu’il invoque pour établi, elles sont toutefois insuffisantes pour caractériser un risque consécutif d’atteinte grave dans son chef ;

 en effet, le comportement qu’il prête à l’individu qu’il dit principalement redouter ne traduit aucunement une volonté de vengeance chez ce dernier ;

 ses déclarations au sujet des membres de la famille de ce même individu qui seraient intervenus dans les événements à l’origine de sa fuite de Guinée, ou qui seraient susceptibles de s’en prendre à lui en Europe, manquent de consistance et se révèlent hypothétiques ;

 certains événements relatés par le requérant contredisent le fait que les personnes qu’il dit craindre disposent de capacités de nuisance ;

 les informations dont dispose le requérant lui parviennent par un biais invraisemblable et sont le fruit de spéculations ;

 rien ne permet d’établir un quelconque lien entre l’agression alléguée de sa mère et le décès de cette dernière de nombreux mois après ;

 et le requérant se révèle très inconsistant au sujet de son profil familial tant paternel que maternel.

(3)

Le Conseil estime que, à l’exception de celui relatif au caractère invraisemblable du procédé grâce auquel le requérant obtient des informations et de celui relatif à la présence d’une contradiction dans ses propos au sujet des causes de la mort de sa mère, lesquels ne sont pas établis à suffisance et/ou se révèlent surabondants, les constats précités de la décision querellée sont conformes au dossier administratif et sont pertinents. Le Conseil, qui les fait siens, estime qu’ils suffisent à justifier le rejet de la demande de protection internationale, dès lors que le défaut de crédibilité du récit du requérant empêche de conclure à l’existence, dans son chef, d’une crainte de persécution ou d’un risque réel d’atteintes graves, à raison des faits allégués.

3. Dans sa requête, le requérant n’oppose aucun argument convaincant face à ces motifs spécifiques de la décision.

Il se contente de critiquer l’appréciation portée par la partie défenderesse — critique extrêmement générale sans réelle incidence sur les motifs précités de la décision —, et tente de justifier la teneur inconsistante, inconstante et/ou incohérente de ses déclarations, ces justifications étant, en tout état de cause, insuffisantes pour apporter à son récit la crédibilité qui lui fait défaut.

3.1 En effet, s’agissant en premier lieu de l’impossible rattachement des faits invoqués aux critères de la Convention de Genève, le Conseil ne peut que relever l’absence de toute contestation précise et étayée du requérant à cet égard. Le Conseil ne peut donc que conclure, à la suite de la partie défenderesse, au fait que les événements invoqués par le requérant à l’appui de sa demande de protection internationale ne relèvent pas du champ d’application de la Convention de Genève dans la mesure où il n’est ni démontré, ni même allégué, qu’il aurait été pris pour cible par les personnes qu’il dit craindre en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

3.2 Au regard de l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980, le Conseil estime que, sous les réserves mentionnéessupra(voir point 2.), la motivation de la décision querellée est suffisante pour parvenir à la conclusion que le risque d’atteinte grave invoqué se révèle très largement hypothétique.

3.3 Tout d’abord, si la partie défenderesse ne remet pas expressément en cause la détention alléguée de deux semaines du requérant, ce que souligne la partie défenderesse dans sa note de plaidoirie, le Conseil estime, dans sa compétence de pleine juridiction, qu’il ressort néanmoins de l’esprit de la décision attaquée (qui souligne uniquement que les circonstances de l’accident sont tenues pour établies mais qui remet en question l’existence de poursuites et la volonté de nuire du père de la victime) et, plus largement, d’une lecture attentive du dossier administratif, que cette détention ne peut, en l’absence du moindre élément probant, être tenue pour établie à ce stade de la procédure.

Le Conseil observe en effet que le requérant tient des propos peu vraisemblables et peu cohérents quant aux suites de l’accident. En effet, il est tout d’abord à noter que le requérant n’est pas en mesure d’apporter des précisions sur le nombre de policiers présents lors de son interpellation. Surtout, il ressort des circonstances décrites par le requérant que les deux conducteurs de motos ont essayé d’éviter un trou au milieu de la route (notes de l’entretien personnel du 5 décembre 2019, p. 9) et que les deux motos sont tombées, sans qu’il n’évoque le fait que sa moto aurait renversé celle où se trouvait la victime, de sorte qu’il apparaît pour le moins peu vraisemblable qu’il soit le seul des quatre personnes impliquées à être directement arrêté, mis en détention et emprisonné pendant deux semaines en vue d’une condamnation. Le Conseil souligne à cet égard que le requérant reste dans l’incapacité d’expliquer les raisons pour lesquelles les deux autres jeunes présents lors de son interpellation, et en particulier le conducteur de la moto sur laquelle se trouvait la victime lors de l’accident, n’ont pas été à tout le moins interpellé alors qu’il aurait, de son côté, fait l’objet d’une détention de deux semaines.

Dans ces circonstances, en l’absence de tout élément probant et dès lors que le requérant ne démontre aucunement la volonté de lui nuire de A., le Conseil estime que la détention alléguée par le requérant ne peut être tenue pour établie.

3.4 Par ailleurs, comme le souligne la décision attaquée et comme il vient d’être souligné, il ressort des déclarations du requérant une évidente incohérence entre le comportement allégué du principal individu qu’il redoute en l’espèce et la volonté de vengeance qui l’animerait, la seule réitération des déclarations initiales du requérant étant très largement insuffisante pour renverser cette conclusion (requête, pp. 5 et 13-14).

(4)

De même, la seule affirmation non développée et/ou étayée selon laquelle « Monsieur [A.] dispose de moyens financiers et humains importants en Guinée » (requête, p. 5), ou encore les interprétations totalement spéculatives au sujet des durées de détention du fils de ce dernier (requête, p. 15), sont insuffisantes pour établir les capacités de nuisance qui lui sont prêtées dès lors qu’il ressort du récit du requérant qu’en tout état de cause le long conflit qui opposerait sa mère et lui-même à son persécuteur allégué et sa famille a toujours été réglé par des voies légales avec l’appui bienveillant des autorités guinéennes à leur égard.

Pour cette même raison, le Conseil estime que le requérant n’a apporté aucun élément lui permettant d’affirmer qu’il ne pourrait « prétendre d'une part, à une protection efficace et effective des autorités nationales guinéennes et d'autre part, à un procès équitable » (requête, p. 4). La seule référence à la

« corruption omniprésente en Guinée » (requête, p. 5) est en effet incompatible avec le fait que le requérant et sa famille ont déjà bénéficié à plusieurs reprises de l’intervention des autorités en leur faveur.

Ces premiers constats, alliés au fait que, même au stade actuel de la procédure et nonobstant les justifications contextuelles avancées (requête, p. 12), il n’est versé au dossier aucun élément tangible ou aucune information précise au sujet des supposées poursuites diligentées contre le requérant suite à l’accident de la circulation dans lequel il est impliqué, rendent les développements de la requête introductive d’instance au sujet de l’équité des procédures judiciaires en Guinée, au sujet du caractère supposément disproportionné ou discriminatoire des peines encourues ou encore au sujet des conditions de détention qui y prévalent, surabondants car en l’espèce totalement hypothétiques (requête, pp. 5-10).

Plus généralement, le Conseil ne peut que relever, en accord avec la motivation de la décision querellée, le caractère extrêmement imprécis des propos du requérant au sujet de sa propre histoire familiale, de son principal persécuteur ou encore des membres de la famille de ce dernier alors qu’il soutient par ailleurs avoir vécu toute sa vie en leur compagnie. Le profil allégué du requérant (requête, p. 10) et de sa famille (requête, p. 16) mis en exergue en termes de requête et de note de plaidoirie n’est pas susceptible d’expliquer à suffisance de telles carences dans la mesure où elles concernent des points élémentaires de son propre vécu depuis sa prime enfance.

S’agissant enfin des causes du décès de la mère du requérant, si le Conseil ne peut que conclure, comme déjà mentionnésupra(voir point 2.), à l’absence de contradiction flagrante dans le récit, il n’en demeure pas moins que celui-ci se révèle une nouvelle fois très hypothétique. En effet, dès lors que la mère du requérant serait décédée de nombreux mois après les agressions dont elle aurait été l’objet, il ne saurait être établi un lien de causalité entre ces deux événements.

Les documents annexés à la note de plaidoirie du 2 juin 2020 ne sont pas susceptibles de modifier ce constat dès lors qu’ils ne font aucune référence intelligible à la cause du décès de la personne concernée. En effet, le document intitulé « déclaration de décès » semble mentionner à cet égard « TCE » sans autre précision. Quant au document intitulé « certificat de décès », il est totalement muet sur cette question déterminante. Par ailleurs, lesdits documents contiennent des informations qui entrent en contradiction avec les déclarations du requérant lors de ses entretiens personnels. En effet, alors que le requérant précise à plusieurs reprises que sa mère ne s‘est jamais remariée suite au décès de son père lorsqu’il était nourrisson (entretien personnel du 19 novembre 2019, p. 9 ; entretien personnel du 5 décembre 2019, p. 5), le document intitulé « certificat de décès » précise au contraire que la situation matrimoniale de l’intéressée est « mariée ». De même, alors que le requérant déclare que sa mère « avait atteint un certain âge et dépassé les 70 ans » (entretien personnel du 5 décembre 2019, p. 17), les deux documents versés au dossier mentionnent que l’intéressée était âgée de soixante-cinq ans au jours de son décès. En outre, alors que le requérant soutient de manière constante ne plus avoir de famille en Guinée et plus généralement ne plus avoir de contact avec son pays d’origine, ce qui est réitéré en termes de note de plaidoirie du 2 juin 2020, il apparait que les documents qu’il verse au dossier ont été établis le 20 décembre 2019, soit quelques semaines seulement après son deuxième entretien personnel devant les services de la partie défenderesse, suite à une déclaration réalisée 23 juin 2017, soit deux ans et demi avant leur rédaction, par une personne présentée comme étant la nièce de la défunte, et donc une cousine du requérant dont il n’a fait aucune référence précédemment. Il n’est par ailleurs apporté aucune explication en termes de note de plaidoirie au sujet du procédé à la faveur duquel le requérant est parvenu à entrer en possession de ces pièces.

(5)

Quant aux informations générales annexées à la requête introductive d’instance, dès lors qu’elles ne citent ni n’évoquent la situation personnelle du requérant, force est de conclure qu’elles manquent de toute pertinence pour établir le risque d’atteinte grave qu’il invoque à l’appui de sa demande.

Il résulte de tout ce qui précède que les seuls documents versés au dossier par le requérant à l’appui de sa demande de protection internationale manquent de pertinence et/ou de force probante pour l’appuyer utilement.

En définitive, le requérant ne produit aucun élément d’appréciation nouveau, objectif ou consistant pour pallier les insuffisances qui caractérisent le récit.

Il en résulte que les motifs précités de la décision demeurent entiers, et empêchent à eux seuls de faire droit aux craintes allégués sous l’angle de l’article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980, ou aux risques invoqués sous l’angle de l’article 48/4, § 2, a) et b), du même texte.

Enfin, le Conseil rappelle que conformément à l’article 48/6 de la loi du 15 décembre 1980, le bénéfice du doute ne peut être donné, notamment, que lorsque «la crédibilité générale du demandeur d’asile a pu être établie»,quod nonen l’espèce.

Force est de conclure par ailleurs qu’aucune application de l’article 48/7 de la loi du 15 décembre 1980 ne saurait être envisagée à ce stade, cette disposition présupposant que la réalité des problèmes allégués est établie,quod nonen l’espèce.

4. Au regard de l’article 48/4, § 2, c), de la loi du 15 décembre 1980, le requérant ne développe aucune argumentation circonstanciée qui permette de considérer que la situation dans son pays d’origine correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international. En tout état de cause, le Conseil n’aperçoit, dans le dossier administratif, ou dans le dossier de la procédure, aucune indication de l’existence de sérieux motifs de croire qu’il serait exposé, en cas de retour dans son pays, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens dudit article.

5. Dans une telle perspective, il n’est plus nécessaire d’examiner plus avant les autres motifs de la décision attaquée et les arguments de la requête qui y seraient afférents, un tel examen ne pouvant en toute hypothèse pas induire une autre conclusion.

6. Dans sa note de plaidoirie du 2 juin 2020, déposée conformément à l’article 3, alinéa 6, de l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 19 du 5 mai 2020 précité, le requérant s’en tient pour l’essentiel au récit et aux écrits de procédure. Il n’y est ainsi exposé aucun élément ou aucune justification nouvelle qui serait de nature à renverser les constats qui précédent. Quant aux pièces qui y sont annexées, le Conseil renvoie à ses développementssupra.

Il y est par ailleurs fait état du fait que « Le requérant bien informé de votre ordonnance, maintient malgré tout son désir d'être entendu et de pouvoir s'exprimer oralement face au juge qui aura à statuer sur sa demande de protection internationale. Il s'estime par ailleurs lésé, notamment au niveau du respect des droits de la défense, par ces modifications procédurales et par ces délais excessivement courts endéans lesquels il lui a été impossible, pour cause de force majeure liée au contexte exceptionnel découlant du Covid-19, de rencontrer son conseil dans de bonnes conditions, avec interprète, pour préparer valablement sa défense ».

Toutefois, si le Conseil peut tout à fait concevoir que les mesures exceptionnelles prises en raison de la situation sanitaire actuelle puissent entraîner des difficultés, telles que celles invoquées dans le cadre de la communication entre le requérant et son avocat, il observe néanmoins que la présente procédure, fondée sur l’article 3 de l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 19 du 5 mai 2020, vise précisément, par la possibilité de déposer une « note de plaidoirie », à protéger les droits de la défense et le principe du contradictoire. Le rapport au roi (Moniteur belge du 6 mai 2020, seconde édition, pp. 39237 et s.) souligne ainsi ce qui suit :

« A l'instar des cours et tribunaux du pouvoir judiciaire et afin de garantir la continuité de l'administration de la justice en droit de l'asile et de la migration, une disposition doit également être prévue en vue d'autoriser le Conseil du contentieux des étrangers, pendant la période de la période visée à l'article 2, à rendre des arrêts sans audience publique dans d'autres procédures que celles mentionnées à l'article 1er, alinéa 2.

(6)

En effet, s'il est vrai que les procédures devant le Conseil du contentieux des étrangers sont en principe écrites, il n'en reste pas moins qu'elles contiennent toujours l'obligation de tenir également une audience publique.

Pour les recours dans le cadre desquels le président de chambre ou le juge qu'il a désigné considère qu'une audience est nécessaire, une audience sera organisée sur base de l'article 39/74 de la loi du 15 décembre 1980, dans le respect des mesures prises par le Conseil National de Sécurité.

La loi du 15 décembre 1980 a toutefois déjà prévu une possibilité de statuer selon une procédure purement écrite lorsque le juge considère qu'il n'est pas nécessaire que les parties exposent encore oralement leurs remarques. L'article 39/73 de la loi prévoit que ces recours sont traités en priorité.

Toutefois, même dans ce cas, il suffit que l'une des parties demande à être entendue pour qu'une audience doive être tenue.

Compte tenu des exigences de « distanciation sociale », qui concernent notamment, mais pas exclusivement, les parties au procès, leurs avocats, les magistrats, les greffiers, le personnel, etc., et dès lors qu'il est de la plus haute importance d'éviter autant que possible que des personnes soient amenées à devoir quitter leur lieu de résidence, puisqu'elles sont en principe obligées d'y demeurer, il convient de limiter la possibilité de tenir une audience. Il s'impose toutefois d'éviter une mesure qui restreindrait le droit des parties au débat contradictoire. Il a donc été prévu de remplacer la possibilité de demander une audience par la possibilité d'envoyer une note de plaidoirie.

Si une des parties a déposé une note de plaidoirie, le juge en tient compte dans son arrêt. S'il l'estime nécessaire, il peut aussi décider d'ordonner la réouverture des débats pour permettre à la partie qui a accepté son ordonnance de déposer à son tour une note de plaidoirie. Cela sera, en particulier, le cas si les arguments développés dans la note de plaidoirie pourraient amener le juge à modifier son analyse de la cause. Dans ce cas, il est nécessaire que la partie qui aurait eu intérêt à ce que l'ordonnance soit suivie sans plus puisse disposer de la faculté de réagir à la note de plaidoirie de l'autre partie. Cette faculté n'est cependant assortie d'aucune sanction. La partie qui ne réagit pas, le fait à ses risques et périls et le juge statue sur la base du dossier de procédure tel qu'il se présente.

Il va de soi que le juge peut, tout comme c'est déjà le cas actuellement, toujours décider au vu de la ou des notes déposées de renvoyer l'affaire au rôle général pour qu'elle soit traitée selon une procédure ordinaire avec audience.

C'est donc le juge qui a toujours, en définitive, la maîtrise de la procédure. Dans la mesure où il s'agit de recours qui doivent être traités en priorité dans le cadre de la loi du 15 décembre 1980, il est normal qu'il dispose de la possibilité de poursuivre l'examen prioritaire de ces recours même en période de crise. La procédure en projet doit lui permettre de le faire sans nuire aux droits de la défense, à l'égalité des armes entre les parties et, de manière générale, au caractère contradictoire des débats ».

En l’espèce, dans sa note de plaidoirie, le conseil du requérant fait tout d’abord expressément valoir que

« Par ailleurs, suite à un contact avec le requérant, celui-ci m'a communiqué de nouvelles informations reçues du pays », de sorte qu’il apparaît qu’en l’espèce, le requérant et son conseil ont pu communiquer de manière intelligible et efficace avant la rédaction de ladite note de plaidoirie, ce qui a notamment abouti sur la production des nouveaux éléments examinés ci-avant. Par ailleurs, si la partie requérante estime que le requérant doit être entendu oralement, elle ne fait toutefois valoir aucun autre fait ou élément nouveau qui nécessiterait la tenue d’une audience et que le requérant souhaiterait porter à la connaissance du Conseil. Quant aux difficultés liées spécifiquement à l’absence d’un interprète, le Conseil estime que cette circonstance ne peut suffire à justifier que le requérant doive être entendu oralement par le Conseil, dans la mesure où il est raisonnable de penser que compte tenu des circonstances actuelles, il aurait pu envisager de recourir à d’autres canaux de communication - notamment par voie téléphonique, électronique ou postale - pour informer son avocat de nouveaux éléments éventuels, ou à tout le moins fournir des indications sur la nature et la teneur de tels éléments, le cas échéant en se faisant aider par un proche maitrisant une des langues nationales, voire une langue internationale accessible à son avocat, ce qui apparaît du reste avoir été le cas en l’espèce.

(7)

Enfin, en ce que le requérant reproche « l’analyse extrêmement laconique, non étayée , ni en fait, ni en droit et stéréotypée faite par votre Conseil dans le cadre de son ordonnance préalable », il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que cette ordonnance constitue un acte avant dire droit, qui n’est pas susceptible d’un recours distinct. Cette ordonnance rendue en application de l’article 39/73 de la loi du 15 décembre 1980 se borne à communiquer de manière succincte « le motif sur lequel le président de chambre ou le juge […] se fonde pour juger que le recours peut être suivi ou rejeté selon une procédure purement écrite ». Il ne s’agit pas d’un arrêt et l’ordonnance ne préjuge pas de la solution du litige dans l’hypothèse ou une partie ne donne pas son consentement au motif indiqué. Par son ordonnance, le juge contribue, en réalité, au caractère contradictoire du débat en offrant aux parties la possibilité d’avoir connaissance et de débattre contradictoirement tant des éléments de fait que des éléments de droit qui lui semblent décisifs pour l’issue de la procédure. Aucune disposition réglementaire ne s’oppose à ce que ce motif soit exposé de manière succincte, pour autant que l’ordonnance permette aux parties de comprendre la raison pour laquelle le juge n’estime pas nécessaire qu’elles exposent encore oralement leurs arguments. En l’espèce, la note de plaidoirie de la partie requérante démontre que cet objectif a été atteint.

7. Il en résulte que le requérant n’établit pas l’existence, dans son chef, d’une crainte de persécution ou d’un risque réel d’atteintes graves, en cas de retour dans son pays.

Les constatations faitessuprarendent inutile un examen plus approfondi des moyens de la requête, cet examen ne pouvant, en toute hypothèse, pas induire d’autre conclusion quant au fond de la demande.

Le Conseil rappelle à cet égard que dans le cadre de la compétence de pleine juridiction qu’il exerce au contentieux de l’asile, il est amené à soumettre l’ensemble du litige à un nouvel examen et à se prononcer par un arrêt dont les motifs lui sont propres et qui se substitue intégralement à la décision attaquée. Il en résulte que l’examen des vices éventuels affectant cette dernière au regard des règles invoquées en termes de moyen, a perdu toute pertinence.

8. Le requérant sollicite enfin l’annulation de la décision attaquée. Le Conseil ayant conclu à la confirmation de la décision attaquée, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.

PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE :

Article 1er

La qualité de réfugié n’est pas reconnue à la partie requérante.

Article 2

Le statut de protection subsidiaire n’est pas accordé à la partie requérante.

Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le vingt-deux juillet deux mille vingt par :

M. F. VAN ROOTEN, président f.f., juge au contentieux des étrangers,

Mme L. BEN AYAD, greffier.

Le greffier, Le président,

L. BEN AYAD F. VAN ROOTEN

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