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Les pionniers oubliés de l’autisme : la vie et l’œuvre d’Anni Weiss et de Georg Frankl

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Academic year: 2022

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L’Information psychiatrique 2021 ; 97 (5) : 403-21

Les pionniers oubliés de l’autisme : la vie

et l’œuvre d’Anni Weiss et de Georg Frankl *

Samantha Dluzak

1,2

1Enseignante-tuteur de rédaction (Writing Fellow), College of Graduate and Continuing Studies,

Norwich University, Vermont, USA

2Master of Arts in History (MAH), Histoire mondiale contemporaine, Norwich University, Vermont, USA

Avant propos

Avant-propos de Jérémie Sinzelle, traducteur de l’article de Mme Dluzak de l’anglais au franc¸ais (avril 2021).

<docteursinzelle@gmail.com>

Chair, Section “History of Psychiatry”, World Psychiatric, Association (WPA), Hôpital universitaire de psychiatrie, 2 chemin du Petit Bel-Air, 1226 Thônex, Genève, Suisse

Vous trouverez ci-après l’article de madame Saman- tha Dluzak«les Pionniers oubliés de l’autisme : la vie et l’œuvre d’Anni Weiss et de Georg Frankl».

Cette recherche, effectuée à l’occasion de son master en histoire à l’université Norwich dans le Vermont (États- Unis), nous livre un contenu inédit qui éclaire certaines questions restées obscures dans les travaux précédents, notamment ceux des historiens Herwig Czech et Edith Sheffer, ou encore les essayistes Steve Silberman et Adam Feinstein, ou les journalistes Caren Donvan et John Zucker. Ce travail de recherche méticuleux fut effec- tué avec rigueur et une grande détermination, en toute indépendance et sans aucun conflit d’intérêt, avec les moyens limités qui sont offerts à un étudiant en master.

L’essentiel du travail de recherche de Mme Dluzak s’est déroulé sur une période allant de mi-2018 à février 2019, et après avoir diffusé quelques versions préparatoires sur Internet à partir de mars 2019, ce travail est arrivé à maturité dans cet article désormais de référence sur les

«Forgotten Pioneers».

The Forgotten Pioneers : The Life and Work of Anni Weiss and Georg Frankl.Cet article a été en grande partie rédigé à l’automne 2018, et sensi- blement actualisé depuis. Il a été traduit en avril 2021 depuis sa version originale en anglais par Jérémie Sinzelle, auquel je suis extrêmement reconnaissante.

Nous pouvons remarquer que l’auteur, par ses qua- lités diplomatiques et par la rigueur dans sa démarche historique, fut la première à avoir accès à de nouvelles sources complètement inédites, et dont cet article repré- sente le tout premier prolongement. Madame le Dr Maria Asperger-Felder, pédopsychiatre à Zurich et fille de Hans Asperger, avait en effet refusé toute communication avec des chercheurs depuis dix ans, pour des raisons que vous trouverez dans l’article, mais autorisa exception- nellement Mme Dluzak à avoir accès aux documents restés en sa possession. Mme Asperger-Felder permit en outre de lever l’ambiguïté sur certains points restés incertains. À défaut de présenter la réflexion scientifique de ces pionniers oubliés, ce travail aborde leur parcours, à travers les péripéties de l’histoire tragique de leur époque. L’article nous permet également de comprendre à partir de quelle histoire a pu parler Asperger, au cré- puscule de sa vie, lors de sa rencontre avec Lorna Wing en 1979, où il s’opposa à l’exhumation de ses anciens travaux (conseil qui ne fut pas suivi, comme on le sait, puisque l’année suivante elle créait l’expression«syn- drome d’Asperger»).

Pour conserver la possibilité de publier ce contenu inédit dans sa langue maternelle, le choix de Mme Dluzak, qui ne parle pas franc¸ais, fut de publier d’abord son travail à l’étranger, et dans une autre langue. C’est pourquoi le lecteur ne trouvera pas de références en langue franc¸aise dans cet article, excepté l’ouvrage d’Edith Sheffer, Les Enfants d’Asperger (désormais sorti en poche chez Champs-Flammarion), et auquel nous avons participé, avec Yann Craus, à sa traduction scientifique en franc¸ais. Nous en avions écrit la recension dansl’Information Psychiatriqueen janvier 20201; elle figurait juste à la suite de l’article de Jacques Hochmann intitulé L’affaire Asperger2 dans le même

1 Craus Y, Sinzelle J. Analyse de livre.Les enfants d’Asperger, de Edith Scheffer.Inf psychiatr96 (1) : 73-6.

2 Hochmann J. L’affaire Asperger.Inf psychiatr96 (1) : 67-72.

doi:10.1684/ipe.2021.2269 Correspondance :S. Dluzak

<s.dluzak@yahoo.com>

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numéro, (p. 67-72), qui présente les termes du débat au public francophone.

J’ai souhaité traduire cet article pour que Mme Dluzak puisse enfin voir son travail protégé par la voie d’une publication officielle dans une revue reconnue, et également pour que le public franco- phone ait accès au contenu exceptionnel que nous propose Mme Dluzak. J’ai veillé à respecter le texte et le point de vue de Mme Dluzak, dont je ne partage pas d’ailleurs toutes les prises de position, notamment ses critiques à l’égard de Sheffer et à Czech, dont le positionnement s’appuie également sur des recherches historiographiques d’une grande qualité.

J’avais « rencontré » Mme Dluzak il y a quelques années, au détour d’un site de généalogie spécialisé sur la Silésie allemande. Elle avait commenté une photo représentant Anni Weiss enfant, au milieu de ses frères et sœurs, dans sa ville natale de Sagan- ˙Zaga ´n.

Cette contribution scientifique soutenue par l’Information Psychiatrique lui permettra, sans aucun doute, d’ouvrir certaines opportunités de publication dans son pays, et permettra aux francophones, à travers cet article exceptionnel, d’être les premiers à pouvoir comprendre la place et le parcours incroyable et exem- plaire d’Anni Weiss et Georg Frankl, les véritables héros, oubliés jusqu’à présent, de l’histoire de l’autisme.

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L’Information psychiatrique 2021 ; 97 (5) : 403-21

Les pionniers oubliés de l’autisme : la vie

et l’œuvre d’Anni Weiss et de Georg Frankl *

Samantha Dluzak

1,2

1Enseignante-tuteur de rédaction (Writing Fellow), College of Graduate and Continuing Studies,

Norwich University, Vermont, USA

2Master of Arts in History (MAH), Histoire mondiale contemporaine, Norwich University, Vermont, USA

Et de n’être qu’un seul voyageur, j’en suivis L’une aussi loin que je pus du regard...

Puis je pris l’autre, qui me parut aussi belle, Offrant peut-être l’avantage

D’une herbe qu’on pouvait fouler...

Robert Frost (1874-1963) – La route que je n’ai pas prise.

Mountain Interval (1916) – The Road not Taken.

Traduit de l’anglais (USA) par Alain Bosquet, Anthologie de la poésie américaine (Stock, 1956).

Au cas où le lecteur se retrouverait en posses- sion de ce texte dans l’espoir d’un certain éclairage ou d’une découverte concernant l’autisme, précisons d’emblée que cet article n’en contient pas. Non seule- ment les méandres d’un trouble neuropsychique comme l’autisme se situent bien au-delà du cadre de cet article, mais encore, un siècle après le fac¸onnement du terme

« autisme» par le psychiatre suisse Eugen Bleuler en 1911, il y a toujours peu de consensus sur ce qu’il recouvre, ou pourquoi il existe3. De même, si le lec- teur souhaite lire une histoire exhaustive de l’autisme, ceci a déjà été réalisé ailleurs et telle n’est pas non plus la perspective de cet article ; le corpus médical étant apparemment focalisé sur les travaux de Hans Asper- ger et Léo Kanner. Cet article vise au contraire, à partir de sources primaires, à fournir un complément nuancé au récit trop simplifié et sensationnaliste qui occupe le devant de la scène, et à explorer le travail révolution- naire d’Erwin Lazar, tout en attirant l’attention sur la vie et l’œuvrede toute une viede Anni Weiss et de Georg Frankl, pionniers oubliés de l’autisme.

Du fait de ce que Kanner appellerait une«parcimonie de documents source », établir la réalité historiogra-

3Dans son article de 1910d :«Zur Theorie des schizophrenen Negati- vismus».

phique actuelle de Weiss et Frankl serait plutôt une tâche facile (voire peut-être monotone), puisque le nombre de sources disponibles est incontestablement étroit et mince4. De même, mettre en évidence les lacunes dans le récit, et par conséquent les perspectives de recherche, est relativement aisé puisque Weiss et Frankl sont à peine introduits dans la scène (expression empruntée à Steve Silberman) avant d’être sommairement relégués à des rôles de personnages secondaires tout en étant quasi exclusivement cantonnés, entre Vienne et Balti- more, entre les deux géants Asperger et Kanner. Des auteurs comme Silberman et John Elder Robison ont abordé l’histoire de Weiss et Frankl en superficie, mais leurs hypothèses n’ont pas de perspective d’ensemble et se concluent le plus souvent de manière abrupte et insatisfaisante, en laissant dans l’ombre un vaste espace chronologique et géographique. Le résultat final revient à une courte apparition de deux personnes ayant joué un rôle mineur dans l’histoire de l’autisme mais qui ont ensuite, bien après la fin de leur collaboration avec les

«deux grands pionniers»connu de brillantes carrières dans le domaine de la psychologie et de la psychiatrie de l’enfant5. Ceci, cependant, est sur le point de changer.

Avant d’entamer notre chemin sur la route la moins fréquentée, nous ferions bien d’établir un point de départ, de peur de fouler«la même piste»que d’autres avant nous6. Lorsque l’on évoque Georg Frankl, il est le plus souvent représenté comme un homme légendaire, dans une sorte de centralité précaire, entre les pionniers.

4 Kanner L.A History of the Care and Study of the Mentally Retarded.

Springfield : Charles C. Thomas Publisher, 1964. vii.

5 Feinstein A.A History of Autism : Conversations with the Pioneers.

West Sussex : Wiley-Blackwell, 2010. p. 9.

6 Brontë C.Jane Eyre.New York : Signet Classic, 1997. p. 143. “I had not, it seems. . .”. NDT, Jérémie Sinzelle : Samantha Dluzak se réfère au cha- pitre XV (Trad. Fr Mme Lesbazeilles Souvestre, Hachette, 1890. p. 140) :

«Je n’avais même pas l’originalité de chercher une route nouvelle pour me conduire à la bonté et à la ruine ; mais je suivais la vieille ornière avec une stupide exactitude, et je ne m’écartais pas d’un pouce du sentier battu.»

doi:10.1684/ipe.2021.2269

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Sa relation avec Asperger est minimisée et déformée par certains, et on a donné volontiers plus d’importance qu’elle mérite à son association avec Kanner, le tout en l’impliquant dans un bras de fer intellec- tuel entre les deux. Il est facile de déceler comment cela a pu arriver puisque l’histoire de l’autisme est semée de drames, et Frankl était situé relativement confortablement en plein centre de l’intrigue, sur les deux continents7. En outre, Weiss et Frankl étaient tous les deux des immigrés juifs ayant commencé leur carrière au cœur de l’Autriche, entourés de politiciens et de politiques nazies, en s’échappant eux-mêmes juste avant l’Anschluss. John Lewis Gaddis écrit dans son ouvrageLandscapes of Historyque les historiens sont des demi-dieux qui possèdent le pouvoir de«s’élever au-dessus des contraintes»et la faculté d’agrandir ou de réduire le temps et l’espace, en changeant d’échelle, sans trop froisser nos redingotes»8. Il est bien naturel de se concentrer sur l’endroit où se déroule l’action ; Vienne, cependant, ne devait pas être le centre de l’intrigue, mais simplement le commencement. . .

Deux experts des troubles mentaux de l’enfant

Georg Frankl, né dans une famille juive le 21 mars 1897 à Neu-Raussnitz en Moravie austro-hongroise, actuelle Rousínov en République tchèque, étudia à la faculté de médecine de l’université de Vienne depuis le semestre d’été 1918 au semestre d’hiver 1921-19229. Avant l’université, à peine sorti du Gymnasium de Brünn (Brno), Frankl servit dans l’armée autrichienne de juin 1915 à octobre 1918 (et servit sur le front italien de mai 1916 jusqu’à la fin de la guerre)10. Il devint citoyen autrichien suite au traité de paix suivant la Première Guerre mondiale11. Son père Alfred, négociant à Vienne décéda en 1928, et sa mère, le Dr Franziska Adler-Frankl, fut plus tard assassinée à Treblinka en 194212. Frankl

7Référence ici, bien sûr, à l’actuelle campagne hostile à Asperger ; cependant, il reste l’inévitable débat de savoir qui fut le premier.

8Gaddis JL.The Landscape of History : How Historians Map the Past.

Oxford : Oxford University Press, 2002. pp. 18, 20, 22.

9Frankl’s University of Vienna record via correspondence with the Archiv der Universität Wien.

10Letter from Ernest Spiegel to Adolf Meyer dated May 4th, 1938. Box 100969, folder 47. American Psychiatric Association Foundation/Melvin Sabshin, MD, Library & Archives in Washington DC.

11 Anni Weiss-Frankl’s United States of America Petition for Naturaliza- tion no203269 June 19th, 1940. Ancestry.com (abbreviated going forward as ‘AdC’).

12 May 4th, 1938 letter. Frankl sollicita une demande de visa d’immigration pour sa mère, sans savoir que celle-ci était décé- dée, et qui fut acceptée le 28 novembre 1944. Letter from Joseph Savoretti to the Honorable J.W. Pehle dated November 28th, 1944.

Issuance and Reissuance of US Visas : Nov 17th-30th, 1944 (Folder 1 of 2) http://www.fdrlibrary.marist.edu. Plus tard, Frankl écrivit qu’il était le seul survivant de sa famille. Letter from Georg Frankl to Hans Aspergerdated July 23rd, 1946. Courtesy of Dr Maria Asperger Felder. Record ID 6099 https://pamiectreblinki.pl/en/people_db/p6099/.

La sœur de Georg, Mariana Franklová, fut également assassinée

obtint le titre de docteur le 17 juillet 1923, et effectua des stages post-doctoraux à l’Hôpital général (Allgemeines Krankenhaus)en 1923-192413. Au semestre d’hiver 1925- 1926, il était docteur assistant de 3ecatégorie à l’Hôpital pédiatrique et fut ensuite promu à la 2ecatégorie pen- dant ce même semestre14. En 1925-1928, Frankl était assistant-résident en pédiatrie à la Clinique pédiatrique universitaire (Universitäts-Kinderklinik) sous la direction du professeur Clemens von Pirquet ; puis en 1928- 1930, résident en pédiatrie au Karolinen-Kinderspital sous la direction du professeur Wilhelm Knoepfelma- cher ; enfin, en 1927-1937, il se perfectionna et travailla dans le service de pédagogie curative de la Clinique pédiatrique universitaire (Heilpädagogische Abteilung, Universitätskinderklinik).15 Pendant sa période vien- noise, Frankl publia également un certain nombre d’articles sur la psychiatrie de l’enfant et les méthodes diagnostiques innovantes développées et utilisées dans le service de pédagogie curative (dont des travaux sur les enfants autistiques)16. Même si les travaux évoqués ici sont impressionnants, Frankl n’était pas le seul à se prévaloir de travaux de cette qualité.

Anni Babette Weiss, fille de Hermann et Babette Weiss, est née le 25 avril 1897 à Sagan en Allemagne, actuelle ˙Zaga ´n en Pologne, et fut instruite au domicile17. Elle obtint un diplôme d’enseignante en école maternelle auprès du collège d’enseignement de l’Association pour l’éducation féminine à Francfort-sur-le-Main en 1916 ; elle fut étudiante en psychologie à l’université de Ham- bourg en 1918-1920 ; et rec¸ut un diplôme professionnel de la part de l’École de travail social des femmes de l’Institut socio-pédagogique de Hambourg en 1921 ; enfin, elle fut étudiante en psychologie, psychopatho- logie et en guidance infantile à l’université de Vienne en 1923-1924 (probablement le lieu où elle rencontra Georg)18. Depuis 1925 jusqu’à son départ en 1934, Weiss

à Treblinka en 1942. Son autre sœur (Ilse/Elsa Franklová) a été d’après moi tuée à Auschwitz vers la fin de la guerre, mais les archives sont incomplètes. https://www.holocaust.cz/en/database-of- victims/victim/85575-mariana-franklova/.

131951_0625_george_frankl_biographical_questionaire

faculty_affairs_box_18_folder_30 courtesy of University of Kansas Medical Center Archives (“KUMC”).

14Via lesArchiv der Universität Wien.

15May 4th, 1938 letter and 1951_0625 and 1959_0327_george_frankl_

appointment recommendation faculty_affairs_box_18_folder_30 cour- tesy of KUMC.

16Il est maintenant clair que le service de pédagogie curative travaillait avec des enfants autistes, par exemple cf.“Störungen des affektiven Kontaktes”. Frankl G. “Die Heilpädagogische Abteilung der Wiener Kin- derklinik,” Zeitschrift Fu¨r Kinderschutz Familien-und Berufsfu¨rsorge 1937 ; 29 no7-8 : 50. [Teil II]. En 1935, Weiss écrivit à Asperger depuis l’université Columbia au sujet d’un enfant autistique (“denn das Kind ist sehr autistisch”).Letter from Anni Weiss to Hans Aspergerdated November 2nd, 1935. Courtesy of Dr Maria Asperger Felder. “Autistische Psychopathen”. In Asperger’s 1938, “Das psychisch abnorme Kind.”

17“Anni Frankl (Weiss),” via geni.com. Fratrie : Gertrude Lewin, Dr Helene Weiss, Hans Weiss, Rudolf Weiss, and Paul Weiss.

18Announcement of Teachers College 1936-1937, xix. Courtesy of Columbia University Archives.

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étudia et travailla en guidance infantile, conseil psycho- logique et psychologie pathologique dans le service de guidance de l’Hôpital pédiatrique de la faculté de méde- cine de l’université de Vienne19. Tout en travaillant dans le service de pédagogie curative auprès de Lazar, Asper- ger, Frankl et Sœur Viktorine Zak, ses activités incluaient des tests mentaux, le diagnostic psychologique, la psy- chothérapie, la guidance pour parents et enseignants, et la recherche ; elle continuera ce travail après avoir fui l’Autriche20.

Le service de pédagogie curative fut également fondé par von Pirquet en 1911 dans l’Hôpital pédiatrique de l’université de Vienne21. Au sein de la pédagogie cura- tive, Frankl officia comme assistant puis comme titulaire sous la direction du Dr Erwin Lazar qui avait pris la succession de von Pirquet22. Lazar avait été formé par Bleuler et, par conséquent, Frankl est dans la filiation directe de Bleuler et de Lazar, de leurs idées et de leurs approches thérapeutiques avant-gardistes, tout comme Asperger. Cet héritage se manifestera ultérieurement dans les travaux de Frankl et d’Asperger23. Après le décès de Lazar en 1932, Frankl assura la direction de l’équipe clinique du service24. Ses fonctions compre- naient « l’étude intensive des enfants à problèmes et psychopathiques»qui avaient été admis dans le service, similaire à un internat, mais qui ressemblait plus à une famille élargie, et prenait un air de foyer agréable25.

L’équipe de la pédagogie curative, en particulier les membres de la«table ronde (Tafelrunde)»(réunissant Asperger, Frankl, Weiss, Zak, Josef Feldner et Valérie Bruck,figure 1) était extraordinairement dévouée à leurs jeunes patients, et ils ont tous sans faille maintenu des liens entre chacun d’entre eux. En effet, quand Asper- ger était absent, les autres le tenaient informé de ce qui se passait à la pédagogie curative, lui fournissaient des nouvelles des enfants, et lisaient ses réponses aux jeunes patients impatients des«rapports de poésie et de recherche», et sanglotaient en vain pour le«grand et blond docteur »26. Dans une des lettres, après avoir détaillé les diverses spécificités d’un groupe d’enfants

19Anni’s “Professional Training and Experience,” Box 100969, folder 48. APA Foundation/Melvin Sabshin.

20Ibid.

21Frankl G. “Die Heilpädagogische Abteilung der Wiener Kinderklinik,”

Zeitschrift Fu¨r Kinderschutz Familien-und Berufsfu¨rsorge1937 ; 29 (5-6) : 33. [Teil I].

22Ibid.May 4th, 1938. Letter.

23“Asperger nous a appris à observer les patients dans leur globa- lité, et de ne pas uniquement mesurer leurs symptômes”. Testimony of Olaf A. Jürgenssen dated 4 July 2019 as submitted toMonatsschrift für Kinderheilkunde(via correspondence).

24May 4th, 1938. Letter.

25Ibid.Frankl G. “Die Wirkungskreis der ärztlichen Heilpädagogik,”

Volksgesundheit1932 ; 6 : 183.

26Lettre de Georg Frankl, Anni Weiss, Viktorine Zak, Josef Feldner à Hans Asperger (non datée). Courtesy of Dr Maria Asperger Felder. Cette lettre, bien que non datée, fut envoyée alors qu’Asperger était à Leipzig du 8 avril au 31 mai 1934 (per Dr Maria Asperger Felder via correspon- dence)

admis, Frankl plaisante :«je préfère ne pas détailler plus, pour ne pas trop attiser votre mal du pays»27. Frankl écrivit dans une précédente lettre qu’il se sentait trop nostalgique de la pédagogie curative«que, semble-t-il, personne n’abandonne jamais tout à fait...»28. Le groupe gardait également un œil attentif sur les événements au sein de l’hôpital, en raison de l’aggravation du climat politique, et plus d’une lettre a voyagé depuis la«Table ronde»jusqu’à Asperger pour l’avertir de changements inopportuns et incongrus29.

Au-delà de la clameur quotidienne des enfants, la pédagogie curative utilisait l’approche avant-gardiste mise en place par Lazar (décrite en détail respec- tivement dans les textes de Frankl et Weiss “Die Heilpädagogische Abteilung der Wiener Kinderklinik” et

“Qualitative Intelligence Testing as a Means of Diag- nosis in the Examination of Psychopathic Children”) qui s’efforc¸ait d’enseigner aux enfants«jusqu’au bout de leurs orteils », et à chacun d’entre eux, une « loi vers lui-même »30. La méthode de la pédagogie cura- tive est clairement une forme ancienne d’ABA (Applied Behavioral Analysis), et Frankl écrivit plus tard que«la pédagogie curative centre-européenne concentre ses efforts à travailler des situations quotidiennes, dans un environnement semblable à une famille, dans un club pour enfants, dans une institution pour enfants, dans la salle de classe, et ainsi de suite » ; méthodes qui sont aujourd’hui intégrées dans l’ABA31. La pédagogie curative a adopté également une approche exhaus- tive et«année après année. . .de nouvelles directions de la médecine, de la psychiatrie, de la psychologie, de la sociologie, si tant est qu’ils puissent influencer l’éducation thérapeutique, continuèrent à être expé- rimentées par Lazar et le service, pour leur valeur actuelle et heuristique, [et ensuite] abandonnées ou perfectionnées»32. Ceci était en contraste avec les Amé- ricains, qui favorisaient une approche plus clinique et peut-être monodimensionnelle33. L’équipe du service gérait un«centre de guidance très fréquenté (environ 1500 patients par an) à partir desquels les sujets d’étude intensive étaient sélectionnés » ; le service travaillait

27 Letter from Georg Frankl to Hans Asperger dated May 9th, 1934. Cour- tesy of Dr Maria Asperger Felder.

28 Et en effet il ne l’a jamais fait. . .Letter from Georg Frankl to Hans Asperger dated July 24th, 1933. Courtesy of Dr Maria Asperger Felder.

29 May 9th, 1934. Letter from Georg Frankl to Hans Asperger dated May 29th, 1934. Courtesy of Dr Maria Asperger Felder.

30 Michaels JJ. “The Heilpedagogical Station of the Children’s Clinic at the University of Vienna”.American Journal of Orthopsychiatry1935 ; 5 (3) : 271, 273.A contrario, Weiss écrit depuis l’université Columbia que

«personne ne connaît les enfants, ou même ne cherche à les connaître».

November 2nd, 1935. Letter.

31 Frankl G. Community Psychiatry and its Organizational Problems.

Mental Hygiene1951 ; 35 (4) : 556.

32 “Die Heilpädagogische Abteilung der Wiener Kinderklinik” [Teil I].

p. 34.

33 L’on peut ressentir en quelque sorte un choc culturel dans l’article de Michaels ci-dessus.

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Figure 1.Tafelrundeou«table ronde», datée de 1933. Valerie Bruck et Sœur Viktorine Zak sur la gauche, Georg Frankl de face, Josef Feldner de dos, Anni Weiss et Hans Asperger sur la droite.

Photo reproduite avec l’autorisation du Dr Maria Asperger Felder.

aussi en lien avec les sociétés philanthropiques, les ser- vices sociaux de la ville, les écoles, les tribunaux pour enfants, les institutions pour jeunes délinquants, et les écoles et institutions pour enfants handicapés34.

La controverse de l’idéologie

C’est cette fois à Vienne, et plus précisément en pédagogie curative, que se trouvera le moment clé de l’apparition de Weiss et Frankl sur la scène, moment fondateur de la tragédie de l’histoire de l’autisme, dont l’écho résonne encore près d’un siècle plus tard. Étant

34 May 4th, 1938. Letter.

donné que Weiss et Frankl étaient tous les deux de confession juive, et installés à Vienne avant la Deuxième Guerre mondiale, le climat (tant politique que culturel) de cette période avait un poids évident. Dans son ouvrage Setting of the Pearl : Vienna under Hitler en 2005, Thomas Weyr propose des perspectives sur ces deux plans, en infusant d’histoire politico-militaire l’esprit culturel qui insufflait la vie dans la ville, même si elle souffrait à la fois de l’occupation nazie et des bombarde- ments alliés. À part les affaires politiques et militaires, Weyr présente l’histoire culturelle détaillée du citoyen moyen, avec l’amour de l’art et de la musique qui ont imprégné la ville même au plus fort des raids aériens, ainsi que l’esprit autrichien qui n’a jamais entièrement

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abandonné la ville, même aux pires moments35. Cepen- dant, tout le monde n’a pas une vision aussi romantique de la situation. L’occupation nazie signifie influence nazie sur la politique médicale. Une politique intéres- sée, le programme d’euthanasie nazi [sic] allait se révéler gênant pour ceux qui exerc¸aient dans le service de péda- gogie curative ; notamment le collègue de Frankl et Weiss, Hans Asperger.

Alors que Steve Silberman est reconnu pour avoir remis Frankl au-devant de la scène, c’est Herwig Czech qui, par son étude de la pensée nazie, a littéralement placé Asperger sous les projecteurs. Bien qu’une discus- sion détaillée sur le bien-fondé de l’affaire pourrait faire l’objet d’un autre article, quelques éléments devraient suffire ici36. Dans leur ouvrageIn a Different Key, John Donvan et Caren Zucker décrivent la scène :

En mai 2010, un universitaire autrichien à la voix douce s’avance dans la salle des cérémonies de la mairie de Vienne, la Wappensaal, où se déroulait un symposium en l’honneur de la mémoire de Hans Asperger. Herwig Czech était un historien de 35 ans, assistant à l’université de Vienne. Il avait été invité à intervenir au symposium par ses organisateurs issus de l’Hôpital pédiatrique où Asper- ger avait réalisé ses travaux les plus importants. Un grand nombre de sommités de la recherche sur l’autisme étaient présentes dans la salle. . .[y compris Lorna Wing et la propre fille d’Asperger. . .]37

Sans se décourager, Czech, dont la spécialité univer- sitaire était le rôle de la médecine pendant le Troisième Reich, et dont l’habitude était de mettre en évidence les lacunes, « souvent embarrassantes – entre les témoi- gnages que les professionnels de la santé ont tenus d’eux-mêmes après la guerre et leur conduite réelle pen- dant celle-ci», commenc¸a par rester fidèle à lui-même38. Ce que Czech aurait manqué en tact fut compensé par une courageuse entreprise de descendre Asperger de son piédestal sans préambule, laissant Asperger et le récit hagiographique«en lambeaux», et la salle pleine de spectateurs dans l’horreur, alors que l’événement était destiné à honorer l’œuvre d’Asperger39.

L’entrée en lice d’Asperger allait entrer en rivalité avec bien d’autres ambitions : il est peut-être un tout autre sujet de savoir si elle était justifiée ou non. Cepen- dant, comme si salir Asperger, lui qui avait connu une longue période de timide reconnaissance, ne suffisait pas, Czech écrit que«Georg Frankl. . .un proche colla- borateur d’Asperger, quitta Vienne pour les États-Unis

35Weyr T.Setting of the Pearl : Vienna Under Hitler. Oxford : Oxford University Press, 2005. pp. 252, 255, 273.

36En référence à un autre article que j’ai écrit, et dont une partie du contenu est repris ici.

37Donvan J and Caren Zucker C.In a Different Key : The Story of Autism.

New York : Crown Publishers, 2016. p. 338.

38Ibid.

39Ibid.

en 1937, en poursuivant son travail avec Leo Kanner»40. Cela implique en fait que Frankl aurait été complice d’un Asperger«nazi»et s’était enfui aux États-Unis en quittant Asperger pour de bon. En l’occurrence, rien ne pourrait être plus éloigné de la réalité, sur tous les plans ; cependant, il faudra presque une décennie avant que la vérité ne se fasse jour.

Une promesse américaine

Après avoir rec¸u une offre d’emploi temporaire aux États-Unis, avec l’aide d’Asperger, Weiss quitta Vienne la première, et prit le bateau en France, à Cherbourg, le 15 septembre 193441. Après un léger contretemps, elle partit à nouveau de Cherbourg le 18 octobre, et ensuite, à nouveau depuis Gênes en Italie, le 31 août 193542. Ses problèmes étaient liés à son visa d’immigration puisque la liste d’embarquement mentionne que le visa avait été émis à Vienne le 1er octobre 1934, et qu’un permis de réentrée datait du 7 mai 193543. Mal- gré ses problèmes lors des voyages, Weiss arriva aux États-Unis pour rester, et ajouta une autre formidable institution à son actif : la Columbia University (à New York). Les documents d’immigration la décrivent comme une étudiante, et c’est à ce titre qu’elle apparut dans le répertoire des étudiants 1935-1936 à l’Institut de for- mation des enseignants de la Columbia University44. Elle est aussi mentionnée en 1935-1936 comme maître- assistant en guidance infantile à l’Institut de formation des enseignants45. Pendant son séjour à la Columbia University, Weiss étudia le développement de l’enfant, la guidance, et l’éducation parentale46. Elle travaillait aussi dans leur service de pédagogie curative47.

Pendant ce temps, son article intitulé “Qualitative Intelligence Testing as a Means of Diagnosis in the Examination of Psychopathic Children”, rédigé alors qu’elle travaillait dans le service de pédagogie curative,

40 Czech H. “Hans Asperger, National Socialism”, and “Race Hygiene”.

In: Nazi-Era Vienna.Molecular Autism2018 ; 9 (1) : 4.

41 S.S.BerengariaPassenger Manifest of Alien Passengers to the United States [Anni Weiss] September 15th, 1934. AdC. Letter from Anni Weiss to Heilpädagogik and Hans Asperger dated August 2nd, 1934. Courtesy of Dr Maria Asperger Felder.

42 S.S.Conte Di SavoiaPassenger Manifest of Alien Passengers to the United States [Anni Weiss] August 31st, 1935 and S.S.BerengariaPas- senger Manifest of Alien Passengers to the United States [Anni Weiss]

October 18th, 1934. AdC. Her ‘order of admission’ is dated April 30th, 1935.

Card no3894993. AdC.

43 October 18th, 1934 manifest and August 31st, 1935 manifest. Her Peti- tion for Naturalization has her lawful entry by way of New York, NY (aboard the S.S.Berengaria) as October 24th, 1934.

44 Ibid. Columbia University 1935/1936. Catalogue, page 269 via babel.hathitrust.org (lire infra ‘HathiTrust’).

45 Columbia University 1935/1936 Catalogue, page 88 via HathiTrust.

46 Anni’s “Professional Training and Experience.”

47 November 2nd, 1935. Letter. Weiss écrit que le service est«minus- cule»et«conc¸u de manière artificielle», donnant l’impression qu’il était une ébauche assez peu réussie, selon les références de la pédagogie curative.

(8)

fut publié en 193548. Weiss fut étudiante et à nouveau maître-assistant en 1936-1937 et publia un travailDia- gnostic Methods in Child Guidance and Psychological Counselingen janvier 193749. À l’été 1936, Weiss se ren- dit à la Modern School de Stelton, New Jersey, pour intervenir sur les«Problèmes éducatifs dans la société moderne»50. Elle donna une autre conférence la même année sur«le sens de l’humour comme facteur du déve- loppement de la sociabilité de l’enfant»51. Elle effectuera une autre année à la Columbia University, mais au préa- lable, elle avait une affaire à régler : Georg.

Alors que Weiss s’établissait à New York City, Frankl était livré à lui-même en Autriche52. Après deux décen- nies à l’université de Vienne, dont la majeure partie de l’une en équipe avec les premiers pionniers de l’autisme, Frankl commenc¸a à se confronter aux problématiques de la seconde. Il échappa à l’Anschluss de quelques mois seulement, et partit de Liverpool en Angleterre à bord duSS Laconia, le 6 novembre 193753. Il ne souffrit pas des mêmes problèmes administratifs que Weiss et arriva rapidement à Boston54. Sans perdre de temps, deux semaines après avoir quitté Liverpool, et une semaine après avoir atteint Boston, Georg et Anni se marièrent à New York55. La Columbia University annonc¸a le mariage de Weiss avec le « Dr George Frankl » dans le registre des enseignants de l’université56. Madame Frankl publia peu après«Diagnostic and Remedial Play», son dernier article en tant qu’affiliée à la Columbia University, puisqu’elle avait accepté un poste de psycho- logue consultant-chercheur dans le Service de guidance infantile des écoles maternelles publiques de Winnetka (Illinois) et de Chicago financées par le programme WPA (Works Projects Administration, agence gérant les

48 Cet article discute la nouvelle approche, utilisée au sein de la péda- gogie curative, pour observer les enfants d’une fac¸on naturelle et non directive.

49 Columbia University 1936/1937. Catalogue, page 73 and 247 via Hathi- Trust.

50 Teachers College Record1936 ; 38 (2) : 161-2. http://www.tcrecord.org ID Number : 8486. Il était habituel à l’époque que les enseignants uni- versitaires donnent des conférences et observent les enfants dans les écoles du voisinage (per correspondence with Rutgers libraries).

51 Reference to this inAdvanced School Digest, Volumes 1-6. (Informa- tion via correspondence with Teachers College).

52 Bien qu’elle écrivit, bien sûr :«Le Dr Frankl est assez au clair me concernant». November 2nd, 1935. Letter.

53 SS LaconiaPassenger Manifest of Alien Passengers to the United States [Georg Frankl] November 6th, 1937. AdC. QIV section 5, issued November 2nd.

54 Cunard White Star Limited Passenger List November 7ththrough November 15th, 1937 [Dr G Frankl]. AdC. TheLaconialeft Liverpool the 7thand arrived in Boston the 15th.

55 Registre de mariage d’Anni Weiss et Georg Frankl, le 17 novembre 1937. AdC. La date de ce document est le 17 novembre mais c’est la date du 22 qui apparaît sur quelques formulaires.

56 Teachers College Record 1938 ; 39 (5) : 363-74.

http://www.tcrecord.org ID Number : 8556. Pour éviter toute confu- sion et pour maintenir une sorte d’intimité, nous les désignerons en tant que Mme Frankl et Dr Frankl dans le reste de l’article.

grands travaux de Roosevelt)57. Cependant, le Dr Frankl eut quelques flottements avant de se stabiliser. Après avoir été rec¸u à un examen écrit en 1938, il fut autorisé à exercer la médecine dans l’État de New York, puis un de ses premiers postes fut à l’université Johns Hopkins58.

Alors que l’on a pu attribuer à Kanner d’avoir aidé le Dr Frankl en le faisant venir aux États-Unis, c’est en fait le Dr Ernest Spiegel, professeur de neurologie expérimen- tale et appliquée à la faculté de médecine de la Temple University et ancien élève de l’université de Vienne, qui était intervenu auprès d’Adolf Meyer lui-même en mai 1938 en faveur du Dr Frankl, six mois après son arrivée aux États-Unis59. Le Dr Spiegel avait personnel- lement«très fortement»recommandé le Dr Frankl pour ses qualités de«fiabilité professionnelle et une person- nalité agréable », et fit part du désir du Dr Frankl de travailler«pendant quelque temps»dans le service de Meyer60. On a dû avoir quelque estime pour l’opinion du Dr Spiegel puisqu’à peine quelques mois plus tard, le Dr Frankl prit ses fonctions au Harriet Lane Home à Baltimore. Parmi d’autres activités, le Dr Frankl assista Kanner dans le service de psychiatrie publique61. Que ce soit en raison du prestige de son poste ou du fait que sa réputation l’eût précédé, il semble que l’expertise du Dr Frankl était d’une telle valeur qu’il ne fallut pas long- temps avant que d’autres institutions cherchent à le ravir à l’université Johns Hopkins.

Peu après l’arrivée du Dr Frankl en octobre 1938, Jacob Kepecs, directeur des opérations du Bureau de l’enfance juive de Chicago, écrivit au Dr Meyer dans le but de sonder l’avis de Meyer sur Frankl en vue d’un poste de directeur dans un internat de la région destiné à appor- ter des soins spécialisés à des enfants présentant«des problèmes psychiatriques assez graves»62. Cet entretien aura été fructueux puisqu’à l’époque, Mme Frankl tra- vaillait à Winnetka et à Chicago et le couple Frankl était à nouveau séparé. Trois jours plus tard, Kepecs rec¸ut une réponse. Meyer répondit qu’il n’avait aucun doute sur le

57Teachers College Record1938 ; 40 (2) : 170-1. http://www.tcrecord.org.

ID Number : 8740 and Anni’s “Professional Training and Experience”.

Cette archive montre également que Mme Frankl était inscrite en doctorat PhD à la fin de son mandat à la Columbia University.

58Minutes of the Meeting of the Board of Medical Examiners of North Carolina in Blowing Rock, North Carolina dated July 23-26th, 1959.

59John Elder Robison, en citant un compatriote de Kanner, écrivit que le Dr Frankl rec¸ut une proposition de poste de la part de Kanner et par conséquent une solution, mais je n’en ai trouvé aucune trace. Robison JE. Kanner, Asperger, and Frankl : A Third Man at the Genesis of the Autism Diagnosis.Autism : The International Journal of Research and Practice2017 ; 21 (7) : 3, 4. Silberman suggère aussi à propos de Kanner que Frankl«lui devait la vie»: Silberman S.Neuro Tribes : The Legacy of Autism and the future of Neurodiversity. New York : Avery, 2015. pp. 141, 163, 164. Letter from Dr Ernest Spiegel to Dr Adolf Meyer dated May 4th, 1938. Box 100969, folder 47. APA Foundation/Melvin Sabshin.

60Ibid.

61“Mental Health Clinic Held at Winchester Hall Tuesday”.The News, July 20, 1938.

62Letter from Jacob Kepecs to Dr Adolf Meyer dated October 26th, 1938.

Courtesy Alan Mason Chesney Medical Archives of the Johns Hopkins Medical Institutions.

(9)

sérieux du Dr Frankl, mais s’en remit à lui pour trancher puisque, malgré son désir de le garder, cette opportunité ouvrait plus de perspectives que ce que Meyer pouvait offrir63.

Au mois de mars de l’année suivante, Kanner écrivit à Meyer au sujet d’un poste pour Frankl. Il y avait la possi- bilité que Frankl soit engagé au Mount Zion Hospital de San Francisco en tant que psychiatre pour enfants par l’entremise de Jacob Kasanin de l’hôpital Michael Reese de Chicago, bien que, comme Kanner ironisa :«Kasanin était à Baltimore il y a deux semaines et offrit géné- reusement un poste quelque part à chaque personne rencontrée»64. Malgré son apparente suspicion à l’égard de la sincérité de l’invitation, Kanner écrivit qu’il contac- terait Ernest Wolf, le chef du service de pédiatrie du Mount Zion, afin de recommander Frankl pour un poste puisque, en écho aux sentiments de Meyer pour Kepecs,

« le poste de San Francisco offrait une bien meilleure rémunération que ce que le Child Study Home pouvait se permettre»65. Après avoir demandé à Meyer d’évoquer l’année de Frankl comme assistant en psychiatrie, Meyer écrivit directement à Wolf pour exprimer sa « recom- mandation sans réserve »en disant que«le Dr Frankl apporte l’expérience de l’unité d’Erwin Lazar située dans ce qui était le service de Pirquit (sic) à Vienne »66. Il est fort possible que le Dr Frankl en ait discuté en per- sonne, puisqu’il se trouvait à San Francisco quelques semaines plus tard67. Cependant, ces tentatives furent vaines et, malgré toute l’attention portée à cette interac- tion, le Dr Frankl n’est resté que deux ans à Baltimore68. Malgré les événements en apparence anodins qui se déroulaient à Baltimore, le Dr Frankl joua le rôle de faire-valoir de Kanner et son portrait dans l’histoire de l’autisme est dû aux constatations fortuites (et simi- laires) entre Asperger et Kanner, depuis deux rives antagonistes de l’Atlantique, sur une temporalité rela- tivement courte (correspondant au départ d’Autriche de Frankl et son arrivée aux États-Unis). Cependant, on peut l’attribuer à du sensationnalisme, puisqu’il est clair que Lazar et son équipe prenaient en charge des enfants autistes, et écrivaient sur l’autisme, bien avant le texte de Kanner de 1943 « Les troubles autistiques du contact affectif »et de plus, Kanner le savait69. La

63Letter from Dr Adolf Meyer to Jacob Kepecs dated October 29th, 1938.

Courtesy Alan Mason Chesney.

64Letter from Leo Kanner to Adolf Meyer dated March 3rd, 1939. Cour- tesy Alan Mason Chesney.

65Ibid.

66NDT(JS) : Erreur sur le nom de Clemens von Pirquet. NDA (SD) : Note to Adolf Meyer. Courtesy Alan Mason Chesney. Letter from Dr Adolf Meyer to Dr Ernst Wolff dated March 4th, 1939. Courtesy Alan Mason Chesney. Note : Kanner utilise le nom de Wolf, mais Meyer s’est adressé à lui en tant que Wolff.

67“Notables Arrive for Visit to Fair”, The San Francisco Examiner, March 25, 1939.

681959_0327.

69Asperger est réputé avoir utilisé le terme«psychopathie autistique» en octobre 1938 lors d’un discours à l’université de Vienne (Feinstein,

correspondance montre sans aucun doute que Kanner n’a pas écrit son article avant que Frankl soit venu et reparti70. Quoi qu’il en soit, c’est généralement lors de la séparation de leurs chemins que l’on perd la trace de Frankl, mais cette fois-ci, nous prendrons les choses à revers. Nous laisserons ce«pionnier»à ses songes, et poursuivons ainsi notre propre piste.

L’opportunité du Mount Zion Hospital de San Francisco et les postes envisages à Chicago ne se concré- tisèrent pas et le Dr Frankl se retrouva au Nebraska en 1941. Il rejoignit le Norfolk State Hospital le 7 juin 1941 en tant que médecin71. À cette époque, l’hôpital souffrait d’un complet renouvellement de personnel et ils ont dû être ravis d’avoir recruté le Dr Frankl, étant donné que les médecins, et notamment ceux de son calibre, étaient denrée rare du fait de l’effort de guerre72. Pendant ce temps, alors qu’il était au Nebraska, le Dr Frankl âgé de 44 ans dut s’inscrire au recensement militaire.73Malgré son court séjour au Nebraska, Frankl écrivit à Kanner que«le Nebraska était une expérience très positive et je peux comprendre la fac¸on mélancolique que vous avez de parler du Dakota du Sud. Moi aussi, j’ai parfois de la nostalgie pour la paix et l’hospitalité du Middle West»74. Et c’est au Middle West que retournera le Dr Frankl, mais cette fois-ci avec madame Frankl.

Mais dans l’intervalle, les étapes furent nombreuses sur la route. Pendant le séjour du Dr Frankl au Nebraska, Mme Frankl se trouvait à Washington DC75. Alors que Georg Frankl semblait avoir terminé sa mission avec Meyer et Kanner, il semble que Mme Frankl n’avait pas encore rompu les liens avec eux. En juin 1940, elle avait demandé sa naturalisation, un processus initié le 5 mars 193576. Elle quitta ensuite son poste à Chicago et retourna à Baltimore77. En octobre 1940, Kanner écrivit une lettre au tribunal local de Chicago pour demander le statut administratif de la demande de naturalisation de Mme Frankl car il était«très intéressé par l’avenir pro- fessionnel de M. et Mme Frankl et souhaite les aider à

10). Nous avons également constaté l’utilisation de ce terme dans la correspondance entre Weiss et Asperger en 1935, et une référence à l’autisme dans des anciens articles de Frankl (i.e.1937 “Die Heilpäda- gogische Abteilung der Wiener Kinderklinik” Teil II and 1934 “Befehlen und Gehorchen.”) Letter from Leo Kanner to George Frankl dated March 4th, 1943. Box 100969, folder 48. APA Foundation/Melvin Sabshin. Les lettres ont aussi un ton relativement sec, tendu.

70 March 4th, 1943. Letter. Kanner encourage le Dr Frankl à publier un article qu’il avait rédigé à Vienne cinq ans auparavant, et dont la version traduite en anglais aura pour titre : “Language and Affective Contact”.

71 14th Biennial Report of the Board of Control of Nebraska For the Period Ending June 30, 1941, p. 213.

72 Ibid., 215, 217.

73 WWII Draft Registration Card for Dr George Frankl, Serial Number 235. Registration date : February 14th, 1942. AdC.

74Letter from George Frankl to Leo Kanner dated February 16th, 1943.

Box 100969, folder 48. APA Foundation/Melvin Sabshin.

75 WWII Draft Registration Card for Dr George Frankl, Serial Number 235. AdC.

76Petition for Naturalization No203269.

77 Department of Commerce-Bureau of the Census Sixteenth Census of the United States 1940 Baltimore, Maryland. AdC.

(10)

renforcer leur situation. Cependant. . .la question de la citoyenneté est un facteur important, et je suis d’une cer- taine fac¸on handicapé par le fait que. . .[Madame] n’est pas encore citoyenne américaine »78. Quel que soit le poste dont il fut question, il n’a pas été mentionné dans cette lettre.

La naturalisation de Mme Frankl fut effective le 7 novembre 1940 lorsqu’elle prêta le serment d’allégeance, et le temps long qu’il aura fallu fut pro- bablement le facteur décisif de son impossibilité de décrocher un emploi à Baltimore79. Par conséquent, Mme Frankl écrivit à Meyer qu’elle avait espéré trou- ver un poste à Baltimore, mais comme cela ne s’était pas réalisé, Washington DC semblait être son«second meilleur choix»80. Alors qu’elle attendait son heure dans l’espoir d’une situation meilleure, Mme Frankl assistait aux séminaires de Meyer ; bien que, sans que les res- sorts n’en soient bien clairs, elle se plaignît de ne pas pouvoir y assister assez souvent car elle y avait appris plus que partout ailleurs pendant les quelques années précédentes81. En 1942, elle fut accueillie au Children’s Hospital’s Habit Clinic de Washington DC jusqu’en 1945, où elle rejoignit enfin son mari, dans l’État de New York82.

Une nouvelle vie en paix malgré la guerre

En janvier 1945, Mme Frankl écrivit à Kanner en disant : « le Dr Frankl semble avoir pris un très bon départ au centre de guidance de Buffalo [et] apprécie énormément son travail»83. Elle relate qu’après quatre années, elle avait quitté son poste à Washington DC et l’avait rejointe, avec l’intention de travailler à temps par- tiel avec l’un des agences locales de travail social. À la même époque, Mme Frankl trouva un poste de psy- chologue clinicienne à la basilique Notre-Dame de la Victoire à Buffalo, dans l’État de New York.84 Six jours plus tard, Kanner lui répondit :«je suis vraiment très heureux de savoir qu’après plusieurs années, les Frankl sont à nouveau réunis. Je suis sûr que vous avez tous les deux attendu ce moment avec impatience, et ce

78 Letter from Leo Kanner to Mr. Hoyt dated October 8th, 1940. Box 100969, folder 48. APA Foundation/Melvin Sabshin.

79 US Department of Labor Immigration and Naturalization Service form [Anni Weiss-Frankl]. Certificate noP-203269 Cn. 4950060 date of Naturalization November 7th, 1940 via AdC. Oath of Allegiance [Anni Weiss-Frankl] via AdC.

80 Letter from Anni Weiss to Adolf Meyer dated December 4th, 1940.

Courtesy Alan Mason Chesney.

81 Ibid.

82 Elle apparaît dans la liste des membres de l’American Orthopsy- chiatric Association en 1942, 1943, 1944 en tant qu’assistante sociale et psychologue à la Child Welfare Society of Children’s Hospital, Washing- ton DC.

83 Letter from Anni Frankl to Leo Kanner dated January 25th, 1945. Box 100969, folder 48. APA Foundation/Melvin Sabshin.

84 American Psychological Association 1957 Directory, 141 via Hathi- Trust.

moment est arrivé»85. Kanner exprima sa joie :«son» service à Washington DC était en de bonnes mains, puis il réprimande son mari : « une personne excep- tionnellement agréable, très compétent et travailleur, mais un peu paresseux pour écrire des lettres »86. Quelles que furent ses motivations, il semble que Kanner s’intéressait encore aux Frankl.

Après son séjour au Nebraska, le Dr Frankl occupa un poste de psychiatre à la Clinique de guidance infantile de Rochester dans l’État de New York, de 1942 à 194487. Il fut officiellement qualifié en psychia- trie en 1944, et fut ainsi pour la première fois inscrit sur la liste des membres de l’Association américaine d’orthopsychiatrie88. Le Dr Frankl obtint le poste de direc- teur de la Clinique de guidance infantile de Buffalo de 1944 à 194689. Comme à Vienne, la Clinique de guidance travaillait en lien avec le tribunal pour enfants, en pro- posant des tests et une réinsertion socio-professionnelle aux délinquants90. La clinique devait aussi faire face aux retombées psychologiques de la guerre91. Mme Frankl écrivit à Kanner au sujet de son mari :«ses patients sont des enfants et des adultes, et un nombre croissant de vétérans. Il travaille avec de nombreuses agences ainsi que les tribunaux pour enfants»92. Le Dr Frankl prit égale- ment part à des campagnes d’information ; il fit des inter- ventions sur les «problèmes psychiatriques» dans le cadre d’un cycle de conférences abordant les probléma- tiques de la population au sein de la cité et le rôle du citoyen au sein de celles-ci93. En dehors de son travail à la Clinique de guidance infantile de Buffalo (État de New York), Frankl fut nommé enseignant de pédiatrie à temps partiel à l’université de Rochester94.

Après cette période transitoire, le Dr Frankl tourna son regard vers l’Ouest en 1946. Il fut autorisé à exer- cer suite à un examen la même année, et passa la majeure partie de la décennie suivante à travailler en lien étroit avec la faculté de médecine de l’université du Kansas (University of Kansas Medical School, KUMC)

85Letter from Leo Kanner to Anni Frankl dated January 31st, 1945. Box 100969, folder 48. APA Foundation/Melvin Sabshin.

86Ibid.Rappelons que Frankl était notoirement mauvais dans la rédac- tion de courriers.

871952_0329_george_frankl_appointment_recommendation faculty_affairs_box_18_folder_30, courtesy of KUMC.

881951_0625. The American Orthopsychiatric Association, Inc. 1944 Membership List.American Journal of Orthopsychiatry1944 ; 14 (3) : 558. Mme Frankl fut élue membre en 1942. Proceedings of the Nine- teenth Annual Meeting of the American Orthopsychiatry Association, Inc.

American Journal of Orthopsychiatry1942 ; 12 (4) : 728.

891952_0329.

90Normal IQ Rating Won by Average Delinquent. Buffalo Courier Express, December 8, 1945.

91Civilians Holding Firm in Home War of Nerves. Buffalo Courier Express, February 18, 1945.

92January 25th, 1945. Letter.

93Responsibility to Community Will Be Stressed. Buffalo Evening News, November 18, 1944.

94Appointments Okayed at UR.Rochester Democrat and Chronicle, May 14, 1944.

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tout en s’installant en cabinet privé de pédopsychia- trie ; tout ceci était devenu possible aux États-Unis95. De 1946 à 1951, le Dr Frankl fut le directeur médical de la Clinique de guidance infantile de la ville de Kan- sas City et le 17 janvier, il fut recommandé au poste d’enseignant de psychiatrie et consultant en psychia- trie à l’université du Kansas. Il rejoignit le personnel de l’université en 194996. Pendant ce temps, Mme Frankl passa les années 1946-1948 au service de l’action sociale de l’Union juive de Kansas City, Missouri97. Elle tra- vailla avec son mari à la Clinique de guidance infantile de la ville de Kansas City en 1946.98 Elle fut également mandatée par la municipalité de réaliser des tests de QI99. En 1947, elle assista au trente-sixième Congrès annuel de l’Association américaine d’orthopsychiatrie pour y débattre sur le « Mosaic Test, sa pertinence et sa validité»100. En 1949, Georg et Anni Frankl rempor- tèrent tous les deux des bourses de recherches auprès de l’Association américaine d’orthopsychiatrie et Georg Frankl publia un livre sur les«Dilemmes de la psychia- trie actuelle»101. C’est cette même année, en 1949, qu’il se retrouva à nouveau en contact étroit avec le premier des pionniers de l’autisme : Hans Asperger.

La Seconde Guerre mondiale était terminée depuis longtemps, mais ses effets sur la pédagogie curative furent dévastateurs. Alors que Georg Frankl en ressen- tait les répercussions depuis l’autre côté de l’Atlantique à travers les souffrances psychologiques des enfants et des vétérans, ses compatriotes Asperger et Zak, et en fait la pédagogie curative elle-même, en paya un tribut bien plus élevé. Asperger, pour sa part, fut mobilisé dans l’armée et se retrouva chirurgien sur le front en Croatie à la fin de la guerre ; cependant, même ceux qui étaient loin du front n’étaient pas préservés de la violence102. Comme l’écrit Weyr, « à l’été 1944. . . les raids alliés devinrent partie intégrante du quotidien dans la ville de Vienne»103. Il ajoute que :«la guerre aérienne au-dessus de Vienne commenc¸a véritablement le 10 septembre [1944], lorsque les avions américains. . .larguèrent des bombes dans le centre-ville pour la première fois », occasionnant de lourds dégâts104. C’est au cours de ce

95July 23-26th, 1959. Minutes.

961948_0117_george_frankl_appointment_recommendation courtesy of KUMC and 1951_0625.

97American Psychological Association 1957 Directory, 141 via Hathi- Trust. The American Orthopsychiatric Association, Inc. 1947 Membership List.American Journal of Orthopsychiatry1946 ; 17 (3) : 560.

98The American Orthopsychiatric Association, Inc. 1946 Membership List.American Journal of Orthopsychiatry1946 ; 16 (3) : 560.

99Plattsburg Leader,April 2, 1948.

100Proceedings of the Twenty-Sixth Annual Meeting of the American Orthopsychiatry Association, Inc.American Journal of Orthopsychiatry 1949 ; 19 (4) : 733.

101Notes and Comments.American Journal of Orthopsychiatry1949 ; 19 (3) : 565. Le Dr Frankl était également un membre de l’American Medical Association et l’American Psychiatric Association. 1951_0625.

102Silberman, 138.

103Weyr, 249.

104Ibid., 252, 253.

bombardement que la pédagogie curative fut réduite à néant, et que l’infirmière en chef Viktorine Zak périt sous les décombres105. Après la guerre, Asperger fut recon- duit comme directeur en 1946, et la pédagogie curative fut reconstruite106.

En 1949, Georg Frankl fut de retour à Vienne et visita le service de pédagogie curative, et ces quelques années suscitèrent des rumeurs à l’image de l’actuel discours dominant en vogue. Frankl visita le service reconstruit en juillet 1949 après un temps de négociation avec Asperger107. Il semble qu’Asperger avait approché Frankl en mars 1948 en lui proposant un poste dans le bâti- ment nouvellement reconstruit de la pédagogie curative et il avait écrit à quel point il était surpris et ravi de«la perspective de travailler à nouveau dans la vieille étable et avec les anciennes joies. . .»108. Cependant, malgré l’envie, le Dr Frankl expliqua, après de longues pérégri- nations, que madame Frankl et lui sont définitivement installés et qu’il ne voit pas comment il pourrait accep- ter l’offre tout en conservant leurs emplois au Kansas et au Missouri, ou comment ils pourraient ne pas tout recommencer à zéro109. En guise de compromis, Georg Frankl suggéra une sorte de programme d’échange et demanda à Asperger d’envoyer le futur directeur de la future unité de guidance infantile pour étudier sous sa supervision à la clinique municipale de Kansas City afin que l’on puisse lui montrer les ficelles du métier, et que la«Famille Frankl »puisse visiter Vienne un peu plus tard110. L’idée fut mise en œuvre et Franz Wurst arriva en novembre de la même année111. L’arrivée de Wurst fut annoncée dans le journal local pour un séjour de quatre mois, financé par l’Organisation mondiale de la santé de l’Organisation des Nations Unies112. Les résultats ne furent cependant pas vraiment encourageants.

Comme promis, Frankl fit alors lui-même le voyage à Vienne, peu après avoir aidé à fonder une unité de

105Asperger H. Schwester Viktorine Zak.Erziehung und Unterricht1946 : 155, 158. “Wenn ihr Werk einmal wieder aus den Ruinen ersteht, wird ihr Platz immer leer bleiben. Sie wird aber unvergessen sein. (Quand son œuvre resurgira des ruines, sa place demeurera vide pour toujours.

Elle restera cependant dans les mémoires pour toujours)”.Viktorine est enterrée au cimetière Hitzinger, dans le carré de la famille Asperger (documenté par photographie envoyée par le Dr Maria Asperger-Felder).

Les Frankl apprirent son décès lorsqu’elle ne répondit pas à une carte postale. Postcard from Georg Frankl and Anni Weiss-Frankl to Viktorine Zak dated February 12th, 1946. Courtesy of Dr Maria Asperger Felder and July 23rd, 1946 letter.

106Feinstein, 13.

107George Frankl Flight Manifest Geneva to Chicago July 31st, 1949, AdC.

108Letter from Georg Frankl to Hans Asperger dated March 27th, 1948.

Courtesy of Dr Maria Asperger Felder.

109Ibid.

110Ibid.

111 NavireNieuw Amsterdam,Passenger Manifest of Alien Passengers to the United States [Franz Wurst] November 2nd, 1948. Il repartit au mois de février suivant : S.S.Queen ElizabethPassenger Manifest of Outward-Bound Passengers [Franz Wurst] February 18th, 1949. AdC.

112 “Foreign Specialist is Here,”Kansas City Star, November 10, 1948.

Références

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