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Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocat.e en France

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(1)

— E n q u ê t e —

Conditions de travail et expériences

des discriminations dans la profession d’avocat·e en France

M a i 2 0 1 8 —

Face au droit, nous sommes tous égaux

(2)
(3)

— E n q u ê t e —

Conditions de travail et expériences

des discriminations dans la profession d’avocat·e en France

M a i 2 0 1 8 —

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Sommaire

PRINCIPAUX RÉSULTATS 06

1. PRÉSENTATION DE L’ENQUÊTE 07

Objectifs généraux 07

Méthodologie 07 2. QUI SONT LES AVOCATES ET LES AVOCATS EXERÇANT

EN FRANCE ? 10

Une profession jeune et féminisée 10

Une stabilité professionnelle moins assurée pour les femmes 11 3. DES CONDITIONS DE TRAVAIL GENRÉES 12

Des femmes collaboratrices, des hommes associés 12

Statut d’exercice, spécialités et revenus : les femmes pénalisées 13

Un environnement professionnel à dominante féminine 15

Le temps partiel, un droit effectif ? 15

Les congés parentaux : une affaire de femmes 16

4. LE GENRE DES RELATIONS PROFESSIONNELLES 18

Un temps partiel stigmatisé 18

Le déni de reconnaissance du travail 18

Blagues, propos ou comportements hostiles 19

5. PERCEPTION ET EXPÉRIENCES DES DISCRIMINATIONS 21 L’importance des discriminations : un enjeu qui traverse

la profession 21

Les discriminations qui touchent les confrères et consœurs 22

L’expérience genrée des discriminations 23

La variation sociale des discriminations 24

L’affiliation religieuse : un enjeu de discrimination 25

Des groupes sociaux inégalement concernés 25

Des relations de travail et des parcours professionnels heurtés

par les discriminations 27

Âge, sexe origine et religion : les critères saillants

des discriminations 28

6. LES DÉMARCHES ENTREPRISES POUR FAIRE RECONNAÎTRE

LES DISCRIMINATIONS 30

Entre réaction et résignation 30

Les raisons de la résignation 31

Sanctionner, sensibiliser et mobiliser 32

CONCLUSION 33

ANNEXES 34

(6)

— 6

Principaux résultats

| Jeune et largement féminisée, la profession d’avocat·e se caractérise par des inégalités marquées entre les femmes et les hommes, qu’il s’agisse des statuts d’exercice, des secteurs d’activité et des revenus.

| Les femmes avocates rapportent plus souvent que leurs confrères, et plus souvent que dans d’autres professions, avoir vu leur travail ou leurs compétences non reconnus, dévalorisés.

| 72% des femmes et 47% des hommes rapportent avoir été témoins de discriminations à l’encontre de leurs collègues, principalement de discriminations sexistes (rapportées par 52% des femmes et 25% des hommes).

| Alors que les hommes avocats se déclarent moins discriminés que les hommes actifs occupés et de même niveau d’études en population générale, les femmes avocates rapportent plus de discriminations que leurs confrères et que leurs homologues féminines en population générale.

| Les expériences de discriminations dans les 5 dernières années concernent 38% des personnes interrogées (53% des femmes et 21% des hommes). Elles varient fortement selon les caractéristiques sociales et notamment le sexe, le fait d’avoir des enfants, l’origine perçue et la religion déclarée.

Certains groupes sociaux se trouvent ainsi particulièrement exposés aux discriminations comme par exemple :

• 25% des hommes de 30-49 ans ayant un enfant

• 48% des femmes de 40-49 ans perçues comme blanches

• 66% des hommes de 30-49 ans perçus comme noirs ou arabes

• 69% des femmes de 30-39 ans ayant un enfant

• 74% des femmes de 30-49 ans de religion musulmane

| Les relations de travail entre confrères et consœurs, le bénéfice d’une rémunération ou d’une rétrocession d’honoraires sont les circonstances dans lesquelles les situations de discrimination sont le plus souvent rapportées.

| Moins de 5% des femmes et des hommes confronté·e·s à une discrimination ont entamé des démarches formelles pour faire valoir leurs droits.

| L’inutilité d’un recours (29%), l’insuffisance de preuves (23%), la peur des représailles (21%), sont les principaux motifs avancés par les personnes qui n’ont pas cherché à faire reconnaître la discrimination.

| Sensibiliser les acteurs concernés, mobiliser les ordres et sanctionner les comportements discriminatoires recueillent l’approbation de la très grande majorité de la profession, notamment des femmes.

(7)

— 7

Présentation de l’enquête 1.

Objectif général

Les différents travaux et études réalisés par le ministère de la Justice et l’Observatoire du Conseil national des barreaux1 rendent compte d’une croissance démographique marquée et d’une forte féminisation de la profession d’avocats au cours des dix dernières années.

Ces évolutions emportent-elles des conséquences sur les conditions de travail et d’exercice des avocats ? La féminisation et le rajeunissement des effectifs sont-ils porteurs d’une plus grande égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ? À quelles difficultés ou différences de traitement sont exposés les différents groupes sociaux qui composent la diversité de ce corps professionnel, principalement constitué d’indépendant·e·s ?

À la demande de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), le Défenseur des droits a réalisé une enquête pour caractériser les conditions de travail des avocats en France aujourd’hui (conditions matérielles, perception des relations de travail) et analyser sous quelles formes et selon quelle fréquence se manifestent les situations de discriminations dont les avocats peuvent faire

l’expérience. L’analyse se centre sur la dimension genrée des expériences de discriminations, et intègre aussi, dans une perspective intersectionnelle, les effets de l’origine et de la religion.

Mis en perspective avec les données de l’Observatoire du CNB et du ministère de la Justice, les résultats de l’enquête apportent des éléments utiles pour identifier les axes d’une politique de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité professionnelle.

L’enquête a été réalisée, en partenariat avec la FNUJA, sous la responsabilité de l’équipe du Défenseur des droits.

Méthodologie

— É C H A N T I L L O N N A G E —

L’enquête « Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocat·e en France » - ci-après désignée Enquête Avocats - a été conduite par internet auprès d’un échantillon constitué à partir d’une base de contacts initiale permettant d’interroger les avocat·e·s exerçant en France (DOM inclus) et disposant d’une adresse électronique professionnelle, soit 44 458 contacts. Ces contacts comprenaient les noms, prénoms, emails et barreaux d’appartenance des avocats.

Sur cette base, ont été envoyés des messages électroniques d’invitation personnalisés indiquant un lien pour répondre de façon volontaire, confidentielle et anonyme à l’enquête en ligne. Au total, 7 138 questionnaires ont été complétés.

Conformément à la loi Informatique et Libertés du 8 janvier 1978, cette enquête anonyme a fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL.

Les effectifs présentés dans ce rapport sont les effectifs bruts qui correspondent au nombre de personnes qui ont répondu à l’enquête. Les analyses (pourcentages et régressions logistiques) sont pondérées afin de tenir compte du redressement de l’échantillon sur les caractéristiques sociodémographiques de la population des avocats en France.

1 Voir notamment L’étude barométrique « Profession d’Avocat » réalisée chaque année depuis 2012.

(8)

— 8 Ce redressement2 a été effectué sur la base des données de la CNBF (Caisse Nationale des Barreaux

Français), de l’UNCA (Union Nationale des CARPA), de la CREPA (Institutions de prévoyance et de retraite du personnel des cabinets d’Avocats et des études d’Avoués près des Cours d’appel), devenue depuis KERIALIS, et des statistiques du ministère de la Justice (données actualisées au 16 mars 2016).

Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata. Seules les différences statistiquement significatives (au seuil de 5% au minimum) sont signalées dans la présentation des résultats3.

— Q U E S T I O N N A I R E —

En première partie, le questionnaire de l’enquête collecte des informations sur les caractéristiques sociodémographiques des individus (âge, sexe, situation familiale). Le second bloc s’articule autour de la vie professionnelle (barreau d’appartenance, ancienneté, secteur et statut d’activité, congé parental effectué, tranche de rémunération, etc.) Les blocs suivants se concentrent sur l’exposition à des comportement hostiles (propos et attitudes déplacés ou dévalorisants) et sur la perception et l’expérience des discriminations dans la profession (fréquence des situations rapportées, circonstances, éventuelles réactions des enquêtés) ainsi que sur l’opinion des répondants quant à la lutte contre les discriminations. Un dernier bloc vient compléter le premier en collectant des informations sur l’origine, la religion auto-déclarée ou perçue et l’orientation sexuelle, afin de mieux caractériser certains groupes sociaux susceptibles d’être exposés à des différences de traitement.

2 Les variables de calage utilisées pour ajuster l’échantillon aux caractéristiques générales de la profession sont le sexe, l’ancienneté d’exercice : divisée en 3 tranches (moins de 16 ans d’exercice, entre 16 et 40 ans et plus de 40 ans d’exercice) , le statut d’activité (exercice à titre individuel, en tant que collaborateur libéral ou collaborateur salarié et en qualité d’associé, autre) et le barreau d’appartenance ( Paris et région parisienne/Province).

3 Les niveaux de significativité s’appliquent dans la comparaison de proportions pour des réponses du type « oui/non ». Lorsqu’une question laissait la possibilité de répondre par d’autres modalités (« autre », « ne sait pas », « refus », etc.), le calcul de la significativité a été réalisée sur le seul champ des répondants ayant opté pour les réponses « oui » ou « non ».

Prise en compte de l’origine dans l’enquête

« Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocat·e en France »

L’enquête analyse si certains

groupes sociaux sont plus exposés que le reste de la population à des situations d’inégalités. Les caractéristiques faisant l’objet d’une protection juridique ont donc fait l’objet de questions spécifiques : le sexe, l’âge, la situation familiale mais aussi la religion et l’origine, réelles ou supposées, sont pris en compte dans l’analyse des expériences de discrimination au sein de la profession.

Concernant l’origine, outre des informations portant sur le pays de naissance et la nationalité des parents,

le questionnaire propose de saisir les représentations de soi et celles expérimentées dans les relations sociales en demandant aux répondant·e·s si elles et ils se considèrent eux-mêmes ou pensent être considéré·e·s par les autres comme appartenant à un groupe minoritaire. Les modalités de réponse permettent, de manière analogue aux études sur les inégalités de genre par exemple, de mieux caractériser la réalité multidimensionnelle des discriminations.

« Pour conclure sur vos origines, comment pensez-vous que les

autres vous voient ? » Plusieurs réponses possibles : Blanc / Noir / Arabe / Asiatique / Autre [précisez] / Vous ne vous reconnaissez pas dans ces catégories / ne sait pas

« Et vous-même, vous

considérez-vous comme… ? » (même liste de réponses) Les réponses à ces questions permettent d’analyser si les représentations fondées sur l’apparence des personnes sont actives dans les différences de traitement rapportées par les individus.

— D I S P O S I T I F D ’ E N Q U Ê T E —

La collecte des données a été effectuée entre le 2 juin 2017 et le 9 juillet 2017. Six relances ont eu lieu au cours de cette période auprès des non-répondants et des personnes n’ayant pas terminé le questionnaire. Les adresses des avocats ayant communiqué leur refus de répondre à l’enquête étaient supprimées de chaque base de relance.

(9)

— 9

Les enjeux méthodologiques d’une enquête sur les discriminations

auprès d’avocat·e·s

1. Les discriminations :

objet de droit et situations vécues

L’enquête Avocats rencontre une spécificité de terrain – interroger des personnes sur des phénomènes sociaux, des actes, des comportements, des situations… qui sont susceptibles de se traduire dans des catégories juridiques – auxquelles d’autres enquêtes en population générale se confrontent aussi.

L’objectif des enquêtes sur les discriminations ne se réduit pas à une mesure, en population générale, de phénomènes sociaux dont les institutions chargées de faire respecter la loi auraient à traiter lorsqu’ils sont portés à sa connaissance.

Les enquêtes portant sur les discriminations (dont on est témoin ou que l’on expérimente soi-même) cherchent aussi à objectiver la perception de situations dans lesquelles les personnes estiment que leurs droits sont lésés, que leur accès à des droits est empêché ou rendu difficile, et ce pour des raisons dont ils peuvent donner une interprétation.

L’interprétation de ces « motifs » de « discrimination » est ici à penser avec des guillemets pour souligner que toutes les réponses données par des personnes interrogées en population générale ne concordent pas exactement avec la définition par la loi de la discrimination ou des critères prohibés (au sens – notamment

– des articles 225-1 et 255-2 du code pénal). Mais ces guillemets ne signifient pas qu’une

telle enquête enregistre des phénomènes qui n’existeraient pas, simplement parce que le droit ne leur donnerait pas de formulation. L’objectivation de la perception des discriminations vaut aussi pour elle-même, par différence et par comparaison avec les catégories juridiques, pour mesurer des expériences sociales.

La convergence observée avec d’autres études, réalisées notamment par testing, par exemple dans le domaine de l’emploi4, encourage à penser que les discriminations déclarées dans les enquêtes se recoupent assez largement avec ce que le droit pourrait qualifier dans les mêmes termes. Et du coup, parler de

« discriminations » fait sens dans les deux cas.

2. Interroger

des « spécialistes » ? Ce qui rend la situation

d’enquête également spécifique, et différente de celle des

enquêtes sur les discriminations auprès de personnes

sélectionnées aléatoirement en population générale, c’est qu’ici le questionnaire est soumis à des personnes qui peuvent avoir une connaissance juridique des discriminations.

Cette connaissance peut exercer plusieurs effets. Entre autres, on peut supposer que les avocat·e·s, averti·e·s de ce

qu’est une discrimination en droit, ont eu à observer des discriminations et développé une sensibilité (pour les autres et pour eux-mêmes) différente de celle de la population dite

« générale », qui leur permet davantage de les reconnaître dans leurs interactions sociales.

Cependant, le questionnaire formule clairement que les personnes sont interrogées – pour la plus grande partie des questions concernées – à propos de situations vécues, sans leur demander en aucune manière de reclasser celles-ci selon des catégories juridiques.

Sur ces questions, il est impossible de présumer l’effet exact que leur connaissance juridique exerce sur les réponses données : comme avocats, tendent-ils à rendre compte plus souvent de discriminations constatées ou vécues parce que leur sensibilité technique à la question les leur rendrait plus visibles ? Ou bien au contraire, interprètent-ils de nombreuses situations constatées autour d’eux ou vécues comme n’étant pas des discriminations au sens technique (juridique) du terme, et en conséquence, répondent plutôt par la négative ?

Quoi qu’il en soit, il est certain que, même au sein de la

profession d’avocat, le niveau de connaissance et de pratique sur la question des discriminations est très divers. À ce titre, il serait erroné de considérer que l’on a affaire à une population homogène de spécialistes des discriminations.

4 Voir par exemple : Brinbaum Yaël, Meurs Dominique, Primon Jean-Luc, 2015, « Situations sur le marché du travail : statuts d’activité, accès à l’emploi et discrimination », in Beauchemin Cris, Hamel Christelle, Simon Patrick (dir.), Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, Paris, éditions de l’INED, collection « Grandes Enquêtes », p. 203-232 (et particulièrement p. 213-214).

Sur la base initiale (44 458 contacts), le taux de participation a été de 16,1%. Ce taux de participation peut être considéré comme satisfaisant pour une enquête administrée sur internet à partir d’un fichier d’adresses.

La durée moyenne de réponse au questionnaire a été de 17,5 minutes.

(10)

— 10

Qui sont les avocates 2.

et les avocats exerçant en France ?

L’état des lieux statistique réalisé annuellement par le ministère de la Justice apporte quelques

éléments de réponse. Le document intitulé Statistique sur la profession d’avocat. Situation au 1er janvier de l’année n5 permet en effet de disposer d’un recensement global de la population des avocat·e·s (sexe, âge, nombre d’avocats inscrits au barreau et d’avocat·e·s honoraires) avec un bilan de l’évolution des effectifs et de la structure de la population par rapport aux années précédentes. Il décrit également les différents modes d’exercice des avocat·e·s (à titre individuel, collaborateur, collaboratrice, salarié·e, associé·e) et précise la nature des activités poursuivies.

Ce cadrage statistique général établi à partir des données de gestion du ministère de la Justice

recueillies auprès des barreaux (au 1er janvier 2017, 65 480 avocats ont été recensés) permet également de confronter les résultats de l’enquête Avocats réalisée par le Défenseur des droits pour vérifier leur représentativité. Les caractéristiques sociales et démographiques de la population enquêtée sont présentées dans le tableau A1 en annexe.

Une profession jeune et féminisée

La population enquêtée est très comparable en structure à la profession dans son ensemble : l’âge moyen est de 43 ans dans l’enquête et de 43,8 ans pour l’ensemble des avocats en France ; on enregistre 54% d’avocates et 46% d’avocats parmi les répondants, pour 55,4% et 44,6% de femmes et d’hommes dans le métier selon les données exhaustives du ministère. Les résultats de l’enquête Avocats permettent donc, sur ces critères de sexe et d’âge, de fournir des estimations représentatives des avocats en exercice en France en 2017.

Le bilan statistique annuel du ministère de la Justice met également en lumière la relative jeunesse de la profession, en regard par exemple de la population des officiers publics et ministériels (OPM) c’est-à- dire des notaires, des huissiers, des greffiers des tribunaux de commerce, des commissaires-priseurs judiciaires, et des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Les avocats y apparaissent en outre, par rapport aux OPM, comme la seule profession dans laquelle le sex ratio est majoritairement féminin : 55,4% de femmes parmi les avocats contre 37% pour les OPM et 38,5% chez les notaires.

Par rapport aux indépendant·e·s et aux autres professionnel·le·s des professions judiciaires et juridiques réglementées, la profession d’avocats apparaît plus jeune et plus féminisée.

Les données du ministère de la Justice permettent enfin de replacer cette féminisation et ce rajeunissement dans le cadre plus large de l’expansion démographique globale considérable qu’a connue la profession au cours de la période 2007-2017. Sur cette décennie, le nombre de professionnels a progressé de 37%, du fait d’une croissance de 54% de l’effectif des avocates et de 21% du nombre de leurs confrères.

5 Ces publications sont consultables sur le site du ministère de la Justice depuis l’état des lieux réalisé au 1er janvier 2006. La dernière d’entre elles : Moreau Caroline, 2017, Statistique sur la profession d’avocat. Situation au 1er janvier de l’année 2017, août, 42 p. est accessible sur la page (consultée le 1er mars 2018) : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/statistiques-11870/statistiques-2017-sur-la-profession-davocat-30799.html

Dans la suite de ce texte, les données tirées de cette publication seront citées comme source sous la forme : (Moreau, 2017).

(11)

— 11 Selon les statistiques du ministère de la Justice, le barreau parisien concentre à lui seul plus de quatre

avocats sur dix (41,9%). La part des personnes interrogées dans l’enquête exerçant dans le barreau parisien est de 37,7%. Au sein de ce barreau, 55,1% des professionnels sont des femmes. En s’appuyant sur la statistique annuelle du ministère de la Justice, on peut préciser que le sex ratio des barreaux est indépendant de leur taille (Moreau, 2017, p. 13).

La description « femmes-hommes » de la structure d’une profession est un axe d’analyse privilégié pour « une compréhension approfondie des nouveaux enjeux auxquels les groupes professionnels sont aujourd’hui confrontés »6. L’enquête Avocats permet de contribuer à qualifier la nature des rapports socioprofessionnels de sexe dans cette profession. C’est dans cette optique que sont présentés les résultats qui compareront les déclarations des femmes et hommes avocats répondants de l’enquête.

Une stabilité professionnelle moins assurée pour les femmes

De façon complémentaire à ce qui précède, on peut observer que l’ancienneté de l’inscription dans leurs barreaux de rattachement différencie les positions des femmes et celles des hommes.

Selon l’enquête, 69,8% des avocates sont rattachées à leur barreau depuis moins de 15 ans, alors que c’est le cas de 55,5% de leurs confrères. Les femmes avocates, de plus en plus nombreuses dans l’effectif total des avocats, sont en moyenne plus jeunes que leurs confrères de sexe masculin. Elles sont donc aussi, en partie mécaniquement, du fait de leur âge, inscrites depuis moins longtemps au barreau.

Mais au-delà de cet effet mécanique, ces données interrogent sur la stabilité professionnelle des femmes et des hommes exerçant le métier d’avocat. Le dernier rapport d’activité de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF)7 constate « quel que soit le sexe, une stabilité dans la profession, étant souligné que cette stabilité est plus forte pour les hommes : 78% d’avocats hommes inscrits en 1997 sont toujours dans la profession en 2015, contre 66% de femmes »8. Indice supplémentaire de cette divergence entre hommes et femmes : dès la deuxième année qui suit leur serment, les avocates désertent un peu plus la profession que leurs confrères. Pour un serment prêté en 2015, à la fin de l’année 2016, 95,2% des hommes exercent encore comme avocats, alors que ce n’est le cas que de 93,0% des femmes.

Pour la CNBF, cette différence de comportements peut tenir à l’engagement familial plus important des femmes ou à une moindre rentabilité de l’activité professionnelle de ces dernières selon leur spécialisation. Le constat est assez neutre dans sa globalité, posant « l’engagement familial »

comme un fait, et non comme résultant d’un statut inégal entre les sexes dans l’articulation entre vie professionnelle et familiale. L’inégalité des rémunérations entre les femmes et les hommes est toutefois relevée en tant que telle par la CNBF.

6 Lapeyre Nathalie, Le Feuvre Nicky, 2009, « Avocats et médecins : féminisation et différenciation sexuée des carrières », in Demazière Didier, Gadéa Jean-Claude (dir.), Sociologie des groupes socioprofessionnels. Acquis récents et nouveaux défis, Paris, La Découverte, p. 424-434 (p. 424 pour la citation).

7 CNBF, 2017, Rapport d’activité 2016, 126 p. Accessible à l’adresse : http://www.cnbf.fr/medias/cms/documents/Rapport-annuel-2016.pdf (page consultée le 14 mars 2018).

8 Id., p. 25.

(12)

— 12

Des conditions de travail 3.

genrées

Des femmes collaboratrices, des hommes associés

Si la profession d’avocat·e peut s’exercer sous divers statuts : celui de collaborateur salarié ou libéral, ou encore celui d’associé, ce dernier paraît constituer une sorte de « Graal », au sens d’une position socioprofessionnelle certes très exigeante, mais susceptible de conférer « légitimité et élévation

sociale »9. De manière plus descriptive, être associé·e signifie être propriétaire d’une partie des parts du groupement d’exercice10 dans lequel on travaille.

Cette distinction attachée au statut d’exercice de la profession d’avocat·e apparaît dans le fait que l’âge moyen, le sexe et les revenus des avocat·e·s varient entre les différents statuts (cf. tableau 1).

Tandis que le statut de collaborateur semble réservé de préférence aux âges les plus jeunes (libéral, surtout, salarié dans une moindre mesure) car les jeunes avocat·e·s « choisissent » souvent de ne pas s’installer à leur compte en tout début de carrière, celui d’associé, occupé par des personnes plus âgées, paraît clairement à dominante masculine : 36,9% seulement des associés sont des associées, alors que les avocates constituent 54% des répondants de l’enquête Avocats. Du point de vue des revenus, être associé a bien des effets considérables : 79,1% des avocats et 69,2% des avocates qui déclarent un revenu professionnel annuel net égal ou supérieur à 152 400 euros (la tranche la plus élevée qui était proposée aux répondants de l’enquête) sont des associés. Les femmes, moins souvent associées que les hommes, sont ainsi désavantagées dans l’accès aux revenus les plus élevés.

9 Voir Jasor Muriel, 2013, « Associé : un statut qui oscille entre privilège et sacerdoce », Les Échos, 10 avril https://www.lesechos.fr/10/04/2013/LesEchos/21414- 145-ECH_associe--un-statut-qui-oscille-entre-privilege-et-sacerdoce.html (page consultée le 16 mars 2018).

10 En entendant ici par « groupement d’exercice » plus qu’un simple groupement dans lequel seule la propriété foncière des murs du cabinet est partagée, ou encore seuls les moyens mis en œuvre pour le faire fonctionner (secrétariat, facture d’électricité, etc.). À ce titre, des avocats exerçant à titre individuel (c’est-à-dire n’ayant pas le statut d’associés) peuvent exercer à plusieurs, dans des structures telles que des sociétés civiles immobilières (SCI) ou de moyens (SCM).

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017. Effectifs bruts, pourcentages pondérés. Lecture : Le statut d’associé est exercé dans 36,9% des cas par des avocates.

Ta b l e a u 1 | Part des femmes, âge moyen et niveaux extrêmes de revenu selon le statut d’exercice

% de

femmes Âge moyen % dans la tranche

annuelle de revenu

« moins de 17 500 euros par an »

% dans la tranche annuelle de revenu

« plus de 152 401 euros par an »

Eff.

Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Ensemble

Exercice ind. 57,3% 45,1 50,6 70,8% 73,7% 25,6% 14,3% 2 899

Collab. Libéral 66,6% 33,3 33,5 18,8% 10,2% 5,2% 3,3% 2 380

Collab. Salarié 56,2% 38,5 41,4 1,2% 0,6% 0% 3,3% 134

Associé 36,9% 45,0 49,3 9,2% 15,5% 69,2% 79,1% 1 550

Ensemble 54,0% 40,5 46,0 100% 100% 100% 100% 6 963

(13)

— 13 Ce désavantage relatif sur la position la plus élevée du métier d’avocat trouve son complément logique

dans le fait que les femmes exercent leur métier, plus souvent que les hommes, surtout en tant que collaboratrices libérales (36,3% d’entre elles, contre 21,3% de leurs confrères) et dans le cadre d’un exercice individuel (38,7% des femmes et 33,9% des hommes ayant respectivement ce statut). Les avocates et les avocats déclarent dans les mêmes proportions avoir un statut de collaborateur salarié (4,9% d’entre elles et 4,5% d’entre eux).

Statut d’exercice, spécialités et revenus : les femmes pénalisées

Comme on l’a vu précédemment, la part des femmes parmi les associés est particulièrement basse (36,9% de femmes), alors même que 77,1% des avocats qui se situent dans la tranche de revenus professionnels annuels nets la plus élevée sont des associés.

Il est possible de modéliser la probabilité qu’ont les femmes, par rapport à leurs confrères et à statut d’exercice et âge donnés, de se trouver dans la tranche de revenus la plus basse (17 500 euros annuels au maximum) ou la plus élevée (152 041 euros ou plus) (voir tableau A2 en annexe).

Les résultats sont éclairants : par rapport à un homme avocat âgé de 50 à 59 ans et exerçant à titre individuel, le fait d’être une femme plutôt qu’un homme multiplie par 1,4 la probabilité de percevoir un revenu professionnel net inférieur ou égal à 17 500 euros annuels, et multiplie par 0,4 (c’est-à-dire diminue de 60%) celle de percevoir un revenu professionnel annuel net égal ou supérieur à 152 041 euros.

Sans surprise par rapport à ce résultat, à sexe et âge donnés, le fait d’être associé plutôt que d’exercer le métier d’avocat à titre individuel divise par 5 la probabilité de percevoir les revenus les plus bas et, à l’autre extrême, multiplie la probabilité de percevoir les revenus les plus élevés par 6,8.

Les analyses montrent également que plusieurs tranches d’âge des avocats, à sexe et statut d’exercice donnés, sont corrélées à la probabilité de percevoir les revenus les plus faibles d’une part, les plus élevés de l’autre. En particulier, avoir moins de 39 ans accroît la probabilité de se situer dans la tranche de revenus la plus basse et diminue la probabilité de se situer dans la tranche la plus élevée.

Ce résultat conduit à penser, dans une logique non plus de modélisation mais intersectionnelle, que la situation des jeunes entrantes dans la profession est souvent défavorable en termes de revenus, par rapport à l’ensemble de la profession. Cette interprétation est confirmée par le fait que 60,9% des avocates ayant 39 ans au plus en 2017 déclarent des revenus professionnels annuels nets d’un montant inférieur ou égal à 36 000 euros, alors que c’est le cas de 48,7% des avocates et de 39,6% des avocats dans leur ensemble.

La comparaison avec les hommes avocats du même âge et partageant le même statut est également éclairante : 44,1% des hommes avocats de 39 ans au plus perçoivent des revenus inférieurs ou égaux à 36 000 euros annuels nets.

Ces constats sur les effets du sexe, du statut d’exercice et de l’âge sur le niveau de revenus des avocats rejoignent les résultats d’autres études11 sur les inégalités de revenus entre les sexes dans cette

profession, de même que les préoccupations qu’expriment régulièrement à ce sujet des représentants des professionnels eux-mêmes12.

Ces différences de revenus entre les femmes et les hommes résultent aussi des spécialités exercées dans lesquelles elles et ils exercent et qui renvoient à une répartition genrée de la profession. Alors que les hommes sont surreprésentés dans certains secteurs, comme celui du droit des affaires (57,9%

des hommes exercent cette activité, seule ou combinée éventuellement à d’autres, contre 42,1% des femmes) ou du droit international (57,4% contre 42,6% pour les femmes), les femmes quant à elles déclarent plus souvent exercer dans les secteurs du droit de la famille (66,6% contre 33,4% pour les hommes) et du droit du travail et de la protection sociale (57,4% contre 42,6% des hommes). Ces spécialités n’offrent pas, loin s’en faut, les mêmes niveaux de revenus, les « spécialités féminines » étant largement moins rémunérées (voir tableau A3 en annexe).

11 Lapeyre Nathalie, Le Feuvre Nicky, 2009, art. cit. (p. 428 à propos des inégalités de rémunération selon le statut et le sexe).

12 https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/femmes-dans-la-profession-avocat-faits-et-chiffres (page consultée le 16 mars 2018).

(14)

— 14

Un environnement professionnel à dominante féminine

Pour explorer les différences de conditions d’exercice entre femmes et hommes avocats, le sex ratio de l’entourage proche de travail peut aussi être analysé. Dans plusieurs études, cet indicateur a été mobilisé pour qualifier les conditions de travail ou, plus précisément, le climat professionnel.

L’enquête Conditions de travail 2013 (CT2013, DARES13) montre ainsi que les emplois « typiquement féminins » protègent relativement les femmes de la survenue de comportements hostiles à dimension sexiste, alors qu’à l’inverse, lorsque les femmes occupent des emplois « plutôt masculins », la fréquence de survenue des comportements sexistes auxquels elles se heurtent croît.

Si les femmes avocates déclarent majoritairement un environnement professionnel immédiat à dominante féminine (dans 60,3% des cas, leur entourage de travail est majoritairement composé de femmes), ce n’est pas le cas pour leurs confrères (43,6% d’entre eux). Du point de vue du sex ratio de leur entourage de travail, les hommes avocats se trouvent dans des situations plus variées (tableau 2).

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017. Effectifs bruts, pourcentages pondérés.

Lecture : 60,3% des avocates déclarent que leur entourage proche de travail est majoritairement composé de femmes.

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017. Effectifs bruts, pourcentages pondérés.

Lecture : 28% des avocates travaillent dans des cabinets où elles sont seules (1 seul avocat dans le cabinet).

Ta b l e a u 2 | Sex ratio de l’entourage proche de travail

Ta b l e a u 3 | Taille des cabinets d’exercice des avocats par sexe

Entourage proche de travail… Avocates Avocats Ensemble

Majoritairement féminin 60,3% 43,6% 52,6%

Majoritairement masculin 8,3% 17,4% 12,5%

Mixte 31,4% 39,0% 34,9%

Ensemble 100% 100% 100%

Femmes Hommes Total Eff.

1 avocat 28,0% 22,7% 25,6% 1 979

2-5 avocats 41,8% 41,4% 41,7% 2 593

6-10 avocats 12,1% 14,6% 13,3% 936

11-30 avocats 8,6% 9,2% 8,9% 651

31-100 avocats 4,3% 4,8% 4,5% 377

+ de 100 avocats 5,1% 7,4% 6,2% 427

Total 100% 100% 100% 6963

13 Algava Élisabeth, 2016, « Dans quels contextes les comportements sexistes au travail sont-ils le plus fréquents ? », DARES Analyses, septembre, n° 046.

Le fait que les femmes avocates travaillent plus souvent que leurs confrères en étant entourées majoritairement de femmes repose surtout sur le caractère très féminisé de l’entourage dans les cabinets de plus petites tailles (voir tableau A4 en annexe). C’est surtout là que se concentrent ces relations de travail entre femmes (tableau 3).

(15)

— 15 La concordance assez remarquable des déclarations des avocates et des avocats sur la mixité de

leur entourage de travail dans les cabinets de plus grande taille (31-100 avocats, plus de 100 avocats) dénote certainement une perception analogue de ce phénomène chez les unes et les autres. Au total, ces cabinets de plus grande taille se caractérisent par des conditions d’exercice assez spécifiques du point de vue du sex ratio : lieux où, tant pour les avocates que les avocats, la mixité est la plus fréquente, ce sont aussi des lieux d’exercice atypiques par rapport à l’ensemble des conditions sexuées d’exercice pour les femmes. Pour une avocate, travailler dans un cabinet de 31 à 100 avocats, ou de plus de 100 avocats c’est, en termes de mixité/non-mixité des relations de travail, être placée dans des interactions qui ne ressemblent pas à celles des avocates considérées dans leur ensemble.

Le temps partiel, un droit effectif ?

En moyenne, 4% des hommes avocats exercent à temps partiel (temps partiels subi et choisi

confondus), tandis que 9% de leurs consœurs sont concernées. Cette fréquence inégale des situations de temps partiel entre les sexes s’observe pour toutes les tailles de cabinets d’exercice. Par rapport à cette inégalité globale et marquée de la répartition de la quotité du temps de travail entre les femmes et les hommes, les cabinets d’exercice d’un avocat seul sont relativement atypiques, puisque 8,4%

des hommes avocats qui y travaillent sont en temps partiel choisi, contre 9,9% des avocates dans les cabinets de même taille. Mais même là, la position des femmes se démarque de celle de leurs confrères par le fait qu’elles déclarent beaucoup plus souvent (1,4% d’entre elles, contre à peine 0,1% des

hommes) y travailler à temps partiel de manière contrainte.

Le travail à temps partiel, qui se développe rapidement depuis une quarantaine d’années, renvoie à des inégalités professionnelles entre sexes et à des inégalités dans le partage des tâches familiales et domestiques.

Dans ce contexte, travailler à temps partiel va de pair avec des « différences de classification et de salaire, [des] trajectoires et carrières divergentes, [une] reconnaissance inégale au sein des collectifs de travail, [et un] risque accru de précarité », et recouvre largement une « segmentation sexuée du marché du travail »14. Mais qu’en est-il pour les avocats, dans la mesure où ces constats, pertinents pour l’ensemble des actifs, concernent peut-être moins directement leur profession, dont la grande majorité exerce sous un statut de travailleur indépendant ?

Comparées à d’autres femmes en activité, les avocates paraissent atypiques : elles sont moins souvent employées à temps partiel que les actives occupées dans leur ensemble (EEC 2016)15. Elles le sont aussi moins que les femmes actives ayant un statut d’indépendantes qui pourtant sont les plus nombreuses à ne pas travailler à temps complet.

Par conséquent, si l’écart de recours au temps partiel entre les femmes et les hommes avocats va dans le sens attendu (celui d’un recours plus fréquent des femmes que des hommes à cette quotité réduite de temps de travail), néanmoins, la part écrasante du temps complet (y compris et surtout par rapport aux travailleurs non-salariés) qui caractérise le temps de travail des avocates comme des avocats constitue un trait marquant de cette profession16.

De l’ensemble de ces éléments de cadrage, il ressort que l’articulation entre la vie familiale/personnelle et professionnelle apparaît comme très contrainte pour les avocates, du point de vue horaire,

notamment par comparaison avec les non-salariées.

Si l’on revient maintenant à une description plus détaillée des conditions d’activité, on observe que le temps partiel (dans son ensemble, mais surtout le temps partiel choisi) tend à reculer au fur et à mesure que croît la taille du cabinet (voir tableau A4 en annexe). Comme si les hommes avocats exerçant

dans des cabinets où ils sont seuls, et sous un mode d’exercice individuel, se rapprochaient d’un mode d’exercice plutôt « féminin » de leur profession. De façon symétrique, les avocates travaillant dans les cabinets de plus grande taille, avec des horaires plus fréquemment à temps complet que leurs consœurs, pourraient être décrites comme ayant un mode d’exercice plutôt « masculin ».

14 Lallement Michel, 2000, « En poste à temps partiel », Travail, Genre et Sociétés, n° 4, p.135-155.

15 Activité, emploi et chômage en 2016, Enquête emploi en continu - Insee Résultats (2017).

16 On retrouve ici ce que Nicky Le Feuvre et Nathalie Lapeyre notent dans leur propos sur la féminisation des professions d’avocat et de médecin : persiste

« un modèle dominant ou « éthos » professionnel : celui de la disponibilité permanente du praticien envers sa clientèle […,] modèle [qui] se caractérise par l’exceptionnelle longueur de la durée du travail, et un rapport pour le moins lointain à la sphère domestique, familiale et éducative, donc les charges sont assumées par les conjoint(e)s et/ou d’autres catégories sociales de femmes, contre rémunération » Lapeyre Nathalie, Le Feuvre Nicky, 2009, art. cit., p. 429.

(16)

— 16 Entre ces deux positions extrêmes, que l’on peut caricaturer comme symétriques dans des jeux croisés

du « genre au travail » des avocats, les arrangements individuels, plus ou moins contraints et plus ou moins subis entre articulation de la vie familiale/personnelle et professionnelle sont certainement multiples, avec une forte contrainte du temps de travail pesant sur les femmes.

Si des réserves sont de rigueur pour interpréter la liberté du choix de la quotité de travail, en revanche, les réponses qui font explicitement état de contraintes (« à temps partiel, et c’est le choix du cabinet pour lequel je travaille ») expriment plus directement des situations professionnelles subies. Dans ce registre, les écarts entre avocates et avocats sont encore plus manifestes qu’à propos du temps partiel

« choisi ». Les hommes avocats ne sont pour ainsi dire pas concernés par le temps partiel imposé par une décision de leur cabinet (au maximum 0,5% des avocats travaillant dans des cabinets de 31 à 100 avocats), contrairement à leurs consœurs. 1,4% d’entre elles en moyenne déclarent ne pas avoir choisi de travailler à temps partiel, avec pour seules exceptions les cabinets de plus de 10 personnes, où aucune ne se voit imposer une quotité réduite de travail.

On peut compléter cette analyse sur le temps partiel/complet parmi les avocates et les avocats en suggérant que les hommes comme les femmes qui travaillent dans les cabinets de plus grande taille auraient ceci en commun qu’ils investissent leur vie professionnelle en « choisissant » davantage que les autres de ne pas recourir au temps partiel.

On peut également penser que ces personnes travaillant dans les plus gros cabinets (et les avocates concernées, tout particulièrement) se trouvent dans des trajectoires professionnelles et familiales où elles sont moins enclines à déclarer « choisir » une quotité réduite de travail, et plus susceptibles de vivre une telle situation (un emploi à temps partiel) comme subie.

Sous ces hypothèses, le fait que le temps partiel subi soit, moins nettement que le temps partiel choisi, une fonction décroissante de la taille du cabinet, pourrait exprimer que pour les femmes surtout, les cabinets de plus grande taille imposent une double contrainte, pour partie contradictoire. Les femmes qui y travaillent sont sans doute plus disposées à travailler un grand nombre d’heures, mais sans que les contraintes de la vie familiale ne soient toujours allégées. Les avocates qui travaillent dans ces cabinets se voient également, pour partie d’entre elles, imposer une quotité plus réduite de travail qu’elles ne le souhaiteraient.

Les congés parentaux : une affaire de femmes

Une autre manière d’évaluer les conditions de travail des avocats et avocates, en prenant en compte les questions relatives à l’articulation entre leurs temps personnel/familial et professionnel consiste à s’intéresser à leur comportement en matière de congés maternité et paternité.

Non-salariés dans leur grande majorité, les avocates et avocats ont des droits à congé pour la naissance ou l’adoption d’un enfant.

Les résultats de l’enquête révèlent une différence très marquée entre le comportement des pères, selon qu’ils ont pu on non bénéficier du congé paternité tel que mis en place depuis 2002 (voir tableau A5 en annexe). Ainsi, près d’un tiers (30,9%) des pères d’enfants âgés de moins de 15 ans déclare avoir pris un congé de paternité, contre une infime minorité (1,9%) des pères d’enfants âgés de 15 ans ou plus. En outre, la durée moyenne du congé paternité varie aussi considérablement selon la date de naissance de l’enfant : les pères d’enfants âgés de 15 ans ou plus en 2017 ont pris des congés de bien plus courte durée (5,7 jours) que les pères d’enfants plus jeunes (10 jours). Ces derniers se rapprochent par conséquent de la durée maximale légale prévue (11 jours) pour les salariés comme pour les non-salariés et sont proportionnellement aussi nombreux à faire valoir ce droit que les autres pères non-salariés en France17.

Les avocates prennent beaucoup plus souvent un congé pour accueillir leur enfant que les avocats (voir tableau A6 en annexe) : 44,3% de mères ayant aujourd’hui un enfant de 15 ans ou plus déclarent avoir pris un congé de maternité, et c’est le cas de 78,9% de celles ayant un enfant de moins de 15 ans en 2017.

17 Legendre Émilie, Lhommeau Bertrand, Vincent Justine (avec la participation de), 2016, « Le congé de paternité : un droit exercé par près de sept pères sur dix », Études & Résultats, DREES, n° 0597, mars, Tableau 2, p. 4. http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er957.pdf (page consultée le 20 mars 2018).

(17)

— 17 Mais si le recours au congé maternité est plus fréquent pour les naissances les plus récentes, les

femmes sont beaucoup plus nombreuses à travailler pendant ces congés (50,8% d’entre elles) que ce n’était le cas pour des enfants nés à une période plus ancienne (35,2% d’entre elles)18.

Les congés maternité des femmes sont certes plus longs qu’ils ne l’étaient par le passé, mais aussi plus longs que ceux des hommes, et la prégnance des rôles sociaux les conduit aussi à travailler proportionnellement plus souvent pendant cette période qui entoure la naissance.

18 La comparaison de ces comportements entre les congés concernant des générations différentes d’enfants n’est pas possible pour les pères. On compte en effet seulement 12 pères ayant pris un congé paternité pour un enfant âgé de 15 ans et plus en 2017.

(18)

— 18

Le genre des relations 4.

professionnelles

Les données de l’enquête permettent d’approfondir l’analyse de la féminisation du métier d’avocat·e et de la remise en cause possible des normes de genre qu’elle introduit, en s’intéressant à ce que déclarent les avocates et les avocats pour qualifier leur environnement de travail et les relations qui y prévalent.

Un temps partiel stigmatisé

Comme on l’a vu précédemment, le temps partiel est beaucoup plus souvent le fait des femmes (9%

d’entre elles) que de leurs homologues de sexe masculin (4%) et, lorsqu’elles rapportent qu’il est choisi, il s’agit sans doute souvent, comme dans les autres professions, d’un « choix » opéré sous la contrainte de l’articulation entre charges professionnelles et domestiques/familiales.

Parce que vous travaillez à temps partiel, vous a-t-on « déjà laissé entendre que les autres faisaient tout le travail en votre absence », ou « que vous aviez fait le choix de la famille et que vous ne pouviez pas tout avoir », ou encore « vous a-t-on déjà culpabilisé·e vis-à-vis de votre travail » ? À toutes ces questions, les femmes avocates travaillant à temps partiel répondent beaucoup plus souvent que des remarques désobligeantes leur sont adressées, comparativement aux hommes avocats travaillant à temps partiel (voir tableau A7 en annexe). La fréquence de ces remarques est particulièrement élevée : la moitié des avocates à temps partiel, 50,9%, contre 11,4% de leurs confrères à temps partiel, font l’expérience de ces propos culpabilisants.

Le déni de reconnaissance du travail

Les situations que l’on peut associer à des dénis de reconnaissance du travail (ou des compétences personnelles) sont très fréquentes dans les relations professionnelles des avocats (tableau 4).

Pris dans leur ensemble, les comportements désobligeants sont signalés par 79,4% des femmes et par 64,1% des hommes. Le comportement le plus souvent cité est celui qui consiste à « dévaloriser injustement [leur] travail » ou la manière dont elles/ils le menaient, cité par 57,5% des avocates, 44,7%

des avocats.

Ces situations de déni de reconnaissance se manifestent le moins souvent dans les relations entre collaborateurs (voir tableau A8 en annexe). Pour 87,5% des hommes avocats et 83,4% de leurs consœurs, jamais les collaborateurs ni collaboratrices ne sont à l’origine de ces comportements dévalorisants pour leur travail ou leurs compétences.

Les relations avec les clients sont également peu propices à ce type de comportement : pour 58,8% et 64,9% des femmes et des hommes respectivement, jamais les relations avec les clientes ou clients ne laissent place à un tel déni de reconnaissance de leur travail.

(19)

— 19 Les relations hostiles sont en revanche plus fréquentes, et plus souvent répétées, dans les interactions

avec les associés (67,6% des femmes et 50,8% des hommes rapportent avoir été confrontés à ce déni de reconnaissance de leur travail par des associés).

Mises en perspective avec les données de l’enquête Conditions de travail de 2013 de la DARES19 qui traite également de situations de déni de reconnaissance du travail, les résultats de l’enquête attestent une différence hommes-femmes spécifique à la population d’avocat·e·s au sein de laquelle, on l’a vu, les femmes rapportent encore plus souvent avoir vu leur travail ou leurs compétences non reconnus, dévalorisés.

Blagues, propos ou comportements hostiles

Les avocat·e·s interrogé·e·s dans l’enquête pouvaient également qualifier le climat de travail dans lequel elles et ils exercent en rapportant, s’il y avait lieu, l’existence de comportements hostiles dont leurs confrères ou consœurs font l’objet.

Les avocates affirment plus fréquemment que leurs confrères avoir été témoins de blagues, propos ou comportements hostiles (tableau A9 en annexe). Cet écart de perception entre les femmes et leurs confrères est particulièrement marqué pour ce qui relève des actes sexistes : 21,2% seulement des femmes pensent qu’ils ne sont pas du tout fréquents, alors que 46,9% des hommes avocats sont de cet avis.

Pour les actes à caractère sexiste, homophobe ou raciste, les femmes sont en proportion beaucoup plus nombreuses à noter, relativement à leurs confrères, qu’ils interviennent fréquemment à l’encontre de confrères ou consœurs. Concernant les blagues, propos et comportements racistes, liés au handicap ou à la religion des personnes, une plus grande part des avocates que des avocats déclarent certes les constater, mais elles font souvent observer que ces actes ou comportements ne sont « pas très fréquents » : 11,9% et 18,6% des avocates rapportant des comportements, blagues ou propos « pas très fréquents » liés respectivement au handicap et à la religion.

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017. Effectifs bruts, pourcentages pondérés.

Lecture : 57,5% des avocates déclarent qu’au sein de leur entourage professionnel, au cours de leur carrière, elles ont déjà eu l’impression qu’on [clients, collaborateurs, associés…] dévalorisait injustement leur travail ou la manière dont elles le menaient.

* Différence hommes-femmes significative à 0,1%

Ta b l e a u 4 | Au cours de votre carrière, dans votre entourage professionnel (associé·e·es, collaborateurs·trices, client·e·s)

Femmes

n=4 536 Hommes

n=2 580 Ensemble n=7 138

% % %

On a dévalorisé injustement votre travail ou la

manière dont vous le meniez * 57,5% 44,7% 51,6%

Vous a sous-estimé·e en ne vous donnant pas des tâches correspondant à vos

compétences * 39,2% 24,6% 32,5%

Vous a fait comprendre qu’en «faire plus» par rapport aux autres permettrait que votre travail

soit reconnu * 47,8% 39,2% 43,8%

Vous a chargé·e de tâches perçues comme

ingrates ou dévalorisantes * 47,6% 32,0% 40,4%

Au moins un de ces comportements * 79,4% 64,1% 72,4%

19 Dans cette enquête, 24,8% des femmes actives occupées et 11,8% femmes non-salariées déclarent avoir été confrontées à un comportement de déni de reconnaissance de leur travail. Conditions de travail, DARES, 2013 (CT2013).

(20)

— 20 Les avocats interrogés ont répondu à des questions analogues pour eux-mêmes. Globalement moins

d’un tiers (29,6%) des avocats et avocates estiment que les blagues, propos et comportements sexistes leur sont adressés « très fréquemment » ou encore « pas très fréquemment » (14,3%). Mais plus d’une avocate sur deux (52,3%) en fait l’observation : 27,1% d’entre elles notent que ces actes ou comportements sexistes sont « très ou assez fréquents », et 25,2% qu’ils se manifestent mais ne sont

« pas très fréquents ».

Lorsqu’ils surviennent fréquemment ou très fréquemment et lorsqu’ils concernent l’un des critères interdits par la loi comme le sexe mais aussi l’âge, l’orientation sexuelle ou les convictions religieuses, ces actes sont susceptibles de renvoyer à du harcèlement discriminatoire.

Pour les actes ou comportements à caractère homophobe, on constate également de très grands écarts d’appréciation, selon que l’on considère les réponses que donnent en moyenne les avocats sur cette question, ou celles que livrent les personnes déclarant une orientation homosexuelle ou bisexuelle.

Ainsi, 13,7% des personnes qui ont une sexualité homo- ou bisexuelle rapportent faire fréquemment l’expérience de ces blagues et autres comportements déplacés à connotation homophobe, contre 0,9%

de l’ensemble des avocat·e·s.

De manière analogue, le fait de penser être perçu·e comme noir·e, arabe ou asiatique expose beaucoup plus fréquemment à de tels propos ou actes désobligeants, cette fois connotés avec une tonalité raciste : 19,9% des personnes qui pensent être ainsi perçues rapportent vivre fréquemment ces situations au travail, contre 2,3% de l’ensemble des avocat·e·s.

Il en est également de même s’agissant des blagues, propos ou comportements liés à la religion, qui touchent 5,9% des avocates et avocats. Celles et ceux qui se disent de religion musulmane se déclarent beaucoup plus souvent touchés, puisque 24,2% se disent confrontés fréquemment à des actes ou propos hostiles relatifs à leur religion. Ce pourcentage est de 12,5% pour les personnes de religion juive.

Les blagues, propos et comportements vexatoires portant sur le handicap de la personne interrogée se manifestent de manière beaucoup moins commune dans le milieu de travail des avocats : seules 0,4% des personnes rapportent une occurrence très ou assez fréquente d’attitudes, propos ou comportements négatifs relatifs à leur handicap20.

20 Le questionnaire ne permet pas de repérer les caractéristiques de santé et de handicap des répondants, si bien qu’on ne peut pas mettre en regard les réponses que spécifiquement donneraient les personnes déclarant souffrir d’un handicap, indépendamment des propos ou comportements hostiles qui peuvent leur être adressés pour ce motif.

Ta b l e a u 5 | Fréquence de blagues, comportements et propos à caractère sexiste, homophobe, raciste, liés au handicap ou à la religion dont le ou la répondant·e déclare avoir fait lui·elle-même l’objet

Sexistes Homophobes Racistes Liés

handicapau Liés à la religion

Ensemble n=7 138 Femmes n=4 536 Ensemble n=7 1338 Définissant sa sexualité comme homo- ou bisexuelle n=251 Ensemble n=7 138 Perçu·e comme noir·e, arabe ou asiatique n=455 Ensemble n=7 138 Ensemble n=7 138 Se déclare de confession juive n=348 Se déclare de confession musulmane n=185

% % % % % % % % pond. % pond. % pond.

Très fréquent

ou assez fréquent 15,3% 27,1% 0,9% 13,7% 2,3% 19,9% 0,4% 1,8% 12,5% 24,2%

Pas très fréquent 14,3% 25,2% 1,6% 21,8% 4,4% 30,1% 0,9% 4,1% 21,8% 25,8%

Pas du tout

fréquent 35,4% 29,8% 30,3% 36,2% 35,0% 31,4% 29,7% 37,3% 43,1% 33,4%

Non concerné·e 2,3% 1,7% 64,5% 23,1% 55,4% 15,8% 66,5% 53,8% 18,9% 12,7%

NSP / Refus 32,7% 16,2% 2,6% 5,2% 2,9% 2,7% 2,5% 3,0% 3,7% 4,0%

Total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017. Effectifs bruts, pourcentages pondérés.

Lecture : 27,1% des femmes déclarent avoir fait fréquemment l’objet de blagues, comportements et propos à caractère sexiste

(21)

— 21

Perception et expériences 5.

des discriminations

Avant d’aborder la thématique des discriminations perçues ou expérimentées, il importe de rappeler que les avocats sont des personnes dont la perception des discriminations est certainement influencée par leurs connaissances juridiques sur le sujet (cf. Encadré 2). De plus, l’enquête ne s’adresse pas à elles et à eux non comme « simples » répondant·e·s, mais en tant qu’avocat·e·s, donc professionnel·le·s du droit.

L’importance des discriminations : un enjeu qui traverse la profession

L’opinion des avocates et des avocats à propos de la lutte contre les discriminations est consensuelle, dans la mesure où une majorité des premières comme des seconds estiment que, globalement, la loi n’est pas suffisamment appliquée, qu’on manque d’outils efficaces pour les combattre, et qu’il serait erroné de penser qu’on « en parle trop ». La seule question sur laquelle se démarquent les hommes avocats est celle se rapportant au « manque d’information sur le sujet » : 37,7% d’entre eux seulement sont de cet avis.

Au-delà de ce consensus sur l’importance des discriminations et sur la nécessité de lutter contre, les opinions des avocates divergent très nettement de celles de leurs confrères, et ce de façon cohérente.

Les femmes manifestent une sensibilité beaucoup plus marquée à la question des discriminations.

Leurs réponses les font apparaître comme plus alertées, réactives et, pourrait-on dire, proactives : elles expriment, plus souvent que leurs confrères, leur accord pour dire que la loi n’est pas suffisamment appliquée (66,4% contre 51,7% pour les hommes), que l’on manque d’outils efficaces (70% contre 50,6%) et d’information sur le sujet (51,1% contre 37,7%), et que l’on n’en parle pas trop (66,6% contre 53,1%). Elles semblent prendre les discriminations beaucoup plus, ou encore plus, au sérieux que leurs confrères.

Invités à s’exprimer également sur la lutte contre les discriminations au sein même de leur profession (tableau 6), les avocats reproduisent – mais seulement pour partie – leur schéma de réponse à la question de la lutte contre les discriminations en général.

On retrouve ainsi une position très avancée des femmes sur la nécessité de lutter – et mieux lutter encore – contre les discriminations. Spécifiquement à propos de leur profession, les avocates

s’affirment plus déterminées encore pour exprimer l’importance du problème et la nécessité de mieux le combattre : 78,1% d’entre elles ne sont pas d’accord avec l’idée qu’on en parlerait trop, 64,8% pensent que la loi n’est pas suffisamment appliquée, 70,4% qu’on manque d’outils efficaces pour y remédier, etc.

Les réponses des hommes avocats à propos de la lutte contre les discriminations dans leur propre métier sont un peu plus partagées qu’elles ne l’étaient à propos de la lutte contre les discriminations en général : s’ils demeurent plus nombreux à exprimer des avis plaidant pour l’utilité et l’activation de la lutte contre les discriminations plutôt que des avis contraires, la répartition entre les « d’accord » et les

« pas d’accord » est néanmoins plus équilibrée que sur les discriminations envisagées globalement.

(22)

— 22 Au-delà des divergences d’avis entre hommes et femmes, l’opinion que donnent confrères et consœurs à propos de la position qui devrait être celle du barreau est frappante : pas d’unanimité absolue, certes , et à nouveau, les femmes se montrent plus concernées par la vigilance dont la profession devrait faire preuve pour lutter contre les discriminations, mais une grande majorité des avocats (60,2%) comme des avocates (77,9%) pense que la lutte contre les discriminations « doit être une priorité pour le barreau ».

Ta b l e a u 6 | Opinion des avocats sur la lutte contre les discriminations dans leur propre milieu professionnel

Tout à fait ou plutôt

d’accord Plutôt pas ou pas

du tout d’accord Ne sait pas

Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes

On en parle trop 10,3% 24,6% 78,1% 61,6% 11,6% 13,8%

La loi n’est pas suffisamment appliquée 64,8% 44,1% 14,6% 34,9% 20,6% 21,0%

On manque d’outils efficaces 70,4% 48,5% 15,2% 34,3% 14,4% 17,1%

On manque d’information sur le sujet 63,1% 45,9% 26,1% 41,2% 12,9% 10,8%

Cela doit être une priorité pour le barreau 77,9% 60,2% 12,3% 28,7% 9,8% 11,1%

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017. Effectifs bruts, pourcentages pondérés. Lecture : 10,3% des avocates sont tout à fait ou plutôt d’accord pour penser, à propos de la lutte contre les discriminations dans leur profession, qu’« on en parle trop » ; 24,6% de leurs confrères expriment un semblable avis.

Les discriminations qui touchent

les confrères et consœurs : des situations surtout relevées par les femmes

Lorsqu’on les interroge à propos des « traitements défavorables ou discriminations » dont leurs confrères ou consœurs ont pu faire l’objet dans les cinq années précédentes, les avocates rapportent plus souvent que les hommes avocats avoir été témoins de telles situations : 72,4% d’entre elles déclarent avoir été témoins d’au moins une discrimination contre 46,6% de leurs confrères

(tableau 7). Les réponses des hommes et des femmes apparaissent semblables uniquement pour les discriminations fondées sur les convictions religieuses (7,9% des avocates et 7,3% des avocats), le handicap (3,4% de femmes et 3,4% d’hommes) et l’orientation sexuelle (9,6% des femmes et 9,8% des hommes).

* Différence hommes- femmes significative à 0,1%.

Source : Enquête Avocats, Défenseur des droits, 2017.

Effectifs bruts, pourcentages pondérés.

Lecture : 29,9% des avocates déclarent avoir été témoin de discriminations ou traitements défavorables concernant un confrère ou une consœur en raison de son âge au cours des cinq années écoulées.

Ta b l e a u 7 | Témoin de discriminations à l’encontre d’un confrère ou d’une consœur dans les cinq dernières années

Au motif… Femmes

n=4 536 Hommes

n=2 580 Ensemble

n=7 138

De son âge* 29,9% 17,7% 24,3%

De son sexe* 52,2% 24,7% 39,6%

De sa situation de maternité* 55,2% 27,1% 42,3%

De sa situation familiale* 25,0% 10,4% 18,3%

De son origine* 20,2% 16,2% 18,4%

De sa nationalité* 8,6% 6,9% 7,8%

De ses convictions religieuses 7,9% 7,3% 7,6%

De son handicap 3,4% 3,4% 3,4%

De son état de santé* 17,9% 8,3% 13,5%

De son orientation sexuelle 9,6% 9,8% 9,7%

De son apparence physique* 29,9% 17,6% 24,2%

De son lieu de résidence* 9,0% 6,6% 7,9%

Tous motifs confondus* 72,4% 46,6% 60,5%

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