UTILISATION DE QUANTITÉS ÉLEVÉES
DE BETTERAVES PAR LES VACHES LAITIÈRES : ÉTUDE DE L’INGESTION, DE LA DIGESTION
ET DES EFFETS SUR LA PRODUCTION
R. VÉRITÉ M. JOURNET
Jeanne FLÉCHET, Renée LEFAIVRE,J. LEFAIVRE A. OLLIER Station de Recherches sur
l’Élevage
des RuminantsCentre de Recherches de Clermont Ferrand, I. N. R. A., Theix, Saint Ge)tex Champanelle, 63110 Beaumont
RÉSUMÉ
Au cours de 2 essais (chacun avec 2vaches fistulées du rumen) nous avons voulu étudier la
digestion (ainsi que l’ingestion et les effets sur la production) de rations contenant des betteraves
en quantités croissantes (o - z,5 - 5 - 7!5 - 10 et 12 kg MS) associées à chacun des 4 fourrages
suivants (tabl. i) distribués à volonté : ensilage d’herbe - foins de luzerne de qualité moyenne
et de qualité excellente - ensilage de maïs. Chaque essai a duré 22semaines.
L’étude des quantités ingérées (fig. i) a montré que la substitution des betteraves aux ensi-
lages était totale (sur la base de la matière sèche) quelle que soit la quantité de betteraves. La substitution n’est que partielle entre les betteraves et le foin (i kg MS de betteraves pour 0,5 kg
MS de foin) lorque les quantités de betteraves sont inférieures à 5 ou IO kg MS (selon la qualité
du foin).
L’accroissement des quantités de betteraves ingérées a provoqué :
la une diminution de l’activité cellulolytique du jus de rumen au-dessus de 5 kg MS de
betteraves (fig. 5) et du pH du jus de rumen (fig. 6). Celui-ci est devenu inférieur à 6,5à partir de
7ou 8 kg MS de betteraves mais n’a pas atteint des valeurs très faibles (minimum : 5,9).
2
0 une diminution importante de la proportion relative d’acide acétique dans le rumen (jusqu’à 45 p. 100 en moyenne pour 10kg MS betteraves) et une augmentation de celles d’acide
butyrique (22p. ioo en moyenne) et d’acide valérianique (7p. 100 en moyenne) (fig. 8). Les diffé-
rences entre vaches sont importantes. La proportion relative d’acide acétique augmente (r = 0,82)
avec le pH du jus de rumen tandis que celle d’acide butyrique diminue (r = 0,69). L’évolution,
au cours de la journée, de la composition du mélange d’AGV du rumen est d’autant plus importante que la quantité de betteraves ingérée est plus forte (fig. 7) ;
3
0 une augmentation très variable de la teneur en acide lactique du jus de rumen (tabl. 2) ; 4
0 une augmentation parfois importante de la teneur en corps cétoniques du sang (teneurs comprises entre 2 et 17mg/loo ml) mais très variable selon les vaches (fig. 9). Cette teneur est
surtout importante lorsque la proportion relative d’acide butyrique est supérieure à 20p. 100
(fig. Io) ;
5
° une augmentation importante du taux butyreux et du taux de protéines du lait sauf avec
l’ensilage de maïs (fig. 3) ainsi qu’une diminution importante de la proportion des acides gras longs (C,,) du lait et de leur quantité sécrétée (fig. 4).
Les origines et les conséquences possibles de cea différentes modifications ont été discutées ainsi que les possibilités pratiques d’utiliser des quantités élevées de betteraves dans la ration des vaches laitières.
INTRODUCTION
En
France, malgré
une diminutionrégulière
des surfacescultivées,
la betteravefourragère occupait
encore en 1971 uneplace
aussiimportante
que le maïsfourrage (
420 00
o
ha contrez).6o ooo).
Elle est encore souvent utilisée dans la ration des vaches laitières par suite de sesavantages agronomiques (forte production
de matièresèche à
l’ha)
etzootechniques (forte
valeurénergétique
et effet favorable surl’inges- tion),
de sa facilité de conservation et desprogrès
récents dans le domaine de sa cul- ture.Cependant,
sa richesse en saccharose en fait un aliment trèsparticulier qui, ingéré
en
grande quantité, peut
provoquer des ennuis sanitaires par suite de sarapidité
de fermentation
(Dixxs!rT, rg 7 o).
De cefait,
elle n’est inclusequ’en quantité’rela-
tivement faible dans les rations : 2 à 5
kg
de matière sèche(3ZS).
Les essais de
JouRrr!T
etJnxxiG! (non publiés)
et ceux de CasT!,! et al.( 19 6 1
et19
6 3
)
ontpermis
de mettre en évidence l’effet favorable del’addition,
à la ration defourrages,
d’unequantité
moyenne de betteraves(inférieure
à 6kg
deMS)
sur laquantité
de matière sèche etd’énergie ingérée,
laproduction
de lait et le taux deprotéines
du lait. Cesavantages
inciteraient àaugmenter
lesquantités
distribuées s’iln’y
avait lerisque
d’acidose. Lesquantités
maximales de betteraves à ne pasdépasser
et les conditionsoptimales
d’utilisation n’ont pas été bienprécisées jusqu’ici.
I,eS essais de KAUFMANN et ROHR
( 19 6 7 )
et de ORTH et KAUFMANN( 19 67)
avec defortes
quantités
de betteraves ont montré une diminution dupH
du rumen et unemodification
importante
des fermentations mais nepermettent
pas de fixer une limite maximale d’utilisation. Il était donc intéressant d’étudier les effets dequantités
trèsélevées de betteraves sur
l’ingestion,
laproduction
et l’état sanitaire desanimaux,
en essayant
d’expliquer
ces effets àpartir
desprincipales
modifications de ladiges-
tion et du métabolisme.
Au cours de 2
essais,
avecq vaches
fistulées enlactation,
nous avons accruprogressivement (en
5 ou 6périodes)
lesquantités
de betteravesdistribuées,
de ojusqu’à
12kg
MS. Cette étude a été faite avec chacundes 4 fourrages
suivants :ensilage d’herbe, ensilage
de maïs, foin deluzerne,
dequalité
excellente ou dequalité
médiocre(tabl. I ).
MATERIEL
ETMÉTHODES
Schéma expérimental, animaux, alimentation
Au cours du 1eressai (hiver I969-I9!o), 2vaches fistulées (no3I65et 4I88), de race Frisonne
Pie-Noive (620et 54o kg), en lactation depuis 8 et I I mois et produisant Iz et 9kg de lait au début
de l’essai, ont reçu un fourrage à volonté (ensilage d’herbe de prairie naturelle pour les périodes
i à 6 et foin de luzerne de qualité moyenne pour les périodes 7 à i i) et des quantités variables
de betteraves (variété Rod Pltofte, zIp. 100MS). Les quantités de betteraves distribuées ont été croissantes au cours des périodes Ià 6 (o- z,5- 5- 7,5- 10et 12kg MS) et décroissantes au cours
des périodes 7 à I (10- 7,5- 5- 2,5- o kg MS). Chaque période durait 2 semaines ; la quantité de
betteraves distribuée augmentait (ou diminuait) au cours de la première semaine et demeurait
constante au cours de la 2esemaine. Lors de la 6e période, les vaches ont reçu, en plus, I kg de
tourteau d’arachide.
Au cours du 2e essai (hiver 1970-1971), 2 autres vaches fistulées (no 4I94 et 5123), de race
Frisonne Pie-Noive (610et 6I5kg), en lactation depuis 2mois et produisant environ 20kg de lait
au début de l’essai, ont reçu un fourrage à volonté (foin de luzerne d’excellente qualité pour les
périodes Ià 6 et ensilage de maïs pour les périodes 7 à I) et des quantités variables de betteraves
(variété Hundsball Kova, 21p. 100MS). Les quantités de betteraves distribuées ont été croissantes
( 0 , 7
kg de matière fraîche en plus chaque jour, en moyenne) au cours des périodes 1 à 6 (o- z,5-
5- 7,5- 10 et I2 kg MS betteraves) et des périodes 7 II (o- 2,5- 5- 7,5- 10 kg MS). Entre les périodes 6 et une transition de 2semaines a été ménagée. Pendant les périodes Iet 2 les vaches ont reçu 5et z,5kg d’aliment concentré pour couvrir leurs besoins et pendant les périodes 7 à I,
Ikg de tourteau de soja.
Les betteraves, hachées (Ier essai) ou entières (ze essai), étaient distribuées en 2repas égaux (à 8 et I7h) ainsi que les fourrages (à 9et I8 h). Les vaches attachées en stalles individuelles, sur tapis de caoutchouc, disposaient d’eau en permanence.
Prélèvements et mesuves
Pour chaque vache, les quantités d’aliments ingérées, la production de lait et le taux buty-
reux (méthode Gerber) ont été mesurés chaque jour ; le taux de protéines du lait (méthode au
noir amido) et le poids vif ont été mesurés une fois par semaine.
Au cours de la zesemaine de chaque période et pour chaque vache, les mesures suivantes ont été effectuées :
- comportements alimentaire et mérycique par enregistrement des mouvements de la mâ- choire (RUCKEBUSH, 1963) ;
- pH (2eessai seulement), taux et proportion des acides gras volatils du jus de rumen (par chromatographie en phase gazeuse- RIGAUD et JOURNET, 1970) sur des échantillons de jus pré-
levés à 8, il, I4 et 17heures ;
- activité cellulolytique du jus de rumen par la méthode des sachets de nylon (JouRrrET et DEMARQUILLY, 1967) ; 2
- teneur en acide lactique (BARKER et Stit!;!Exsor, 1941) du jus de rumen sur des échan-
tillons prélevés toutes les demi-heures entre 8 et 14heures ;
- teneur du sang en corps cétoniques sur des échantillons prélevés 3 heures après le repas
(PRocas, 1961) ; §
- composition en acides gras des matières grasses du lait (DLCnES et ADDA, 1970) (sauf
avec le régime d’ensilage d’herbe).
RÉSULTATS
Quantités ingérées et comportement
alimentaireSauf dans un cas
(où
l’essai a dû être arrêté car la vache n° 5123présentait
descrises de
tétanie),
la distribution dequantités importantes
de betteraves n’a pasposé
deproblème sanitaire ;
mais il est vrai quel’augmentation
desquantités
distri-buées a été
progressive
et que les betteraves n’ontjamais
été distribuées à volonté.Même avec les
quantités
lesplus élevées,
les vaches n’ont que rarement fait des refus.Les
quantités
totales de matière sèche(MS)
moyennesingérées (fig. i)
ont variéselon le
fourrage
distribué : les niveaux lesplus
élevés ont étéenregistrés
avec lefoin de luzerne de bonne
qualité ( 2 o kg MS)
et lesplus
faibles avecl’ensilage
d’herbe(
11 -
12 kg MS). L’augmentation
de laquantité
de betterave distribuée a fait augmen- ter laquantité
de matière sèche totaleingérée
defaçon faible,
voire nulle dans le casdes
ensilages (herbe
oumaïs)
mais defaçon
relativementimportante
dans le casdes
foins,
tant que laquantité
de betteraves n’a pasdépassé
5 à 10kg MS,
selon laqualité
du foin. Eneffet, chaque kg
de MS de betteraves ensupplément
s’est substituéen moyenne à 0,0 à i
kg
de MSd’ensilage
et à o,5kg
de MS de foin(pour
des quan-tités de betteraves allant
jusqu’à
5kg MS,
avec le foinordinaire,
etjusqu’à
10kg
MS avec le foin d’excellente
qualité).
Au cours despériodes
de distribution maximale de betteraves( 10
ou 12kg MS)
selon la vache et lefourrage,
la consommation defourrage
a varié de 0,3 à 5kg
MS et la teneur en cellulose brute de la ration a variéde 6 à 13 p. 100.
La
quantité
totale d’eauingérée (boisson
-!-aliments)
parkg
de MSingérée
a été très constante pour
chaque
vache(entre
4 et 61/kg
de MS selon lesanimaux)
et
indépendante
de laproportion
de betteraves dans la ration. Par contre,l’ingestion
d’eau de la vache na 5123 a
augmenté brusquement
de 5,5 1 à 8puis
101/kg
de 1VISau moment de ses crises de tétanie bien que la
quantité
totale de MSingérée
ait alorspeu diminué.
L’augmentation (fig. 2 )
desquantités
de betteravesdistribuées,
de o à 10kg MS,
avec les rations
d’ensilage d’herbe, d’ensilage
de maïs et de foin dequalité
moyenne aprovoqué
une diminution des duréesd’ingestion (de
7 h 55 à 5 h 45enmoyenne)
et de rumination
(de
9 h 30 à 7 h 23 enmoyenne)
et une diminution de la durée de mastication(consommation
+rumination)
parkg
de MSingérée (de
81mn/kg
MSà 66 en
moyenne).
Ces durées sont liées à laquantité
de MS defourrage ingérée (respectivement
y =o,8 1 ;
0,7o eto,6 5 ;
M =2 6 ;
P <o,ooi)
et à la teneur encellulose de la ration
(respectivement
r =0 ,8 5 ; 0 ,6 7
et 0,70 ; n =2 6 ;
P <o,oi)
mais pas à la
quantité
de matière sèche totaleingérée.
Avec le foin d’excellentequalité
lecomportement
alimentaire n’a pas été modifié par l’accroissement desquantités
de betteraves distribuées. Les vaches ontingéré
entre 10 et 16kg
dematière fraîche de betteraves entières au cours de la demi-heure suivant la distri- bution. La durée
d’ingestion
de ikg
de MS de betteraves entières( 10
à 15mn)
estdonc
plus grande
que celle de ikg
de MS d’aliment concentré( 3
à 7 mn selonF
REER et
C AMPLI NG, 19 65).
P y
oductiovt et
composition
du laitL’expérience
n’a pas été conçue pour connaître les effets des betteraves sur laproduction laitière ;
elle metcependant
nettement en évidence une diminutionrapide
de la
production (fig. 3 )
au fur et à mesure de l’accroissement de laquantité
de bette-raves
distribuée, malgré
la suralimentationénergétique qui
en résulte. Cette dimi- nutionpeut
être due enpartie
autype
d’animal(vache fistulée),
aux conditions de vie relativement peu confortables et aussi à la sous-alimentation azotée(dans
leier essai
seulement).
Avec
l’ensilage
d’herbe et le foin d’excellentequalité,
l’accroissement desquantités
de betteraves améliore nettement le tauxbutyreux
et le taux deprotéines
du lait
(fig. q.)
alors que ceux-ci sont restés constants avecl’ensilage
de maïs. Avec lefoin
ordinaire,
le tauxbutyreux
et le taux deprotéines
sont restés constants sans doutesous l’action combinée de deux
phénomènes antagonistes :
l’effet favorable du stade avancé de lactation et l’effet défavorable de la diminution de laquantité
debetterave.
Quel
que soit lefourrage distribué,
lacomposition
de matières grasses du laita été très
largement dépendante
de laquantité
de betteraves distribuée(fig. 4 ).
Enmoyenne, la
proportion
relative d’acides gras courts(C
4 à C, 9 ) augmente
de même que celle d’acidepalmitique.
Par contre, laproportion
d’acides graslongs (à
18 atomesde
carbone)
diminue considérablement : elle passe de 34à 16 p. 100. Dans le mêmetemps,
lerapport
de l’acideoléïque
à l’acidestéarique (C
,e:,/C
,A:o )
a tendanceà
augmenter (de
2,5 à4 , 1 ).
Pourchaque
groupe d’acides gras, les concentrations dans le lait et lesquantités produites
parjour
varient de la mêmefaçon
que lesproportions
relatives(fig. 4 ) .
Les variations sontplus importantes
avec les foinsqu’avec l’ensilage
de maïs.Les variations de
poids
vif ontparfois
été trèsimportantes
d’unepériode
àl’autre mais sont difficiles à
interpréter
à cause des variations de contenudigestif.
Phénomènes
digestifs
etmétaboliques
Activité
cellulolytique.
L’activité cellulolytique (fig. 5 )
dujus
de rumen(mesurée
par laproportion
de
papier-filtre disparue
dans le rumen en4 8 h),
variable selon lesanimaux,
a diminuéavec la teneur en cellulose brute de la ration
(r
!0 ,8 5 ;
n =42 ).
Enprésence
d’ensi-lage
de maïs elle atoujours
été relativement faible( 20
à 50p. 100dedisparition).
Enprésence d’ensilage
d’herbe ou defoin,
avec de fortesproportions
de betteraves(6
0
à go p. 100deMS)
elle a étéégalement
faible( 30
à 55p. 100dedisparition)
maismoins
qu’avec
des rations à forteproportion
de céréales contenant6 5
à8 5
p.iood’orge ( 5
à 30p. 100dedisparition,
RÉMONDetJ OURNE T, i 97 2).
pH
dujus
de rumen.L’évolution du
pH (fig. 6)
au cours de lajournée
atoujours
été la même : maxi-mum avant la distribution de betterave
(6,8
à7 ,6
selon laration),
lepH
a été mini-mum
(5, 9
à7 , 0 )
3 à 6 heuresplus
tard avec une remontée 9 heuresaprès
la distribution.L’accroissement de la
proportion
de betteraves dans la ration aprovoqué
unediminution du
pH. Cependant,
celui-ci n’ajamais
été inférieur à6, 5 jusqu’à
uneproportion
de MS de betteraves dans la ration de 45p. 100( 7
à 10kg
MS de bette-raves selon les
régimes).
Avec desproportions plus
élevées debetteraves,
lepH
a euun minimum
plus
faible( 5 , 9
à6, 7 )
et des variationsplus importantes
au cours de lajournée ( 1 , 0
à 1,2point
au lieu de 0,4 ào,6)
et n’était pas encore revenu à son niveau initial 9 heuresaprès
la distribution de betteraves.Concentration et
composition
dumélange
d’acides gras volatils dujus
de rumen.La teneur du
jus
de rumen en acides gras volatils a varié au cours de lajournée
et a été maximale 3 à 6 heures
après
le repas( 10 6 mmoles/1
en moyenne contre7
6 mmoles/1
avant le repas(fig. !).
Cette teneur n’a pas été liée defaçon
très nette àla
quantité
de betteravesingérée ; cependant,
avec de fortesquantités
de betteraves( 7
,5
ou 10kg
deMS),
elle aété,
en moyenne,plus
faible avant la distribution des betteraves etplus
élevée 3 à 6 heuresaprès, qu’avec
de faiblesquantités
de bette-raves
(o
et 2,5kg MS) (fig. 7 ).
La teneur dujus
de rumen en AGV 3 heuresaprès
ladistribution de betteraves a été
plus
élevée avec le foin de bonnequalité (i 1 8 mmoles)
et
plus
faible avec le foin dequalité
moyenne( 9 6 mmoles) qu’avec
lesensilages (
10
6 mmoles).
La
composition
dumélange
a évolué defaçon importante
au cours de lajournée,
surtout
lorsque
laquantité
de betteraves était élevée : laproportion
d’acideacétique
a été minimale 3 heures
après
le repas alors que les teneurs en acidespropionique, butyrique
etvalérianique
étaientmaximales, respectivement
3h, 3 -6
h et6- 9
haprès
le début du repas. Les modifications étant presque toutes maximales dès 3h,
nous limiterons l’étude de l’effet des
quantités
de betteraves sur lacomposition
dumélange
d’AGV à ce seulprélèvement (fig. 8).
Les différences de
composition
dumélange
d’acides gras volatils du rumen ont étéimportantes
entre vaches.Cependant,
en moyenne, laproportion
d’acideacétique
diminue
lorsque
laquantité
de betteravesaugmente.
Elle passe de6 5 - 72
p. 100(selon
lesfourrages)
en l’absence debetteraves,
à40 - 4 8
p. 100avec 10 ou 12kg
MS de betteraves. Laproportion
d’acidepropionique
est relativement constante ;cependant,
en
présence d’ensilage
d’herbe et de foinordinaire,
elle a nettementaugmenté
(maximum
de 39 ou 31 p. 100selon lavache) quand
laquantité
de betteraves étaitsupérieure
à 7kg
MS. Laproportion
d’acidebutyrique,
assez faible avec les rationssans betteraves
(5
à 10p.100 ), augmente
engénéral
avec laquantité
de betteraves(maximum
entre 18 et 32 p.I oo). L’acide valérianique
existe enquantité
trèsimportante (jusqu’à
12p.100 )
àpartir de 7 kg
MS debetteraves,
surtout enprésence d’ensilage
d’herbe et de foin dequalité
moyenne.L’augmentation
desquantités
debetteraves fait diminuer la
proportion
d’acideisobutyrique
et surtout celle d’acideisovalérianique qui
passe de 2,0 à 0,4 p. 100,Enfin,
des traces d’acidecaproïque apparaissent parfois
avec de fortesquantités
debetteraves,
notamment enprésence d’ensilage
de maïs(entre
i et 2 p.ioo).
Lerapport
entre lesproportions
d’acide acé-tique
et d’acidepropionique
diminue avecl’augmentation
des betteraves dans la ration et atteint des valeurs très faibles( 2 ,i
en moyenne pour 10kg
de MSbetterave).
La
proportion
des acides gras volatilsprécurseurs
des matières grasses du lait(acides acétique
-!-butyrique)
estsupérieure
à 75 p. 100jusqu’à
5kg
MS de betteraves enprésence
de foin ordinaire oud’ensilage d’herbe,
7,5kg
MS de betteraves enprésence
de foin excellent et io
kg
1!15 de betteraves enprésence d’ensilage
de maïs. Les pro-portions
relatives d’acideacétique (y a )
et d’acidebutyrique (y;;)
sont liées defaçon
étroite au
pH (x)
dujus
de rumen :Par contre, nous n’avons pas trouvé de liaison entre la
proportion
relative d’acidepropionique
et lepH.
Teneu
yen acide
lactique
dujus
de rumen.L’acide
lactique (tabl. 2 )
n’est apparu enquantité
notable dans lejus
de rumenqu’à partir
de 5kg
MS de betteraves. Au-dessus de ce seuil les teneurs maximales ont varié de o,2 à 5,1g/1.
Elles ontgénéralement augmenté
avec lesquantités
debetteraves
ingérées
mais pas defaçon systématique (cf.
foin excellent -! 12kg MS).
Elles ont été
plus
faibleslorsque
la ration contenait du foin excellent ou del’ensilage
de maïs que
lorsqu’elle
contenait du foin ordinaire ou del’ensilage
d’herbe. Au cours de lajournée,
la teneur en acidelactique
a été maximale 60 à 12o mnaprès
le débutdu repas de betteraves et est redevenue
nulle, généralement
3 à 4 heuresaprès
lerepas sauf pour une vache
(no 4 r88).
Les teneurs en acidelactique
élevées( >
0,5g/1)
ont
correspondu
à despH
faibles( < 6,6).
Lesproportions
d’acidepropionique
etd’acide
butyrique
n’ont pas pu être reliées à la teneur en acidelactique
dujus
derumen.
Teneu
yen
corps cétoniques
du sang.La teneur en corps
cétoniques
du sang(exprimée
en mg d’acétone par100
ml),
très variable( 1 , 7
à 17,4mg/IOO ml),
agénéralement (mais
passystémati- quement) augmenté
avec laquantité
de betteraves distribuée pour atteindreparfois
des valeurs très élevées
(fig. g).
La teneur en acideacétoacétique
n’apratiquement
pas varié( 0 , 4 mg/100 ml).
L’acide!-hydroxybutyrique
areprésenté
entre 75et 90p. 100 des corpscétoniques
totaux. Pour desquantités
faibles ou moyennes debetteraves,
la teneur en corps
cétoniques
a été nettementplus
élevée avec lesensilages (surtout
avec celui
d’herbe) qu’avec
les foins(fig. 9 ).
Pour un mêmefourrage,
cette teneur avarié de
façon
trèsimportante
entre vaches(tout
comme laproportion
relatived’acide
butyrique
dans lerumen)
surtout avec les fortesquantités
de betteraves.D’ailleurs la teneur en corps
cétoniques
dans le sang a été étroitement liée à laproportion
relative d’acidebutyrique
dans le rumen(fig. 10 ).
La teneur en corpscétoniques
du sangaugmente
defaçon
lente avec laproportion
relative d’acidebutyrique
dans le rumen tant que celle-ci nedépasse
pas 20p. 100(r
= 0,55 ; n =26 ;
Sy
x
= 0,7mg/ioo ml).
Au-delà de cepoint
la teneur en corpscétoniques augmente
defaçon importante
en moyenne(mais
trèsvariable)
avec laproportion
relatived’acide
butyrique
dans le rumen. Il estpossible qu’à partir
de cepoint,
laproduction
de corps
cétoniques
àpartir
de l’acidebutyrique dépasse
lacapacité
maximaled’utilisation par
l’organisme.
REIDet HINKS( 19 6 2 ),
surbrebis,
ont observé une évo-lution semblable de la teneur en corps
cétoniques
avec la teneur en acides gras libres duplasma.
Dans ce cas, la causepremière
de cephénomène
serait selon BERG-MAN
( 1971 )
une déviation du métabolismehépatique
des acides gras.DISCUSSION
Cet essai a
permis
de faireingérer
desquantités
très élevées de betteraves(jus- qu’à
12kg
MS parjour)
et donc de saccharose(jusqu’à 8, 5 kg
MS parjour)
à desvaches laitières fistulées en ne
provoquant
des troubles sanitairesqu’à
une seuleoccasion. Cette forte
ingestion
de betteraves aprovoqué
des modificationsimpor-
tantes dans les fermentations du rumen et dans la sécrétion des matières grasses.
Phénomènes
digestifs.
Le
pH
a diminuéquand
les betteraves ontaugmenté
dans la ration mais n’acependant jamais
atteint des valeurs très faibles(comme
dans le casd’ingestion
importante
decéréales), malgré
larapidité
del’ingestion
et laquantité
très élevéede
glucides
fermentesciblesingérée.
KAUFMANN- et Roxx( 19 6 7 )
avec desbetteraves,
et !W As et al.
( 19 68)
avec de la mélasse n’ont pasenregistré
depH faibles,
nonplus.
WxiT!!,nw et al.
( 1970 ) pensent
que lepH
estplus
élevé enprésence
deprotozoaires
dans le rumen
qu’en
leur absence car ilspeuvent
stockerrapidement
unepartie
desglucides
fermentescibles et les soustraire ainsi àl’attaque
immédiate des bactéries.Dans nos
essais,
l’accroissement trèsprogressif
desquantités
de betteraves offertesaux animaux a sans doute
permis
le maintien desprotozoaires
comme dans l’essai de EaDW et al.( 1970 )
avec del’orge.
Parailleurs,
FAUCONNEAU( 19 6 1 )
etJO UANY (non publié) signalent,
avec des rationsanalogues
aux nôtres, uneprolifération importante
desprotozoaires
etJ OUANY (non publié)
observe des teneurs faibles ensaccharose, glucose
et fructose libres dans lejus
de rumen.Les
régimes
à forteproportion
deglucides
fermentescibles dutype
amidon(rations
à forteproportion
decéréales)
ou saccharose(betteraves :
KAUFMANN etRoxx, 19 67 ;
mélasse : MARTY etP R EST ON ,
1970 ; rations enrichies en saccharose : 0RSKOV et
Or,TJ!v, 19 6 7
et BROSTER etal., 1970 )
conduisent à uneproportion
rela-tive d’acide
acétique
dans lejus
de rumen très faible(souvent comprise
entre 45 et 60p.100 ).
Mais avec lesrégimes
à based’amidon,
la fermentation estgénéralement
de
type propionique,
saufquelques exceptions (E ADI E
etal.,
1970 et RÉMOND etJouR!,·!T, 1972 )
alorsqu’avec
lesrégimes
à base de saccharose(en particulier
dans les2 essais
présents)
elle estgénéralement
detype butyrique.
Les différences depH
etde flore dans le rumen en sont
probablement
une des causes. Nous avons en effetobservé,
entre lepH
6 et 7,5, une liaison inverse entrepH
etproportion
d’acidebuty- rique,
cequi
confirmel’hypothèse
de KAUFMANNet ROHR( 19 6 7 )
selonlaquelle
l’acidebutyrique
se formerait surtout entre despH
de6,o
et6, 5 .
Par ailleurs EADIÈ et al.( 1970
)
ont montré avec desrégimes d’orge,
que le maintien de lapopulation
de pro- tozoaires ciliés dans le rumen semble entraîner une forteproportion
d’acidebuty- rique
et une faible valeur durapport
acidepropionique/acide butyrique
comme dansl’essai
présent
où les valeurs minimales de cerapport
ontgénéralement
étécomprises
entre 0,35 et 0,70.
La formation
importante
d’acidevalérianique
adéjà
ététrouvée,
à undegré moindre,
parD!MaRQuW!,y ( 1972 )
avec de fortesquantités
de betteraves et par MARTY et PRESTON(ig7o),
0RSKOV etO LTJ E N ( 19 67)
et BROSTER et al.(1970)
avecde la mélasse ou du saccharose.
D’après
0RSKOV et al.(rg6 7 ),
cetteaugmentation
del’acide
valérianique pourrait provenir
de laprésence
d’acidelactique
ou d’éthanol.Cependant,
nous n’avons pas pu trouver de liaison entre teneurs en acidelactique
eten acide
valérianique.
Il estpossible
que les rations de betteraves conduisent à la for- mation d’alcoolpuisque
laprésence
d’éthanol dans le rumen a été notée par 0RSKOV etOr,T JE rr (ig6 7 )
avec des rationspurifiées
contenant du saccharose ou duglucose.
La diminution de la
proportion
relative des acides gras volatils ramifiés(isobu- tyrique
et surtoutisovalérianique)
avecl’augmentation
des betteraves dans la rationpourrait
être due enpartie
à la diminution simultanée de la teneur en azote total eten
protéines
de la ration et donc des acides aminésprécurseurs (K AUFMANN
et RoxR,1967
et 0RSKOV et0 1 , TJEN , rg6!).
Ellepeut également
refléter uneplus grande
utili-sation de ces acides par les bactéries par suite de
l’augmentation
de l’activité fermen- taire. Eneffet,
la diminution de ces acides estsystématique
etimportante quand
onpasse de o à 5
kg
MS debetteraves,
même si la teneur en azote de la ration resteconstante avec
l’ensilage
dumaïs)
ou élevée(avec
le foin de bonnequalité).
P y
oductiou et
composition
du laitLe faible nombre de vaches et leur mode de stabulation limite la
portée
desrésultats de
production. Cependant,
la diminutionrapide
de laproduction
de laitconcorde avec les observations faites par différents auteurs avec des
quantités
moyennesde saccharose
(betteraves :
OBRACEVIC etBAC V A N S KI ,
1971 ; mélasse : LOFGREEN etO
TAGAKI
, 1 06 0 ;
RoDxrGU!z etP R E STON , 19 6 9 ;
WING etPow!!,r&dquo; 19 6 9 ;
saccharose : BxosT!R etal., rg 7 o).
Cette diminutionpeut provenir
des modifications desphéno-
mènes
digestifs
etmétaboliques
ou d’effetsparapathologiques. L’augmentation
dutaux de
protéines peut
être attribuée comme dans les essais deJA RRI GE
etJ OURN ET (non publiés)
et de CASTRE( 19 6 1 - 19 6 3 )
àl’augmentation
du niveau desapports énergétiques.
Sauf avec
l’ensilage
de maïs, l’accroissement de laquantité
de betteraves a eu un effet favorable sur le tauxbutyreux malgré
les diminutionsimportantes
del’apport
de matières grasses alimentaires
(minimum
de 45 à 170g « d’extrait éthéré » parjour
selon les vaches et les
fourrages)
du taux de cellulose(minimum
de 6 à 13 p.100 )
etdu
rapport
acideacétique/acide propionique
dans le rumen. Le tauxbutyreux
n’apas varié dans le cas de
l’ensilage
de maïs,probablement
parce que celui-cipermet déjà
lui-même des tauxbutyreux
élevés(VÉRITÉ
etJouRN!’r, 1971 ).
I,’effet
favorable des betteraves sur le tauxbutyreux peut
être dû à une dimi- nution de la dilution des matières grassesproduites (puisque
laproduction
de laitdiminue
rapidement
et(ou)
à uneaugmentation
relative de lasynthèse
des matières grasses. Cette dernièrehypothèse
est confirmée par les modifications dans les acides gras du lait entraînées parl’augmentation
desquantités
de betteraves. Eneffet,
les acides gras courts(C 4
àC l9 )
et l’acidepalmitique, synthétisés
entièrement ou par- tiellement dans la mamelleaugmentent
non seulement enproportion
relative dans les matières grasses mais aussi en concentration dans le lait et enquantité produite chaque jour.
L’accroissement de lasynthèse
d’acides gras dans la mamelleparallèle-
ment à la
quantité
de betteravesingérée peut
résulter del’augmentation
desprécur-
seurs
disponibles (la part
relative des acidesacétique
!-butyrique
dans le rumen resteélevée et la teneur du sang en corps
cétoniques augmente).
Il estpossible également
que la diminution de la
disponibilité
des acides graslongs
du sang(par
suite de la diminution desapports
ainsi que de la mobilisation deslipides corporels)
provoqueune
augmentation compensatrice
del’incorporation
des acides gras courts dans lestriglycérides
du lait(M OOR E
etS TEELE , 19 68),
cequ’on
n’observe pas avec les rations de céréales.Enfin, d’après
les essais de 0RSKOV ! al.(rg6 7 ),
de PRADHANet H!MK!N
( 1970 )
et deHecJr,nND
FREDERIKSENet OCHIA( 1970 )
laprésence d’étha-
nol
augmenterait
le tauxbutyreux
etprovoquerait
une diminution de laproportion
relative de l’acide
oléïque
comme dans l’essaiprésent.
CONCLUSION
L’utilisation
de fortesquantités
de betteraves(supérieures
à5 -6 kg
deMS)
dans la ration des vaches laitières est
probablement possible,
à condition de réaliserune